Question orale n° 962 :
Désertification vétérinaire dans la ruralité

15e Législature

Question de : Mme Mireille Robert
Aude (3e circonscription) - La République en Marche

Mme Mireille Robert attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la dramatique désertification vétérinaire dans les campagnes. Alors que le manque de médecins est évoqué à juste titre, la pénurie de vétérinaires est la cause d'un déséquilibre tout aussi dangereux. L'été 2019, dans le département de l'Aude, une jeune vétérinaire, pourtant passionnée par son métier, a dû fermer son cabinet pour la plus grande inquiétude des éleveurs du territoire. La raréfaction des vétérinaires devient un problème crucial pour la ruralité, déjà touchée par l'éloignement des centres de décisions et par l'appauvrissement des agriculteurs. La pratique vétérinaire recouvre en effet deux réalités très différentes. Une première activité, dite « canine », plus rentable et moins dure, concerne les animaux domestiques. Ce que l'on appelle la « rurale », en revanche, est un exercice exigeant et beaucoup moins rentable, qui implique de longs déplacements et une disponibilité accrue au service des animaux d'élevage, bovins, ovins, caprins ou équins. Sur 12 000 vétérinaires inscrits à l'Ordre, seuls 3 600 travaillent dans la « rurale ». Seuls 15 % des nouveaux diplômés la choisissent chaque année. Ce métier rude demande une grande résistance physique et de la disponibilité. À cela s'ajoutent la mauvaise rémunération des astreintes, l'obligation de parcourir des distances parfois importantes en territoire accidenté ou de montagne, un mauvais encadrement et une disparité de la prise en charge des frais de déplacements. Récemment, le passage à deux contrôles de prophylaxie annuels pour les troupeaux de bovins partant en estive a encore alourdi la charge de travail des vétérinaires ruraux. De plus en plus de cabinets n'arrivent pas à équilibrer leurs comptes, accumulant le déficit. Seuls ceux qui maintiennent parallèlement une activité « canine » s'en sortent. Les autres sombrent peu à peu. La pérennité de l'élevage est mise en question, alors que c'est un secteur économique majeur. Mais cela ne doit pas faire oublier l'enjeu de santé publique. La tragédie de la vache folle et d'autres épizooties a montré combien le contrôle vétérinaire et la prophylaxie étaient vitaux pour la sécurité alimentaire et la santé publique. Elle lui demande quelles mesures concrètes il peut proposer, en termes d'encadrement des tarifications, de réelle prise en compte des déplacements et des astreintes ou encore en termes de contractualisation.

Réponse en séance, et publiée le 12 février 2020

DÉSERTIFICATION VÉTÉRINAIRE EN ZONE RURALE
M. le président. La parole est à Mme Mireille Robert, pour exposer sa question, n°  962, relative à la désertification vétérinaire en zone rurale.

Mme Mireille Robert. L'été dernier, dans le département de l'Aude, une jeune vétérinaire, pourtant passionnée par son métier, a dû fermer son cabinet, à son grand désespoir et pour la plus grande inquiétude des éleveurs du territoire. La raréfaction des vétérinaires devient un problème crucial pour la ruralité, déjà touchée par l'éloignement des centres de décisions et par l'appauvrissement des agriculteurs.

La pratique vétérinaire recouvre en effet deux réalités très différentes : une première activité, dite canine, concerne les animaux domestiques. Elle est rentable et moins difficile que la deuxième, appelée la « rurale », qui recouvre en revanche un exercice exigeant et beaucoup moins rentable, impliquant de longs déplacements et une disponibilité accrue au service des animaux d'élevage – bovins, ovins, caprins ou équins. Des 12 000 vétérinaires inscrits à l'Ordre, 3 600 travaillent dans la rurale, et seuls 15 % des nouveaux diplômés la choisissent chaque année. Les raisons ? Un métier rude, demandant une grande résistance physique et de la disponibilité, sans compter la mauvaise rémunération des astreintes, l'obligation de parcourir des distances parfois importantes en territoire accidenté et une disparité de la prise en charge des frais de déplacements.

Récemment, le passage à deux contrôles de prophylaxie annuels pour les troupeaux de bovins partant en estive a encore alourdi la charge de travail des vétérinaires ruraux. De plus en plus de cabinets n'arrivent pas à équilibrer leurs comptes, accumulant les déficits. La pérennité de l'élevage est, bien sûr, remise en question : les éleveurs ne peuvent continuer sans vétérinaire, et nous savons que le contrôle vétérinaire et la prophylaxie sont vitaux pour la sécurité alimentaire et la santé publique.

Monsieur le ministre, quelles mesures proposez-vous en termes d'encadrement des tarifications, d'une réelle prise en compte des déplacements et des astreintes ou encore de contractualisation ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la députée, vous connaissez bien ces sujets, vous qui êtes élue d'un département très rural où vous constatez, année après année, la raréfaction des vétérinaires, en particulier des vétérinaires ruraux.

Il faut tout d'abord rappeler qu'il ne faut pas opposer les vétérinaires de ville aux vétérinaires ruraux, ce que vous n'avez d'ailleurs pas fait. Nous avons effectivement besoin des uns et des autres et, à l'avenir, il faudra avancer vers plus de travail commun.

Le maillage vétérinaire en territoire rural est un sujet très important, que je suis avec une vigilance particulière, comme le ministère le fait depuis des années. Cette présence est déterminante dans le dispositif de sécurité sanitaire, de sécurité animale et de santé publique. Elle figure d'ailleurs parmi les 200 actions de l'agenda rural défini par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et que vous soutenez, madame la députée.

La situation a déjà été prise en compte, et le ministère a mis en place des stages tutorés de dix-huit semaines en cinquième année d'école vétérinaire. Fruits d'un partenariat entre écoles et cabinets vétérinaires, ces stages ont vocation à orienter les étudiants vétérinaires vers les productions animales. En effet, nous avons besoin de les inciter à se diriger vers ce qui n'est pas la facilité, mais l'intérêt de la profession et des éleveurs. À ce jour, environ quatre-vingts étudiants ont pu bénéficier de ces stages et du financement du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. À l'issue de leurs études, 95 % d'entre eux ont fait le choix d'exercer en production animale. L'initiative, à laquelle je tiens beaucoup et que je souhaite continuer à soutenir, porte donc ses fruits.

La situation en zone rurale est la même que pour les médecins, même si c'est ici les vétérinaires qui nous importent. En 2019, j'ai annoncé avec Frédérique Vidal la création d'une nouvelle voie d'accès aux écoles nationales vétérinaires pour les classes de terminale. Nous voulons vraiment mettre le paquet sur ce mode supplémentaire de recrutement post-bac : 160 places seront disponibles, qui diversifieront le recrutement des grandes écoles en permettant aux élèves ayant de bons résultats scolaires d'y accéder sans passer par une classe préparatoire.

Des réflexions se poursuivent autour d'autres leviers, notamment celui qui consiste à assurer la pérennisation de la relation entre éleveurs et vétérinaires sur le plan technique et financier. Des discussions sont en cours, et je parle régulièrement avec les organisations professionnelles agricoles et les vétérinaires du principe d'une contractualisation intégrant l'obligation de soins, le suivi sanitaire du troupeau et le partage des données sanitaires. Si ce n'est pas le travail premier des éleveurs, il faut, pour l'instant, pallier l'absence de vétérinaires en zone rurale. Des initiatives locales ont déjà vu le jour et fonctionnent, comme l'élaboration de chartes de bonnes pratiques. Il faut également permettre aux collectivités territoriales d'instaurer des mesures incitatives pour encourager et maintenir l'installation de vétérinaires en zone rurale : tout comme il existe des maisons de santé, il peut y avoir des aides pour créer des maisons de vétérinaires. Grâce au déploiement des nouvelles technologies de l'information de la communication, il faut également développer la téléconsultation, en particulier dans les zones reculées car, comme vous l'avez très bien dit, il y a parfois beaucoup de kilomètres et d'heures de route pour le vétérinaire.

C'est sur ces bases, madame la députée, que le ministère étudie les mesures législatives et réglementaires qu'il conviendrait de prendre pour conforter l'exercice du vétérinaire rural. Je crois vraiment que nous avons besoin de tous nous mobiliser dans cette direction : si nous voulons maintenir l'élevage dans ce pays, il faut qu'il reste des vétérinaires. La contractualisation peut permettre de pallier leur absence, le temps que nous renforcions les effectifs.

Données clés

Auteur : Mme Mireille Robert

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 2020

partager