Prise en charge des soins en France pour les retraités établis à l'étranger
Question de :
Mme Amélia Lakrafi
Français établis hors de France (10e circonscription) - La République en Marche
Mme Amélia Lakrafi interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conditions de prise en charge des soins prodigués en France pour les Français retraités établis à l'étranger, et plus particulièrement en dehors de l'Union européenne. Pour mémoire, deux éléments récents ont contribué à limiter les droits liés à la carte vitale pour les intéressés. Le premier concerne la mise en place d'une durée minimum de cotisation de 15 années à un régime français. Le second, effet collatéral de l'extinction du statut d'ayant-droit, concerne la situation des ayants-droits majeurs d'un retraité français établi à l'étranger, essentiellement des femmes. Elle a déjà eu l'occasion d'attirer l'attention de Mme la ministre sur les conséquences concrètes de ces deux points qui tendent à priver les Français de l'étranger les plus modestes d'un suivi médical « de base », étant entendu que le recours à une assurance privée, ou même à la caisse des Français de l'étranger n'est pas toujours possible, notamment en raison de son coût très important. Mme la députée plaide pour que la durée minimum de cotisation soit ramenée à 10 ans et qu'un temps suffisant soit accordé aux nouveaux retraités pour leur permettre d'anticiper ces nouvelles règles. Elle souhaite aussi qu'une réponse soit apportée à la situation des ayant-droits majeurs. On ne parle pas là d'un nombre massif de personnes, mais il est regrettable de constater que ce sont là les femmes qui pâtissent le plus de cet angle mort du droit. Cela semble en tout cas en totale distorsion avec les objectifs poursuivis par cette majorité et ce Gouvernement en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Lors des rencontres qu'elle a eues avec le cabinet de la ministre et celui du Premier ministre, elle a pu constater que le Gouvernement n'était pas hostile à évoluer sur ces deux sujets. Elle souhaiterait ainsi avoir une position précise sur ces deux points et connaître les perspectives qui peuvent être envisagées.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2020
SOINS AUX FRANÇAIS RETRAITÉS ÉTABLIS À L'ÉTRANGER
Mme la présidente. La parole est à Mme Amélia Lakrafi, pour exposer sa question, n° 934, relative aux soins aux Français retraités établis à l'étranger.
Mme Amélia Lakrafi. Ma question, madame la secrétaire d'État, porte sur les conditions de prise en charge des soins prodigués en France aux Français retraités établis à l’étranger, plus particulièrement hors de l'Union européenne. Deux éléments contribuent à limiter pour les intéressés les droits liés à la carte Vitale sur le sol national, et je le déplore. Le premier concerne l'instauration d'une durée minimale de quinze années de cotisation à un régime français pour pouvoir bénéficier d’une couverture maladie lors de séjours ponctuels en France. Le second, effet collatéral de l’extinction du statut d’ayant droit, concerne la situation des ayants droit majeurs d’un retraité français établi à l’étranger, qui sont le plus souvent des femmes. Ne pouvant justifier de la condition de résidence en France donnant accès à la protection universelle maladie, la PUMA, ces personnes ne sont donc plus couvertes pour leurs soins en France, alors qu’elles l’étaient auparavant.
L’accès à la prise en charge des soins en France constitue pour de nombreux retraités de l’étranger aux revenus très modestes la seule porte d’entrée vers un suivi médical de base et répond du même coup à un fort enjeu de prévention. En effet, le recours à une assurance privée ou à la Caisse des Français de l’étranger – la CFE – pour bénéficier d’une assurance santé en France ou à l'étranger n’est pas à la portée de toutes les bourses. À titre d’exemple, le montant de l’adhésion à la CFE pour la seule couverture des soins en France d'un couple de personnes âgées de plus de soixante ans s'élève à 260 euros par mois. Notons que les retraités n’ont accès aux offres de la CFE que s’ils ont cotisé au moins quinze années à un régime français, en application des nouvelles conditions introduites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Autrement dit, même ceux qui auraient les moyens de se couvrir ne peuvent s’assurer s’ils ne sont pas en mesure de justifier de cette durée de cotisation minimale. En fin de compte, il y a fort à parier que les personnes concernées par cette restriction de droit vont tout simplement renoncer aux soins et, ainsi, grossir les rangs de nos compatriotes de l’étranger éloignés de tout dispositif sanitaire, qui souffrent voire décèdent de pathologies pourtant faciles à détecter et à soigner. Au Cameroun, par exemple, cinquante ressortissants français sont décédés en deux ans en raison de pathologies qui auraient pu être facilement soignées.
Lors de mes échanges avec les cabinets ministériels compétents, j’ai constaté que le Gouvernement n’était pas hostile à une évolution sur ces deux sujets. Je plaide quant à moi pour que la durée minimale de cotisation soit ramenée à dix ans et qu'un délai suffisant soit accordé aux nouveaux retraités pour leur permettre d'anticiper ces nouvelles règles. D'autre part, je souhaite vivement que la question des ayants droit majeurs soit rapidement résolue. Je forme enfin le vœu que nos concitoyens de l’étranger puissent être pleinement intégrés à la stratégie « ma santé 2022 », dont l’ambition est à saluer, de même que les efforts déployés en faveur des hôpitaux.
Il s’agit là d’une question de justice tout autant que d’un enjeu de santé publique. Notre pays vient de montrer qu’il était capable de mobiliser d’importants moyens pour prémunir nos concitoyens contre un risque sanitaire inquiétant. Il me semble qu’un effort pourrait également être déployé sans réelle incidence sur le budget de l’État en faveur de la centaine de retraités affectés par la modification des règles d’accès aux soins en France.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Il s'agit d'un sujet technique mais important. La prise en charge complète des soins prodigués en France aux pensionnés d'un régime français résidant à l'étranger – on en dénombre plus de 780 000 – est prévue par le code de la sécurité sociale. Elle est effectuée en fonction de critères différenciés et conformément aux accords internationaux en vigueur.
Elle a vocation à s'appliquer à tous les pensionnés résidant à l'étranger, quelle que soit leur nationalité. Il s'agit d'une mesure d'équité. Le seuil de quinze ans de cotisation à l'assurance maladie en France a été rétabli car il constitue un point d'équilibre entre la capacité contributive des assurés et le coût de la prise en charge des soins qui leur sont prodigués en France lors de séjours temporaires.
Cette condition s'applique uniquement aux pensionnés ne bénéficiant pas, dans leur pays de résidence, de la prise en charge par la France des soins qui leur sont prodigués. Elle permet de continuer à prendre en charge les soins prodigués en France à nos pensionnés, hors de toute coordination entre leur pays de résidence et le nôtre.
Sensible aux inquiétudes des Français établis à l'étranger, transmises par les parlementaires concernés, dont vous-même, le Gouvernement a fait en sorte que l'instruction ministérielle en la matière prévoie quelques assouplissements, notamment la mise en œuvre progressive de la mesure précitée pour les personnes affiliées à la sécurité sociale.
Ainsi, les assurés ayant cotisé dix ans ou plus en France pourront conserver leur couverture maladie à l'identique. Les assurés ayant cotisé au moins cinq ans et au plus dix ans disposeront d'une période de transition de trois années.
Enfin, afin de tenir compte des droits acquis au titre d'une affiliation antérieure à la réforme de la protection universelle maladie, les conjoints des bénéficiaires de cette couverture maladie pourront également la conserver, dès lors qu'ils sont inscrits auprès d'une caisse d'assurance maladie française pour la prise en charge de leurs frais de santé induits par des soins prodigués lors de séjours temporaires en France.
Madame Lakrafi, j'espère avoir apaisé les inquiétudes des Français établis à l'étranger que vous avez évoquées. J'espère également que les adaptations susmentionnées amélioreront la prise en charge de leurs dépenses de santé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Amélia Lakrafi.
Mme Amélia Lakrafi. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui demeure toutefois incomplète. Je travaillerai plus avant avec les cabinets ministériels concernés.
Auteur : Mme Amélia Lakrafi
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité sociale
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 janvier 2020