Police municipale et sécurité à Paris
Question de :
Mme Brigitte Kuster
Paris (4e circonscription) - Les Républicains
Mme Brigitte Kuster appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la création d'une police municipale pour Paris. En effet, l'année 2019 a été marquée par une progression soutenue de la délinquance à Paris. Ainsi, les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont augmenté de 8 % tandis que les atteintes aux biens ont crû de 12 %. À cela s'ajoute une forte progression des accidents impliquant des deux roues, notamment en raison de la grève dans les transports publics franciliens qui a conduit à un usage renforcé des moyens de déplacement alternatifs (trottinettes, vélos, etc.). Cette réalité ajoute encore à l'insécurité des rues de Paris. Malgré des besoins accrus de présence policière dans les rues de la capitale, lors de la séance publique de l'Assemblée nationale du 21 novembre 2019, au moment de l'examen du projet de loi « Engagement dans la vie locale et proximité de l'action publique », le Gouvernement a appelé sa majorité parlementaire au rejet d'un amendement visant à créer une police municipale à Paris. Cette loi aurait pourtant été l'occasion d'avoir un vrai débat sur l'opportunité d'une force de police intervenant en soutien de la police nationale, et lui permettant de se concentrer sur ses missions prioritaires que sont les enquêtes, la lutte contre la criminalité tout en renforçant la visibilité des forces de l'ordre dans les rues de Paris. Malheureusement, le dogmatisme et les intérêts électoraux l'ont emporté sur l'intérêt général des Parisiens. Alors, face au bilan de 2019 en matière de lutte contre la délinquance, elle souhaite savoir comment le Gouvernement entend être « aux côtés des Parisiens » en 2020, alors qu'il les a privés d'une police municipale, comme en dispose l'ensemble des grandes villes françaises.
Réponse en séance, et publiée le 12 février 2020
POLICE MUNICIPALE À PARIS
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour exposer sa question, n° 974, relative à la police municipale à Paris.
Mme Brigitte Kuster. Je souhaitais poser ma question à M. le ministre de l'intérieur, mais vous nous apprenez, monsieur Lecornu, qu'il ne pourra y répondre personnellement ; vous comprendrez que je le regrette, mais j'espère que vous serez en mesure de nous communiquer les précisions que nous attendons. Pour la députée de Paris que je suis, ma question est d'importance : elle porte sur la création d'une police municipale.
M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Question d'actualité !
Mme Brigitte Kuster. Question d'actualité brûlante en effet, surtout compte tenu des chiffres relatifs à l'année 2019, la capitale ayant malheureusement été marquée par de fortes hausses : le nombre de vols a augmenté de 12 % ; les destructions et dégradations de 15 % ; les violences de 7 % ; les outrages et violences à l'encontre de personnes dépositaires de l'ordre public de 20 % ; les crimes et délits à l'encontre de mineurs de 7 % ; les ports d'armes prohibées de 15 %. Monsieur le ministre, tous les indicateurs sont au rouge ! Reconnaissons-le, 2019 a été une très mauvaise année pour votre action contre la délinquance. Et, malheureusement, l'année 2020 ne s'annonce guère meilleure, car, en janvier, les coups et blessures criminels ont connu une hausse de 7 %, lorsque les cambriolages augmentaient de 9 % et les vols à la tire de 28 %.
Face à la délinquance en nette augmentation, la présence de la police dans nos rues est plus que jamais nécessaire. Malheureusement, en raison des nombreux mouvements sociaux qui mobilisent les effectifs, la présence policière ne peut plus être entièrement garantie à Paris. Il s'agit d'une situation regrettable et ce sont les Parisiens qui en paient les conséquences.
Au regard de l'ampleur de la tâche, les forces de l'ordre sont débordées. Cette pression se traduit d'ailleurs aussi par l'explosion du nombre de suicides parmi les policiers : ils ont augmenté de 70 % en 2019 ! Nos policiers accomplissent un travail remarquable, mais ils sont à bout.
Face à cette situation alarmante, le Gouvernement et la majorité ont pourtant refusé encore récemment la création d'une police municipale à Paris, appelant clairement à voter contre. Elle permettrait pourtant de soulager la police nationale. Le dogmatisme et l'intérêt électoral l'ont malheureusement emporté sur l'intérêt général.
Cette police municipale donnerait enfin au maire de Paris les moyens de construire une ville plus sûre et de garantir la tranquillité des Parisiens, laissant la police nationale se concentrer sur la résolution des enquêtes et la criminalité, c'est-à-dire sur ses missions régaliennes.
Monsieur le ministre, face à ce bilan portant sur l'année 2019, pouvez-vous me dire très concrètement comment le Gouvernement prévoit de se placer aux côtés des Parisiens en 2020 tout en les privant de police municipale ? Quand comptez-vous enfin, comme Les Républicains vous le demandent depuis longtemps, permettre la création d'une police municipale armée à Paris ?
M. Fabrice Brun. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Madame la députée Brigitte Kuster, je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'intérieur, mais le Gouvernement est bel et bien représenté et je vais vous donner lecture de la réponse que M. le ministre a prévu d'apporter à votre question. Celle-ci est bien connue et je note qu'elle constitue un enjeu important dans le calendrier électoral. Elle est largement débattue devant les Parisiennes et les Parisiens, contribuant donc aussi à l'expression de la vie démocratique, laquelle se prolonge donc, ce matin, au travers des questions orales sans débat.
Vous faites référence, madame la députée, à un amendement discuté lors de l'examen du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique – dont j'étais le ministre politiquement responsable – qui visait à aligner les pouvoirs de police des agents de la ville de Paris chargés d'un service de police sur le droit commun des agents de la police municipale. Ainsi, pour être précis et rigoureux, cet amendement, d'ailleurs essentiellement défendu par le groupe Socialistes et apparentés, ne visait pas à créer ou à instituer une police municipale à Paris, mais à procéder à un alignement statutaire. Or il m'avait à l'époque semblé hasardeux, et le ministre de l'intérieur l'avait ensuite confirmé, de procéder, par un simple amendement, à un tel alignement, lequel nous apparaissait simpliste en bien des points.
Cet alignement posait de nombreuses questions en matière de formation, d'armement, de cartes professionnelles, de relations avec le parquet, ou encore d'articulation avec le travail de la police nationale. Je vous avais d'ailleurs indiqué, au nom du Gouvernement, qu'un travail s'engagerait autour des ministres Christophe Castaner et Laurent Nunez lors de la rédaction du Livre blanc sur la sécurité intérieure, lequel devrait permettre d'aborder ces sujets s'agissant de la ville de Paris et au-delà, étant donné que la question du continuum de sécurité avec la police municipale se pose aussi dans d'autres lieux de notre pays.
S'agissant de cet amendement, j'ajouterai deux autres éléments, car votre question est précise. Il visait, en premier lieu, à conférer la qualité d'agent de police municipale à tous les agents de surveillance de la ville de Paris ou à ceux chargés d'un service de police, y compris donc aux agents les plus éloignés des fonctions de policier municipal. Par exemple, auraient ainsi été chargés de pouvoirs de police les agents d'accueil et de surveillance de la ville de Paris, ce que l'État n'a jamais permis dans d'autres collectivités de notre pays.
En second lieu, définir le statut des agents exerçant les fonctions d'agent de police municipale est une prérogative de l'État. Or, en l'espèce, l'amendement prévoyait de procéder par simple délibération du Conseil de Paris, ce qui aurait ajouté de la complexité aux statuts des agents de la ville de Paris, laquelle a, comme vous le savez, madame la députée, été récemment critiquée par la Cour des comptes.
Il nous semble donc préférable de concevoir pour Paris, comme pour l'ensemble des collectivités territoriales françaises, des dispositions qui permettent à l'État de définir et de contrôler les prérogatives de corps de fonctionnaires aux missions sensibles, comme cela est le cas pour les agents de police municipale dans la fonction publique territoriale, dont les statuts sont prévus par décret en Conseil d'État.
En ce qui concerne la sécurité à Paris, je rappelle qu'un quartier de reconquête républicaine couvrant une partie des 10e et 18e arrondissements a été lancé en septembre 2018, et que les plans nationaux sont déployés avec une vigilance toute particulière s'agissant de la capitale ; le ministère de l'intérieur est à votre disposition pour vous communiquer les différents chiffres relatifs à notre action.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme Brigitte Kuster. Vous avez axé la majeure partie de votre réponse sur un amendement qui avait en effet été déposé par le groupe Socialistes et apparentés et qui posait problème. Il n'y a jamais de perfection dans les textes et amendements examinés dans cet hémicycle, mais ils donnent des occasions de mettre un débat sur la table. La réponse qui nous avait été donnée à ce moment-là par le ministre de l'intérieur n'était pas encourageante.
J'ose espérer que la campagne municipale à Paris permettra de réaliser enfin ce que nous attendons et ce que nous demandons, c'est-à-dire la création d'une véritable police municipale armée. J'ai cru comprendre que vous irez en ce sens ; passons maintenant aux actes !
Auteur : Mme Brigitte Kuster
Type de question : Question orale
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 février 2020