Mesures en faveur des enseignants
Question de :
Mme Agnès Thill
Oise (2e circonscription) - Non inscrit
Mme Agnès Thill interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur l'impact de la réforme des retraites sur le corps des enseignants. Dans le cadre de cette réforme et pour rassurer les enseignants, une loi de programmation a été annoncée pour revaloriser très fortement les salaires des enseignants en milieu et début de carrière, grâce à une enveloppe de 400 à 500 millions d'euros par an à partir du 1er janvier 2021, soit 10 milliards d'euros promis d'ici à 2037. A également été évoquée la possibilité d'une reconsidération des conditions d'exercice du métier. En décembre 2019, M. le ministre de l'éducation nationale avait déclaré : « Nous sommes à la veille d'une transformation profonde en termes de politique de ressources humaines qui nous donne l'opportunité de résoudre des problèmes structurels dont les enseignants se plaignent depuis longtemps. De remettre le sens du métier et le bonheur d'enseigner au centre. On pourra aborder les questions de la santé au travail, du logement, de la cessation progressive d'activité. Il ne faudrait pas, en se braquant, prendre le risque de passer « à côté ». Le mal-être croissant des enseignants tient dans l'insatisfaction des conditions de travail et d'accueil des enfants pour les compétences que l'institution exige d'eux. Les enseignants s'interrogent également sur la précarisation du métier par le recrutement massif de personnels contractuels ainsi que par la multiplication exponentielle des tâches. Elle souhaite donc lui demander quelle est la teneur financière exacte de cette loi de programmation et si auront lieu des évolutions relatives aux primes, aux heures supplémentaires et au gel du point d'indice.
Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2020
MESURES EN FAVEUR DES ENSEIGNANTS
M. le président. La parole est à Mme Agnès Thill, pour exposer sa question, n° 920, relative aux mesures en faveur des enseignants.
Mme Agnès Thill. Monsieur le secrétaire d'État, dans le cadre de la réforme des retraites, le Gouvernement a annoncé une loi de programmation visant à revaloriser fortement les salaires des enseignants en milieu et en début de carrière, grâce à une enveloppe de 400 à 500 millions d'euros par an à partir de 2021, soit 10 milliards d’euros promis d'ici à 2037.
M. le ministre de l'éducation nationale a également annoncé qu'il lui semblait normal de saisir cette occasion pour rediscuter des conditions d’exercice du métier. Il déclarait ainsi, en décembre 2019 : « Nous sommes à la veille d’une transformation profonde en termes de politique de ressources humaines qui nous donne l’opportunité de résoudre des problèmes structurels dont les enseignants se plaignent depuis longtemps. De remettre le sens du métier et le bonheur d’enseigner au centre. Nous pourrons aborder les questions de la santé au travail, du logement, de la cessation progressive d’activité… »
Si j'approuve totalement ces propos, l’inquiétude des enseignants réside dans le fait que ce ne sont là, pour eux, que des paroles auxquelles ils ne croient plus, tant leurs conditions de travail se sont dégradées. Leur mal-être croissant tient à la piètre qualité de leurs conditions de travail, à des conditions d’accueil des enfants insatisfaisantes, à la précarisation du métier par le recrutement massif de contractuels et à la multiplication exponentielle des tâches qui leur incombent depuis que l'on est passé de la « différenciation » à l'« individualisation ». Autant de problèmes qui, bien que connus depuis plusieurs décennies, n'ont toujours pas trouvé de réponse.
De quoi parlons-nous exactement, dans la loi de programmation ? Comment les revalorisations financières individuelles seront-elles définies ? Les enseignants du premier degré n’ont ni primes ni possibilité d'effectuer des heures supplémentaires. Comment le Gouvernement pourra-t-il honorer sur le long terme une promesse aussi importante ? Enfin, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi ne parler que de primes ou de compensations, qui peuvent ne durer qu'un temps, et refuser de dégeler le point d’indice, ce qui constituerait une solution pérenne ? Ce sont toutes ces questions sans réponse qui laissent les enseignants incrédules.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame Thill, je vous prie d'excuser l'absence de Jean-Michel Blanquer, qui m'a chargé de vous répondre. La mise en place d'un système universel de retraite offre l'occasion de mener une réflexion systémique sur le métier de professeur. Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a donc engagé, avec les partenaires sociaux, un dialogue sur trois aspects : une revalorisation salariale permettant de garantir le niveau de pension des professeurs ; la transformation en profondeur de la gestion des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale au service du bien-être des personnels ; enfin, l’amélioration de la qualité du service de l’éducation.
Ce dialogue avec les organisations syndicales s'échelonnera de janvier à juin 2020. Pendant la semaine du 13 janvier, des réunions bilatérales se sont tenues au ministère et ont été l’occasion, pour le ministre, de présenter aux partenaires sociaux le principe de non-diminution des pensions des professeurs, les enjeux de la future loi de programmation, la conférence annuelle sur la gestion des ressources humaines du ministère qu'il propose de créer, et les perspectives des mesures relatives au budget pour 2021. Ces différents points ont été largement relayés dans la presse.
Des ateliers portant sur les enjeux relatifs au premier et au second degrés se tiendront jusqu’en mars. Une consultation en ligne des professeurs sera organisée au printemps, et nous réunirons en mars 2020 une conférence internationale sur le métier d’enseignant. Enfin, les négociations préalables à la préparation du projet de loi de finances pour 2021 auront lieu entre avril et juin. Elles seront suivies du travail de préparation du projet de loi de programmation.
Vous l’avez compris : le contenu du projet de loi de programmation sera le fruit des négociations qui se tiendront avec les partenaires sociaux, selon le calendrier que je viens de vous communiquer. Je veux une nouvelle fois, au nom de Jean-Michel Blanquer, rassurer les professeurs sur le fait qu'au vu du faible montant des primes qui leur sont versées – par rapport à d’autres fonctionnaires comparables –, le Gouvernement s’est engagé à ce que l'instauration du système universel s’accompagne d'une revalorisation salariale garantissant aux professeurs le même niveau de retraite que pour les corps équivalents de la fonction publique.
Cet engagement a été formulé par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous le respecterons, selon des modalités qui seront arrêtées avant l'été. Des simulations sur des cas types de professeurs, comparant les deux systèmes de retraite avant et après la réforme, seront présentées prochainement par le secrétariat d'État aux retraites. Nous ne pouvons d'ailleurs que déplorer que certains aient, à dessein, choisi de semer l'inquiétude en faisant circuler des simulateurs relayant de fausses informations – puisque les paramètres de la réforme ne sont pas encore arrêtés.
Pour ce qui est de l’avis du Conseil d’État, ce dernier est le conseiller du Gouvernement dans la préparation des projets de loi. Il est consulté sur les projets de textes législatifs. Son avis apporte un éclairage sur les modifications qu'il estime souhaitables d'apporter au texte sur un plan juridique. Nous avions pleinement connaissance de cet avis avant de présenter le projet de loi en Conseil des ministres.
Comme le montre le texte rendu public le 24 janvier, le Gouvernement n'a pas suivi l’avis du Conseil d’État, qui préconisait le retrait de la garantie apportée aux enseignants et aux chercheurs : il a maintenu la rédaction de l’article 1er, qui garantit le niveau des pensions. Cette décision montre bien l’importance que le Gouvernement accorde à cet engagement. Si cette disposition pourrait être analysée comme une injonction, elle a une portée politique très forte : elle fournit à la représentation nationale une information précieuse sur les intentions du Gouvernement envers les populations enseignantes et chercheuses.
Le maintien de cette disposition amènera ainsi chacun à se positionner par son vote lors de l’examen du texte, et il ne fait aucun doute que son adoption viendra confirmer les engagements déjà pris par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’éducation nationale.
Enfin, il faut rappeler que si cet article définit un objectif, les outils pour y parvenir seront inscrits dans le projet de loi de programmation présenté avant l'été. Ce chantier est déjà engagé, comme en témoignent la tenue des premiers ateliers de travail avec les organisations représentatives et l’annonce d’une enveloppe de revalorisation de 500 millions d'euros dès 2021.
Une nouvelle fois, nous réaffirmons donc nos engagements.
Mme Danielle Brulebois. Très bien !
Auteur : Mme Agnès Thill
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Éducation nationale et jeunesse
Ministère répondant : Éducation nationale et jeunesse
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 janvier 2020