Conséquences du Brexit sur les marchés de défense et de sécurité
Question de :
M. Jacques Marilossian
Hauts-de-Seine (7e circonscription) - La République en Marche
M. Jacques Marilossian attire l'attention de Mme la ministre des armées sur l'effectivité des dispositions de l'article L. 2353-1 du code de la commande publique, instaurant le principe de préférence européenne pour les marchés de défense ou de sécurité, compte tenu de l'éventuelle perte de la citoyenne européenne des entreprises britanniques consécutivement au Brexit. En effet, la sortie effective du Royaume-Uni de l'UE aura pour conséquence que les entreprises britanniques n'auront plus la qualité de ressortissant de l'Union. Pourtant, à la faveur de la période antérieure à la pleine effectivité du Brexit, ces mêmes entreprises britanniques sont susceptibles de se voir attribuer des marchés publics de défense soumis à la règle de la préférence européenne, alors même qu'elles pourraient ne plus satisfaire aux conditions de participation posées par les acheteurs publics en vertu de la loi. Ainsi, les acheteurs publics se trouveront notamment dans l'incapacité juridique d'agir à l'encontre de leurs fournisseurs dès lors que ces derniers seront désormais ressortissants d'un État qui a décidé unilatéralement de s'affranchir de l'environnement juridique européen. Cette période antérieure à la sortie effective du Royaume-Uni de l'UE soulève donc une problématique inédite. Ce sujet est d'autant plus crucial qu'il est susceptible d'affecter les intérêts de la défense et de la sécurité de l'État et de compromettre le développement de la base industrielle et technologique de défense européenne. Il souhaite donc savoir quelles directives il est envisagé à court terme s'agissant des attributions de marché susceptibles d'intervenir pendant la phase antérieure à la date de pleine activité du Brexit.
Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2020
CONSÉQUENCES DU BREXIT SUR LES MARCHÉS DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ
M. le président. La parole est à M. Jacques Marilossian, pour exposer sa question, n° 896, relative aux conséquences du Brexit sur les marchés de défense et de sécurité.
M. Jacques Marilossian. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre des armées, concerne également le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Elle a trait à l'effectivité des dispositions de l'article L. 2353-1 du code de la commande publique, instaurant le principe de préférence européenne pour les marchés de défense ou de sécurité, compte tenu de l'éventuelle perte de la citoyenneté européenne des entreprises britanniques à la suite du Brexit. En effet, la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne aura pour conséquence que les entreprises britanniques n'auront plus la qualité de ressortissantes de l'Union.
Une période de transition commencera dans trois jours, à vingt-deux heures précises. Elle durera jusqu'au 31 décembre 2020, voire plus longtemps si un accord commercial n'est pas trouvé.
Pourtant, à la faveur de cette période de transition, les entreprises britanniques sont susceptibles de se voir attribuer des marchés publics de défense soumis à la règle de la préférence européenne, alors même qu'elles pourraient ne plus satisfaire aux conditions de participation posées par les acheteurs publics en vertu de la loi. Ainsi, les acheteurs publics se trouveront notamment dans l'incapacité juridique d'agir à l'encontre de leurs fournisseurs dès lors que ces derniers seront désormais ressortissants d'un État qui a décidé unilatéralement de s'affranchir de l'environnement juridique européen et du ressort de la Cour de justice européenne. Cette période antérieure à la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne soulève une problématique inédite.
Le sujet est d'autant plus crucial qu'il est susceptible d'affecter les intérêts de la défense et de la sécurité de l'État, mais aussi de compromettre le développement de la base industrielle et technologique de défense européenne. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre à court terme s'agissant des attributions de marché susceptibles d'intervenir pendant la phase antérieure à la date de pleine effectivité du Brexit, c'est-à-dire la période de transition ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le 31 janvier prochain, le Royaume-Uni quittera l'Union européenne. Le Gouvernement a préparé de longue date les modalités de cette sortie afin d'en anticiper les conséquences pour nos concitoyens et pour nos entreprises. S'agissant de ce volet lié à la sécurité, à la défense, particulièrement crucial dans le contexte international actuel, nous avons, plus que jamais, besoin d'un outil français performant et d'une Europe de la défense.
La France a transposé une directive de 2009 qui encadre la procédure de passation des marchés publics de défense et de sécurité. Elle a ainsi choisi d'introduire un principe, facultatif, de préférence européenne. Le ministère des armées a choisi de restreindre systématiquement ses marchés aux seules entreprises ressortissantes d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Néanmoins, si nous ne disposons pas du savoir-faire recherché, la préférence européenne tombe.
Ainsi, avec l'entrée effective du Brexit, sauf si l'accord relatif aux relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni prévoie des dispositions particulières en ce sens, les entreprises britanniques seront exclues de la quasi-totalité des marchés publics français de défense ou de sécurité. Les marchés en cours d'exécution, ou passés préalablement avec des sociétés britanniques, continueront cependant de s'exécuter jusqu'à leur terme.
Dans le cadre de l'exécution d'un contrat administratif de droit français, le titulaire du marché demeure tenu de respecter le droit national et européen, même si son siège social ne relève plus de la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne. La situation est ainsi équivalente à celle actuellement en vigueur avec les opérateurs économiques non européens.
Les difficultés générées par la sortie effective des Britanniques seront traitées au cas par cas et avec souplesse, le cas échéant via des avenants, afin d'éviter notamment toute perturbation du déroulement des opérations d'armement, nécessaires à la remontée en puissance de nos armées, voulue par le Président de la République et prévue dans la loi de programmation militaire 2019-2025. Dans ce cadre, un effort significatif a été consenti dans les investissements et l'équipement.
Rappelons enfin qu'au-delà de cette date fatidique, nous conserverons des liens historiques, stratégiques, avec le Royaume-Uni. Britanniques et Français sont membres du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette histoire, dans le cadre des politiques de défense et de sécurité, demeurera intense. Le Président de la République avait du reste rappelé, à l'occasion de son discours aux armées à l'hôtel de Brienne, le 13 juillet 2018, la relation privilégiée qui nous unit au Royaume-Uni, évoquant une « relation […] stratégique, profonde et [qui] continuera à s'approfondir », malgré le Brexit.
Dans la soirée du 31 janvier, nos intérêts communs concernant la sécurité resteront identiques, même si les Britanniques auront quitté l'Union européenne. Ils demeureront dans un espace géographique, l'Europe, au sein de laquelle nous continuerons à travailler ensemble pour la sécurité des Français, des Britanniques, des Européens.
Auteur : M. Jacques Marilossian
Type de question : Question orale
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : Armées
Ministère répondant : Armées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2020