Réforme de la politique agricole commune
Question de :
Mme Bénédicte Taurine
Ariège (1re circonscription) - La France insoumise
Mme Bénédicte Taurine interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le fonctionnement actuel de la politique agricole commune, qui entraîne des effets pervers induits par les modalités de financements de l'agriculture européenne. La PAC de par son fonctionnement est responsable de la diminution du nombre des agriculteurs et des exploitations. En effet, via un système de primes lié à la surface, elle a conduit à une industrialisation des pratiques et à une spécialisation des fermes et des territoires. De ce fait, les exploitations sont moins résilientes aux difficultés sanitaires et climatiques et sont davantage dépendantes aux importations. Elle comporte deux piliers, le premier concerne les aides attribuées à l'hectare et donc privilégie les plus grosses exploitations. Les aides découplées quant à elles ont uniquement favorisé l'agrandissement des fermes et la valorisation de ces très grandes surfaces s'est accompagnée d'une augmentation de la mécanisation et d'une utilisation massive et excessive des intrants chimiques d'ailleurs dangereux pour la santé. Au lieu de prendre le virage écologique, cette nouvelle PAC continuerait sur sa lancée, surtout si comme on l'entend la part du budget du second pilier dédié au développement rural diminuait de 23 %, ce qui semble remettre en cause l'engagement en faveur d'une agriculture plus saine et plus durable. Les citoyens attendent des réponses claires de la part de M. le ministre sur les mesures à mettre en œuvre pour garantir la qualité des denrées alimentaires produites et ainsi préserver la santé de toutes et tous. De leur côté, les acteurs du monde agricole veulent vivre dignement de leur métier. Le ministre a donc la responsabilité de changer des règles vicieuses en règles vertueuses pour transformer le modèle agricole actuel qui ne correspond plus aux attentes des citoyens. Face à l'urgence climatique, il faut avoir de réelles ambitions et réorienter la PAC notamment en soutenant spécifiquement les petites fermes, en défendant des aides plafonnées et en rétribuant les pratiques réellement vertueuses, et non un « verdissement opportuniste ». Comme le permet la Commission européenne, elle lui demande s'il s'engage à mettre en place un plafonnement qui réellement stoppe l'agrandissement des fermes et qui mette ainsi fin à la disparition des paysans. Elle lui demande également s'il propose que les aides à l'agriculture soient conditionnées à la qualité des productions et que le soutien aux exploitations ne soit plus lié majoritairement à leur surface.
Réponse en séance, et publiée le 8 janvier 2020
RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
M. le président. La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour exposer sa question, n° 858, relative à la réforme de la politique agricole commune.
Mme Bénédicte Taurine. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, le fonctionnement actuel de la politique agricole commune, la PAC, a des effets pervers induits par les modalités de financement de l'agriculture européenne. La PAC est responsable de la diminution du nombre des agriculteurs et des exploitations. À cause d'un système de primes liées à la surface, elle a conduit à une industrialisation des pratiques…
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Non !
Mme Bénédicte Taurine. …et à une spécialisation des fermes et des territoires. De ce fait, les exploitations sont moins résilientes aux difficultés sanitaires et climatiques et sont davantage dépendantes des importations.
Le premier pilier de la PAC concerne les aides attribuées à l'hectare : il privilégie donc les plus grosses exploitations. Ces aides encouragent l'agrandissement des fermes, et la valorisation de ces très grandes surfaces s'accompagne d'une augmentation de la mécanisation et d'une utilisation massive et excessive d'intrants chimiques souvent dangereux pour la santé.
Au lieu de prendre le virage écologique, la nouvelle PAC continuerait sur sa lancée. Or nos concitoyens attendent des réponses claires, notamment de votre part, monsieur le ministre, sur les mesures à prendre pour garantir la qualité des denrées alimentaires produites et préserver la santé de tous. De leur côté, les acteurs du monde agricole veulent vivre dignement de leur métier. Vous avez donc la responsabilité et la possibilité de remplacer les règles vicieuses par des règles vertueuses afin de transformer le modèle agricole actuel qui ne correspond plus aux attentes des citoyens. Face à l'urgence climatique, nous devons avoir de réelles ambitions et réorienter la PAC, notamment en soutenant plus spécifiquement les petites fermes, en défendant des aides réellement plafonnées et en rétribuant des pratiques vraiment vertueuses au lieu d'un verdissement opportuniste.
Monsieur le ministre, vous engagez-vous à mettre en place, comme vous le permet la Commission européenne, un plafonnement qui mettra fin à l'agrandissement des fermes et donc à la disparition des paysans ? Proposerez-vous des aides à l'agriculture conditionnées par la qualité des productions afin que le soutien aux exploitations ne soit plus lié majoritairement à leur surface ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Merci, madame la députée, pour votre question qui va me permettre de rappeler quelques points précis et quelques vérités. Vous êtes députée de l'Ariège et vous connaissez bien les questions agricoles et celles relatives à la montagne. En ce début d'année, je resterai très calme, mais je regrette que votre question soit très caricaturale sur un certain nombre de sujets.
La PAC n'est pas vicieuse, elle ne cherche pas à tuer les petits pour faire gagner de l'argent aux gros – c'est peut-être ce que vous aimeriez, afin de pouvoir lui taper dessus, mais ce n'est pas la réalité. Quand je me rends dans des départements ruraux comme le vôtre, les agriculteurs expriment leur satisfaction à l'égard d'une PAC qui permet malheureusement de maintenir leur niveau de revenus – je dis « malheureusement » parce qu'ils voudraient vivre de leur travail et pas uniquement de subventions. Les aides directes du premier pilier de la PAC jouent bien un rôle de redistribution : sans elles, beaucoup d'agriculteurs de l'Ariège et d'ailleurs ne seraient plus au travail.
Je souhaite corriger certaines de vos affirmations.
Contrairement à ce que vous dites, la PAC ne conduit pas à l'industrialisation de l'agriculture. L'agriculture française est une agriculture familiale : arrêtons de la dénigrer ! Je dis souvent que l'agri-bashing provient aussi de ceux qui passent leur temps à critiquer sans cesse le modèle agricole actuel. Vous savez bien, madame Taurine, que la taille moyenne d'une exploitation agricole est aujourd'hui de cinquante-deux hectares et soixante vaches. Excusez-moi de vous dire que ce n'est pas de l'industrialisation, mais de l'agriculture familiale, comme celle que nous connaissions à l'époque de nos parents ou de nos grands-parents.
Vous avez ensuite affirmé que les aides du premier pilier étaient des aides à la surface dédiées aux grandes exploitations. Je suis désolé de vous dire que les paiements découplés représentent 3,6 milliards d'euros par an, soit 50 % du volume financier du premier pilier. Là encore, les faits contredisent complètement vos affirmations. Le reste des aides du premier pilier est d'ailleurs consacré au soutien aux filières en difficulté, aux jeunes agriculteurs et au verdissement. C'est vous dire que les aides découplées ne sont pas dédiées uniquement aux grandes exploitations ! Vous le savez, la France a instauré le paiement redistributif afin de verser une surprime aux petites exploitations de moins de cinquante-deux hectares.
Je le répète, les affirmations que vous présentez comme des vérités sont en réalité erronées. C'est vraiment dommage. Il faut arrêter de diffuser ces fausses informations qui ne servent personne – ni votre cause ni la cause de l'agriculture.
Vous avez ensuite évoqué la réforme de la PAC qui est en train d'être négociée. Or, madame Taurine, vous savez très bien que la France s'oppose frontalement aux propositions de la Commission européenne sur la PAC. Vous prenez les chiffres de la Commission et vous soutenez que la France voudrait diminuer le montant des aides de la PAC. Ce n'est pas du tout le cas : la France est en pointe, elle se bat pour que le budget de la politique agricole commune pour la période 2021-2027 soit maintenu au même niveau que précédemment, indépendamment des conséquences du Brexit. Par ailleurs, la France est l'un des rares pays qui soutient la Commission européenne dans sa volonté de verdissement, dans son souhait que les éco-schémas du premier pilier soient les plus forts possibles et qu'ils soient même obligatoires pour les États. En effet, la transition agro-écologique est absolument indispensable.
La volonté de la France est claire : nous voulons une politique agricole commune européenne, qui ne soit pas renationalisée au gré des souhaits des pays de l'Europe centrale, de l'Europe orientale ou de l'Europe occidentale. Demain, la politique agricole commune sera résiliente, transformée par l'agro-écologie, verdie et surtout destinée aux petits agriculteurs et à toute l'agriculture française.
Auteur : Mme Bénédicte Taurine
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 décembre 2019