Conciergeries privées dans les hôpitaux
Question de :
M. Olivier Falorni
Charente-Maritime (1re circonscription) - Libertés et Territoires
M. Olivier Falorni attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la possibilité offerte aux groupes hospitaliers de passer des contrats avec des conciergeries privées au sein de leurs établissements. Plus que de concourir au bien-être aux patients, ce sont des pratiques commerciales particulièrement agressives qui sont appliquées. Aussi, il lui demande de préciser son positionnement sur cette activité privée au sein d'établissements qui assurent une mission de service public.
Réponse en séance, et publiée le 8 janvier 2020
CONCIERGERIES PRIVÉES DANS LES HÔPITAUX
M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour exposer sa question, n° 879, relative aux conciergeries privées dans les hôpitaux.
M. Olivier Falorni. Depuis trois mois, l'hôpital de La Rochelle a fait entrer le loup dans la bergerie. Ce n'est, hélas, pas le seul hôpital à le faire. Ce loup, c'est celui de la marchandisation au sein de l'hôpital public.
Un accord a en effet été signé entre le directeur de l'hôpital et la société de services privée Happytal. Or, derrière la vente de prestations de bien-être et de produits alimentaires, se cache un business bien plus lucratif et pour le moins contestable sur le plan éthique. Les salariés de Happytal, baptisés du doux nom de « concierges », sont en réalité de véritables commerciaux, missionnés pour faire du démarchage intensif directement dans les chambres des patients afin de vendre des chambres individuelles.
Faut-il rappeler que les personnes hospitalisées sont bien souvent en position de vulnérabilité du fait de leur âge ou de leur maladie ? Faut-il aussi rappeler qu'à l'hôpital public, on accueille des patients, pas des clients ? Il faut savoir que ces patients fragilisés ne perçoivent pas toujours que le papier de déplacement vers une chambre individuelle qu'on les incite à signer, avec la surfacturation qui va avec, provient non pas de l'hôpital, mais de Happytal. Dans de nombreux cas, on peut véritablement parler d'abus de faiblesse.
Je vais vous donner un exemple éclairant des pratiques de Happytal. Cela s'est passé à l'hôpital de Cannes. Une dame de 89 ans, déjà installée en chambre individuelle pour raisons médicales, a reçu la visite d'un concierge de Happytal ; celui-ci lui a demandé de signer un papier, assorti d'une facture de 900 euros. Ce papier, c'était une demande de chambre individuelle. Cela a permis à l'hôpital de lui en facturer le coût et à Happytal de prélever une commission juteuse. En effet, la chambre individuelle reste gratuite tant que c'est l'hôpital qui décide de vous l'attribuer, mais si c'est vous qui en faites la demande, l'hôpital peut vous la facturer – en moyenne 50 euros par jour, non pris en charge par la sécurité sociale. Voilà ce que j'appelle un abus de faiblesse insupportable. Il faut faire en sorte que cela cesse.
Madame la secrétaire d'État, vous partagerez, je pense, mon opinion : l'hôpital n'est pas un centre commercial, et le business de Happytal n'a rien à y faire. Ma question sera donc directe : entendez-vous faire cesser cette dérive que je considère comme dangereuse ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Le recours à des prestations commerciales dans l'enceinte des établissements hospitaliers est une pratique courante, depuis longtemps. Au-delà des recettes financières marginales que ces prestations représentent, il s'agit pour les hôpitaux de rendre des services réels aux malades, à leurs familles et au personnel hospitalier, à proximité et avec des plages horaires très étendues. Toutes ces prestations commerciales sont contractualisées dans le cadre des marchés d'autorisation d'occupation temporaire, qui les encadrent qualitativement, quantitativement et financièrement.
Les contrats de conciergerie portent potentiellement sur des prestations rendant un service moins direct : pressing, coiffure, achats très spécifiques… Ils visent une cible très limitée de malades dont la durée de séjour est assez longue. L'intérêt à agir pour l'hôpital est donc faible tant sur le plan du service rendu à la majorité des malades que sur celui des recettes complémentaires.
Il n'est pas utile de prendre des initiatives de promotion de telles activités, vous avez raison.
En revanche, afin de limiter le risque dont vous avez fait état, c'est-à-dire le risque de démarches commerciales agressives de nature à stresser ou gêner les malades, il serait utile de cadrer rigoureusement ces services dans les cahiers des charges de marché, comme cela se pratique régulièrement pour les autres prestations commerciales.
M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni.
M. Olivier Falorni. Madame la secrétaire d'État, vous parlez de régulation : ce serait la moindre des choses. J'ai envie de vous citer le témoignage d'une ancienne salariée de la société Happytal : on dit aux concierges qu'il faut aller « en chambre, faire signer des demandes individuelles, parce que c'est ça qui fait gagner de l'argent à Happytal ». La même personne affirme que le but du démarchage en chambre est d'obtenir « la signature du patient, à tout prix ». Or, la mission de l'hôpital, c'est d'essayer de guérir le patient à tout prix.
Auteur : M. Olivier Falorni
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 décembre 2019