Réforme des retraites outre-mer
Question de :
Mme Manuéla Kéclard-Mondésir
Martinique (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Mme Manuéla Kéclard-Mondésir interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conséquences de la réforme des retraites en outre-mer. Elle souhaite savoir comment les particularités des outre-mer, territoires particulièrement déshérités, seront prises en compte dans le nouveau système en discussion. Elle s'inquiète en effet de voir que le projet dit universel n'inclut pas les agriculteurs des outre-mer, en dépit de la « loi Chassaigne » dont l'application et la revalorisation avaient été remises, précisément, à une prochaine réforme des retraites ! Elle s'inquiète d'autant plus de cette exclusion que le niveau des pensions outre-mer est beaucoup plus faible en outre-mer qu'en métropole, de 330 contre 750 euros. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les outre-mer sont en voie de paupérisation accélérée sous l'effet répété des réformes gouvernementales. Elle souhaite aussi l'interroger sur les conséquences de l'intégration des cotisations à la sur-rémunération pour vie chère que touchent les fonctionnaires et assimilés, sachant que cette dernière disparaît à la retraite.
Réponse en séance, et publiée le 12 février 2020
RÉFORME DES RETRAITES OUTRE-MER
M. le président. La parole est à Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, pour exposer sa question, n° 958, relative à la réforme des retraites outre-mer.
Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. Je souhaiterais vous interroger, madame la ministre, sur les conséquences de la réforme des retraites outre-mer. Cette réforme inquiète tous les corps de métiers, les familles, ainsi que les collectivités, et l'inquiétude est d'autant plus grande que les situations sont très variables et diverses. Les conséquences de cette réforme sur les revenus des ménages sont préoccupantes. Votre réforme prévoit en effet le paiement de cotisations sur les surrémunérations, ce qui diminuera les ressources immédiates des ménages, aura une incidence négative sur les collectivités territoriales, et provoquera la baisse des pensions outre-mer.
Or, si la surrémunération existe, c'est bien pour compenser une réalité justifiée de vie chère et d'éloignement. On ne peut donc accroître encore la part salariale des cotisations à moins de vouloir infliger aux ultramarins une double peine. Par ailleurs, les travailleurs de certains secteurs d'activité comme le BTP, les transports, ou encore la pêche, ne pourront bénéficier d'une pension complète, car leur activité est souvent hachée, incomplète ou informelle.
Comment allez-vous prendre en compte ce temps informel qui, outre-mer, représente une donnée majeure de nos économies ? Comment allez-vous prendre en compte la pénibilité du travail ? Allez-vous permettre des rachats de droits ? Toutes ces incertitudes alimentent les angoisses.
Devant l'importance de ces questions, ne croyez-vous pas que le recours, dès qu'il s'agit des outre-mer, à des ordonnances, excluant une réelle concertation avec les parlementaires et les représentants des acteurs locaux, n'est plus tolérable ? Accepteriez-vous qu'un projet de loi portant sur l'application républicaine, universelle et juste des retraites outre-mer soit discuté par le Parlement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Votre question, madame la députée Kéclard-Mondésir, est assez large et porte sur plusieurs sujets relatifs aux retraites. Vous évoquez les retraites des exploitants agricoles outre-mer, dont la carrière est globalement plus courte que dans l'Hexagone et dont les cotisations sont également moins élevées. Nous savons les difficultés de nos retraités de l'agriculture ; il s'agit d'un héritage. C'est pour cette raison que le projet de loi visant à instituer un système universel de retraite vise à corriger ces inégalités et représente une grande avancée pour les agriculteurs, avec notamment l'instauration de filets de sécurité – pleinement applicables en outre-mer –, c'est-à-dire de pensions minimales égales à 1 000 euros dès 2022 et à 85 % du SMIC net en 2025. Ce nouveau système protégera mieux les Français, et parmi eux les agriculteurs, qui partent – vous avez raison de le signaler – avec de très faibles pensions malgré toute une vie de travail.
S'agissant du projet de loi relatif aux retraites, vous évoquez également la question des ordonnances. Je souhaite rappeler la proposition que j'ai formulée et selon laquelle 1 euro cotisé procurera les mêmes droits en outre-mer qu'en métropole. Les cotisations porteront sur tout ce que nous recevons, y compris la surrémunération, afin d'obtenir des pensions plus importantes. Plus les cotisations seront importantes, plus les pensions le seront aussi ; voici la proposition que j'ai faite.
Sur ces sujets spécifiques à l'outre-mer, comme la bonification ou les cotisations sur les surrémunérations, vous parlez, madame la députée, d'un manque de concertation, mais sachez que je les évoque depuis des mois avec les parlementaires. Je suis donc heureuse que vous posiez ce type de question – vous l'avez également fait la semaine dernière – et que vous demandiez l'organisation de réunions.
Cela étant, des décisions ont été prises, ce sujet sera traité par ordonnances en parallèle de notre travail en commun et je ne crois pas avoir jamais failli à mes engagements chaque fois que j'ai proposé une concertation. Le projet de loi relatif aux retraites, dont l'examen s'achève en commission, sera donc discuté dans cet hémicycle, tandis que nous réaliserons un travail spécifique pour la rédaction de l'ordonnance devant s'appliquer aux fonctionnaires travaillant outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme Manuéla Kéclard-Mondésir.
Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse. Ce que je souhaite, c'est que les décisions prises s'appliquent de manière systématique et automatique aux outre-mer. Je prends pour exemple les agriculteurs, car certaines décisions les concernant n'ont pas été suivies d'effet, comme celles relatives à leurs pensions. Il convient donc que l'application des décisions aux outre-mer soit systématiquement effective.
Je me tiens par ailleurs prête, comme tous les autres parlementaires, à participer à la concertation que vous souhaitez tenir sur ces questions.
Auteur : Mme Manuéla Kéclard-Mondésir
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 2020