XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Deuxième séance du mardi 26 novembre 2024

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mardi 26 novembre 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Apologie du terrorisme

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Jeanbrun.

    M. Vincent Jeanbrun

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    Monsieur le premier ministre, en janvier prochain, nous commémorerons les dix ans du drame de l’Hyper Cacher, durant lequel Philippe Braham, habitant de ma commune de L’Haÿ-les-Roses, a été lâchement assassiné. Le 12 janvier 2015, alors tout jeune maire, je me suis rendu à l’institut médico-légal de Paris pour y soutenir sa famille. J’ai tenu sa veuve dans mes bras sans pouvoir prononcer des mots capables de l’apaiser. Je n’oublierai jamais cette douleur.
    Mes chers collègues, ce n’est pas le terrorisme qui tue, ce sont les terroristes : des hommes et des femmes bien réels, élevés dans l’apologie de l’horreur, dans l’apologie d’une hiérarchie des êtres et des religions, dans l’apologie de la haine de notre république universaliste et fraternelle.
    Alors, en voyant la proposition de loi du groupe LFI demandant l’abolition du délit d’apologie du terrorisme, je n’ai d’abord pas voulu y croire. (« C’est une honte ! » sur plusieurs bancs du groupe DR.) Pas en France ! Pas après tant de morts ! Pas après tout ce que nous avons vécu ! Hélas, si : après leurs provocations, après leurs indignités, voilà leur infamie. Les masques tombent : ceux qui sont complaisants avec le terrorisme revendiquent désormais de pouvoir l’être en toute impunité.

    M. Thibault Bazin

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    Eh oui !

    M. Vincent Jeanbrun

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    Collègues de La France insoumise, honte à vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes RN et EPR et Dem.) Excusez-vous devant les victimes, devant leurs familles, devant la République tout entière ! Chaque mot que vous prononcez pour justifier cette proposition est une insulte, un crachat sur les tombes de Samuel Paty, des enfants de Toulouse et de toutes les victimes de la barbarie ! (Mêmes mouvements.)

    Mme Mathilde Panot

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    Honte à vous, à vous !

    M. Vincent Jeanbrun

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    Honte à vous ! Et honte à toute la gauche, qui se dit républicaine mais qui ne dénonce pas son alliance électorale avec La France insoumise ! Je vous interpelle aujourd’hui devant la nation. Redressez-vous ! Reprenez vos esprits ! Faites preuve de courage ! Monsieur Hollande, comment pouvez-vous décemment continuer à siéger aux côtés de députés qui bafouent la République que vous avez présidée ? (M. François Hollande et plusieurs députés du groupe SOC rient.)
    Comme vous, monsieur le premier ministre, avec mes collègues de la Droite républicaine, autour de Laurent Wauquiez, nous ne céderons jamais aux terroristes ni à ceux qui banalisent leurs crimes. Comment, avec Bruno Retailleau et votre gouvernement… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. –⁠ Les députés du groupe UDR et plusieurs députés des groupes EPR et Dem applaudissent ce dernier.)

    M. René Pilato

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    La maîtrise de la langue française, pour un député, c’est important !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur

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    Depuis 2012, le terrorisme islamiste a fait 273 morts sur le sol français et près d’un millier de blessés. Comme vous, en cet instant, je pense à toutes ces victimes, ainsi qu’à leurs familles, qui sont brisées par la souffrance. Le 13 novembre, je me suis rendu avec le premier ministre devant le Bataclan…

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Vous n’êtes pas le seul !

    M. Bruno Retailleau, ministre

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    …pour célébrer le neuvième anniversaire de cette triste année, de cette année de sang, marquée par le Bataclan, l’Hyper Cacher et Charlie Hebdo.

    M. Raphaël Arnault

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    Qui a combattu Daech ? Ce sont les antifascistes !

    M. Bruno Retailleau, ministre

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    Or c’est précisément le mois de novembre qu’a choisi le groupe LFI pour déposer une proposition de loi scandaleuse, (Approbation sur de nombreux bancs des groupes DR, RN, EPR, Dem, HOR et UDR) qui vise à abolir le délit d’apologie du terrorisme.

    Mme Andrée Taurinya

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    Menteur !

    M. Emmanuel Fernandes

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    Escroc !

    M. Bruno Retailleau, ministre

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    Si cette proposition de loi était adoptée, ce délit serait effacé de tout notre droit. C’est scandaleux, c’est honteux, et on voit bien l’objectif qui se cache derrière cette proposition d’abrogation : c’est un calcul cynique, électoraliste, clientéliste. En France, le terrorisme qui a frappé porte un nom : c’est le terrorisme islamiste. C’est scandaleux et c’est honteux, parce que vous trahissez l’héritage républicain de la gauche française. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. René Pilato

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    Ce qui est scandaleux, c’est que vous soyez ministre de l’intérieur !

    M. Bruno Retailleau, ministre

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    Je veux rappeler que le texte qui a institué ce délit a été voté sous la présidence de François Hollande. Cette proposition de loi est honteuse ; c’est même une grave faute morale.

    Mme Mathilde Panot

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    La faute morale, c’est vous !

    M. Bruno Retailleau, ministre

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    Il y aura un avant et un après, LFI n’est pas un parti comme les autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Exécution des mandats de la Cour pénale internationale

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    « Ce tribunal est fait pour l’Afrique et pour les voyous comme Poutine. » Ces propos dégoulinant de racisme ont été adressés par un dirigeant occidental au procureur de la Cour pénale internationale pour qu’il cesse ses investigations sur les exactions des dirigeants israéliens. (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.) Refusant de céder aux pressions, le procureur de la CPI a demandé, en mai dernier, des mandats d’arrêts à l’encontre du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, de son ministre de la défense de l’époque, Yoav Gallant, ainsi que de trois chefs du Hamas, pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Gaza et en Israël depuis le 7 octobre 2023.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Vous avez encore le droit de parler dans cette enceinte ? C’est une honte !

    Mme Danièle Obono

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    Ce jeudi 21 novembre, la chambre préliminaire de la CPI, qui a elle aussi fait l’objet de nombreuses menaces, a suivi ces réquisitions et délivré trois mandats d’arrêt (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) contre Netanyahou, Gallant et Mohammed Deif, le dernier responsable du Hamas possiblement encore en vie. C’est une décision historique majeure, qui signe peut-être, nous l’espérons, la fin de l’impunité d’Israël, de ses complices et de ses soutiens inconditionnels.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Vous êtes tous seuls !

    Mme Danièle Obono

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    Les 125 États membres de la CPI ont désormais l’obligation d’arrêter les fugitifs qui se trouveraient sur leur territoire. La majeure partie d’entre eux ont indiqué qu’ils le feraient. Toute honte bue, quelques-uns, comme l’Allemagne ou la Hongrie, s’y refusent. La France, quant à elle, s’est montrée bien timorée, alors qu’elle devrait parler clairement et agir avec célérité pour faire cesser les massacres qui continuent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Plus personne ne vous écoute, vous êtes complètement décrédibilisés !

    Mme Danièle Obono

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    Les victimes se comptent par dizaines de milliers à Gaza : 70 % d’entre elles sont des femmes et des enfants dont la moyenne d’âge est de 5 ans. Et maintenant, les criminels sévissent aussi au Liban !
    Monsieur le premier ministre, votre gouvernement arrêtera-t-il, oui ou non, Netanyahou et Gallant, si d’aventure ils se retrouvent sur notre territoire ? Comptez-vous, oui ou non, entreprendre des poursuites à l’encontre des ressortissants français qui ont pris part, sous les ordres israéliens, aux crimes poursuivis par la CPI ? Comptez-vous, oui ou non, mettre fin aux livraisons de matériel militaire qui permettent à l’armée israélienne de commettre ces crimes ?

    M. Laurent Jacobelli

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    Ces gens sont complètement fous !

    Mme Danièle Obono

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    Comptez-vous, oui ou non, demander la fin de l’accord de coopération entre l’Union européenne et Israël ? Quand reconnaîtrez-vous l’État de Palestine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Hendrik Davi applaudit aussi.)
    Nos engagements internationaux et la conscience de notre commune humanité nous obligent. Vous en avez le devoir et le pouvoir : agissez ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)

    M. Vincent Descoeur

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    Personne ne vous soutient !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Vous êtes un peu seuls, à LFI !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger

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    Je vous prie d’excuser Jean-Noël Barrot, qui est en déplacement.

    M. Thibault Bazin

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    Il est souvent en déplacement !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Comme vous l’avez dit, la chambre préliminaire de la Cour pénale internationale a délivré le 21 novembre des mandats d’arrêt visant le premier ministre et l’ancien ministre de la défense de l’État d’Israël, ainsi que le chef militaire du Hamas. La cour opère de façon indépendante : comme partie au statut de Rome, nous sommes très attachés à cette indépendance et nous n’avons pas vocation à commenter ses décisions, que ce soit pour les soutenir ou pour les critiquer.
    La France appliquera, comme elle l’a toujours fait, les obligations qui lui incombent au titre du droit international. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Depuis le début du conflit à Gaza, nous avons demandé à toutes les parties le respect du droit international humanitaire et la protection des civils, et condamné leur violation.

    Mme Danièle Obono

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    Qu’est-ce que vous allez faire ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Nous avons notamment condamné dans les termes les plus forts l’odieux massacre antisémite perpétré le 7 octobre 2023. Il n’y a aucune équivalence possible entre le Hamas, un groupe terroriste, et Israël, un État démocratique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme Danièle Obono

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    Qu’est-ce que vous allez faire ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Nous continuons à demander un cessez-le-feu, la libération inconditionnelle de tous les otages et l’entrée massive d’aide humanitaire à Gaza pour mettre fin à la tragédie dans laquelle la région est plongée depuis plus d’un an et retrouver enfin le chemin d’une solution politique juste et durable, avec deux États, israélien et palestinien, vivant côte à côte.

    Mme Danièle Obono

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    Qu’est-ce que vous allez faire ?

    Mme Andrée Taurinya

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    Allez-vous reconnaître l’État de Palestine ?

    Mme Eliane Kremer

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    La ministre a répondu, il fallait écouter !

    Apologie du terrorisme

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ludovic Mendes.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Il va nous parler d’obstruction ?

    M. Ludovic Mendes

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    Je souhaite tout d’abord que nous ayons une pensée pour l’homme de lettres Boualem Sansal, qui a été arrêté le 16 novembre à l’aéroport d’Alger. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.) Nous sommes nombreux à partager avec lui la lutte contre le fondamentalisme religieux et à en avoir fait un pilier de notre engagement public.
    Malheureusement, certains sur ces bancs font honte à notre nation. Comme des millions de Français, j’ai été frappé de dégoût lorsque j’ai vu la proposition de loi de La France insoumise visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.) L’Afghanistan, l’Irak, les États-Unis, l’Espagne, Israël, l’Algérie, le Mali, la Palestine, le Maroc, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique et, bien évidemment, la France : tous ces pays, particulièrement le nôtre, ont été durement frappés par le terrorisme.
    Nous avons connu la barbarie, visant à détruire notre mode de vie et nos idéaux et, aujourd’hui encore, nous en portons les stigmates. Mais le délit d’apologie du terrorisme nous a donné de nouveaux outils pour éviter que les idées funestes du terrorisme ne se propagent aussi librement. (Mme Danièle Obono s’exclame.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Silence, madame Obono !

    M. Ludovic Mendes

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    Le supprimer, c’est propager les idées qui assassinent et c’est en être complice. Qu’en pense l’ancien président de la République, François Hollande, votre allié putatif, qui a vu de ses propres yeux l’horreur des massacres de centaines de Français, lors des pires attentats que notre pays ait connus ?

    M. Pierre Cordier

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    Réagis un peu, François !

    M. Ludovic Mendes

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    Que vais-je pouvoir dire aux parents et amis de Marie et Mathias, ce jeune couple originaire de Metz, lâchement assassiné au Bataclan et à qui nous rendons souvent hommage ? (Mme Danièle Obono s’exclame de nouveau et de façon continue jusqu’à la fin de l’intervention de M. Ludovic Mendes.)

    M. Nicolas Meizonnet

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    Incapables !

    M. Ludovic Mendes

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    Qu’allons-nous pouvoir dire à la famille Sandler, qui a perdu père et enfants ? Qu’allons-nous dire à nos policiers et à nos gendarmes, qui ont vu certains de leurs collègues donner leur propre vie ? Je ne vous demande pas de répondre à ces questions : les Français ont déjà les réponses. La honte se propage, passant des mains de ceux qui commettent des actes terroristes à ceux qui les défendent, d’une manière ou d’une autre.

    M. Antoine Léaument

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    Vous racontez n’importe quoi !

    M. Ludovic Mendes

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    Cette proposition de loi n’est peut-être qu’une manière de vous protéger, car plusieurs membres de La France insoumise sont actuellement poursuivis pour apologie du terrorisme !

    M. Pierre Cordier

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    Eh oui !

    Mme Caroline Colombier

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    Vous avez voté pour eux !

    M. Ludovic Mendes

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    Monsieur le ministre de la justice, quel risque le vote d’une telle proposition de loi ferait-il peser sur le contre-terrorisme ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je ne peux que m’opposer résolument à cette proposition de loi. La liberté d’expression ne justifie pas tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Elle ne saurait servir à glorifier des actes susceptibles de faire des victimes sur notre sol, ni à justifier ceux qui veulent semer la terreur dans notre pays.
    Cette disposition a bien sûr une dimension politique,…

    M. Antoine Léaument

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    Elle vous permet d’arrêter les leaders de la CGT !

    M. Didier Migaud, garde des sceaux

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    …une dimension symbolique, mais elle est aussi un instrument utile pour lutter contre le terrorisme. (Mme Danièle Obono s’exclame. –⁠ Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) C’est ce qui explique la démarche du législateur, en 2014, consistant à faire figurer cette infraction dans le code pénal : le Parlement a souhaité la libérer des contraintes procédurales de la loi sur la liberté de la presse pour en faire un outil pleinement opérationnel de lutte contre le terrorisme. Le Conseil constitutionnel a considéré que cela ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.) La Cour européenne des droits de l’homme a suivi le même raisonnement.

    Mme Mathilde Panot

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    Ce n’était pas l’avis d’Henri Leclerc !

    Mme la présidente

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    Madame la présidente Panot, s’il vous plaît !

    M. Didier Migaud, garde des sceaux

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    Parce que la menace terroriste est toujours très forte dans le pays, aucun retour en arrière n’est souhaitable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) C’est la raison pour laquelle nous devons nous opposer résolument à cette proposition de loi et que j’invite votre assemblée à conserver cette disposition dans le code pénal. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, Dem, HOR et LIOT.)

    Journée de solidarité supplémentaire

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gaëtan Dussausaye.

    M. Gaëtan Dussausaye

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    Sept heures de travail supplémentaire non rémunéré : dans le langage macroniste, on appelle cela une contribution de solidarité, dans le langage courant, une journée sans salaire. Si quelques-uns avaient encore l’espoir que le bon sens revienne au cœur des débats budgétaires, les premiers travaux du Sénat confirment qu’il n’en sera rien. Travailler plus pour gagner moins : vous proposez tout simplement de rétablir la corvée. Cette trahison de la promesse méritocratique, du travail qui paie, de l’effort récompensé, est la vôtre ! Ce sont les parlementaires issus de vos propres rangs –⁠ pour une fois qu’ils sont là ! – qui ont soutenu cette proposition et qui renouvellent leur envie hargneuse de s’attaquer à toute limite du temps de travail dans le pays.

    M. Pierre Cordier

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    Il faut dire que vous êtes moins représentés au Sénat…

    M. Emeric Salmon

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    Ça va venir, ne vous inquiétez pas !

    M. Gaëtan Dussausaye

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    Au-delà de cette mesure, les travaux du Sénat témoignent d’une aggravation de tout ce qui n’allait déjà pas dans le budget initial du gouvernement : désindexation des pensions de retraite, augmentation des taxes sur le soda et le tabac, hausse des cotisations pour les apprentis. Les membres du groupe Rassemblement national le répètent : ce budget est un mauvais budget ! Parce que vous faites reposer, une fois encore, tous les efforts sur les travailleurs, les employés, les ouvriers, les petites retraites, les petites et les moyennes entreprises.

    M. Julien Odoul

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    Toujours les mêmes !

    M. Gaëtan Dussausaye

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    Parce que vous refusez, une fois encore, de vous attaquer aux véritables mauvaises dépenses, comme le réclament au moins 11 millions de Français : celles qui sont liées à l’immigration,…

    M. Erwan Balanant

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    Ah !

    M. Gaëtan Dussausaye

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    …au millefeuille administratif, aux fraudes sociales et fiscales. Du Medef à la CGT en passant par Mme Borne il y a peu, ce mauvais budget fait l’unanimité contre lui.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Un programme politique conçu uniquement pour ses électeurs n’a pas de sens : ce n’est pas ça, la démocratie !

    M. Gaëtan Dussausaye

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    Nous ne supportons plus ce chantage odieux, auquel se prête la porte-parole du gouvernement, menaçant d’un « scénario à la grecque » si l’Assemblée nationale ne vote pas le budget.

    M. Thibault Bazin

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    C’est vous qui pratiquez le chantage !

    M. Gaëtan Dussausaye

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    Pardonnez-moi, mais nous avons le droit de voter contre ! Nous avons le droit de nous s’opposer avec la plus grande fermeté à ce budget que nous trouvons, comme des millions de Français, profondément injuste. Quand retrouverez-vous la voie de la raison budgétaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Pierre Cordier

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    Vous voterez la censure avec LFI !

    M. Thibault Bazin

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    Ils ne manquent pas d’air !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi

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    Je tiens à excuser M. Laurent Saint-Martin et Mme Geneviève Darrieussecq, présents au Sénat pour le vote solennel du PLFSS.
    Le budget que nous proposons est responsable et vous cédez aux caricatures (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) en évoquant à la fois des dispositions qui figuraient dans le PLFSS initial et des mesures votées au Sénat qui feront l’objet d’un débat en commission mixte paritaire, demain.
    Preuve de notre esprit de responsabilité : c’est la première fois que nous ne considérons plus les retraités comme un bloc homogène, mais comme une population à l’image des salariés, avec d’un côté ceux dont le pouvoir d’achat doit être préservé et, de l’autre, ceux qui peuvent participer à l’effort national.

    M. Julien Odoul

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    Un coup de matraque supplémentaire !

    M. Laurent Jacobelli

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    Dites la vérité !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Ensuite, c’est méconnaître la réalité que d’oublier de rappeler que la France est le pays de l’OCDE qui rembourse le plus les dépenses de santé…

    M. Laurent Jacobelli

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    Pour les migrants !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …et ce sera toujours le cas, quand bien même les efforts en la matière prévus par le PLFSS étaient votés.
    Enfin, s’agissant des sept heures de travail supplémentaire par an,…

    M. Laurent Jacobelli

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    Quelle honte !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …cette disposition, associée à l’augmentation du taux de la contribution de solidarité pour l’autonomie, proposée par le Sénat afin de financer la cinquième branche, a le mérite de soulever une bonne question, car nos aînés ont des besoins grandissants.

    M. Thibault Bazin

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    Elle va être enterrée !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Cette disposition soulève aussi la question très intéressante de la quantité de travail effectuée en France par rapport à d’autres pays européens.

    M. Pierre Cordier

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    Dites que vous la retirez, ce sera plus simple !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Ce sujet de la quantité de travail doit être abordé par les partenaires sociaux, sur la durée d’une vie entière, des jeunes aux personnes âgées ; le gouvernement considère qu’il relève du dialogue social.

    M. Jérôme Guedj

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    Et d’une loi de programmation sur le grand âge !

    M. Fabien Di Filippo

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    Dites clairement que cette mesure ne figurera pas dans le budget, les Français n’y comprennent rien !

    Lutte contre les violences sexistes et sexuelles

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Céline Thiébault-Martinez.

    Mme Céline Thiébault-Martinez

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    Depuis le début de l’année, 122 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Combien d’assassinats devrons-nous supporter d’ici à la fin de l’année ? Quel sera le macabre bilan de la violence masculine en 2024 ? Cette addition terrifiante ne représente que la pointe émergée de l’iceberg : chaque année, 240 000 personnes, dont la plupart sont des femmes, déclarent avoir été violées ou agressées sexuellement en France. Cette réalité est d’autant plus glaçante si l’on pense que 94 % des plaintes pour viol sont classées sans suite, ou que seul 1 % des agresseurs présumés –⁠ le chiffre terrible de l’impunité, qui nous révolte ! – sont finalement condamnés.
    La journée du 25 novembre a fourni une nouvelle illustration de la spécialité du gouvernement : les effets d’annonce. Les mesures présentées pour lutter contre les violences faites aux femmes figuraient déjà dans le projet de loi de finances : nous en avons débattu pendant un mois, mais le texte transmis au Sénat ignore totalement nos propositions, ainsi que les revendications des collectifs féministes.
    Où sont les moyens pour mieux protéger les victimes, mieux enquêter et mieux juger ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.) Où sont les ressources pour renforcer l’éducation à la vie affective et sexuelle ? Où sont les mesures pour combattre la pornographie et la prostitution, qui alimentent la culture du viol dans notre société ? Votre budget ne tient même pas compte de l’inflation ; il fait porter le poids de la prime Ségur sur les associations.
    Dans un élan et une démarche historiques, une coalition féministe a réclamé une « loi intégrale » pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, plaidant en faveur d’une politique publique financée à hauteur de 2,6 milliards d’euros par an et proposant de nombreuses mesures dont le gouvernement pourrait s’inspirer pour rédiger un projet de loi-cadre. Vous saisirez-vous de cette proposition ? Mettrez-vous les moyens nécessaires, qui s’avèrent à présent incontournables, pour agir contre les violences faites aux femmes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – Les députés des groupes SOC et EcoS se lèvent et continuent d’applaudir.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

    M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes

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    J’ai pris connaissance avec beaucoup d’attention de cette proposition de « loi intégrale » par des associations dont j’ai d’ailleurs reçu des membres, hier. Je suis très reconnaissant à l’ensemble des forces associatives de la société civile qui s’engagent contre les violences sexuelles –⁠ M. le premier ministre Michel Barnier les a d’ailleurs saluées hier, lors de la présentation de son plan d’action contre les violences faites aux femmes. Ce combat sociétal appelle une mobilisation collective et l’engagement de tous : celui des anciens militants et des anciennes militantes des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, que je remercie pour leur inlassable détermination ; celui des nouveaux collectifs, qui entraînent avec eux les jeunes générations, qui nous disent « Assez ! » ; celui des manifestantes et manifestants qui marchaient, peut-être pour la première fois, samedi dernier, pour témoigner de leur solidarité avec les victimes et leur rejet de toute forme de violence. Soyez assurée que nous sommes, avec ma collègue Salima Saa, actuellement en déplacement, en lien étroit avec le tissu associatif national et local pour continuer de progresser et de renforcer l’efficacité de la loi.
    Hier, le premier ministre a annoncé des mesures concrètes pour améliorer la reconnaissance des femmes victimes et le soutien apporté à celles-ci, ainsi qu’aux enfants covictimes –⁠ ne les oublions pas : dépôt de plainte à l’hôpital, implantation d’une maison des femmes dans chaque département, formation initiale et continue des forces de sécurité –⁠ que vous appelez de vos vœux – aux nouvelles formes de violences faites aux femmes.
    Je souscris à votre préoccupation d’insister sur l’importance d’éduquer les plus jeunes. La loi du 4 juillet 2001 prévoit d’ailleurs des enseignements à la vie affective, relationnelle et sexuelle dans les programmes scolaires.

    Mme Sarah Legrain

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    Mais elle n’est pas appliquée !

    M. Paul Christophe, ministre

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    Avec la ministre de l’éducation nationale Anne Genetet, nous nous assurons qu’elle est bien appliquée. Bien que l’objectif d’une loi-cadre soit louable, avant d’envisager un nouveau texte législatif, il nous semble plus urgent de consolider l’application des lois –⁠ au nombre de huit – adoptées précédemment. La journée du 25 novembre est toujours un moment fort, mais le combat en faveur des femmes n’est pas celui d’une seule date, c’est un combat de tous les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Situation en Ukraine

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bertrand Bouyx.

    M. Bertrand Bouyx

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    La guerre en Ukraine a brutalement changé d’ampleur ces derniers jours. La décision de M. Poutine d’appeler des soldats nord-coréens au combat a donné au conflit une ampleur mondiale, alors qu’aucun soldat de l’Alliance atlantique n’est engagé sur le front ukrainien. Les États-Unis d’Amérique, par la voix de leur président sortant, ont alors autorisé l’utilisation de missiles de longue portée par l’Ukraine contre des cibles situées sur le territoire russe. En retour, la Russie a multiplié les menaces nucléaires, modifiant ses règles d’engagement : elle n’exclut plus de viser les pays qui aident l’Ukraine. Depuis trente ans, nous avons trop souvent oublié que le monde de l’après-guerre froide est toujours dominé par la dissuasion nucléaire : la capacité pour un État de protéger sa souveraineté et son territoire par la menace d’annihilation mutuelle contre toute autre puissance nucléaire. Cette menace inquiète à juste titre nombre de nos concitoyens. La Russie continue de pratiquer une stratégie de la terreur, menant une guerre hybride contre nos démocraties et agitant la peur de la destruction nucléaire envers tous les soutiens de l’Ukraine. Comment la France peut-elle agir face à ces menaces ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants.

    M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants

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    Voilà mille jours que l’Ukraine est sous les bombes, mille jours qu’une puissance révisionniste essaie de redessiner par l’épée les frontières et la carte de l’Europe. Votre préoccupation est évidemment la nôtre : le pays mesure la gravité de la situation. Notre réponse est toujours identique : le sang-froid, la constance, la résolution. Cela signifie que nous nous tenons à quelques principes, posés par le président de la République : aider l’Ukraine à se défendre, sans l’encourager à l’escalade ni l’abandonner, en lui donnant des moyens de défense qui ne se limitent pas au territoire ukrainien, c’est-à-dire être en mesure, en vertu des principes du droit de la guerre, de frapper des cibles qui se trouveraient en Russie.
    Par ailleurs, la France prend toute sa part du fardeau de l’aide à l’Ukraine. La formation, en France, des 2 700 hommes de la brigade Anne de Kiev, que nous avons équipés, a suscité l’admiration de beaucoup d’entre nous. Nous les regardons avec une grande émotion alors que ces hommes s’apprêtent à être engagés sur le front. La France se doit d’être à la hauteur de l’histoire et de tous ceux qui se sacrifient pour une certaine idée du droit, de la paix et de l’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)

    Naufrages dans la Manche

    Mme la présidente

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    Avant de donner la parole à Mme Elsa Faucillon, qui va intervenir au nom du groupe GDR, je souhaitais rendre hommage à André Lajoinie, qui nous a quittés aujourd’hui. (Mmes et MM. les députés, ainsi que les membres du gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement.)
    Député de l’Allier pendant près de vingt ans, président du groupe communiste de 1981 à 1993, président de la commission de la production et des échanges de 1997 à 2002, André Lajoinie fut une figure de notre vie politique et je voulais saluer sa mémoire avec vous. (Applaudissements.)
    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Merci, madame la présidente : le groupe GDR, en particulier ses membres communistes, est très sensible à votre hommage.
    Le 24 novembre 2021, Maryam, 24 ans, tentait de rejoindre son fiancé à Londres sur une embarcation de fortune, avant de s’enfoncer dans les profondeurs marines avec vingt-six autres hommes, femmes et enfants. Ils ont appelé les secours à plus de quinze reprises, mais personne n’est venu. Une enquête est toujours en cours pour mettre en lumière les responsabilités des autorités françaises et condamner les passeurs.
    Le 23 octobre 2024, trois ans après ce naufrage et comme un refrain tragique, c’est une autre Maryam, un bébé d’un mois et demi, qui s’est noyé à la suite d’un naufrage. Les années passent et les naufrages se multiplient : soixante-douze personnes sont mortes en 2024, soit davantage que durant les cinq années précédentes. Face à l’indifférence quasi générale, faisons entendre leurs noms : Maryam, Bryar, Meron, Mayar, Sara, Ahmad, Hicham, Omar et tant d’autres, pères, mères, sœurs ou fils. Ce ne sont ni des accidents ni, monsieur le ministre de l’intérieur, de vulgaires « conséquences néfastes », mais le résultat de dizaines d’années de politique migratoire répressive (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS), qui fait de l’Europe une forteresse…

    M. Julien Odoul

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    Une forteresse passoire !

    Mme Elsa Faucillon

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    …ceinturée de mers de sang, alors même que le droit international ne reconnaît pas de délit de séjour irrégulier en mer. La militarisation de la frontière n’a pas pour conséquence la diminution des départs mais l’augmentation des morts.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Exactement !

    Mme Elsa Faucillon

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    Les accords du Touquet font de la France le bras armé de la politique migratoire anglaise, alors même que la plupart de ceux qui parviennent à traverser jusqu’en Angleterre obtiennent le droit d’asile. Des enquêtes journalistiques ont révélé des agissements illégaux de certains membres des forces de l’ordre à l’égard d’embarcations.

    M. Julien Odoul

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    Vous préférez taper sur la police !

    Mme Elsa Faucillon

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    Les élus du littoral ont confirmé, il y a quelques jours, la dangerosité et l’inutilité de ces pratiques violentes. Nous demandons d’urgence la création d’une commission d’enquête à ce propos.
    Associations et élus locaux, notamment de Dunkerque, Wimereux et Grande-Synthe, réclament davantage de moyens pour la prévention et pour le déploiement de l’aide humanitaire, pas pour la construction de nouveaux centres de rétention administrative. Que sont devenus les propos du président de la République qui, le jour du naufrage de 2021, promettait que « la France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, dont les membres se lèvent, et sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, dont plusieurs membres se lèvent aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de la mer et de la pêche. (Vives protestations sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. Karim Ben Cheikh

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    Vous êtes sérieux ?

    Mme Clémentine Autain

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    Ce n’est pas possible !

    Mme Sandrine Rousseau

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    C’est à M. Retailleau de répondre ! Les migrants sont des êtres humains, pas des poissons ! Honte à vous !

    M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

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    Le sujet, dont chacun mesure la gravité, doit être abordé sans esprit polémique. Rappelons le déroulement des opérations de sauvetage en 2021, sous l’autorité du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord : elles ont mobilisé de nombreux moyens de l’État, notamment ceux du Cross Gris-Nez et de la SNSM, ainsi que ceux de la marine britannique, comme c’est souvent le cas ; cependant, elles n’ont pas permis d’éviter le triste bilan que vous avez rappelé. (Exclamations répétées sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, un peu de silence !

    M. Fabrice Loher, ministre délégué

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    La Manche est l’une des mers les plus fréquentées du globe, où transite 20 % du trafic mondial ; il s’agit donc d’un secteur particulièrement dangereux.

    Mme Clémentine Autain

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    Mais de quoi parlez-vous, enfin ?

    Mme Sandrine Rousseau

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    On ne parle pas des ports !

    M. Fabrice Loher, ministre délégué

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    Fin octobre 2024, plus de 40 000 personnes avaient déjà tenté la traversée ; plus de 6 000 ont été secourues en mer. Le décès d’une soixantaine de personnes est à déplorer et je tiens à exprimer ma compassion pour ces victimes.

    M. André Chassaigne

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    Incroyable, le ministre de la pêche ! C’est une honte !

    M. Fabrice Loher, ministre délégué

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    Le Cross Gris-Nez a coordonné depuis 2018 plus de 5 000 opérations de recherche et de sauvetage. Les traversées se font dans des bateaux en très mauvais état, surchargés, sans brassières de sauvetage ni équipements de sécurité, et qui cherchent à éviter les services de l’État. Depuis 2022, les moyens de l’État ont été renforcés, en effectifs comme en navires. La priorité du gouvernement…

    M. Alexis Corbière

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    C’est la pêche !

    M. Fabrice Loher, ministre délégué

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    …est, à terre, la répression déterminée et implacable des réseaux criminels qui tirent profit de ces tentatives de traversées. Sous l’autorité du ministre de l’intérieur, 280 passeurs ont été arrêtés depuis le début de l’année. Je salue la robustesse du dispositif de surveillance et de sauvetage en mer, qui permet chaque année de sauver de très nombreuses vies. (M. Pouria Amirshahi pointe son pouce vers le bas.)

    Mme Clémentine Autain

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    Vous racontez n’importe quoi !

    M. Fabrice Loher, ministre délégué

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    Les femmes et les hommes qui s’y emploient quotidiennement… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)

    M. André Chassaigne

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    C’est une honte que ce soit le ministre de la pêche qui réponde ! (M. André Chassaigne se tenant debout, tourné vers les bancs du gouvernement, les députés des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS se lèvent aussi et l’applaudissent longuement tout en proférant de vives exclamations. –⁠ Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RN. –⁠ Mme Brigitte Liso applaudit également.)

    M. Sébastien Chenu

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    Chassaigne a raison !

    M. Jérôme Guedj

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    On n’a jamais vu ça !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît !

    Journée de solidarité supplémentaire

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Le Sénat a adopté la semaine dernière un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui exige que les Français offrent sept heures de leur temps de travail. Comment peut-on décemment demander à nos concitoyens de travailler gratuitement ? Comment peut-on galvauder à ce point la valeur travail et ses effets bénéfiques d’émancipation, d’intégration et d’épanouissement ?

    M. Pierre Cordier

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    M. Naegelen n’est pas ministre, alors il est en colère !

    M. Christophe Naegelen

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    Il importe de défendre cette valeur travail et de cesser de taxer toujours davantage les travailleurs, qui sont déjà les principaux contributeurs du système de solidarité. Monsieur le premier ministre, nous savons que le projet de loi de financement de la sécurité sociale est voué à un 49.3 : vous engagez-vous à retirer cette disposition du texte que vous retiendrez ? En outre, que comptez-vous faire pour que le travail paye davantage et pour que le salaire net récompense l’engagement de ceux qui travaillent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. –⁠ Mme Anne-Laure Blin applaudit aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

    M. Pierre Cordier

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    Pour dire que l’on retire cette mesure !

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est oui ou c’est non, il faut répondre clairement !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi

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    La mesure adoptée par le Sénat vise à financer la branche autonomie de la sécurité sociale par l’instauration d’une contribution de solidarité équivalant à sept heures de travail par an.

    M. Laurent Jacobelli

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    Mme Wikipédia !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Le financement de la branche autonomie doit-il être assuré par l’augmentation du temps de travail ? Le Sénat a eu le mérite de poser cette question, qui cache le problème plus général du financement de notre modèle social. Le financement de la protection sociale repose essentiellement sur le travail. La spécificité française d’un coût superbrut très élevé pour l’employeur, alors que le salaire net perçu par le travailleur reste bas, soulève d’indéniables difficultés.
    S’agissant du nombre d’heures de travail, la France est le pays de l’OCDE qui travaille le moins. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. René Pilato

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Louis Boyard

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    Ce n’est pas possible de dire ça !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Cependant, si les travailleurs français à temps complet travaillent moins que leurs homologues, le temps partiel est moins développé en France et les indépendants y travaillent davantage.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il est temps de partir !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    La question…

    M. Laurent Jacobelli

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    Que faites-vous là ? Qui êtes-vous ? C’est la seule question ! (Sourires sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …est moins celle du travail durant l’année que celle du travail durant toute la vie.

    Un député du groupe RN

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    Tout travail mérite salaire !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    En France, l’insertion sur le marché du travail est plus difficile lorsqu’on est jeune, et l’on quitte ce marché plus tôt. Le Sénat a lancé un débat incontournable, mais le premier ministre et le gouvernement pensent que la question des sept heures supplémentaires doit d’abord être posée aux partenaires sociaux. C’est la raison pour laquelle le gouvernement avait émis un avis défavorable sur cet amendement sénatorial.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Qu’il soit nécessaire de financer la branche autonomie ne fait aucun doute, mais ceux qui travaillent y contribuent déjà. D’autres sources de financement sont possibles, plutôt que de toujours taper sur les mêmes : ceux qui se lèvent le matin pour aller travailler ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN. –⁠ Mmes Anne-Laure Blin et Stéphanie Rist applaudissent aussi.) Vous n’avez pas répondu à ma question : comptez-vous conserver cette proposition en cas de 49.3 ?

    M. Thibault Bazin

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    Non, on n’en veut pas !

    Lutte contre les violences sexistes et sexuelles

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sarah Legrain.

    Mme Sarah Legrain

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    Monsieur le premier ministre, après avoir relégué le ministère des droits des femmes au rang de secrétariat d’État, vous vous êtes exprimé hier à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. C’est donc à vous que je demanderai des comptes.
    Voilà sept ans que #MeToo n’en finit pas de déferler sur notre société. Samedi, nous étions 100 000 dans la rue pour en finir avec la culture du viol et cesser de compter nos mortes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà sept ans que nous n’en finissons pas d’applaudir les Adèle, les Gisèle et toutes nos sœurs qui se lèvent, qui n’ont plus peur (Mme Hanane Mansouri s’exclame) ; sept ans qu’Emmanuel Macron fait de nous sa « grande cause » et que nous entendons : « Cause toujours ! »
    Une coalition d’associations demande une réponse globale contre les violences sexuelles, comme en Espagne ? Cause toujours, vous improvisez une énième cellule gouvernementale, gribouillez un plan dérisoire, bricolez des annonces contradictoires. (Mme Stéphanie Rist s’exclame.) Même votre mesure phare, le dépôt de plainte dans les hôpitaux, a dû être rectifiée, faute d’être financée. La Fondation des femmes évalue les besoins à 2,6 milliards d’euros ? Cause toujours, vous imposez 60 milliards d’économies et balayez les 600 millions d’euros adoptés en commission pour financer la lutte contre les violences sexuelles ; faute de compensation de la prime Ségur, les centres d’information sur les droits des femmes annoncent déjà leur fermeture. Le Planning familial réclame une véritable éducation à la sexualité, décisive pour la détection et la prévention des violences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cause toujours, vos ministres réactionnaires sont incapables d’appliquer la loi et restent muets face aux pressions de leurs amis. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants alerte l’opinion sur l’omniprésence de l’inceste ? Cause toujours, on vire le juge Durand, on glorifie l’autorité paternelle, on explique aux mères isolées qu’on va automatiser la garde partagée. Cinq cents féministes vous enjoignent d’aller dans le sens de l’histoire, de prolonger l’œuvre de Gisèle Halimi et d’inscrire le consentement dans la loi ? Cause toujours, vous êtes soi-disant pour, mais vous rejetez mon texte en commission et empêchez son examen en séance en déposant 1 000 amendements ridicules sur le texte d’abrogation de la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Jean-Claude Raux applaudit aussi.)
    Monsieur le premier ministre, vous avez déclaré à propos du procès de Mazan qu’« il y aura un avant et un après ». Toutefois, pour que la honte change de camp, faut-il attendre l’après-Barnier ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

    M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes

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    Nous ne sommes pas trop de deux, avec la secrétaire d’État Salima Saa, pour aborder cette question –⁠ et il s’agit bien, dans mon cas, d’un ministre de plein exercice. Vous évoquez la nécessité de changer les choses et vous avez raison de souligner l’importance de l’éducation en la matière –⁠ avec Annie Genevard, pardon, Anne Genetet…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ils ne connaissent même pas la composition du gouvernement ! Mais ce n’est pas le moment de l’apprendre, elle va bientôt changer !

    M. Paul Christophe, ministre

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    …nous y sommes attachés. L’éducation doit également concerner les adultes –⁠ intervenants en crèche ou à l’école, mais aussi parents, dont le discours est bien trop souvent genré.
    Cependant, c’est aussi une question d’homme –⁠ 96 % des agressions sexuelles sont commises par des hommes. D’où l’importance qu’un homme s’adresse aux hommes et les appelle à une prise de conscience. Cette question concerne l’ensemble des politiques publiques et le premier ministre a rappelé les lignes rouges et la nécessité d’évoluer à ce sujet.
    Vous mentionnez vos travaux ; pour ma part, je saluerai ceux conduits par Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et EPR), qui portent sur la définition pénale du viol et l’éventuelle intégration du consentement dans cette définition. La délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes est également mobilisée et conduit un travail transpartisan remarquable. Le combat contre les violences faites aux femmes est un sujet bien trop grave pour servir des intérêts partisans ou de communication. (Mme Nadège Abomangoli s’exclame.) Le garde des sceaux est lui aussi mobilisé sur la question de la définition du viol et du consentement. Nous aurons des mesures à proposer mais il convient d’attendre d’abord les recommandations de Mmes Garin et Riotton. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sarah Legrain.

    Mme Sarah Legrain

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    J’ai bien compris : il est urgent d’attendre. Autrement dit, comme d’habitude, cause toujours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Lutte contre les violences sexistes et sexuelles

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Riotton.

    Mme Véronique Riotton

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    Depuis sept ans, la lutte contre les violences faites aux femmes a été érigée en priorité par les gouvernements successifs, donnant lieu à des avancées notables : parole des victimes mieux prise en compte ; suivi renforcé des auteurs de violences ; formations spécifiques pour les forces de l’ordre et les magistrats.
    Cependant, des défis demeurent. À l’heure où, dans le procès de Mazan, commencent les réquisitoires, la justice, et plus largement les pouvoirs publics, sont plus que jamais interpellés sur la réponse qu’ils apportent à ces violences.
    L’Assemblée, vous l’avez dit, est au travail. La délégation aux droits des femmes, que j’ai l’honneur de présider, s’est saisie de la définition pénale du viol. Cet après-midi, nous entendrons le garde des sceaux au sujet de la réponse judiciaire aux violences sexistes et sexuelles. Nous avons plaidé, lors de l’examen de la loi de finances, pour une hausse des moyens alloués aux services de l’État –⁠ la police et la justice – mais aussi à toutes les associations qui accompagnent les femmes au quotidien. Toutes les parties prenantes de la chaîne judiciaire nous ont fait part des difficultés observées sur le terrain. Le viol est un crime dont l’impunité ne cesse d’être pointée du doigt.
    J’appelle votre attention sur l’extension de la prime Ségur aux salariés du secteur sanitaire, social et médicosocial privé. L’État a accédé à une demande de revalorisation des salaires des professionnels que le secteur associatif et médico-social avait formulée de longue date. Toutefois –⁠ et notre délégation aux droits des femmes et ses corapporteurs vous avaient alerté à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 –, rien n’est prévu pour aider les associations spécialisées dans l’accompagnement des victimes de violences à financer cette mesure.
    Que comptez-vous faire, monsieur le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, afin de soutenir l’action de ces associations spécialisées, et pour soutenir, plus généralement, la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

    M. Laurent Jacobelli

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    La star du jour !

    M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes

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    Permettez-moi de saluer votre engagement ainsi que celui de la délégation aux droits des femmes contre les violences sexistes, sexuelles et intrafamiliales.
    Depuis sept ans, et le choix du président de la République de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale, le gouvernement a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une de ses priorités. Si un arsenal juridique a été mis en place ces dernières années, les chiffres ne cessent de nous ramener à la réalité d’un combat qui ne doit jamais cesser.
    Le premier ministre a présenté, hier, notre plan de bataille contre ces violences, détaillant des mesures concrètes : l’augmentation de l’aide universelle d’urgence, la possibilité pour les femmes de porter plainte dans chaque hôpital disposant d’un service d’urgence ou d’un service gynécologique, et la création, d’ici 2025, d’une maison des femmes dans chaque département. Il nous appartient, avec la secrétaire d’État Mme Salima Saa, de donner corps à ces engagements.
    De nombreux travaux se poursuivent en parallèle. Ils demandent notre mobilisation collective contre ce fléau qui dit beaucoup de notre société. Marie-Charlotte Garin et Sandrine Josso rendront bientôt les conclusions de leurs travaux, respectivement sur la définition pénale du viol et sur la soumission chimique : nous y serons, mesdames les députées, particulièrement attentifs.
    Je rappelle que le budget consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes a progressé cette année de plus de 10 %. Je suis fier d’avoir, en défendant cette hausse, soutenu les associations qui font un remarquable travail d’accompagnement des victimes.
    L’extension de la prime Ségur, enfin, n’engage que les financeurs des centres sociaux et médico-sociaux –⁠ ce que ne sont pas les centres d’information sur le droit des femmes et des familles. La protection des associations demeure néanmoins une de mes priorités, et j’entends vos inquiétudes. Des discussions sont en cours pour que ce sujet puisse aboutir dans le cadre du PLF.

    Mme Sarah Legrain

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    Nous sommes sauvés !

    M. Louis Boyard

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    Quelle chance !

    M. Paul Christophe, ministre

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    Je serai heureux de vous annoncer ces bonnes nouvelles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)

    Conflit au Proche-Orient

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Je tenais d’abord, monsieur le premier ministre, à vous faire part de mon indignation, quant à votre choix de faire répondre M. le ministre de la pêche à la question que vous adressait Elsa Faucillon sur la protection des migrants. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR. –⁠ Mme Josy Poueyto applaudit également. –⁠ Assentiment sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
    Le 21 novembre, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre MM. Benyamin Netanyahou et Mohammed Deif. Cette décision est un pas significatif vers la paix et la justice, pour toutes les victimes civiles, depuis le 7 octobre.

    M. Laurent Jacobelli

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    Allez vivre à Gaza !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    La Cour pénale internationale, qui a pris cette décision avec responsabilité et gravité, a établi, sur des motifs raisonnables, que Benyamin Netanyahou s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité pour meurtres, persécutions et utilisation de la famine comme arme de guerre. Avec son gouvernement, il a privé et continue sciemment de priver la population civile de Gaza de nourriture, d’eau, de médicaments, de carburant et d’électricité.

    M. Laurent Jacobelli

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    Quand allez-vous vous occuper des Français ?

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Cette décision fera date et rappelle la France et l’Union européenne a leurs responsabilités. Pour la première fois, un dirigeant soutenu par les Occidentaux est visé par une telle mesure. Cette décision doit conduire tous les pays à remettre en question la relation qu’ils entretiennent avec le gouvernement israélien. Il est temps d’en finir avec les doubles standards et les faux-semblants hypocrites. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Le droit international s’applique de la même manière pour Assad, Poutine ou Netanyahou.
    Quelles mesures concrètes votre gouvernement entend-il prendre pour faire respecter le droit international et faire en sorte que la France ne soit pas complice d’actes que la CPI qualifie de crimes contre l’humanité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre.

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Je souhaite tout d’abord, madame la présidente, saisir l’occasion de cette première prise de parole pour me joindre à l’hommage que vous avez rendu à André Lajoinie. Je l’ai personnellement connu. Je le respectais, et nous avons beaucoup travaillé ensemble. Je tiens à dire à ses amis et camarades du parti communiste que nous partageons leur peine. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT, GDR, et UDR. –⁠ M. Laurent Jacobelli applaudit également.)
    Vous avez commencé votre question par une évocation d’une précédente question posée par Elsa Faucillon. On peut toujours polémiquer (Protestations sur plusieurs bancs),…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est une question de décence !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Il suffisait d’écouter !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Écoutez-moi une seconde, s’il vous plaît. Nous avons pensé, à l’intitulé de la question que nous avons reçue –⁠ ces intitulés sont parfois assez sommaires –…

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Ah bah oui, les poissons !

    M. Michel Barnier, Premier ministre

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    …qu’il s’agissait de sauvetages en mer : voilà pourquoi c’est le ministre chargé de la mer et des secours en mer…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Cela veut-il dire que le ministre de l’intérieur ne peut pas répondre s’il n’a pas préparé ?

    M. Jean-Pierre Taite

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    Soyez polie !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Ne vous énervez pas : sur une question aussi grave, cela ne sert à rien de polémiquer. Voilà donc pourquoi c’est M. Loher qui a répondu à la question, et je m’associe à l’hommage qu’il a rendu à toutes les personnes, hommes et femmes, qui risquent leur vie pour secourir en mer, tous les jours, des marins et des naufragés. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)
    Au-delà d’un malentendu qui, s’agissant d’un sujet aussi grave, n’a pas lieu d’être, le ministre Bruno Retailleau, chargé des questions d’immigration, est tout à fait mobilisé sur cette question, et va se rendre à Calais dans quelques jours. (Mmes Sandrine Rousseau et Danièle Obono s’exclament.) Il va également se rendre à Londres, les 8 et 9 décembre, pour y rencontrer ses homologues, notamment le ministre britannique chargé de l’immigration. Nous allons tenter d’avancer, sur ces questions très graves –⁠ et qui ne méritent pas de polémique–, vers des solutions fermes, humaines, précises et bilatérales entre nos deux pays.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Et un mot pour les victimes ?

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Je vais maintenant, madame Chatelain, répondre à votre question, dans la continuité de la réponse que Mme Primas a faite tout à l’heure à la question de Mme Obono.
    Vous avez raison de rappeler que la chambre préliminaire de la Cour pénale internationale vient de délivrer, ce 21 novembre, des mandats d’arrêt visant le premier ministre israélien, son ancien ministre de la défense ainsi que le chef militaire du Hamas. Cette cour, je le répète, opère de manière indépendante, indépendance à laquelle la République française est très attachée (Mme Danièle Obono s’exclame) : aussi n’avons-nous pas à commenter cette décision, ni pour la soutenir, ni pour la condamner.
    Je tiens simplement à redire, puisque j’ai déjà eu l’occasion de le faire devant cette assemblée, que la France, dans ce domaine comme dans d’autres, appliquera rigoureusement, comme elle l’a toujours fait, les obligations qui lui incombent au titre du droit international.
    Au-delà de ce grave problème, je saisis l’occasion de cette réponse pour vous dire que nous travaillons activement, avec le président de la République et le gouvernement –⁠ notamment M. Barrot – à un accord de cessez-le-feu que nous espérons voir aboutir au Liban. Ce pays, auquel je suis personnellement très attaché, a connu 3 800 morts et 1 million de déplacés. Toute la diplomatie française continuera à agir pour que cesse ce conflit au Proche-Orient pour que tous les otages –⁠ dont deux de nos compatriotes – soient libérés le plus rapidement possible, pour que vienne un cessez-le-feu et que nous puissions nous diriger à nouveau, avec des bases politiques et diplomatiques, vers la création de deux États, celui d’Israël et celui de Palestine, vivant côte à côte dans le respect mutuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Le cessez-le-feu doit avoir lieu immédiatement, au Liban et à Gaza. Israël est en train de mener des frappes en ce moment même. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ M. Jean-François Coulomme applaudit également.)
    Votre ministre a en effet dit que la France appliquera le droit international, mais en refusant de dire si, au cas où il venait sur notre sol, M. Benyamin Netanyahou serait arrêté.

    Mme Danièle Obono

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    Arrêté, exactement !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Nous avons donc besoin de clarté : appliquer le droit international, cela signifie-t-il que M. Benyamin Netanyahou serait arrêté dans l’hypothèse où il viendrait en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Est-ce oui ou non ?

    Arrestation de Boualem Sansal

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Bigot.

    M. Guillaume Bigot

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    Nous connaissons tous, monsieur le premier ministre, ce mot du général de Gaulle : « On n’embastille pas Voltaire. » Pourtant, à Alger, un régime cupide et brutal vient d’arrêter Boualem Sansal, un Voltaire arabe, un Voltaire algérien et un Voltaire français. Pourquoi alors ce silence oppressant de votre gouvernement ?
    On nous explique que la diplomatie, pour être efficace, doit œuvrer discrètement. Mais l’arrestation, sans doute les mauvais traitements et la condamnation d’un homme de soixante-quinze ans, un des meilleurs esprits de langue arabe et de langue française, n’a pas été discrète et n’est pas le fait d’un groupe terroriste : elle est au contraire pour un régime le moyen spectaculaire de faire taire l’esprit critique, d’intimider les Algériens amoureux de la liberté ainsi que les Kabyles, que Boualem Sansal a défendus. C’est aussi pour ce régime le moyen d’intimider les millions de ressortissants franco-algériens qui doivent, eux aussi, apprendre à se taire.
    Cette arrestation est aussi un moyen de défier et de tester notre pays. Depuis combien de décennies faisons-nous semblant de ne pas voir que ce régime nous méprise et méprise notre faiblesse ?
    Il est temps que la culpabilité change de camp. La presse nous apprend que les deux enfants du ministre algérien de l’information, M. Meziane, sont scolarisés en France. Mais combien de hauts dignitaires du régime algérien ont-ils la double nationalité ? Combien de caciques du régime algériens se font-ils soigner dans nos hôpitaux ? Combien de biens mal acquis de ce régime inique se trouvent-ils à Paris ?
    Allez-vous au moins menacer de suspendre les visas ou les transferts de fonds ? Boualem Sansal est un ami. Boualem Sansal est un compatriote. Boualem Sansal est devenu un symbole. La France, l’Algérie et le monde nous regardent. Que vaut la protection du passeport français ?
    Ramenez-nous Boualem Sansal vivant, sans quoi le monde entier verra que vous aurez rompu le pacte vingt fois séculaire qui lie la liberté du monde et la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger

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    Vous me voyez désolée de votre déception…

    M. Sébastien Chenu

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    On n’est pas exactement dans le sujet !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Boualem Sansal, grand écrivain franco-algérien, fait honneur à nos deux pays. Il a en effet été arrêté il y a quelques jours en Algérie, et n’a pas été encore inculpé. Le président de la République et M. Jean-Noël Barrot ont exprimé leur très grande préoccupation quant à cette arrestation. (« Alors… » sur les bancs du groupe RN.)

    Un député du groupe RN

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    Le choix des mots !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Nous partageons la grande émotion du monde littéraire, du monde intellectuel et, au-delà, de très nombreux Français et de très nombreux Algériens…

    M. Julien Odoul

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    Et à part ça ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    …qui connaissent et apprécient l’homme et son œuvre.
    Les services de l’État sont pleinement mobilisés pour suivre la situation de notre compatriote et lui permettre de bénéficier de la protection consulaire prévue par le droit.
    Je ne peux, à ce stade, vous en dire davantage : oui, la diplomatie a besoin de discrétion pour agir –⁠ et non pas pour se taire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Sébastien Chenu

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    On a raison d’être déçu !

    Fonds de soutien aux activités périscolaires

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié.

    Un député du groupe RN

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    Il est de plus en plus à gauche !

    M. Sacha Houlié

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    Le principe établi par la loi, madame la ministre de l’éducation nationale, est celui d’une semaine scolaire de quatre jours et demi.

    M. Xavier Breton

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    Cela relève du décret !

    M. Sacha Houlié

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    La réforme des rythmes scolaires de 2013 prévoit, vous le savez, des activités sportives, culturelles ou artistiques en fin de journée. Ce beau projet favorise le développement intellectuel, la curiosité, et contribue à la réduction des inégalités sociales et scolaires. En dépit des dérogations décidées en 2014 et 2017, le principe n’a jamais changé : si de nombreuses communes ont préféré, pour des raisons principalement budgétaires, la semaine de quatre jours, la règle reste celle de quatre jours et demi.
    Pour aider les communes à appliquer ce qui n’est ni plus ni moins que la loi de la République, l’État a créé un fonds de soutien aux activités périscolaires. Son existence légale demeure.
    Toutefois, dès l’année dernière, le gouvernement a tenté de supprimer, purement et simplement, cet engagement qui s’élève désormais modestement à 40 millions d’euros. Devant les protestations légitimes des élus et des acteurs du terrain, dont les quatre députés de la Vienne, il avait –⁠ heureusement – dû reculer.

    M. Pierre Cordier

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    Heureusement que tu étais là, tu auras au moins servi à quelque chose !

    M. Sacha Houlié

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    Mais, pour la rentrée scolaire 2025, c’est à bas bruit que le projet de suppression pure et simple de cette ligne budgétaire se poursuit. La pseudo-consultation promise a fait pschitt et, dans le silence, votre gouvernement s’apprête à rayer ces crédits d’un trait de plume.
    Dans mon département, une commune sur deux est concernée par cette enveloppe de 1,6 million d’euros, laquelle va brutalement lui manquer –⁠ on parle de 600 000 euros pour la seule ville de Poitiers.
    Ces communes n’auront d’autre choix que de chercher ailleurs de l’argent –⁠ déjà rare – ou de supprimer les activités proposées.
    Qui assurera alors un accès égalitaire au sport à ces enfants ? Qui les emmènera à la piscine ? Qui leur proposera des sorties culturelles ? Qui les accompagnera aux diverses activités des centres socio-culturels ?
    Pouvez-vous vous engager solennellement à maintenir ces crédits ? Pouvez-vous rendre ces 40 millions d’euros aux enfants, aux enseignants, aux parents d’élèves, aux communes, aux élus ? Une telle somme ne manquera pas à l’État mais, à eux, si. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LIOT et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.

    Mme Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale

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    Je profite de votre question pour saluer les partenaires de l’école. Bien entendu, cette dernière fonctionne beaucoup mieux quand elle entretient de bonnes relations avec les collectivités locales, avec le monde associatif et celui de l’éducation populaire.
    À l’occasion du Congrès des maires et des présidents d’intercommunalités de France, j’en ai débattu avec eux et j’ai rappelé l’importance pour l’école et les mairies d’avancer ensemble et en confiance. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Un protocole visant à fédérer les acteurs sera signé dans les toutes prochaines semaines avec le président de l’AMF, David Lisnard, rappelant l’enjeu de la continuité éducative. Il s’agit de rendre les accueils périscolaires et de loisirs accessibles au plus grand nombre.
    Vous m’interrogez sur le fonds de soutien au développement des activités périscolaires. La plateforme de financement sera ouverte dans quelques jours. Ce fonds accompagne 1 300 communes, contre 20 000 à l’origine –⁠ elles sont donc beaucoup moins nombreuses aujourd’hui – et 600 000 élèves. Vous avez raison, entre 36 et 40 millions d’euros lui sont alloués.
    Mais la loi est très claire et personne n’est pris par surprise : ce fonds avait une durée de vie limitée. Il devait même s’éteindre à la rentrée 2024. Si nous avons pu le maintenir, tel n’était pas le projet initial.
    Nous devons continuer à travailler ensemble afin que tous nos jeunes bénéficient d’activités sportives, culturelles ou associatives de qualité, partout en France.
    C’est le sens du dialogue que j’entretiens avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, avec les représentants des autres collectivités locales et avec le monde associatif.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Et les crédits ?

    Mme Anne Genetet, ministre

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    Avec mon collègue Gil Avérous, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, nous y sommes aussi attachés que vous.

    Fraude fiscale à la résidence principale

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Peio Dufau.

    M. Peio Dufau

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    Député du Pays Basque, j’ai été alerté par de nombreux maires qui observent un phénomène de fraude fiscale massive.
    Certains propriétaires déclarent en effet leur bien comme résidence principale –⁠ alors qu’il s’agit de leur résidence secondaire – afin d’échapper à la taxe sur les plus-values immobilières, à la surtaxe sur la taxe d’habitation des résidences secondaires, ainsi qu’aux règlements locaux sur les meublés de tourisme.
    Dans certaines communes, la taxe d’habitation représente 15 % des recettes municipales et le manque à gagner est donc considérable. Si la surtaxe sur la taxe d’habitation rapporte 1,8 million d’euros par an à la commune de Biarritz, combien d’argent lui manque-t-il à cause de la fraude ?
    En outre, ces déclarations frauduleuses viennent gonfler artificiellement les statistiques de la loi SRU. À Biarritz, on estime qu’il y a 1 000 fausses résidences principales, ce qui représente 250 logements sociaux supplémentaires à bâtir. C’est la double peine !
    Au-delà des conséquences financières, il s’agit d’un enjeu de justice fiscale : des propriétaires de résidences secondaires profitent des services des collectivités et contribuent à la dégradation de la situation du logement pour les résidents ; pourtant, ils se soustraient à l’impôt dans l’impunité la plus totale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Annaïg Le Meur applaudit également.)
    Comment l’accepter ?
    Vous engagez-vous à faire appliquer la loi par des contrôles efficaces ? Si oui, avec quels moyens ?
    Avec nos collègues, Colette Capdevielle et Inaki Echaniz, si vous êtes prêt à vous engager, monsieur le ministre de l’économie, nous serons force de proposition, notamment sur les possibilités de coopération interservices et de soutien aux communes pour détecter la fraude.
    Le droit d’avoir un logement doit passer avant celui d’en avoir plusieurs : il est temps d’agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Quelques députés applaudissent debout. –⁠ Mme Annaïg Le Meur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

    M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

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    De nombreux parlementaires, sur tous les bancs, partagent le combat que vous menez, comme l’illustre la proposition de loi transpartisane défendue par Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz visant à favoriser la location de longue durée.
    Il ne doit plus être plus rentable, ou plus simple d’un point de vue fiscal ou réglementaire, de louer un logement pour une courte durée et de très nombreuses fois sur différentes plateformes que de louer un logement sur une plus longue durée.
    Le gouvernement est dirigé par un premier ministre issu d’un territoire montagnard ; la ministre chargée du tourisme est également issue d’un territoire montagnard, tout comme moi. Nous sommes soucieux de trouver un équilibre entre le soutien au tourisme et celui aux locations de longue durée.
    La proposition de loi précitée est devenue loi et elle permettra de généraliser l’enregistrement afin que les communes puissent surveiller localement le phénomène.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Antoine Armand, ministre

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    En outre, vous avez raison : nul ne doit se soustraire aux lois de la République, donc à l’impôt. Ne pas le payer, c’est ne pas respecter le pacte qui unit chaque contribuable à la République.
    Nous nous tenons à votre disposition pour étudier avec vous la meilleure manière d’appliquer la loi, soit par des coopérations interservices, soit par voie réglementaire. Je n’en doute pas : nous pouvons faire un bon travail, transpartisan. Soyez assuré de ma détermination. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Arrestation de Boualem Sansal

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Matthieu Bloch.

    M. Matthieu Bloch

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    Lorsqu’il fut demandé au général de Gaulle s’il était opportun de procéder à l’arrestation de Jean-Paul Sartre, il répondit simplement : « On n’arrête pas Voltaire ! »

    M. Pierre Cordier

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    Et Jean-Louis Tixier-Vignancour ?

    M. Matthieu Bloch

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    En arrêtant Boualem Sansal, l’un de nos plus grands écrivains, le gouvernement algérien n’a pas eu cette hauteur de vue. L’arrestation de ce défenseur des libertés illustre les dérives dictatoriales du régime d’Alger.
    Pendant ce temps, de l’autre côté de la Méditerranée, et de l’autre côté de l’hémicycle, pas un mot pour Boualem Sansal, et l’on en profite même pour déposer une proposition de loi visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme. Comble de l’ignominie, on le fait au nom de la liberté d’expression !

    M. Pierre Cordier

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    Les héritiers de Jean-Louis Tixier-Vignancour parlent !

    M. Matthieu Bloch

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    Le régime algérien est coupable. Mais que dire de la gestion désastreuse de la relation franco-algérienne depuis sept ans ? Le « en même temps » macronien est souvent marque d’irresponsabilité. En l’espèce, il l’est encore davantage : un jour, on se prosterne devant les dignitaires du régime algérien en qualifiant la colonisation de crime contre l’humanité, un autre, on fustige la rente mémorielle, qu’on a soi-même encouragée.
    Face à un régime qui ne recule devant rien pour gifler la France, allez-vous frapper fort ? Nous devons exiger la libération sans délai de Boualem Sansal, notre compatriote. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
    Dans l’attente de sa libération, nous devons immédiatement suspendre tous nos accords avec l’Algérie, tout octroi de visa et toute aide au développement.
    Allons-nous laisser un défenseur des libertés, un combattant contre l’islam radical, un des nôtres, un vieil homme de 75 ans, dans les geôles d’un gouvernement qui nous insulte ?
    Quand allez-vous rappeler notre ambassadeur ?

    M. Sylvain Maillard

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    Oh là là !

    M. Matthieu Bloch

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    Allons-nous laisser piétiner la liberté ? Allons-nous laisser humilier la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur de nombreux bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger

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    Je vous remercie pour cette nouvelle question. Après celle de M. Bigot, elle illustre la préoccupation commune du gouvernement et du Parlement, et, plus largement, celle de la nation, quant au sort de notre compatriote Boualem Sansal.
    Je le répète, je ne peux en dire davantage pour le moment.

    M. Julien Odoul

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    Elle dit encore la même chose !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Mais les services de l’État et le gouvernement sont pleinement mobilisés pour la libération de ce défenseur de la liberté de parole. Nous suivons ce dossier avec attention. Notre engagement n’est pas feint et notre compatriote bénéficie de la protection consulaire, prévue par notre droit. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)

    Crise agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Galzy.

    Mme Stéphanie Galzy

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    La situation de notre agriculture est dramatique et l’action du gouvernement n’encourage pas à l’optimisme.
    Même si quelques mesures conjoncturelles sont proposées pour calmer –⁠ démagogiquement – la colère des agriculteurs, nous sommes à la croisée des chemins, et vous le savez très bien, certainement mieux que votre majorité hétéroclite et l’extrême centre qui vous tient en otage et vous condamne à l’inaction.

    M. Pierre Cordier

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    Elle aurait peut-être préféré Boyard à l’agriculture ?

    Mme Stéphanie Galzy

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    Il faut désormais agir. Le temps n’est plus aux paroles, ces paroles prononcées par Gabriel Attal devant des bottes de paille quand il était –⁠ ce fut bref – premier ministre.
    Les factures s’accumulent et la trésorerie ne suit pas. Les coûts de production augmentent en raison de la hausse des prix de l’énergie. Les agriculteurs vivent dans la peur et l’angoisse, et ils doivent faire face à une concurrence étrangère déloyale inédite.
    Sur les panneaux des communes de l’Hérault recouverts de noir, on peut lire : « Ici survivent des agriculteurs ; ici meurent des agriculteurs. » Je ne souhaite pas voir des familles se vêtir de noir à leur tour, et porter le deuil d’un mari, d’une épouse, d’un frère, d’une sœur.
    Le gouvernement doit prendre des mesures afin de soutenir financièrement les agriculteurs, pour qu’ils puissent continuer à produire au meilleur coût, sans sacrifier la qualité.
    Je demande instamment au gouvernement de défendre nos intérêts à l’international et de promouvoir des politiques qui favorisent les produits locaux.
    Quelle est votre vision de l’agriculture pour les cinq prochaines années ? Comment comptez-vous œuvrer en faveur de cette noble profession qui, depuis des siècles, nourrit et fait vivre la population française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    Il n’y a aucune démagogie dans l’action que conduit le gouvernement sous l’autorité du premier ministre. Au contraire, nous avons le souci de respecter une profession éminemment utile au pays.
    À ceux qui ont la dent dure contre les agriculteurs, je demanderai de mesurer à quel point ces derniers sont précieux pour le pays : ils nous nourrissent et méritent donc d’être reconnus dans cette fonction éminente. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
    Depuis deux mois, j’ai à cœur d’être sur le terrain chaque semaine –⁠ je suis venue deux fois dans votre région pour rencontrer les éleveurs, les agriculteurs et les producteurs.

    M. Emeric Salmon

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    Vous auriez pu aller à la Sainte-Catherine à Vesoul !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Je vous confirme y avoir trouvé beaucoup de souffrances auxquelles nous ne pouvons rester indifférents.
    La conjonction de crises est invraisemblable cette année : une crise sanitaire d’abord, puisque quatre épidémies très graves frappent les élevages, une crise de rendement ensuite (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), liée aux désordres météorologiques majeurs. Tout cela affecte les revenus des agriculteurs. J’y suis très attentive.
    Avec les professions agricoles, nous avons développé différents outils de soutien à la trésorerie et différentes aides. En collaboration avec la Mutualité sociale agricole, nous avons abondé les dispositifs d’exonération partielle des charges et d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, ainsi que les deux dispositifs de prêt pour soutenir les trésoreries.
    Nous continuerons dans la même direction, demeurant attentivement à l’écoute du terrain. Dans le secteur de la viticulture, puisque c’est une…

    Mme la présidente

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    Votre temps de parole est écoulé, madame la ministre.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    J’en suis désolée, car la question est si large.

    Budget de la culture

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Julie Laernoes.

    Mme Julie Laernoes

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    Le service public de la culture est un pilier fondamental, un vecteur essentiel de cohésion, d’émancipation, de désenclavement, de partage des savoirs et d’attractivité des territoires.
    Dans les Pays de la Loire, la culture occupe une place centrale en raison du riche patrimoine de la région et de la vitalité des acteurs culturels locaux. Ces atouts sont aujourd’hui violemment attaqués par la présidente de la région, qui, par excès de zèle, a décidé d’amputer de 73 % le budget de la culture –⁠ une coupe drastique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme Anne-Laure Blin

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    Oh là là !

    Mme Julie Laernoes

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    Mme Morançais considère que « la région n’a plus vocation à intervenir » et dénonce un « monopole intouchable » et des « associations très politisées, qui vivent d’argent public ». (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ M. Laurent Wauquiez applaudit également.) Nous sommes choqués par ces règlements de comptes d’une violence hallucinante, qui relèvent du dogmatisme et de la démagogie. Pas moins de 150 000 emplois sont en jeu : c’est un véritable plan social qui ne dit pas son nom.
    Non, la culture n’est pas un luxe. Elle est essentielle à notre société car elle nous rassemble et donne du sens à notre démocratie sociale. Financer la culture, c’est ouvrir les théâtres, les musées, les festivals à tous ces mômes qui sans le service public et l’école n’y auraient jamais accès.
    Madame la ministre de la culture, adhérez-vous à cette dialectique trumpiste qui s’en prend à la liberté d’expression et de création ? Sommes-nous encore en France, pays dont la culture est enviée dans le monde entier, quand on se permet de trier entre les bonnes et les mauvaises pratiques culturelles ?
    Vous avez une part de responsabilité dans les agissements odieux de Mme Morançais. Alors que les fractures sociales et économiques se creusent, votre budget de statu quo pour la culture constitue en réalité un recul. Dans la période obscure que nous traversons, ferez-vous renaître l’étincelle ou éteindrez-vous définitivement la lumière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC. –⁠ M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement.

    Mme Maud Bregeon, ministre déléguée auprès du premier ministre, porte-parole du gouvernement

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    Je vous prie d’excuser l’absence de ma collègue Rachida Dati, retenue à Bruxelles.
    Vous avez raison : la culture n’est pas un luxe –⁠ en tout cas, elle ne devrait pas en être un. Il n’appartient pas au gouvernement de procéder aux arbitrages budgétaires à la place des régions ; c’est le rôle des conseillers régionaux. Ce n’est qu’au cours du mois de décembre que les élus de la région Pays de la Loire décideront du budget pour 2025. Vous suggérez que la baisse budgétaire annoncée serait la conséquence de l’effort demandé aux collectivités pour maîtriser les déficits –⁠ c’est faux.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Mais bien sûr que si, l’impact est très fort sur la culture !

    M. Jean-Claude Raux

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    C’est évident !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    La culture fait toujours partie des premiers postes coupés !

    Mme Maud Bregeon, ministre déléguée

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    L’État soutient la culture en reconduisant le budget 2024 pour 2025 –⁠ lequel atteint un niveau historique.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    Mme Maud Bregeon, ministre déléguée

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    L’année 2025 sera marquée par des plans exceptionnels, notamment pour le patrimoine, qui bénéficiera de 300 000 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 200 000 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires.
    L’État encourage les collectivités à considérer que la politique culturelle est essentielle à la cohésion de la nation et au développement de chacun, tout en pointant la nécessité de réduction des déficits, principe qui s’impose à tous dans un contexte budgétaire très contraint.

    Lutte contre les violences sexistes et sexuelles

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Lingemann.

    Mme Delphine Lingemann

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    Hier avait lieu la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Le même jour, à Avignon, le procureur prenait ses premières réquisitions dans le procès des viols de Mazan. Ces deux événements illustrent qu’il est plus que jamais nécessaire que les responsables politiques que nous sommes apportent une réponse ferme, juste et efficace à la question des violences sexistes et sexuelles. Si des progrès significatifs ont été accomplis ces dernières années, l’arsenal législatif actuel reste fragmentaire et ne couvre pas l’ensemble des violences subies par les femmes dans leur quotidien. Il contient de nombreux angles morts –⁠ études, sport, transports, travail. En France, plus de deux femmes sur cinq ont été victimes de violences sexistes ou sexuelles au cours de leur vie professionnelle. Dans le monde de la santé, c’est une femme médecin sur deux.
    Je ne suis pas pour instrumentaliser ce long combat, comme certains le font. Je ne suis pas non plus pour stigmatiser les hommes, mais pour les associer à cette lutte –⁠ nous devons tous poursuivre l’effort engagé. Face à une législation morcelée et incomplète et au manque de coordination des différents acteurs, il est urgent d’apporter une réponse globale aux violences faites aux femmes, à travers un vrai projet de loi, et non à coups de propositions de loi. Monsieur le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, quels moyens comptez-vous employer pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles du quotidien ? Êtes-vous favorable à une grande loi-cadre impliquant tous les ministères concernés, qui prendrait en compte l’ensemble de ces violences, notamment celles exercées en contexte professionnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

    M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes

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    Vous m’interrogez sur un sujet important : notre plan de bataille pour lutter contre les violences à l’encontre des femmes, notamment dans le contexte professionnel. Au travail, les violences faites aux femmes prennent de nombreux visages, en premier lieu celui des violences économiques, qui s’exercent par l’intermédiaire des inégalités salariales et des discriminations liées au sexe ou à l’arrivée d’un enfant dans la famille. Nous devons garantir aux femmes l’accès aux mêmes opportunités professionnelles et aux mêmes niveaux de rémunération que les hommes pour atteindre l’égalité réelle.
    Sept ans après l’émergence du mouvement #MeToo et cinq ans après le Grenelle des violences conjugales, la France s’est dotée d’un arsenal juridique inédit, avec pas moins de huit lois pour mieux protéger et accompagner les victimes, et mieux réprimer les auteurs de violences.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Ça ne marche pas du tout !

    M. Paul Christophe, ministre

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    En complément, le plan interministériel 2023-2027 pour l’égalité entre les femmes et les hommes, Toutes et tous égaux, comprend des mesures ambitieuses pour renforcer l’action de l’État envers les entreprises, afin de favoriser les actions vertueuses, de lever les freins à la conciliation entre l’emploi et la parentalité, et de soutenir les femmes qui entreprennent. Ces mesures sont essentielles car renforcer l’égalité au travail réduit les risques de rapports d’autorité déséquilibrés, propices aux violences sexistes et sexuelles.
    Le premier ministre l’a répété : la lutte contre les violences faites aux femmes est une ligne rouge, et la détermination du gouvernement est entière. Je rappelle la présence à mes côtés de Salima Saa, mais c’est l’ensemble du gouvernement qui reste mobilisé car ces questions exigent une approche interministérielle. Nous pourrons nous appuyer sur le tout récent rapport de la mission interministérielle sur les violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir, remis peu de temps après notre prise de fonctions.
    Je connais votre implication au sein de la délégation aux droits des femmes, mais aussi dans votre territoire. Ainsi, vous avez assisté hier à l’inauguration d’une maison des femmes au sein du CHU de Clermont-Ferrand. Je sais pouvoir compter sur votre soutien ainsi que sur celui de la délégation tant il reste de chemin à parcourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Lingemann.

    Mme Delphine Lingemann

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    Le combat en faveur des droits des femmes doit se poursuivre. Vous pourrez également compter sur le groupe Les Démocrates, notamment sur Sandrine Josso et moi-même, membres de la délégation aux droits des femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Déclaration du gouvernement sur l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la déclaration du gouvernement portant sur les négociations en cours relatives à l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
    La parole est à Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    M. Pierre Cordier

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    Sans doute la meilleure d’entre nous, comme l’aurait dit Jacques Chirac !

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    Il y a très exactement soixante ans, le 21 septembre 1964, commençait un voyage de près de 32 000 kilomètres à travers le continent latino-américain. Bien qu’ils n’aient pas exactement été prononcés à cette occasion, la postérité y associera ces mots : « Marchemos la mano en la mano ! » Ce voyage, c’est le général de Gaulle qui l’effectua, trois semaines durant, dans le but de renforcer les liens qui nous unissent aux républiques d’Amérique latine. Ces mots, je crois utile de rappeler qu’ils sont le reflet d’une ambition inchangée : les peuples français et latino-américains ont marché, marchent et marcheront main dans la main.
    Cette relation, parce qu’elle est forte et profonde, résistera avec certitude aux épreuves du temps, à la condition toutefois qu’elle demeure exigeante et que les grands équilibres dans lesquels elle s’inscrit ne soient pas menacés. Or, à l’heure où plusieurs de nos partenaires pressent la conclusion d’un accord de libre-échange avec le Mercosur, le risque est réel car –⁠ et j’insiste sur ce point – l’accord, tel que la Commission européenne l’envisagerait, n’est pas acceptable, et le gouvernement français et le président de la République s’y opposent donc pleinement, résolument. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Très bien !

    M. Arnaud Le Gall

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    Voilà qui a le mérite d’être clair !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Si cette opposition est ferme, elle n’a rien de doctrinaire…

    M. Arnaud Le Gall

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    Dommage !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …et vous ne trouverez personne au gouvernement qui entende prohiber les échanges agricoles. Ne l’oublions pas, le secteur agricole est, pour la France, un véritable vecteur de puissance au plan mondial. Nous demeurons le sixième pays exportateur de produits agricoles et agroalimentaires, et nos exportations généraient, en 2023, près de 85 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 6,5 milliards d’euros d’excédent commercial. Ces résultats, nous les devons pour partie à la libération des échanges et à l’abaissement des droits de douane. Les parts de marché agricoles que nous avons conquises à l’instauration du marché unique européen le démontrent.
    Il serait donc irresponsable pour la France de s’opposer par anticipation et par principe à tout accord de libre-échange tant un accord de ce type, lorsqu’il est équilibré, peut offrir de précieux débouchés pour nos filières, pour la France et pour l’Europe.
    Si nous nous opposons à cet accord, ce n’est pas par dogmatisme mais par pragmatisme, parce que les craintes graves qu’il a fait naître chez nous n’ont pas su trouver de réponse en vingt-cinq années de négociation.
     
    Les premières de ces craintes sont économiques et sanitaires. Nous ne pouvons plus continuer de donner aux agriculteurs le sentiment de n’être qu’une monnaie d’échange sur le plan international.
    Compte tenu des évolutions de la géopolitique de l’alimentation, reléguer notre souveraineté alimentaire au second plan serait une folie.
    L’agriculture ne doit jamais devenir une variable d’ajustement dans les décisions que prend l’Union européenne (UE). La France s’y refuse.
    Dans cette configuration internationale, notre vote doit permettre de reconnaître solennellement que la France veillera désormais à ce que l’agriculture ne soit plus seulement un secteur défensif, mais aussi un secteur stratégique à défendre –⁠ voilà notre ambition.
    Le problème va plus loin, car si, en soixante-sept ans d’existence, notre union a su bâtir un cadre normatif étoffé, robuste, qui encadre avec rigueur les modes de production agricole et fait de nos paysans les garants de notre sécurité sanitaire, les multiples audits qu’elle a menés depuis 2017 en Argentine, au Brésil et en Uruguay ont mis en évidence des failles parfois qualifiées de systémiques dans les dispositifs d’inspection et de contrôle. Un audit l’a encore rappelé récemment pour la viande bovine.
    Cet état de fait implique que, dans les conditions actuelles, la production des pays du Mercosur ne nous garantit ni le respect des normes européennes pour les denrées importées, tel que nous l’envisageons en Europe, ni l’établissement de conditions de concurrence loyales pour nos agriculteurs.

    M. Vincent Descoeur

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    Il y a en effet un problème !

    M. Benjamin Dirx

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    Exactement !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Dans ce cadre, le président de la République et le gouvernement formulent une exigence de bon sens : chaque norme appliquée à un produit européen doit aussi l’être à n’importe quel produit extra-européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)

    M. Vincent Descoeur

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    Parfait !

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Enfin !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    C’est pourquoi la France souhaite développer des mesures dites miroirs, réciproques et s’appliquant à l’ensemble de nos partenaires commerciaux, ainsi que le contrôle de leur exécution.
    C’est la clé pour défendre notre modèle agricole, vertueux et respectueux de l’environnement et des consommateurs.

    M. Arnaud Le Gall

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    La blague !

    M. Matthias Tavel

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    Vous n’y croyez pas vous-même !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Comment justifier l’ouverture de notre marché à l’importation de 180 000 tonnes de sucre lorsqu’on sait que jusqu’à 145 pesticides dont l’utilisation est interdite aux producteurs européens peuvent être librement utilisés dans les exploitations du Mercosur ?

    M. Vincent Descoeur

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    C’est inacceptable !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Ce constat est d’autant plus frappant quand on sait que les limites maximales de résidus phytosanitaires autorisés sont jusqu’à six fois plus élevées dans certains pays du Mercosur qu’en Europe.
    De même, comment justifier l’ouverture de notre marché à l’importation de 180 000 tonnes de volaille, lorsqu’on sait que des antibiotiques sont utilisés en élevage comme vecteur de croissance dans certains pays du Mercosur –⁠ ce qui est interdit en Europe – et que des molécules classées cancérogènes, mutagènes et toxiques, interdites chez nous, peuvent parfois y être utilisées en agriculture biologique ?
    Face à ces procédés, qui ne sont pas les nôtres, la concurrence serait impossible,…

    M. Vincent Descoeur

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    Et déloyale !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …nos agriculteurs seraient fragilisés et la sécurité sanitaire de nos denrées mise en danger.
    Ce vote est d’autant plus important que la France formule de sérieuses craintes quant à une perte de souveraineté alimentaire, car l’introduction sur notre marché de tels produits engendrerait des déséquilibres pour nos filières agricoles.
    Pour des secteurs aussi sensibles que la viande de bœuf ou de volaille, l’éthanol, le sucre ou le maïs, nous connaissons le résultat : baisse du prix des denrées alimentaires, baisse des revenus et donc fermeture de multiples exploitations et sites de production, dans un contexte déjà difficile pour le renouvellement des générations. (M. Laurent Wauquiez applaudit.)

    M. Vincent Descoeur

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    Exactement !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Bravo !

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Cela serait la fin de notre agriculture !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Avec cet accord, nous signerions le contrat de délocalisation d’une partie de notre agriculture car nous importerions davantage de produits qui ne respecteraient pas nos normes.
    Alors que seulement quatre années nous séparent de la pandémie, comment assumer de fragiliser durablement et profondément un secteur aussi vital que notre alimentation ? Les Français et les Européens nous le reprocheraient.
    Face à ces craintes, profitons de cette tribune pour lancer une ultime alerte car il y a tout juste un an, un puissant cri de colère traversait le continent, de la Bretagne aux Carpates, et ciblait un monde politique dont les agriculteurs n’acceptaient plus le cap. Ne l’oublions pas.
    Ces deux dernières semaines, des échos nous en sont revenus. Ils nous disent que la colère est vive et que depuis de trop nombreuses années, le monde agricole est pris en étau, presque étouffé, par des injonctions contradictoires, dont l’accord négocié avec le Mercosur, tel que l’envisage la Commission, est l’emblème.
    Nos paysans ne refusent pas de s’adapter au changement climatique –⁠ ils en sont les premières victimes –, mais ils ne supportent pas que, dans le même temps, nous promouvions l’importation de produits ne respectant pas les normes qui leur sont imposées –⁠ d’autant plus qu’ils ont le sentiment qu’on leur demande de changer leurs pratiques à marche forcée.

    Mme Marie Pochon

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    Eh oui ! Mais c’est le résultat de votre politique !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Ils ne supportent plus cette incohérence. Ils ne veulent plus de cette schizophrénie ; ils veulent continuer de nourrir tous les Français.

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Et de bien les nourrir !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Ils refusent de se résigner à une agriculture à deux vitesses : d’une part, celle que seuls certains Français pourraient se permettre ; d’autre part, celle réservée aux plus précaires de nos citoyens, condamnés à ne se nourrir que de denrées importées, lesquelles ne respecteraient pas nos normes de production. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Très bien !

    M. Vincent Descoeur

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    Eh oui !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Ils ont raison. Ils demandent que l’on défende la souveraineté alimentaire. La nation entière doit être à leurs côtés. Telle doit être la boussole de notre politique agricole.
    Face à la perspective de la ratification de cet accord, adressons à nos partenaires un message clair : ne jetez pas l’allumette dans le baril de poudre. Le souffle d’une telle détonation parcourrait tout le continent, jusqu’à Bruxelles, et creuserait une fracture béante entre le Berlaymont et nos campagnes.
    Ce sont les raisons qui poussent le gouvernement à s’opposer à cet accord tel que l’envisage la Commission.
    Mes voyages diplomatiques m’ont donné la conviction que nous n’étions pas les seuls, car l’absence de garanties sérieuses pour nos agriculteurs, notre sécurité sanitaire, notre souveraineté et notre environnement ne préoccupe pas seulement la France.

    M. Fabrice Brun

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    Cette opposition fédère !

    M. Vincent Descoeur

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    Elle a raison !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Ce matin, le conseil des ministres de la Pologne a décidé de voter contre l’accord du Mercosur. Le ministre de l’agriculture polonais, M. Czeslaw Siekierski, me l’a confirmé. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Pierre Cordier

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    Très bien, les Polonais !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    C’est un magnifique signal auquel nous devons répondre en y apportant notre concours.
    Parce que nous souhaitons continuer de marcher main dans la main avec les pays du Mercosur, parce que nous souhaitons que la France demeure une grande puissance agricole, parce que nous souhaitons protéger nos agriculteurs, notre santé et notre souveraineté, et parce que nous souhaitons que l’Europe reste pour les Français le destin dont ils veulent, vous nous trouverez à vos côtés, mesdames et messieurs les députés, pour mener cette bataille.
    Cette bataille, nous voulons la mener avec vous –⁠ Jean-Noël Barrot, Benjamin Haddad, Sophie Primas…

    M. Hervé Berville

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    D’excellents ministres !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …et l’ensemble du gouvernement.
    Un accord transpartisan contre la signature de ce traité, tel que la Commission l’envisage, aurait une grande force politique –⁠ c’est tout le sens du vote sur cette déclaration. C’est le message que nous voulons délivrer à l’Europe : l’unité dans la diversité de nos idées politiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger

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    Ensemble, nous débattons d’un enjeu crucial : l’accord d’association entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Cette discussion, suivie d’un vote, constitue un moment clé pour nos travaux.
    Ayant la charge de la politique commerciale, il n’y a pas un jour où je ne traite de ce sujet –⁠ soyez-en assurés. Échanger avec vous des dernières évolutions du dossier est un moment très important.
    Le gouvernement a tenu à ce débat car, sur une question d’une portée aussi capitale, il était inconcevable de contourner l’expression souveraine des parlements nationaux.
    Il va sans dire que je souscris pleinement aux propos d’Annie Genevard et je souhaite réaffirmer l’unité d’action du gouvernement et du président de la République sur ce sujet.
    L’accord d’association entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, en négociation depuis vingt-cinq ans, est bien plus qu’un simple sujet technique, comme nous l’avons rappelé à la Commission européenne.
    Il entraîne des conséquences majeures pour nos sociétés, pour nos territoires, pour nos acteurs économiques, et même pour la confiance que les Français placent en l’Europe. Il exige une concertation transparente et démocratique afin que toutes les opinions puissent être entendues. La semaine dernière, au Conseil des affaires étrangères –⁠ pour le commerce –, j’ai pu mesurer que cette transparence constitue un enjeu majeur pour l’ensemble de nos partenaires européens.
    La mobilisation remarquable des plus de 600 parlementaires français ayant adressé une lettre à la présidente de la Commission européenne témoigne de l’implication exemplaire de la représentation nationale. Je vous en remercie.
    La force de cet engagement nous oblige et nous rappelle que les grandes décisions européennes doivent toujours puiser leur légitimité dans les aspirations et les préoccupations de nos concitoyens.
    La ministre de l’agriculture vous a exposé avec clarté les menaces importantes que la version actuelle de l’accord fait peser sur l’avenir de nos filières agricoles. Elle a parfaitement démontré que jamais plus l’agriculture, en particulier ses filières fragiles, ne peut constituer une variable d’ajustement dans ces négociations.
    Mais l’agriculture, si précieuse pour la France et ses territoires, n’est pas l’unique point de difficulté de cet accord, car il est en décalage complet, si ce n’est en contradiction, avec les défis environnementaux de notre temps.
    Les pays du Mercosur jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans la préservation de la biodiversité. Il ne s’agit pas de pointer un doigt accusateur sur eux, ils sont souverains, et plutôt que de les accuser, nous devons les respecter, reconnaître leurs efforts et les convaincre.
    En Europe, au nom de l’environnement, nous imposons à nos producteurs, à nos industriels, et ce dans tous les secteurs, ainsi qu’à nos concitoyens des normes de plus en plus exigeantes.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est pour leur santé !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Ce choix a des conséquences sur notre compétitivité.
    Nous ne pouvons donc pas, au nom de notre politique commerciale, faire entrer sur le marché de l’Union européenne des produits moins-disants et moins normés en matière environnementale, donc plus compétitifs. (M. Laurent Wauquiez applaudit.)

    M. Vincent Descoeur

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    Eh oui !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Il y va de la cohérence des politiques publiques européennes, mais aussi de l’adhésion de nos concitoyens à la politique européenne dans son ensemble. L’incompréhension et la colère des agriculteurs en sont le symbole.
    Cela irait même à l’encontre de la position actuelle de la Commission européenne, car elle a désormais introduit les enjeux de durabilité au cœur des futurs accords de libre-échange qu’elle négocie.

    M. Loïc Prud’homme

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    Ne soyons pas naïfs !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Revenir sur nos engagements environnementaux avec des pays aussi importants et stratégiques que sont ceux du Mercosur serait totalement incohérent.
    La France s’évertue, depuis plusieurs années, à défendre une politique commerciale équilibrée et durable. Aussi voulons-nous que cette approche soit pleinement intégrée à l’accord avec les pays du Mercosur. Nous ne pouvons pas accepter qu’un accord signé en 2024 ne respecte pas les standards de 2024, d’autant plus que cela s’est fait pour l’accord récemment signé entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande.

    Mme Marie Pochon

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    C’est une blague ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Nous n’accepterons pas un texte qui ne ferait pas de l’accord de Paris un élément essentiel. Il ne peut pas s’agir d’une référence vague ou d’un simple principe ;…

    M. Matthias Tavel

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    Mais c’est pourtant bien le cas, pour vous !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    …son non-respect par l’une des parties pourrait suspendre l’application de l’accord du Mercosur.
    Nous n’accepterons pas davantage un accord dont les dispositions en matière de développement durable seraient dépourvues de force exécutoire, par l’absence d’un dispositif de règlement des différends et donc de sanctions.
    Que ferions-nous si, un an ou deux après la signature de l’accord, un ou plusieurs pays décidaient de se retirer de l’accord de Paris ? Les dispositions juridiques efficaces qui devraient nous protéger de ce risque doivent impérativement se trouver au cœur de l’accord, mais ce n’est pas encore le cas.

    M. Fabrice Brun

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    L’accord avec le Mercosur est une insupportable provocation, compte tenu de la détresse des agriculteurs !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Je le redis également avec conviction : nous demandons à l’Union européenne de progresser dans la négociation de clauses miroirs.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et les moyens pour les faire respecter ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Si une norme s’applique à un produit européen, elle doit s’appliquer de la même manière à tout produit similaire, quelle que soit son origine.
    D’où notre exigence, abstraction faite, même, de l’accord avec le Mercosur, de développer des mesures miroirs, c’est-à-dire un principe de réciprocité dans l’ensemble de nos partenariats commerciaux.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Oui, mais il faut les moyens de le contrôler !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Levons ici toute ambiguïté : contrairement à ce qu’on entend parfois, il ne s’agit en aucun cas pour la France ou son gouvernement de se fermer au commerce.

    M. Matthias Tavel

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    C’est un aveu !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Fermeté n’est pas fermeture.

    M. Vincent Descoeur

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    Très bien !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    La France est une grande puissance exportatrice et nos agriculteurs le savent mieux que quiconque, Mme la ministre Annie Genevard vient de le souligner. Dans le domaine industriel et dans celui des services, nous avons besoin d’accords de commerce pour continuer de diversifier nos approvisionnements, ouvrir de nouveaux débouchés et accompagner les entreprises dans la sécurisation de leurs relations d’affaires ou dans l’accès aux marchés publics.

    M. Arnaud Le Gall

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    Mais ce n’est pas la même chose !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Nous sommes d’ailleurs très vigilants sur le contenu du volet industriel de l’accord.
    Les accords que nous concluons désormais doivent être équilibrés, justes, et doivent protéger nos intérêts, d’autant que les autres États n’hésitent pas à imposer pareille exigence. Ils doivent aussi protéger le modèle de société que nous défendons, au nom de nos préférences collectives. Voilà des points essentiels, qui constituent autant de lignes rouges.
    Notre opposition à l’accord signifie-t-elle que nous nous fermons à l’Amérique latine ? Non, bien entendu !
    Nous avons besoin d’un partenariat étroit avec les pays du Mercosur, avec lesquels nous partageons une histoire forte, une communauté de valeurs et des intérêts économiques importants. Qu’il s’agisse de liens économiques ou géostratégiques, nous ne méconnaissons pas une seconde l’importance des relations puissantes de l’Europe avec cette zone du monde. Toutefois, l’estime dans laquelle nous tenons nos partenaires du Mercosur ne doit pas nous aveugler : l’accord en discussion n’est pas acceptable.

    M. Jérôme Buisson

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    « En l’état » !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Depuis cette tribune, je tiens à vous assurer de ma détermination absolue, de celle de la ministre de l’agriculture et de l’ensemble du gouvernement à marteler notre position, à partager nos arguments avec nos homologues européens et à les convaincre.

    M. Vincent Descoeur

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    Vous y parviendrez !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Je dois d’ailleurs reconnaître que nous bénéficions d’une écoute, certes prudente et discrète, mais certainement de plus en plus attentive au sein du Conseil européen.
    Enfin, nous sommes très clairs sur le respect du mandat donné par celui-ci à la Commission au sujet de la forme de l’accord, censé être un accord d’association mixte. Un changement de forme, qui permettrait le contournement du vote à l’unanimité des États membres et de la ratification des parlements nationaux, serait inacceptable…

    M. Matthias Tavel

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    Commencez par faire voter le Ceta !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    …et porterait atteinte au respect des compétences des États membres. Ce serait contraire au mandat de 1999, auquel la Commission européenne ne cesse de se référer.
    Depuis sa nomination, il y a huit semaines seulement, le gouvernement déploie une énergie sans précédent pour convaincre ses partenaires de se rallier à sa position. La version finale de l’accord n’étant pas encore connue,…

    M. Matthias Tavel et M. Maxime Laisney

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    Ah !

    M. Matthias Tavel

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    Sans blague !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    …car les négociations se poursuivent, beaucoup d’États membres n’ont pas encore rendu publique leur position officielle. Il reviendra à chacun d’entre eux, et à eux seuls, de la faire connaître le moment venu.

    M. Matthias Tavel

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    Faudra-t-il alors revoter ?

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Il est néanmoins utile et instructif d’observer les déclarations publiques de figures majeures de la vie politique de plusieurs États membres, ainsi que du Parlement européen, pour constater que le débat a désormais pleinement investi la scène européenne. D’ailleurs, la ministre de l’agriculture rappelait à l’instant la position de la Pologne, un élément essentiel. Il me semble que notre position gagne des soutiens, mais nous ne devons pas relâcher notre vigilance et notre travail de persuasion.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est nécessaire !

    M. Fabrice Brun

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    C’est même indispensable.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Mesdames et messieurs les députés, chacune de vos voix est cruciale. Votre mobilisation constante a déjà marqué les esprits et doit durer : vous êtes, avec nous, les acteurs clés de ce combat.

    M. Fabrice Brun

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    C’est l’Assemblée nationale qui en donnera la direction.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    La diplomatie parlementaire, en direction de vos homologues de tous les pays européens et de toutes les sensibilités, et vos relais à Strasbourg et à Bruxelles sont des leviers puissants pour faire valoir nos préoccupations et nos exigences au plus haut niveau.

    M. Matthias Tavel

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    Commencez par mobiliser votre propre groupe au Parlement européen !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Je compte donc sur vous, sur votre voix. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne (GDR)

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    Voilà vingt-cinq ans qu’ont été lancées les négociations de l’accord de libre-échange dont nous sommes en train de débattre. Vingt-cinq ans d’opacité, pour parvenir au même deal que celui trouvé il y a six ans et remisé, depuis, au frigo. Un accord d’un autre temps, d’un autre siècle, où le mythe néolibéral faisait encore rêver, où les vertus de l’expansion du commerce international étaient censées balayer toutes les craintes. D’un siècle où la souveraineté alimentaire restait, pour beaucoup, un mot tabou. D’un siècle, surtout, où la mesure du défi climatique et environnemental n’avait pas encore été suffisamment prise par nos sociétés.
    Que constatons-nous, un quart de siècle plus tard ? D’abord, que les fondamentalistes du marché sont toujours aux fourneaux de la Commission européenne.

    M. Édouard Bénard

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    Très vrai !

    M. André Chassaigne

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    Que les mêmes chefs aux douze étoiles nous mijotent les mêmes mets, avec les mêmes ingrédients, dans les mêmes casseroles, usant et abusant de la compétence exclusive qui leur a été transférée en matière de négociation commerciale avec l’adoption à marche forcée du sinistre traité de Lisbonne de 2007. Que pèsent si peu, dans les orientations de la politique européenne, les millions de tonnes de CO2, les millions d’hectares supplémentaires sur lesquels s’étend la déforestation de notre mère la Terre, les impacts sociaux et sociétaux inhérents au modèle de production intensif guidé par la seule rentabilité financière !
    Si ces accords sont aujourd’hui si contestés, c’est qu’ils sont totalement dépassés, au regard des grands défis humains et environnementaux du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ Mme Marie Pochon et M. Dominique Potier applaudissent également.) Ces défis devraient pourtant guider l’action de nos États et, à plus forte raison, celle de l’Union européenne.
    Contrairement à l’habile communication qui accompagne leur promotion, ces traités n’ont pas pour objectif de construire les coopérations que nous souhaiterions –⁠ répondant aux défis climatiques, environnementaux et sociaux et contribuant à la paix mondiale. C’est tout l’opposé : ces traités favorisent des logiques dangereuses d’abaissement des droits et des normes, puisque leur socle est figé sur la tyrannie de la compétitivité-prix, la baisse des coûts de production, sur la concurrence des systèmes productifs et des travailleurs du monde entier entre eux.

    M. Jean-Yves Bony

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    Il a raison !

    M. André Chassaigne

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    L’obsession de la Commission pour la conclusion d’accords de libre-échange s’inscrit dans une continuité idéologique. Elle fait suite à l’échec des négociations multilatérales du cycle de Doha, au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et aux impasses dans lesquelles se sont successivement trouvées les adoptions de traités multilatéraux comme l’Accord sur le commerce et les services (Tisa).

    M. Fabrice Brun

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    Nous étions opposés au Ceta, je dois le rappeler.

    M. André Chassaigne

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    Je me dois de le dire aux repentis du tout-marché de cet hémicycle,…

    M. Arnaud Le Gall

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    Des repentis relatifs…

    M. André Chassaigne

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    …comme aux nombreux agriculteurs et éleveurs, qui suivent nos débats et s’insurgent, à juste raison, contre cet accord : les concurrences déloyales, l’ajustement sur les prix et les marchés mondiaux sont les fruits d’un capitalisme mortifère, supposé bienfaiteur de l’humanité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ Mme Marie Pochon applaudit également.)
    Nous le savons tous : les conséquences agricoles et alimentaires de cet accord sont majeures. Qu’est-ce qui n’a pas été dit sur la totale contradiction entre son contenu et l’impérieuse nécessité de protéger l’agriculture durable en Europe ? Qu’est-ce qui n’a pas été dit sur l’insupportable image que donne l’Union européenne en autorisant l’importation d’un nombre toujours croissant de produits non conformes aux exigences réglementaires qu’elle impose pourtant à ses producteurs ?
    Que dire des 99 000 tonnes équivalent-carcasse (TEC) de viande bovine à droits de douane quasi nuls, des 25 000 tonnes de porc et 180 000 tonnes de volaille sans droit de douane ? Autant de tonnages auxquels s’ajouteront ceux que prévoient les différents accords déjà signés et la dizaine d’accords en préparation. Que dire des productions végétales pour lesquelles sont autorisés en Amérique du Sud presque tous les produits phytosanitaires interdits en Europe ? Stimulateurs de croissance, produits phytosanitaires, poursuite de la déforestation, absence de traçabilité et de moyens réels de contrôle, bilan carbone… un inventaire à la Prévert de ce qu’il ne faudrait pas faire.
    Cet accord est une imposture agricole et alimentaire qui méprise nos agriculteurs et nos éleveurs. Il vide le sens même de leur travail, puisque sa seule justification est un troc avantageux pour d’autres secteurs, comme celui de l’automobile. C’est l’accord qu’on dit, dans les couloirs de Bruxelles, « viande contre bagnoles » –⁠ des bagnoles allemandes, si possible – et qui fait de l’agriculture une simple variable d’ajustement.

    M. Emmanuel Maurel

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    Exactement, il a raison !

    M. André Chassaigne

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    On ne peut pas réduire les motifs d’opposition à cet accord aux seules conséquences dramatiques qu’il aura pour le secteur agricole, tant ses implications sont nombreuses.
    Commençons par le caractère antidémocratique des négociations. Leur secret et l’impossibilité d’accéder au contenu des échanges entre parties et aux documents clés constituent une véritable injure aux valeurs démocratiques que prétend défendre l’Union européenne.
    Comment voulez-vous que les citoyens accordent leur confiance à des institutions qui mettent toute leur énergie à cacher les faits en s’abritant derrière un secret des affaires appliqué à l’action publique ? La Commission a non seulement renié depuis longtemps, sous la pression des multinationales et de certains États, sa promesse d’une nouvelle génération d’accords, qui incluraient des engagements sociaux et environnementaux, mais elle a tout mis en œuvre pour tenir les citoyens et leurs représentants élus le plus éloignés du contenu de ces négociations.
    Cacher, avancer et faire adopter de force. Voilà le triptyque de la Commission, qui en dit long sur sa conception de la construction européenne. N’est-ce pas, en réalité, l’expression de la vieille volonté conservatrice de masquer au plus grand nombre les affaires qui le concernent le plus et de refuser obstinément que les peuples éclairés puissent agir pour construire leur destin commun sur d’autres bases que la compétition économique et financière ?
    La plus grande peur de la Commission n’est-elle pas de voir les Européens juger sur pièces et tous les corps vivants de la société civile, que sont les syndicats, les associations, les ONG ou la presse, ouvrir l’indispensable confrontation démocratique dans le débat public ?
    C’est avec une certaine solennité que j’affirme qu’un tel contresens démocratique et politique n’est plus tenable. Alors que le péril climatique s’approche, que la lumière est faite sur les désastres environnementaux et sanitaires que provoquent nos modes de production, que le monde a soif de justice et de coopération, n’amplifions pas le désastre sur l’autel de quelques intérêts égoïstes.
    Je serai franc. N’étant pas un perdreau de l’année, je ne suis pas convaincu que la France ira jusqu’à bloquer cet accord.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Quand même !

    M. André Chassaigne

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    Est-elle prête à faire usage de son droit de véto au Conseil européen ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Bien sûr, oui !

    M. André Chassaigne

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    Est-elle prête à refuser tout découpage de l’accord en deux parties, l’une politique et l’autre commerciale, qui ouvrirait la possibilité d’une adoption sans le vote des parlements nationaux ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Absolument !

    M. André Chassaigne

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    Notre débat et le vote qui va suivre doivent avant tout faire preuve de clarté. Clarté sur ce que veut la France : clarté sur ce que cherche réellement l’exécutif, clarté sur nos impératifs pour réorienter la politique commerciale et de coopération de l’Union européenne. Sur ces points, et en l’absence de texte gouvernemental –⁠ un comble –, vos propos ne m’ont malheureusement pas convaincu, mesdames les ministres.
    En concentrant l’essentiel de sa critique sur les conditions d’un accord intégrant les engagements fixés par l’accord de Paris, le gouvernement valide le fond des politiques de libre-échange,…

    Mme Marie Pochon

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    Eh oui !

    M. André Chassaigne

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    …d’autant plus qu’à ce sujet, une simple annexe, un appendice, ne pourrait pas justifier la prise de sanctions.
    Est-il utile de vous rappeler que le gouvernement bloque toujours le vote définitif du Ceta ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. –⁠ Mme Marie Pochon applaudit également.)

    M. Arnaud Le Gall

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    Eh oui !

    M. André Chassaigne

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    Est-il utile de rappeler que, le 30 mai dernier, à l’initiative des députés communistes et du groupe GDR-NUPES, nous avons adopté, à une très large majorité, une proposition de résolution qui réclamait le retour, devant notre assemblée, du projet de loi autorisant la ratification du Ceta, cet autre accord de libre-échange, tout aussi antidémocratique que celui avec le Mercosur, dont l’entrée en vigueur, censée être provisoire, dure depuis huit ans sans jamais avoir été ratifiée ?

    M. Charles Sitzenstuhl et M. Marc Fesneau

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    C’est un bon accord !

    M. André Chassaigne

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    Si le vote qui suivra le présent débat doit être utile, ce n’est pas tant pour déplorer les conséquences de l’accord dans son état actuel –⁠ c’est-à-dire tel que l’envisage la Commission européenne…

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Ah non, ce n’est pas ce que nous avons dit !

    M. André Chassaigne

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    …ou pour vous permettre de disposer d’une certaine unanimité derrière vous afin de faire pression sur la Commission et de faire mine d’obtenir des garanties climatiques en carton, que pour lever l’ambiguïté de la position française quant à un rejet ferme et définitif de l’accord.
    C’est sur ce chemin de la raison que les députés communistes et du groupe GDR demandent que notre pays s’engage avec force et détermination. Notre vote ne peut pas se limiter à un simple acte de soutien. Il doit avoir pour fondement la clarté de vos engagements, qui nécessite de lever toutes les ambiguïtés de la position française. J’espère que vous répondrez à mes propos à la fin du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Trébuchet.

    M. Vincent Trébuchet (UDR)

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    Nous constatons avec un grand désarroi que le gouvernement est, comme à son habitude, en retard, de vingt-cinq ans cette fois-ci. En effet, nous débattons sur un accord commercial qui a fait l’objet de nombreuses négociations depuis 1999, date à laquelle la Commission européenne a reçu son mandat pour cela.
    L’Union européenne ne comptait alors que quinze pays et le mythe de la mondialisation heureuse battait son plein. À Bruxelles, il était envisagé que l’Europe ne devienne qu’une économie de services, dans laquelle les citoyens seraient voués à devenir une masse de consommateurs vivant aux dépens de l’industrie et de l’agriculture des autres continents. C’était la « fin de l’histoire ». Quel enthousiasme vivions-nous ! Pourtant, vingt-cinq ans plus tard, la représentation nationale est invitée à échanger sur l’accord commercial avec le Mercosur.
    Au cours de toutes ces années, les pays européens n’ont cessé de négocier une position commune sur l’accord. À son habitude, la Commission européenne a mené ces échanges dans l’ombre, tenant leurs contenus secrets. Cette fameuse souveraineté européenne a été la grande affaire de la carrière politique du premier ministre, qui lui a tout sacrifié, allant jusqu’à appeler, en 2011, à élire un président de l’Union européenne ! C’est au nom de cette même souveraineté que notre vote d’aujourd’hui, sur un sujet pourtant vital pour la nation, sera purement symbolique, faute de droit de veto.
    Permettez-moi de vous rappeler les avertissements de Philippe Séguin, que le premier ministre lui-même a entendus sur ces bancs le 5 mai 1992, c’est-à-dire il y a trente-deux ans : « La méthode est habile. En présentant chaque abandon parcellaire comme n’étant pas en soi décisif, on peut se permettre d’abandonner un à un les attributs de la souveraineté sans jamais convenir qu’on vise à la détruire dans son ensemble. » Il poursuivait ainsi : « On ne joue pas impunément avec les peuples […]. Toutes les chimères politiques sont appelées un jour ou l’autre à se briser sur les réalités. »
    La réalité, c’est que l’agriculture française sert depuis trop longtemps de monnaie d’échange dans les traités européens, sans que nous puissions nous y opposer, engendrant une chute drastique des prix agricoles.
    La réalité, c’est que, de ce fait, le revenu horaire moyen d’un agriculteur en France est de 8 euros –⁠ moins encore pour les éleveurs de vaches allaitantes –, soit bien en dessous du Smic, pour des semaines de travail qui dépassent souvent soixante-dix heures, week-ends et nuits compris.
    La réalité, c’est que tous les Français en paient désormais le prix et verront déferler dans leurs assiettes de la viande bourrée aux hormones de croissance, produite dans des pays dans lesquels la traçabilité reste un concept flou.
    La réalité, c’est que nos agriculteurs ne veulent pas mourir et que nos assiettes ne sont pas des poubelles.
    Faute d’avoir su conserver notre souveraineté depuis vingt-cinq ans, les gouvernements français successifs se sont montrés distants, timides, frileux vis-à-vis de cet accord, alors que pour obtenir le retrait du volet agricole, ils auraient dû être combatifs, pugnaces et déterminés. Alors que l’accord était sur le point d’être conclu, Emmanuel Macron déclarait en juin 2019 qu’il était « bon pour nos entreprises et nos emplois ».
    Or son volet agricole est une tragédie. Il va à l’encontre de nos intérêts les plus vitaux, à savoir la survie de nos agriculteurs. Pourtant, sans eux, la France n’atteindra pas son objectif de souveraineté alimentaire. Sans eux, nous dépendrons définitivement des agriculteurs sud-américains et nous nous lierons à leurs économies fragiles et, donc, à leurs destins. Leurs normes sociales et environnementales deviendront les nôtres. L’accord, qui prévoit la suppression, à terme, de 92 % des droits de douane sur les produits que l’Union européenne importe du Mercosur, parachèvera notre dépendance agricole.
    Après avoir abandonné l’idée des aides compensatoires, le gouvernement a déclaré qu’une réciprocité des normes s’appliquerait, grâce à des clauses miroirs, et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Mais soyons sérieux : qui peut croire que les pays du Mercosur respecteront nos standards ? La Commission européenne admet elle-même que la transparence et les contrôles sont inexistants ! En effet, le 9 novembre, une branche de la Commission européenne a publié, en toute discrétion, un audit sur la surveillance de la grippe aviaire au Brésil, fondé sur des inspections menées sur place entre avril et mai 2023. Or que révèle ce rapport ? Ce que nous savions déjà : le Brésil, géant de la production de volailles, est incapable de garantir des normes sanitaires minimales ! Selon un autre rapport, adressé au premier ministre en 2020, seul l’Uruguay –⁠ sur les cinq pays membres du Mercosur – est capable d’assurer un traçage efficace de la viande qu’il exporte, de la naissance à l’abattage.
    Pendant ce temps, les éleveurs français, soumis aux normes les plus strictes, se battent pour survivre. Nous les obligeons à abattre leurs cheptels malades mais nous autoriserions le Brésil à nous inonder de leurs bêtes malades ? De qui se moque-t-on ?
    Vous aurez beau signer n’importe quelle clause miroir et clamer que c’est une victoire, les Français ne sont pas dupes : vous n’avez aucun contrôle sur les systèmes de traçabilité sud-américains.

    M. Vincent Descoeur

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    Et alors, que faut-il faire ?

    M. Vincent Trébuchet

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    Vous ne pourrez pas contrôler le bétail issu de ces pays et nous aurons nous aussi, Français et Européens, des hormones, des pesticides et des antibiotiques à foison dans nos assiettes.
    Confronté non seulement à ces évidences, mais aussi à la colère des agriculteurs, le premier ministre nous indique, en fin de compte, qu’il convient de refuser l’accord. La réalité, c’est que le gouvernement est impuissant car incapable de s’y opposer. En effet, depuis vingt-cinq ans, tout ce qui se passe à Bruxelles échappe à la France, dont l’influence diplomatique est réduite à néant.
    L’Allemagne, qui a la mainmise sur la Commission européenne, nous impose cet accord. Notre pays n’a aucune marge de manœuvre pour le refuser, car il est isolé. Non seulement Ursula von der Leyen s’est maintenue à la tête de la Commission européenne, mais le négociateur européen sur l’accord avec le Mercosur est également allemand ! Ce sont les Allemands, encore, qui avaient demandé la scission de l’accord et souhaitaient découpler son volet commercial, afin de le faire adopter sans unanimité et de contourner le veto français. Comment leur en vouloir de défendre leurs intérêts nationaux ? L’accord permettra une expansion inédite de l’industrie automobile allemande et de ses produits chimiques. Et ce n’est malheureusement pas M. Séjourné qui sera en mesure de peser face à eux au sein de la nouvelle Commission européenne, faute de poids politique et faute d’une bonne maîtrise de l’anglais.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il faudrait donc maîtriser l’anglais pour parler aux Allemands…

    M. Vincent Trébuchet

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    Enfin, si, par miracle, une minorité de blocage était constituée, ce serait grâce à des pays tels que l’Italie ou la Pologne, qui ont encore à cœur de défendre leurs intérêts, ceux de leurs agriculteurs et la souveraineté alimentaire. Si cet accord est bien le symbole de la débâcle française à Bruxelles, il n’est que la pointe de l’iceberg.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Quel défaitisme !

    M. Vincent Trébuchet

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    Qu’il s’agisse des accords de libre-échange, de notre contribution budgétaire outrancière ou des enjeux énergétiques et du nucléaire, nous subissons le déclin de l’influence française et l’échec de la diplomatie européenne d’Emmanuel Macron. Que de renoncements, que de trahisons et, surtout, que de temps perdu ! Désormais, la situation paraît irréversible.
    La position du groupe UDR est claire : cet accord est une honte et nous sommes évidemment contre. Face à l’impuissance de nos gouvernants à s’y opposer, nous nous tournons vers les Français : il est urgent de bâtir une alternance politique, car seule l’union des droites protégera les agriculteurs face à cette mondialisation à marche forcée qui nous est imposée.
    Pour cela, les agriculteurs doivent retrouver leur rôle d’entrepreneurs et non de gestionnaires soumis à une bureaucratie bruxelloise asphyxiante. Alléger leur fardeau fiscal et administratif est notre priorité.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Des mots, des mots : c’est vide !

    M. Vincent Trébuchet

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    Nous imposerons en premier lieu un moratoire sur ces réglementations qui les étouffent, le temps de réaliser un audit complet et d’en mesurer l’impact sur notre compétitivité. Ensuite, comme pour tous les entrepreneurs, nous libérerons les agriculteurs du supplice fiscal, grâce à une réduction drastique des charges et des impôts.

    M. Marc Fesneau

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    C’est original !

    M. Vincent Trébuchet

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    Nous fusionnerons et rationaliserons aussi les multiples agences qui étouffent la moindre initiative. Alors que le nombre d’agriculteurs a dramatiquement chuté de 66 % entre 1980 et 2024, passant de 1,2 million à 400 000, le nombre de fonctionnaires du ministère de l’agriculture a doublé dans le même temps ! Pourtant, qui y voit davantage d’efficacité ?
    À l’échelle internationale, le marché français ne doit pas être un terrain ouvert aux importations de produits agricoles qui ne respectent pas nos standards. Si le libre-échange peut être une richesse, car il pousse chaque acteur à se dépasser, il ne l’est qu’à la condition d’une concurrence loyale et saine.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Nous sommes d’accord sur ce point.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    La droite, c’est la droite, et l’extrême droite, c’est la droite !

    M. Vincent Trébuchet

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    La souveraineté nationale est inaliénable et imprescriptible. La souveraineté alimentaire en est l’une des composantes les plus précieuses.
    Il est des débats qui marquent l’histoire. À coup sûr, si ce traité est adopté dans dix jours, il restera le symbole ironique d’une souveraineté nationale bradée.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    La souveraineté nationale, c’est aussi respecter les traités internationaux !

    M. Vincent Trébuchet

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    Si vous le vouliez vraiment, vous auriez des leviers de négociation. Pour une fois, entendez notre proposition : il est impératif de réduire la contribution budgétaire de la France à l’Union européenne pour l’année 2025, afin d’inverser le rapport de force. Il est grand temps de rétablir l’autorité de la France à Bruxelles et de lui permettre de retrouver la place de premier rang qu’elle occupait dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    (À dix-sept heures vingt, M. Jérémie Iordanoff remplace Mme Yaël Braun-Pivet au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de M. Jérémie Iordanoff
    vice-président

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Hélène Laporte.

    Mme Hélène Laporte (RN)

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    Pour la troisième fois en moins d’un an et demi, une assemblée parlementaire française est appelée à se prononcer sur un projet d’accord avec le Mercosur qui, depuis vingt-cinq ans, est au cœur des espoirs des fonctionnaires bruxellois et des craintes de nos agriculteurs. Le 13 juin 2023, l’Assemblée nationale appelait massivement le gouvernement en place à maintenir sa ferme opposition à l’accord trouvé par les négociateurs en 2018, à défaut de garanties contre l’entrée sur le sol européen de produits ne respectant aucune des normes imposées aux nôtres. Le 16 janvier 2024, c’était au tour du Sénat de voter dans le même sens. C’est donc sans surprise qu’en ce 26 novembre nous rappellerons, encore une fois à une très large majorité, la position ferme de l’ensemble du spectre politique français à l’égard d’un accord qui, aujourd’hui comme hier, appelle de la part de la France un refus sans appel et sans ambiguïté.
    En effet, alors que l’agriculture française est à bout de souffle, comme nous le rappelle la juste colère qui s’élève dans les territoires ruraux, c’est face à un géant agroalimentaire qui joue selon aucune de nos règles qu’un tel accord mettrait nos filières en concurrence.
    Il existe entre le Mercosur et l’Union européenne, et plus encore avec la France, une disparité de conditions de production telle qu’il est inenvisageable que des échanges commerciaux sans barrières tarifaires puissent s’établir entre nos deux espaces, sur une quelconque base saine.
    Prenons le cas emblématique de l’élevage bovin brésilien, puisque ce pays représente à lui seul 75 % de la population et 70 % du produit intérieur brut du Mercosur. Avec un cheptel de près de 200 millions de têtes, il constitue le premier exportateur mondial de viande bovine et représente à lui seul 25 % des importations européennes et la moitié de celles issues du Mercosur. Aux tarifs douaniers actuels, sa viande est près de 30 % moins chère sur le marché européen que celle que nous produisons.
    Comment le modèle agricole brésilien parvient-il à une telle compétitivité ? Tout d’abord, grâce à l’ultraconcentration de l’exploitation, puisque trois sociétés se partagent 92 % de la production destinée à l’export ; ensuite, au prix d’une déforestation massive, 75 % des parcelles détruites en Amazonie étant remplacées par des cultures fourragères destinées à l’alimentation du bétail ; enfin, grâce à un usage massif et immodéré d’antibiotiques, utilisés notamment comme activateurs de croissance –⁠ usage que l’Union européenne interdit depuis 2006 – et de produits phytosanitaires que nous interdisons pour les cultures associées à cet élevage.
    En l’absence totale de garanties de traçabilité des produits issus du marché sud-américain –⁠ le système autodéclaratif inscrit dans l’accord fait d’ailleurs presque figure d’injure à nos producteurs –, il est illusoire d’espérer une quelconque efficacité des clauses miroirs, qui nous sont régulièrement présentées comme le remède à tous les accords commerciaux iniques.
    Face à une telle disparité, la seule question à laquelle il faut répondre est la suivante : assumerions-nous de prendre l’élevage brésilien pour modèle ? Pour le Rassemblement national, aujourd’hui comme hier, la réponse est non ! C’est pourquoi notre rejet de cet accord est plus que jamais catégorique.
    Certains de ses défenseurs, ou adeptes de la minimisation de ses conséquences, agitent la question du tonnage en réponse à des craintes qu’ils estiment démesurées. En effet, pour le bœuf, l’accord porte sur une réduction de droits de douane de 144 000 tonnes en équivalent carcasse de viande bovine, soit moins de 2 % de la consommation européenne.
    Cet argument est pourtant inopérant : de tels contingents suffisent largement à déstabiliser profondément un marché français qui affronte déjà une lourde crise de décapitalisation. L’aloyau importé du Mercosur représente 25 % du marché européen. Selon l’association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), l’accord ferait doubler cette part de marché, au détriment direct de nos éleveurs, à qui nous imposerions, sur les pièces à la plus haute valeur ajoutée, une concurrence absolument impossible à affronter. Soyons clairs : pour bon nombre de nos fermes, cet accord sera ni plus ni moins qu’une mise à mort.
    Nous pourrions également prendre l’exemple de la volaille, dont nous sommes devenus importateurs nets ces dernières années. Alors que nos élevages peinent à survivre face à la concurrence au sein même de l’Union Européenne, que l’ouverture du marché européen à la production ukrainienne a aggravée, cet accord détaxerait un contingent de 180 000 tonnes en provenance du Mercosur. Je pourrais citer également notre filière betteravière, qui a subi les conséquences de la fin des quotas sucriers, puis celle de l’interdiction des semences enrobées, et qui devrait maintenant affronter une concurrence accrue de la part du Mercosur, avec 180 000 tonnes de sucre et 450 000 tonnes d’éthanol. Je pourrais prendre d’autres exemples.
    Est-il réellement besoin de convaincre qui que ce soit des conséquences délétères qu’aurait l’entrée en vigueur de cet accord pour notre agriculture, alors qu’un fonds d’indemnisation est déjà en cours de discussion pour assurer une mort douce à nos exploitations qui ne pourront survivre à ce choc concurrentiel d’une violence inédite ? En vérité, personne ne croit que cet accord puisse être bénéfique à la France et à l’Europe en matière agricole. Mais à Bruxelles –⁠ et malheureusement en France –, on a depuis longtemps accepté froidement que les campagnes françaises soient la variable d’ajustement d’une politique commerciale tournée vers le seul bénéfice des exportations de biens manufacturés et de services à haute valeur ajoutée, notamment allemands.
    Ne nous y trompons pas : tant que nous n’aurons pas définitivement enterré cet accord inadmissible, nos agriculteurs continueront de s’adresser aux pouvoirs publics dans le plus légitime des élans de colère. Au-delà de cet accord, cette colère est dirigée contre le seul mot d’ordre qu’on leur impose depuis plusieurs décennies : subir. Il leur faut subir une législation européenne et française de plus en plus contraignante, freinant toujours davantage les initiatives et décourageant les plus tenaces des exploitants –⁠ sans jamais nous remettre en question, nous demandons à nos producteurs de faire mieux que leurs homologues des pays voisins avec moins d’outils qu’eux. Il leur faut subir les conséquences d’une ouverture toujours plus large du libre-échange avec les marchés extérieurs, systématiquement au désavantage des producteurs européens, en particulier français.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est faux !

    Mme Hélène Laporte

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    Alors qu’aucune renégociation n’est ouverte sur les accords anciens qui mériteraient d’être adaptés aux circonstances nouvelles, à l’exemple de celui qui nous unit au Maroc s’agissant des tomates, la Commission européenne ne cesse d’en négocier et d’en conclure de nouveaux, qui imposent à notre monde paysan toujours plus de concurrence déloyale.
    Il leur faut subir enfin les attaques incessantes d’un écologisme dogmatique et déconnecté qui s’acharne à voir en nos producteurs des ennemis de l’environnement alors qu’en plus de nous nourrir, ils font partie des principaux garants de l’équilibre biologique des territoires. Aujourd’hui, être agriculteur en France, c’est non seulement travailler plus de soixante-dix heures par semaine en ne parvenant pas à dégager un revenu suffisant pour vivre dignement, mais aussi se voir en permanence accusé d’empoisonner la population, de s’accaparer l’eau, de maltraiter les animaux et de refuser l’innovation.
    À cette marche forcée vers la mort de l’agriculture française, nous opposons un projet dont la démarche est résolument inverse. Nous voulons en effet que la France soit maîtresse de son destin –⁠ cela vaut au plus haut point pour le secteur agricole. Ainsi pourrait être résumé le programme du Rassemblement national pour l’agriculture : ne plus subir. Nous voulons permettre aux agriculteurs de ne plus subir les surtranspositions qui nous handicapent au sein même de l’Union européenne,…

    M. Richard Ramos

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    Plus d’Europe !

    Mme Hélène Laporte

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    …le libre-échange mondialisé déconnecté de la réalité des marchés et les diktats d’une idéologie de la décroissance qui voudrait un retour à l’agriculture vivrière dans un monde à 8 milliards d’êtres humains.
    Aussi le rejet définitif du funeste projet d’accord avec le Mercosur ne doit-il pas être vu comme un aboutissement mais comme un début. Lorsque nous aurons dissipé cette menace, il nous restera à jeter les dés d’une grande politique de renouveau de l’agriculture française –⁠ c’est autre chose que le dernier projet de loi complètement vide – pour lui rendre sa compétitivité tout en la protégeant de la concurrence internationale déloyale.
    Madame la ministre de l’agriculture, vous connaissez les symptômes de la crise agricole actuelle. Ils appellent des mesures immédiates. Il est nécessaire de renforcer le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE) en intégrant les cotisations salariales dans le champ d’exonération. L’acétamipride, utilisé partout ailleurs, doit être de nouveau autorisé pour que nos cultivateurs puissent l’utiliser dès le printemps. Il est indispensable de réformer l’indemnisation des pertes de récolte pour garantir une couverture équitable des exploitations face aux risques climatiques et épidémiques –⁠ je pense à nos viticulteurs, qui en ont un besoin urgent.

    M. Marc Fesneau

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    Moins d’exports !

    Mme Hélène Laporte

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    Il est également essentiel de soutenir les organisations de producteurs des filières d’élevage pour favoriser une meilleure structuration de l’offre, mais aussi d’exiger sans délai une renégociation des accords commerciaux préjudiciables à nos filières. En ce qui concerne le Maroc, il est urgent de supprimer les réductions de droits de douane appliquées en saison estivale et de réguler le marché des tomates cerises en particulier.
    Le rejet de l’accord UE-Mercosur est un préalable nécessaire mais non suffisant. Ne nous contentons pas d’éviter d’aggraver la crise : il est temps surtout d’en sortir ! Nous ne croyons à aucune fatalité : la France peut et doit redevenir la grande puissance agricole qu’elle était il y a encore quelques décennies. Lorsque, forts d’une vraie volonté politique, nous aurons décidé de nous y atteler –⁠ nous avons pour notre part cette volonté –, elle le sera de nouveau. Non à cet accord honteux avec le Mercosur et vive l’agriculture française ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Daniel Labaronne.

    M. Daniel Labaronne (EPR)

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    Je suis partisan du libre-échange et je suis un Européen convaincu. Je reste sensible aux vertus de l’échange et de l’ouverture et j’accepte l’idée que l’Union européenne soit compétente pour conduire la politique commerciale des États membres.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Eh bien, nous non !

    M. Marcellin Nadeau

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    Ça ne marche pas !

    M. Daniel Labaronne

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    Si je crois à la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo, je sais qu’elle ne peut s’appliquer que dans le cas d’une concurrence pure et parfaite.

    M. Emeric Salmon

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    Loyale !

    M. Daniel Labaronne

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    Cette concurrence suppose que les produits finis et les modes de production respectent les mêmes normes –⁠ qu’elle s’opère à armes égales. La Commission européenne y veille au niveau du marché unique européen, mais est-elle aussi attentive à ces principes de concurrence loyale quand il s’agit de signer des accords commerciaux internationaux ? Je ne le crois pas et c’est bien là le problème que pose cet accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur. Le président de la République l’a rappelé : à ce stade, il est incompatible avec les exigences de la France. Je partage cette position. Ce n’est pas une posture politique, c’est une position prise au nom de convictions économiques et environnementales fortes.
    Doit-on sacrifier nos engagements en faveur d’une agriculture française et européenne toujours plus durable et plus respectueuse de notre environnement sur l’autel du libre-échange en signant cet accord commercial ? Ma réponse est clairement non. Il est de notre responsabilité de veiller à ce que toute négociation commerciale respecte les normes que nous avons choisies : celles du respect de notre environnement, de notre modèle social et de notre économie de marché.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et le Ceta ?

    M. Daniel Labaronne

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    Je n’oublie pas que cet accord, qui est favorable à l’industrie et à la sécurisation des appellations d’origine contrôlée (AOC) et des indications géographiques protégées (IGP), pourrait être utile pour des acteurs économiques de ma circonscription –⁠ je pense aux sous-traitants de l’industrie automobile, aux viticulteurs des AOC Vouvray, Montlouis-sur-Loire, Touraine-Chenonceaux et Touraine-Amboise, et aux producteurs de l’IGP rillettes de Tours –⁠ la brune confiture de cochon dont parlaient Rabelais et Balzac, qui est la seule IGP rillettes d’Europe.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est une page de publicité !

    M. Daniel Labaronne

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    Si l’accord UE-Mercosur est de nature à protéger ce type d’agriculteurs, je sais pertinemment, par ailleurs, qu’il pourrait être très dangereux pour d’autres agriculteurs, beaucoup plus nombreux, notamment dans ma circonscription.
    Au nom d’une agriculture toujours plus durable, nous imposons à nos agriculteurs des exigences de plus en plus élevées. En contrepartie des fonds de la politique agricole commune (PAC), ils doivent répondre à un ensemble de normes strictes relatives aux produits et aux modes de production. Ces exigences, gages de qualité pour nos consommateurs, ne doivent pas être contournées par des importations qui ne respectent pas les mêmes standards.
    Nous devons impérativement garantir les intérêts de nos producteurs en négociant des clauses miroirs. Toute méthode de production interdite chez nous, comme l’utilisation d’antibiotiques de croissance, d’organismes génétiquement modifiés (OGM) ou d’hormones, qui, bien souvent, n’est même pas détectable dans les produits, doit être bannie de nos importations. Sans cela, nos agriculteurs seraient confrontés à une concurrence déloyale de la part de producteurs soumis à des normes beaucoup moins strictes. Cette situation serait non seulement anti-économique, mais également irresponsable pour notre santé et notre environnement.
    L’agriculture n’est pas un secteur comme les autres. Elle est au cœur de notre souveraineté et de l’équilibre de nos territoires ruraux. Nos filières agricoles sensibles sont toujours dans l’incertitude. L’accord UE-Mercosur risquerait de renforcer ces inquiétudes, en mettant en péril des milliers d’exploitations familiales qui façonnent nos paysages, animent nos campagnes et garantissent notre résilience alimentaire.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Nos agriculteurs savent se défendre !

    M. Daniel Labaronne

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    Le métier, la passion et la contribution de nos agriculteurs à la prospérité de notre pays méritent respect et protection, et non des chèques de compensation pour assurer leur survie.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et alors le Ceta, c’est pour quand ?

    M. Daniel Labaronne

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    Je le répète, nous ne sommes pas opposés au commerce. La France est un pays exportateur ; les accords commerciaux, lorsqu’ils sont bien négociés, peuvent offrir de réelles opportunités, mais ils doivent respecter des équilibres. L’agriculture n’est pas une variable d’ajustement : c’est un secteur stratégique que nous devons défendre avec la plus grande exigence. La protection n’est pas toujours synonyme de protectionnisme. Nous devons nous montrer exigeants pour protéger notre alimentation, nos agriculteurs et nos éleveurs. Refuser l’accord UE-Mercosur tel qu’il est proposé est un choix de responsabilité, de justice et d’avenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Arnaud Le Gall.

    M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP)

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    La France est au pied du mur. La Commission européenne, en toute opacité, veut forcer l’adoption de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, quitte à contourner le vote des parlements nationaux, comme vous l’avez déjà accepté s’agissant du Ceta. (Mme Nathalie Oziol applaudit.) Devant la colère des agriculteurs, vous essayez de vous dédouaner, mais votre responsabilité est immense (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) : pendant des années, non seulement vous ne vous êtes pas opposés à cet accord, mais vous l’avez soutenu –⁠ comme vous avez soutenu par vos votes au Parlement européen l’ensemble des accords de libre-échange adoptés à la chaîne.
    S’agissant de l’accord UE-Mercosur, Emmanuel Macron déclarait par exemple en 2019 : « À ce stade, l’accord est bon. » Quatre ans plus tard, en juin 2023, Olivier Becht, ministre du commerce extérieur, affirmait : « Nous n’avons jamais été opposés à la signature de cet accord. Il faut évidemment conclure. »

    M. Olivier Becht

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    Sous conditions !

    Mme Mathilde Panot

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    Ah ah ! Démasqués !

    M. Daniel Labaronne

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    Il y a des aspects positifs !

    M. Arnaud Le Gall

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    L’opposition à cet accord montant dans la société, la Macronie, LR compris, s’est depuis prétendue contre l’accord UE-Mercosur « en l’état » –⁠ ou tel que l’envisage la Commission, pour reprendre votre expression, madame la ministre –, ce qui signifie que vous en soutenez le principe, arguant qu’il suffirait de l’améliorer un peu. Depuis des mois, vous prétendez donc l’améliorer par l’ajout de clauses miroirs et de quelques vagues engagements relatifs au respect de l’accord de Paris sur le climat.

    Mme Mathilde Panot

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    Balivernes !

    M. Arnaud Le Gall

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    Mais c’est se moquer du monde ! Les négociations sur le fond sont achevées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les détails du texte sont opaques. La Commission, en toute illégalité, en refuse l’accès aux parlementaires européens. Rien n’est vérifiable. Quand bien même elles seraient inscrites dans le texte, ces clauses miroirs sont pour la plupart inapplicables dans les faits. Aucune clause miroir ne changera le cœur d’un accord qui vise, dans son principe même, à mettre en compétition des modèles de production agricole radicalement différents.

    M. Bastien Lachaud

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    Évidemment !

    M. Arnaud Le Gall

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    C’est bien parce que vous soutenez le principe de cet accord que vous n’avez rien fait pendant des années pour interrompre les négociations ou constituer une minorité de blocage à Bruxelles. Vous n’avez même pas cherché à convaincre vos groupes au Parlement européen. Seul le groupe auquel appartient La France insoumise a voté à l’unanimité contre cet accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les autres groupes, y compris celui auquel appartient le Rassemblement national, ont voté pour.

    Mme Farida Amrani

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    Hypocrites !

    M. Arnaud Le Gall

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    Tous ont approuvé, activement et passivement, les accords de libre-échange.

    M. Emeric Salmon

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    N’importe quoi ! Plus c’est gros, plus ça passe !

    M. Arnaud Le Gall

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    Est-ce pour masquer votre responsabilité que le gouvernement a jugée irrecevable, sous un prétexte fallacieux, notre proposition de résolution invitant le gouvernement à refuser la ratification de l’accord UE-Mercosur, qui devait figurer en tête de notre niche parlementaire, ce jeudi ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Mathilde Panot

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    Voilà ! Vous êtes des eurocrates !

    M. Arnaud Le Gall

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    Gageons que le débat que nous avons demandé aujourd’hui apportera de la clarté.
    Pour notre part, nous n’avons pas attendu ces derniers mois pour découvrir la nocivité de l’accord. Depuis des années, nous alertons à ce sujet, avec des dizaines d’ONG, de collectifs et d’experts mobilisés des deux côtés de l’Atlantique. Rappelons ce qui est en jeu : en supprimant les droits de douane sur des centaines de milliers de tonnes de volaille et de viande bovine, de miel, de riz, de sucre, cet accord menace de ruiner des pans entiers de notre agriculture. Si certains secteurs de l’agro-industrie, certaines productions agricoles excédentaires, pensent tirer leur épingle du jeu, la grande majorité des agriculteurs ont tout à perdre dans cette compétition biaisée, puisque le principe même de ces accords de libre-échange géants est de faire jouer à fond la différence des conditions de production, les écarts de prix du foncier et de coût des salaires, dans une logique de concurrence par le bas.
    Cet accord aggraverait encore notre dépendance aux marchés extérieurs et nous éloignerait encore un peu plus de la souveraineté alimentaire. Il intensifierait les flux de marchandises entre deux régions du globe situées à plus de 11 000 kilomètres l’une de l’autre. Il accélérerait la noria des containers, avec les effets désastreux que l’on imagine sur l’environnement et le climat, ainsi que la déforestation et la surexploitation des sols en Amérique latine. Il renforcerait, ici comme là-bas, la spécialisation économique, qui pour un pays n’est pas un atout, mais une faiblesse et un obstacle à la souveraineté.
    Il comporte aussi des dangers pour les consommateurs, avec ou sans clauses miroirs, puisque celles-ci seraient pour la plupart inapplicables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Mathilde Panot

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    C’est vrai !

    M. Arnaud Le Gall

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    Un exemple : il y a quinze jours, la direction générale de la santé de l’Union européenne elle-même a reconnu qu’on ne pouvait pas détecter la présence d’hormones dans la viande brésilienne. Il n’y a pas de bon accord UE-Mercosur possible. Ce projet d’accord répond à un mandat obsolète fixé il y a un quart de siècle et relève d’une politique de classe. Il profiterait à quelques grands groupes industriels, à l’agrobusiness, à des intermédiaires qui continueront à se gaver sur les marges au détriment des petits producteurs, des exploitations modestes et des entreprises fragiles. Certes, il permettrait sans doute à Volkswagen de vendre plus de voitures, et à l’Allemand Bayer, au Danois Novo Nordisk ou à quelques multinationales françaises de conquérir de nouveaux marchés. Mais à quel prix pour la collectivité nationale ?
    Nous refusons donc cet accord, sans aucune ambiguïté et quelle qu’en soit la forme, car le fond restera inchangé. Nous le refusons parce qu’il est nocif, absurde et anachronique. Nous le refusons parce que, s’il entre en vigueur, d’autres accords de libre-échange suivront, avec le Mexique, la Thaïlande, l’Inde, l’Australie… après ceux déjà conclus, avec votre approbation, avec la Nouvelle-Zélande, le Chili et le Kenya. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Il faut en finir avec la folie libre-échangiste. Le libre-échange débridé, ce n’est pas, comme on nous le raconte, le doux commerce entre les peuples, garantissant la paix et la prospérité partagée. C’est l’exacerbation de la compétition entre les nations et à l’intérieur des nations ; c’est la consécration du principe de concurrence déloyale ; c’est la prime au moins-disant social et environnemental. Le libre-échangisme global est une utopie dépassée et destructrice, qui appartient à un moment révolu de l’histoire de la mondialisation.
    Au lieu de suivre l’Allemagne qui, paniquée par l’effondrement de son industrie automobile, met la pression pour signer un accord « viande contre bagnoles », adoptons une stratégie tenant compte des vrais enjeux. L’urgence, outre le renforcement de notre souveraineté alimentaire, c’est d’investir dans la réindustrialisation écologique de notre pays et de l’Union européenne –⁠ si tant est qu’elle s’en donne les moyens. Au lieu de cela, les zombies du libre-échangisme continuent à prôner une politique dont on sait qu’elle entraînerait encore plus de délocalisations des unités de production vers la zone Mercosur. Et je le dis à ceux pour qui l’histoire a commencé à l’époque du néolibéralisme triomphant : il est inutile de ressortir les caricatures habituelles et de présenter les opposants au libre-échange comme des partisans de l’isolement, de l’enfermement et de l’autarcie.

    M. Olivier Becht

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    Ce que vous êtes !

    M. Arnaud Le Gall

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    Refuser les accords de libre-échange géants, ce n’est pas refuser les échanges commerciaux internationaux.

    M. Gabriel Amard

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    Exactement !

    M. Arnaud Le Gall

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    Il y avait du commerce international avant ces accords et il y en aura après, mais un commerce qui respecte les producteurs, les consommateurs et l’environnement. (Mêmes mouvements.) Pour toutes ces raisons, la clarté est nécessaire dans nos débats. Nous n’avons jamais accepté de voter les résolutions proclamant des garanties illusoires pour mieux faire passer la pilule. Or voilà que vous recommencez : vous vous dites opposés à l’accord « en l’état »…

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Non, je n’ai pas dit cela !

    M. Gabriel Amard

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    Si, vous l’avez dit tout à l’heure !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Non, il faut m’écouter !

    M. Arnaud Le Gall

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    En tout cas à l’accord tel que le conçoit l’Union européenne, ce qui veut dire exactement la même chose. Et après ? Quel est votre plan ? Si vous aviez demandé le soutien de l’Assemblée pour vous opposer clairement et nettement à cet accord, nous aurions appuyé votre déclaration par notre vote. Mais une fois de plus, vous louvoyez. Vous ne vous opposez qu’à l’accord « en l’état ». Vous faites miroiter des clauses qui n’auraient, au mieux, qu’un effet superficiel. Et comme jusqu’à présent vous n’avez pas mené la bataille au niveau européen, vous n’avez aucune stratégie.
    Mesdames les ministres et monsieur le premier ministre –⁠ absent de ce débat important –, nous ne louvoyons pas, nous ne refusons pas l’accord « en l’état », nous refusons l’accord tout court ! (Mêmes mouvements.) Nous refusons que la Commission européenne piétine les représentations nationales et la règle du consensus, s’agissant de projets qui engagent l’avenir des Français et de centaines de millions d’Européens. Si par malheur cet accord était adopté, nous affirmons qu’il faudra désobéir. Les Français ne supportent plus d’entendre que, dès lors que Bruxelles a décidé, on ne peut plus rien faire. Et ils ont raison !

    Mme Farida Amrani

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    Eh oui !

    M. Arnaud Le Gall

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    À l’aune de votre déclaration, on comprend mieux pourquoi vous avez censuré notre proposition de résolution qui était claire, tandis que vous continuez à cultiver l’ambiguïté. Nous ne pouvons donc pas voter pour cette déclaration gouvernementale : ce serait nous en remettre à votre volonté et à votre stratégie, alors que vous n’avez ni volonté réelle de bloquer l’accord UE-Mercosur ni stratégie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont les députés se lèvent pour applaudir, rejoints par quelques députés du groupe GDR.)

    Mme Nathalie Oziol

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier (SOC)

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    La question, au fond, est toujours la même : quel monde laisserons-nous à nos enfants ? Les socialistes, hier, aujourd’hui et demain, disent non au Mercosur, non à tous les traités de libre-échange qui méprisent les droits humains et qui entament la santé de nos écosystèmes. Ils disent oui au juste échange : leurs votes au Parlement européen comme à l’Assemblée nationale sont constants en la matière.
    Le Parti socialiste défend depuis 2010 l’idée d’une exception « agriculturelle », dans un esprit –⁠ je veux le dire avec force – qui n’est ni corporatiste ni nationaliste. Cette idée s’inscrit dans un double mouvement, celui de l’enracinement et celui de l’universel : un enracinement fidèle à nos territoires et à nos filières qui façonnent nos paysages culturels et physiques, fidèle à tous les visages des travailleurs de la terre –⁠ paysans mais aussi mécaniciens, conseillers, transporteurs, commerciaux, vétérinaires ainsi que le million de salariés de l’agroalimentaire. C’est en leur nom que nous menons ce combat qui concourt chaque jour, non seulement à la régénération de nos écosystèmes dans une agriculture que nous voulons de plus en plus durable, mais aussi à notre souveraineté alimentaire et à notre fierté nationale.
    Notre dessein –⁠ je le disais – n’est pas seulement enraciné, mais il s’inscrit dans une vision universaliste, celle du respect des limites planétaires et d’une vision d’une seule et même santé pour les sols, pour l’eau, pour la biodiversité et pour l’être humain. C’est le sens de tous les travaux conduits par l’Organisation mondiale de la santé animale (Omsa), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui en appellent désormais à la défense d’une seule santé comme condition de la survie de notre humanité.
    Notre démarche est solidaire avec les paysans brésiliens sans terre, avec tous les travailleurs d’Amérique latine exposés à des conditions de production qui entament leur santé et qui mettent en cause la viabilité de leur famille et le respect de leur dignité de paysan. Notre démarche, enracinée et universelle, s’inscrit dans le dessein du grand Edgard Pisani : « Pour nourrir le monde, nous aurons besoin de tous les paysans et de toutes les terres du monde. » Or le risque rédhibitoire et fondamental de l’accord avec le Mercosur est que les importations prévues de milliers de tonnes de viande et de céréales détruisent notre propre agriculture.
    J’étais invité hier au quarantième anniversaire du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Avec des scientifiques venus du Vietnam, d’Amérique latine et du monde entier, nous y avons réaffirmé que la seule condition de la productivité de demain était la santé du vivant et la préservation des potentiels de production de nos sols. (MM. Marcellin Nadeau et Jimmy Pahun applaudissent.) Affirmer le réalisme d’un productivisme qui ferait fi du respect des limites planétaires et des acquis de la biodiversité serait mentir au monde paysan. Sans parler des 99 000 tonnes de viandes bovines importées que prévoit l’accord UE-Mercosur auquel nous nous opposons, 200 000 tonnes entrent déjà sur le territoire européen.
    Or les constats établis par la commission d’enquête sur les pesticides conduite par le groupe socialiste et les études réalisées au sein du Parlement européen, où nous avons fait adopter une résolution sur les mesures miroirs, montrent que celles-ci ne sont pas respectées. Notre position est donc originale : au-delà du non au Mercosur, nous disons oui à de vraies mesures miroirs. La seule manière de les appliquer, c’est l’inversion de la charge de la preuve, c’est l’obligation pour ceux qui exportent en Europe de produire une certification par un organisme agréé et reconnu par l’Union européenne. Sans cette condition, tous les contrôles aux ports seront défaillants et les limites ne seront pas respectées. Nous proposons une limite zéro pour l’importation et un contrôle en amont. C’est la contribution des socialistes pour un juste échange qui garantisse la sécurité alimentaire et la santé de nos populations.
    Nous disons non au Mercosur, mais nous disons avec force oui à l’Europe, à une Europe de la souveraineté solidaire, qui s’engage pour la santé dans le monde, pour notre sécurité alimentaire et pour le Pacte vert. Nous ne serions pas cohérents en combattant en conscience le Mercosur tout en remettant en cause le Pacte vert. Je le dis au gouvernement : diminuer le budget de l’aide publique au développement, alors que les coopérations paysannes agronomiques et scientifiques doivent se multiplier pour assurer notre survie, est une mauvaise décision. Remettre en cause l’autorité scientifique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) est une manière de laisser penser qu’un autre accord avec le Mercosur serait possible. Nous devons bâtir une autre politique agricole et rurale : c’est notre engagement. Nous disons non au Mercosur, mais oui à un autre développement, oui au Pacte vert et oui à l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ MM. Marcellin Nadeau et Jimmy Pahun applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Dive.

    M. Julien Dive (DR)

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    Le présent débat a valeur de puissance –⁠ puissance du message que la représentation nationale adresse à l’ensemble de l’Union européenne pour s’opposer au traité de libre-échange avec le Mercosur et convaincre les pays de l’Union de constituer à nos côtés une minorité de blocage. Petit rappel de l’actualité : d’Agen à Beauvais, de la frontière espagnole à la Bretagne, la colère des agriculteurs français gronde de nouveau à travers tout le pays. Aux récentes mobilisations agricoles s’ajoute un nouveau catalyseur : la conclusion imminente de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Ce traité soulève une question fondamentale : celle de l’indépendance de notre modèle agricole et, au fond, de ce que nous voulons pour l’avenir du pays. Il n’est donc pas une question isolée mais une pièce dans un puzzle plus large qui touche à la souveraineté alimentaire et au modèle agricole français.
    Pourtant, le Mercosur n’est qu’un des maillons d’une chaîne qui étrangle peu à peu notre agriculture : hier, l’accord avec la Nouvelle-Zélande approuvé par le Parlement européen et qui met en concurrence la filière ovine, demain des dizaines d’autres traités qui sont dans les cartons… Bref, ce débat appelle plus largement la réflexion autour de la réciprocité des normes et des clauses miroirs dans nos accords de libre-échange. Du poulet gonflé aux antibiotiques, du maïs traité à l’atrazine, ou encore du bœuf issu de la déforestation massive : voilà ce qui entre sur nos marchés, sous couvert d’accords commerciaux inéquitables.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Eh oui !

    M. Julien Dive

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    Ces produits qui ne respectent pas nos standards sociaux, sanitaires ou environnementaux, concurrencent directement nos agriculteurs, soumis à des règles parmi les plus strictes au monde.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est ça, le problème !

    M. Julien Dive

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    Pourtant, les barrières tarifaires continuent de s’abaisser, laissant nos filières agricoles à la merci d’importations qui ne jouent pas selon les mêmes règles. Cet accord du Mercosur ne protège ni nos agriculteurs, ni nos consommateurs, ni notre planète. Il sacrifie l’agriculture de proximité au profit d’importations à bas coût, avec des conséquences désastreuses : des vocations abandonnées et des territoires ruraux qui dépérissent. C’est une mort silencieuse dans nos campagnes.
    La France subit un phénomène massif et gravissime de désagriculturation, processus historique qui mérite une prise de conscience généralisée : en vingt ans, 200 000 exploitations agricoles ont disparu. D’ici à dix ans, 100 000 autres risquent de suivre. Chaque exploitation qui ferme, chaque hectare de culture qui disparaît, c’est une partie de notre souveraineté qui s’effondre, une fragilité qui s’installe et une dépendance qui grandit. Cette crise, c’est celle de nos ressources humaines. Des générations d’agriculteurs quittent le métier sans être remplacées, parce que produire devient une épreuve insurmontable. Les normes s’empilent, les revenus chutent et les vocations s’éteignent. Qui voudrait reprendre une exploitation quand le travail ne paie plus et que l’horizon reste bloqué ?
    Ensuite, c’est notre productivité qui s’effondre. Cette année, la France a perdu 11 millions de tonnes de production de blé tendre : du jamais-vu depuis quarante ans ! Derrière ce chiffre, ce sont des exploitations dans le rouge, des factures impayées, une dépendance accrue aux importations et une balance commerciale agricole qui se détériore.

    M. Fabrice Brun

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    C’est insupportable !

    M. Julien Dive

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    Jadis deuxième exportateur agricole mondial, la France n’est plus que sixième. Ce déclassement n’est pas qu’un fait économique : il menace notre capacité à nourrir notre propre population. La désagriculturation n’est pas qu’une crise sectorielle, elle menace notre souveraineté alimentaire, notre indépendance stratégique et la vitalité de nos territoires ruraux. Une fois perdues, ces exploitations ne renaîtront pas. Nous devons agir en soutenant les investissements dans l’innovation agricole, la recherche et la lutte contre ce qui multiplie les entraves : il faut donner un souffle nouveau aux agriculteurs français. Surtout, il nous faut une vision à long terme : une agriculture respectée, valorisée et compétitive. Cette désagriculturation, aussi dramatique soit-elle, n’est pas une fatalité. Elle est le produit de choix politiques erratiques, d’un manque de vision et, pire encore, d’une hypocrisie qui continue de paralyser le débat. Cette hypocrisie, c’est celle de la nouvelle alliance politique qu’est le « RNFP » !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Il a raison !

    M. Julien Dive

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    En effet, si chacun s’apprête à voter contre le traité du Mercosur pour envoyer un message puissant à la Commission européenne et à nos voisins de l’UE, les membres du « RNFP », dans le même temps et dans un même souffle, menacent de censurer le gouvernement Barnier –⁠ une manœuvre opportuniste qui affaiblit notre pays dans l’Union européenne et particulièrement dans ce débat du traité du Mercosur. Alors que nous recherchons des alliés, ils prennent le risque de compromettre les intérêts de la France et de fragiliser encore davantage notre pays, dans un contexte géopolitique déjà sous tension.

    M. Vincent Descoeur

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    Irresponsable !

    M. Julien Dive

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    Pendant ce temps, nos paysans sont en première ligne, pas sur des tribunes mais dans leurs champs, à jongler avec des factures qui s’empilent et des règles qui s’enchaînent. Eux ne demandent pas des promesses ou des postures : ils veulent qu’on leur rende la liberté –⁠ la liberté de produire, de choisir, de voir l’avenir autrement qu’en rouge. Cette liberté ne viendra pas de ceux qui bloquent ou qui calculent, mais d’un vrai courage politique, ici et maintenant.
    Ce débat est le fruit de la détermination du groupe Droite républicaine, convaincu que la souveraineté agricole de la France doit être préservée. Nous appelons à rejeter fermement ce traité et à soutenir toute mesure du gouvernement en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Vincent Descoeur

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    Très bien !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie Pochon.

    Mme Marie Pochon (EcoS)

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    « Ici commence le pays de la résistance agricole. » C’est ce qui était écrit sur les panneaux, au bord de l’A64, en janvier, au début du plus grand mouvement social paysan des trente dernières années, né du manque de revenus, de la concurrence déloyale, des injonctions contradictoires, des craques racontées sur des bottes de paille et du mépris.
    La résistance. Celle qui nous occupe aujourd’hui réside dans le refus de laisser sacrifier un modèle agricole qui fait notre fierté et notre honneur par une agro-industrie ultraprédatrice, au nom de la compétitivité sans entrave et des profits que font quelques-uns sur le dos de l’immense majorité. Depuis des années, depuis que cet accord dinosaure visant à échanger indifféremment des produits agricoles et des bagnoles circule de manière opaque dans les travées de la Commission européenne, la résistance se fait entendre.
    « Pensez à ceux qui sont en bas, venez voir comment vivent les gens dans les campagnes », vous disent-ils. Depuis quelques mois, ça explose. Certains mettront cela sur le compte des élections aux chambres d’agriculture qui approchent ; d’autres, se souvenant des gilets jaunes, des doléances jamais restituées, des suicides, de la désertification de nos villages, des panneaux retournés, des vignes qu’on arrache, des troupeaux décimés par la maladie hémorragique épizootique (MHE) ou par la fièvre catarrhale ovine (FCO), feront l’analyse d’un mal-être bien plus profond qui dit quelque chose des colères et des impuissances paysannes, de la volonté d’être enfin considéré, enfin central, dans les politiques de la nation.
    Si la France signe un tel accord, elle accepte des normes sanitaires dévoyées ; elle accepte la destruction environnementale en important de la viande produite sur des terres déforestées et des cultures dopées aux pesticides toxiques ; elle accepte une concurrence déloyale pour ses agriculteurs qui respectent des normes sociales et environnementales ambitieuses et qui ne pourront jamais, au grand jamais, être compétitifs face à des exploitations dont certaines font plus de mille fois la taille moyenne d’une ferme française. Tout cela, nous ne l’acceptons pas, ni aujourd’hui ni demain.
    Nous devrions atteindre cet après-midi un relatif consensus sur l’aujourd’hui, sur le « en l’état », mais la véritable question se niche dans le demain. À la suite des mobilisations agricoles, « il y a des paysans qui ont repris espoir. Et justement parce que cet espoir désormais existe, vous, les politiques, vous n’avez plus le droit de les décevoir », me disait encore ce matin l’agriculteur Jérôme Bayle.
    Nous n’avons été prévenus qu’il y a cinq jours de la tenue du présent débat portant sur un texte inexistant –⁠ tout au plus un discours –, sur le contenu d’un accord de libre-échange auquel personne n’a eu accès depuis au moins cinq ans, dont la Commission européenne dit elle-même qu’il ne sera pas revu et dont on ne sait même pas si le gouvernement qui affirme s’y opposer si fermement y a proposé des solutions alternatives. (Mme Cyrielle Chatelain et M. Arnaud Le Gall applaudissent.) Mesdames les ministres, en vingt ans de négociations obscures, le gouvernement français a-t-il demandé à infléchir le contenu de l’accord, et sur quels points ?
    Derrière tant d’opacité, d’impréparation et de mépris démocratique, qui a véritablement intérêt à ce que cet accord de libre-échange soit adopté quoi qu’il en coûte ? Nous le savons tous, il y aura quelques gagnants, et tant de perdants ! Oui, les élevages de 70 000 têtes de bétail sur 100 000 hectares qui peuvent exister au Brésil gagneront des marchés, au détriment des exploitations familiales et pastorales qui dessinent nos paysages.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Elle a raison !

    Mme Marie Pochon

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    Oui, l’industrie des pesticides pourra accroître ses exportations, y compris celles de produits dont l’usage est interdit sur le sol européen, au risque que ces mêmes produits reviennent sous forme de résidus dans nos supermarchés.
    Nous avons perdu 100 000 exploitations agricoles au cours des dix dernières années, et 23 % des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté. Les crises climatiques et sanitaires se multiplient. Nous atteignons des niveaux d’endettement agricole jamais vus. On exige l’excellence agricole tout en imposant aux paysans de produire à bas coût pour être compétitifs face au marché mondial.
    Le gouvernement ne peut pas en même temps refuser les prix rémunérateurs que nous avons votés le 4 avril contre son avis, refuser d’encadrer les surprofits de l’agro-industrie et refuser une meilleure régulation du tout-marché. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) Combien de temps pourrons-nous continuer à nous enorgueillir de l’excellence agricole française, alors même que le pays a perdu un cinquième de ses exploitations en dix ans ? Voulons-nous une agriculture qui enrichit les banques et les agromanagers, ou une agriculture qui nourrit les citoyens dignement grâce à un modèle familial rémunérateur et protecteur ? Pour faire baisser les prix des aliments, jusqu’où ferons-nous exploser leurs coûts cachés ?
    Ni demain, donc. Nous vous demandons de vous opposer à cet accord aujourd’hui et demain, car demain devrait être consacré à construire et à sauvegarder une agriculture familiale rémunératrice, respectueuse des écosystèmes et des agriculteurs, en réaffirmant que la première mission de l’agriculture n’est pas d’être compétitive, mais de nourrir dignement les populations. Or cet accord, dans la course aux prix bas, ne ferait qu’imposer de la malbouffe bourrée de pesticides aux millions de personnes sans le sou que vos politiques austéritaires rendent toujours plus nombreuses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
    Mesdames les ministres, vous dites être contre la signature de l’accord « en l’état ». De notre côté, nous pensons qu’il ne faut pas le signer du tout, ni aujourd’hui ni demain. Pour tenir parole, pour écouter les gens, pour ne pas les décevoir ; parce que nous refuserons toujours d’être complices des désillusions et de vos machines broyeuses d’espoir que sont ces accords avec clauses, qui s’appliquent même quand personne n’en veut ; pour qu’ici, conformément à la haute idée que nous nous faisons de l’Assemblée nationale, nous puissions être à la hauteur de ces panneaux qui disaient : « Ici commence le pays de la résistance agricole. » (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Marc Fesneau.

    M. Marc Fesneau (Dem)

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    C’est en 1999 que l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur a été engagé. Quatre présidents de la République, treize premiers ministres, vingt-cinq années ; c’est dire si le sujet n’est pas nouveau et si, donc, personne ne peut faire mine de s’étonner. Simplement, nous sommes à un moment où, manifestement, des choix doivent être faits et des décisions vont être prises.
    Si j’ai retracé l’historique du texte, c’est d’abord pour souligner qu’aucune des forces politiques au pouvoir au cours de ces vingt-cinq ans ne s’est opposée à l’idée de conclure un traité, ni n’a exprimé d’objection à la poursuite des négociations. J’y reviendrai.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Absolument !

    M. Marc Fesneau

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    C’est aussi pour montrer qu’en revanche, le mandat qui avait été donné à la Commission européenne à l’époque ne saurait être valable en 2024. Les désordres géopolitiques et économiques, les légitimes préoccupations climatiques, les nécessaires réciprocités nous imposent, comme beaucoup d’entre vous l’ont dit, de repenser ce mandat à nouveaux frais. Or le mandat n’ayant pas évolué, comment accepter l’accord qui en résulte ?
    J’ajoute qu’il est nécessaire, plus généralement, de revoir les procédures et les délais présidant à de telles négociations, pour les rendre plus transparentes pour nos concitoyens et plus en phase avec leur temps.
    C’est ce qui explique la position continue de la France ces dernières années. Le président de la République et les gouvernements successifs, y compris l’actuel –⁠ je l’en remercie –, se sont opposés à cet accord de libre-échange. En vérité, si la France ne s’était pas fait entendre, si sa voix ne portait plus –⁠ comme certains groupes parlementaires voudraient le laisser penser –, ce traité serait déjà entré en vigueur.
    La position du groupe Les Démocrates reste donc inchangée. Je tiens à saluer l’engagement de Pascal Lecamp sur ce sujet essentiel et les initiatives transpartisanes qu’il a défendues au nom du groupe. (M. Jimmy Pahun applaudit.)
    Malgré tout, même si je constate que l’opposition au traité dépasse les clivages de notre assemblée et si je me réjouis que les inquiétudes du monde agricole suscitent parmi nous une forme d’unité, j’affirme avec force que la dénonciation de cet accord commercial ne doit pas servir de prétexte pour instruire tous les procès. Plusieurs ambiguïtés méritent d’être levées.
    Premièrement, nous devons arrêter de faire le procès d’un modèle agricole au nom d’un autre modèle fondé sur une vision autarcique des enjeux alimentaires. Nous avons besoin de plus d’échanges et de plus de coopération, et cela pour une raison simple : les dérèglements géopolitiques et climatiques doivent nous inciter à sécuriser l’approvisionnement de la France, de l’Europe et du monde. La France a un rôle singulier à jouer dans la sécurité alimentaire mondiale. Il s’agit d’éviter que, dans de mauvaises mains, l’alimentation ne devienne une arme. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)
    Face à de multiples aléas, comment relever le défi de l’alimentation ? Je répondrai par deux exemples. En 2023, l’Union européenne, ayant subi la sécheresse, s’est vue dans l’obligation d’importer depuis des pays tiers plus de 40 millions de tonnes de blé dur et d’autres céréales. Comment aurions-nous pu assurer notre souveraineté alimentaire sans ces échanges ? En 2022, après avoir décidé d’agresser l’Ukraine, la Russie a immédiatement engagé un blocus des ports de la Mer noire pour déstabiliser les marchés –⁠ nos marchés – et mettre sous tutelle alimentaire russe plusieurs pays dépendants des autres pour nourrir leurs citoyens. Si nous n’échangions pas avec les autres, si nous refusions le commerce, comment ferions-nous pièce à ces stratégies mortifères ?

    M. Arnaud Le Gall

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    Ne donnez pas dans la caricature !

    M. Marc Fesneau

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    Les échanges sont donc, entre de bonnes mains et sous certaines conditions, un moyen de paix, de prospérité et de lutte contre les tentatives impérialistes de certains pays.

    M. André Chassaigne

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    Nous sommes d’accord ! Nous ne sommes pas opposés aux échanges !

    M. Marc Fesneau

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    Ils constituent aussi une nécessité face aux effets du dérèglement climatique. Nous devons faire en sorte que ces accords permettent à l’Union européenne de se constituer en puissance capable d’éviter les crises alimentaires. Cela passe par la coopération, et la coopération passe elle-même par des accords.
    Deuxième ambiguïté à lever : je ne laisserai jamais croire aux Français, et encore moins aux agriculteurs, que notre avenir agricole ou économique –⁠ ou, d’ailleurs, notre avenir tout court – réside dans le protectionnisme exacerbé ou dans le repli sur soi. Une telle politique serait contraire à nos intérêts car la France est une puissance agricole exportatrice. En 2023, les exportations françaises vers des pays extérieurs à l’UE ont atteint 248 milliards d’euros, soit 41,5 % des exportations nationales. Vous connaissez le rôle qu’a joué l’agriculture dans cette performance : la France est le sixième exportateur agricole mondial.

    Mme Danielle Brulebois

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    Eh oui !

    M. Marc Fesneau

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    Nous avons donc besoin d’accords, et d’accords équilibrés. Une puissance aussi exportatrice que la France ne saurait refuser le commerce par postulat. (M. Arnaud Le Gall s’exclame.) Je tiens d’ailleurs à rendre hommage aux efforts de Mme la ministre Sophie Primas, qui travaille avec la Chine pour lever diverses contraintes, s’agissant par exemple de l’exportation du cognac ; étant donné que l’agriculture française est dépendante de l’exportation, vers la Chine ou vers d’autres pays, il est crucial de surmonter les obstacles en la matière.
    J’ajoute que le problème principal de l’agriculture française réside dans sa compétitivité, ce qui la fragilise d’abord en Europe. Les distorsions de concurrence qu’elle rencontre sont souvent liées à d’anciens choix nationaux dont il est long et difficile de sortir –⁠ j’en sais quelque chose, Mme Genevard aussi – et qui continuent à produire des inégalités par rapport à d’autres pays européens. C’est bien cela qu’il faut changer, dans la droite ligne du travail que nous avons engagé depuis plusieurs années.
    Troisième et dernière ambiguïté à lever : ne soyons pas naïfs et ne sautons pas sur nos chaises comme des cabris en disant : « Accords de libre-échange, accords de libre-échange, accords de libre-échange ! », comme si ceux-ci étaient par nature toujours gagnants ou vertueux. Pour que ces accords soient équilibrés et acceptables, ils doivent permettre une meilleure prise en compte de nos normes environnementales et sociales dans le cadre des relations internationales. Il s’agit d’un impératif d’équité à l’égard de nos producteurs agricoles, puisqu’ils sont engagés avec détermination dans des trajectoires de transition, alors que leurs concurrents internationaux et les produits que nous importons en Europe et en France ne répondent pas aux mêmes exigences.
    Nous touchons là à la question essentielle de la réciprocité des normes. Ce mécanisme joue un rôle crucial pour protéger les entreprises européennes, mais aussi pour leur ouvrir de nouveaux débouchés ; je pense à la reconnaissance mutuelle des standards et certifications, produit des accords de libre-échange liés avec le Canada ou le Japon.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Quand pourrons-nous voter sur le Ceta ?

    M. Marc Fesneau

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    La réciprocité des normes offre également aux consommateurs des garanties supplémentaires de sécurité ou de qualité. Elle permet en outre d’assurer le respect des normes environnementales, sociales ou sanitaires : ainsi, l’accord conclu avec le Canada –⁠ je le dis d’autant plus volontiers qu’il a été conclu par le président Hollande – comporte des clauses à cet effet, et d’autres traités incluent même des clauses de respect de l’accord de Paris. Enfin, comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, les accords internationaux peuvent protéger nos richesses culturelles et gastronomiques en valorisant et en faisant reconnaître à l’étranger nos indications géographiques protégées, nos appellations d’origine protégée (AOP) et nos AOC. Ils nous prémunissent contre les distorsions de concurrence de pays qui pourraient produire de fausses indications protégées ne respectant pas nos standards.

    Mme Danielle Brulebois

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    Eh oui !

    Mme Marie Pochon

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    Je suis sûre que les agriculteurs en sont ravis !

    M. Marc Fesneau

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    Les clauses miroirs constituent un autre pilier fondamental des accords de libre-échange équilibrés. Ces dispositions, présentes par exemple dans l’accord conclu avec la Nouvelle-Zélande, assurent que les produits importés répondent globalement aux mêmes normes sanitaires et phytosanitaires que les nôtres. Elles permettent aussi d’imposer des règles relatives à la sécurité des produits, comme l’illustre l’accord passé avec le Japon, ou encore de lutter contre la contrefaçon. Il s’agit donc d’un outil essentiel de lutte contre les distorsions de concurrence.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il n’y a pas assez de moyens, pas assez de douaniers, de vétérinaires !

    M. Marc Fesneau

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    Enfin, je tiens à souligner que la politique commerciale de l’UE est une composante du soft power européen et nous permet de promouvoir des normes vertueuses auprès de nos partenaires. Les accords de commerce peuvent et doivent être des outils au service des grandes transitions, en particulier des transitions climatique et environnementale.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Les accords de commerce, oui ! Les accords de libre-échange, non !

    M. Marc Fesneau

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    Je pense à l’accord avec la Corée du Sud, qui inclut un chapitre relatif au développement durable, au traité de 2019 avec le Japon, qui a marqué un tournant dans l’engagement de ce pays à appliquer l’accord de Paris, ou encore à l’accord avec le Vietnam, qui comporte des clauses sur le respect des normes fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT). Les accords commerciaux, s’ils sont bien négociés, peuvent harmoniser les politiques de différents pays en les rapprochant des nôtres.
    Tels sont, selon le groupe Les Démocrates, les principes qui doivent fonder le libre-échange. Ce sont aussi les raisons pour lesquelles le traité avec le Mercosur nous semble absolument inacceptable. En effet, il apparaît comme une volonté incompréhensible de la Commission européenne de sacrifier des secteurs économiques tels que l’agriculture sur l’autel d’autres intérêts, sans apporter les garanties de durabilité que j’ai évoquées à l’instant. Ainsi, le traité ne contient aucune clause miroir. Comme beaucoup d’entre vous l’ont dit, les marchandises visées par le Mercosur, telles que le bœuf, le poulet ou le soja, sont souvent produites dans des conditions qui ne respectent pas nos standards.
    Je ne reviens pas sur la question de la surveillance sanitaire, qui reste un sujet important, non seulement avec les pays concernés par cet accord mais aussi, de manière plus générale, à l’extérieur de nos frontières. Nous devons pouvoir mieux surveiller les marchandises à nos frontières avant de les faire entrer, qu’il y ait ou non des accords de libre-échange. Certes, les accords de libre-échange ne freinent pas le commerce, mais une grande partie des poulets actuellement importés en France viennent du Brésil, alors que l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur n’est pas signé.

    M. Fabrice Brun

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    Nos frontières sont des passoires ! Il faut protéger les éleveurs, comme ça nous protégerons aussi les consommateurs.

    M. Marc Fesneau

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    Ne croyons donc pas que l’absence de traité empêche la concurrence déloyale.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On manque de vétérinaires pour effectuer des contrôles sur le port du Havre !

    M. Marc Fesneau

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    Enfin, j’appelle à une révision profonde du traité pour intégrer les règles environnementales. Le message que nous voulons envoyer à nos partenaires et aux peuples européens est simple : l’unité de notre assemblée pour refuser l’accord avec le Mercosur, alors même que nous reconnaissons la diversité des groupes qui la composent. C’est dans ce sens que nous soutenons le gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Emmanuel Mandon

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Kervran.

    M. Loïc Kervran (HOR)

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    « Dans cette ferme, on faisait encore attention aux bêtes, pas seulement pour l’argent, pour l’honneur aussi, et parce que les bêtes ne sont pas des machines, on sent le chaud de leur corps et leurs yeux posés sur vous ; l’hiver elles dépendent, pour les soins et la nourriture, ça fait devoir, on les connaît et elles vous connaissent. Quand on rentre dans une étable bien tenue, l’odeur large des bêtes est bonne à respirer, elle vous remet les idées à l’endroit, on est à sa place. » J’emprunte au roman de Marie-Hélène Lafon, Joseph, ces mots qui remettent les idées à l’endroit, entre l’argent et l’honneur. Ils disent la beauté de l’élevage français, la droiture et l’honnêteté de nos éleveurs, la beauté de leur métier et de nos campagnes. En prononçant ces paroles, je pense aux éleveurs du Cher. Ils sont fiers d’être éleveurs, de se lever tôt, de travailler dur, de nourrir la France ; et moi, je suis fier de les représenter, de représenter cette France-là. Ces quelques minutes de discours sont donc pour eux ; mon plus grand honneur serait qu’ils puissent se dire que ce sont eux qui parlent à travers moi.
    Si je prends la parole au nom du groupe Horizons, c’est d’abord pour exprimer notre opposition ferme à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Nous soutiendrons donc la position du gouvernement, non parce que nous serions opposés au libre-échange, mais parce que ce traité d’un autre siècle –⁠ au sens propre comme au sens figuré – indigne et révolte les éleveurs, les agriculteurs, la société française. Il m’indigne et me révolte.
    En effet, ce traité ne correspond pas à l’idée que je me fais de l’agriculture ni à celle que le groupe Horizons s’en fait. Regardons d’abord comment sont produites les marchandises que nous importerions avec des tarifs préférentiels si l’accord devait entrer en vigueur. Pour la viande, ces marchandises incluent du bœuf et des volailles dopés aux antibiotiques, alors que les « systèmes d’identification animale et de traçabilité brésiliens et européens sont différents » : ainsi, au Brésil, le traçage des animaux n’est possible qu’entre le dernier élevage et l’abattoir. En ce qui concerne les céréales, 138 des 178 pesticides utilisés au Brésil et en Argentine sur le maïs sont interdits en France.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Depuis le temps qu’on vous l’explique !

    M. Loïc Kervran

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    Je ne parle pas de bœuf aux hormones, car cela relève pour une large partie d’un fantasme, mais que dire d’un système où les organismes génétiquement modifiés sont omniprésents, un système tout OGM, si éloigné de nos choix politiques ?
    Ensuite, examinons dans quel type d’exploitations ces marchandises sont produites. Certaines fermes céréalières couvrent plusieurs centaines de milliers d’hectares ; certaines structures d’élevage comptent plus de 30 000 bovins dans une seule exploitation. Eh bien, je préfère le modèle français d’une agriculture saine et durable, largement familiale, avec des exploitations de 70 hectares en moyenne et des agriculteurs qui font vivre nos territoires.
    Cet accord ne correspond pas non plus à l’idée que je me fais de l’avenir de notre planète, ni à celle que le groupe Horizons s’en fait. Le rapport de la commission Ambec, commandé par Édouard Philippe quand il était premier ministre pour mesurer les conséquences de cet accord –⁠ je tiens à le remercier et à souligner le bien-fondé de cette initiative qui a apporté de l’objectivité et de la transparence dans un processus qui, comme l’a rappelé Marie Pochon, en manquait beaucoup –, mettait en lumière une accélération de la déforestation annuelle de 5 %. Est-ce vraiment là ce que nous voulons ? Faire raser des forêts à l’autre bout du monde pour importer des produits qui sont mieux faits ici en France ? En outre, il faut le dire aussi, voulons-nous vraiment faire traverser les océans à des tonnes de maïs ou de viande ? Pour les forêts comme pour les transports, on est tellement loin du bon sens paysan.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ils peuvent faire la traversée à la voile, alors ?

    M. Loïc Kervran

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    Ensuite, cet accord ne correspond pas à l’idée que je me fais ni à celle que le groupe Horizons se fait de l’Europe. La Commission s’était engagée en 2018 devant le Conseil européen à conserver le caractère mixte des accords déjà en négociation comme ceux avec le Mexique, le Chili et le Mercosur. Désormais, la même Commission, à travers une ruse, un subterfuge, une trahison, redécouperait l’accord pour s’exonérer du droit de veto de la France, pour contourner la volonté du peuple français ? La question posée à travers ce traité est simple : l’Union européenne peut-elle se passer des peuples ? Peut-elle les piétiner en changeant les règles et en reniant les engagements passés ? Parce qu’au sein du groupe Horizons nous sommes profondément européens, je me refuse à y croire.
    En outre, cet accord ne correspond pas à l’idée que je me fais ni à celle que le groupe Horizons se fait de la souveraineté nationale. Il entaillerait gravement la souveraineté alimentaire, fragilisant nos exploitations dans de nombreux secteurs clés comme la volaille, l’éthanol ou la viande bovine. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, ce serait organiser la délocalisation de notre agriculture, comme si l’Europe n’avait rien appris des crises du covid ou de la guerre en Ukraine.
    L’accord avec le Mercosur repose finalement sur une triple hypocrisie. La première consiste à dire qu’il faut réduire la consommation de viande tout en augmentant l’importation de viande. Qui ne se révolterait pas devant une telle contradiction ?
    La deuxième réside dans le fait que nous pouvons nous demander si nos producteurs de normes y croient vraiment. Veulent-ils réellement protéger la santé des Européens, le climat, la biodiversité ? Comment le croire lorsqu’ils autorisent et encouragent la production réalisée dans des fermes-usines, sur des fronts de déforestation, de marchandises agricoles traitées au moyen de médicaments vétérinaires et pesticides interdits en Europe ?
    En France, les agriculteurs font des produits de qualité, sains, en prenant soin de la nature ; nous le leur demandons. La troisième hypocrisie tient au fait que l’Union européenne, la même qui est prête à accepter les produits faits comme je l’ai expliqué, leur demande ces soins. Comment résoudre la contradiction entre l’exigence absolue et infinie envers nos agriculteurs, d’un côté, et le laxisme le plus total sur les conditions de production des marchandises agricoles importées, de l’autre ? En réalité, cette contradiction est insoluble, à moins de supprimer les normes européennes ou de renoncer à avoir des agriculteurs. Aucun agriculteur ou aucune norme en France ; je ne sais pas laquelle de ces deux solutions choisissent ceux qui soutiennent que le problème est le caractère non compétitif de l’agriculture française.
    Au-delà de la question brûlante du Mercosur, je crois que nous devons regarder en face les autres défis auxquels est confrontée notre agriculture. Il y a en effet d’autres défis conjoncturels, comme la renégociation ou la modernisation de l’accord de libre-échange avec l’Ukraine, ainsi que des défis structurels. Assumerons-nous collectivement, nous, représentants politiques, de défendre le modèle agricole français, si différent de celui de tant d’autres pays du monde ? Il faut absolument nous mettre d’accord sur le cap qu’il est souhaitable de donner à notre agriculture pour redonner des perspectives aux agriculteurs.
    Chers collègues, ce que je vois devant moi, ce que j’entends dans vos discours, c’est moins l’unanimité, dès lors que le désaccord est consubstantiel à la démocratie, qu’une façon de nous retrouver sur l’essentiel. C’est l’idée que je me fais et celle que le groupe Horizons se fait du Parlement et de la démocratie représentative. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Nous sommes appelés à débattre de la déclaration du gouvernement sur les négociations en cours entre l’Union européenne et plusieurs États d’Amérique du Sud réunis sous la bannière du Mercosur. En effet, il s’agit bien d’une déclaration du gouvernement, que nous ne pouvons qu’accepter ou rejeter, mais non modifier. Pour marquer une opposition à l’accord avec le Mercosur, nous ne pouvons donc qu’accepter la déclaration du gouvernement ; je tiens à le rappeler pour que les choses soient bien claires. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Ce projet d’accord de libre-échange est souvent –⁠ à juste titre – présenté comme un accord viande contre voiture. Le gouvernement a choisi de saisir l’Assemblée nationale de ce débat et de soumettre cette déclaration au vote. Nous saluons cette méthode : étant donné l’importance du sujet, le Parlement devait être consulté. J’exprimerai néanmoins un regret : il eût été souhaitable que vous nous eussiez fait parvenir le texte de la déclaration avant le jour du débat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Marie Pochon applaudit également.)
    Ensuite, je constate que l’opposition à cet accord fait ici l’unanimité –⁠ ce n’est pas si fréquent. Si nous sommes tous opposés à l’accord avec le Mercosur, c’est évidemment que nous en saisissons les conséquences potentiellement graves pour notre pays. Il touche en effet à la souveraineté agricole, à notre alimentation –⁠ on peut se passer de beaucoup de choses dans une journée ou une semaine, mais pas de manger. S’alimenter fait donc partie des besoins essentiels. Il pose également des questions de santé publique ; en effet, les aliments sont notre première médecine ; en outre, certains dénoncent, parfois à juste titre, les produits phytosanitaires utilisés. Enfin, il pose aussi le problème du respect de l’environnement.
    Les accords de libre-échange ne peuvent avoir pour conséquence d’aggraver les difficultés de nos producteurs déjà en souffrance, ni de porter atteinte à la qualité des produits achetés par les consommateurs en France. À l’heure où la révolte gronde à nouveau, il nous faut montrer notre soutien à un monde agricole en crise.
    La position du groupe LIOT n’est en rien ambiguë : nous sommes résolument défavorables à l’accord avec le Mercosur, comme nous l’avons toujours dit.

    Mme Stéphanie Galzy

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    Le RN aussi !

    M. Paul Molac

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    Je tiens à souligner l’initiative transpartisane menée avec nos collègues Marie Pochon, Julien Dive, Loïc Kervran, André Chassaigne, Sandrine Le Feur, Pascal Lecamp, François Ruffin ou encore Dominique Potier. J’ai également une pensée pour Frédéric Descrozaille et Sébastien Jumel, avec lesquels nous avions entamé ce travail durant la précédente législature. (Mme Marie Pochon applaudit.)
    Cette mobilisation n’est pas nouvelle, et si le sujet est aujourd’hui en haut de la pile et fait l’objet d’un consensus des forces politiques dans l’hémicycle, rappelons que c’est au sein de l’Assemblée qu’il a fait l’objet d’un travail rassemblant des représentants de tous les groupes de l’arc républicain.
    Pour revenir à ce projet d’accord, disons les choses simplement : nous avons besoin de nourrir nos populations avec une alimentation de qualité dans le respect des agriculteurs et de leur bien-être, mais aussi dans le respect de l’environnement. Les producteurs doivent percevoir le juste prix de leur travail ; c’est le b.a.-ba.
    Notre rôle consiste à tendre vers cet objectif d’une production alimentaire saine, durable et de qualité, et non à céder face aux lobbys d’une agriculture mondialisée. Les accords de libre-échange élaborés au sein de la Commission européenne comportent des dispositions bien éloignées de nos préoccupations essentielles. Comment expliquer à nos agriculteurs ou à nos consommateurs que des produits sud-américains seront importés et commercialisés avec des normes sanitaires, sociales et environnementales bien inférieures à celles appliquées sur nos territoires ? Comment légitimer une nouvelle hausse des importations à l’heure où notre souveraineté alimentaire ne cesse de décliner ? Rappelons-le, les nouveaux contingents ouverts pour la viande bovine ou de volaille, le maïs, le riz ou le sucre se traduiront par un déclin des productions chez nous. Certains diront qu’il s’agit de 1,6 % de la production européenne pour la viande bovine, de 1,4 % pour celle de volaille, mais je rappellerai que 1 % de surproduction en agriculture entraîne une baisse des prix de 10 %. Prenons donc la mesure du marasme que cela entraînerait immédiatement chez nous.
    Enfin, comment justifier qu’on accélère la déforestation en Amazonie et qu’on porte atteinte aux peuples autochtones pour vendre des produits ?

    M. Emeric Salmon

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    Nous sommes d’accord !

    M. Paul Molac

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    Cet accord pose un problème majeur, car il touche à l’avenir de nos sociétés et de notre planète. Nous ne pouvons laisser le pouvoir à la finance et favoriser du même coup avec la spéculation foncière et la malbouffe. En matière alimentaire, la souveraineté doit être la règle ; c’est une question de bon sens.
    L’enjeu de ce texte est double. D’abord, nous devons protéger nos agriculteurs en nous opposant à la scission de cet accord. Un certain nombre d’entre vous l’ont déjà dit, mais il me paraît essentiel de le rappeler : le vote à la majorité qualifiée des membres de l’Union européenne ne saurait suffire pour la partie commerciale de l’accord. Ensuite, nous devons créer les conditions d’une concurrence équitable et généraliser les clauses miroirs, qui ne figurent actuellement pas dans l’accord.
    Permettez-moi de profiter de ce débat pour rappeler notre souhait d’un examen de la procédure de ratification du Ceta au sein de notre assemblée.
    En conclusion, notre groupe votera bien sûr en faveur de cette déclaration. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Eddy Casterman.

    M. Eddy Casterman (RN)

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    Cela faisait longtemps que nous n’avions pas observé une telle convergence des luttes dans cet hémicycle –⁠ je m’en réjouis, tout comme je me réjouirais si l’accord avec le Mercosur était rejeté à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Un veto aussi franc de notre représentation nationale enverrait un signal fort à tous nos partenaires européens. Il permettrait à votre gouvernement d’intensifier la bataille diplomatique pour rallier d’autres États membres et constituer une minorité de blocage au Conseil européen.
    Mesdames les ministres, avez-vous seulement exploré toutes les voies de recours pour faire échec à l’accord avec le Mercosur ? Par exemple, avez-vous étudié la possibilité pour la France de saisir la Cour de justice de l’Union européenne, afin de démontrer que l’accord, scindé en deux parties, était contraire aux traités européens ?
    Avez-vous travaillé sur la possibilité de déposer au nom de la France, conformément à l’article 263 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), un recours en annulation contre le nouveau mandat de la Commission prévoyant la scission de l’accord ? J’attends vos réponses.
    Permettez-moi de souligner les vertus thérapeutiques du débat portant sur l’accord avec le Mercosur. Comment un tel accord de libre-échange a-t-il pu faire taire le réquisitoire de l’écologie punitive de l’extrême gauche contre la France agricole ? Comment a-t-il pu favoriser la réconciliation de Marie Pochon et de Marine Tondelier avec Jérôme Bayle, éleveur du Sud-Ouest et principal meneur de la colère agricole de l’hiver dernier ?
    Rendez-vous compte : depuis quelques semaines, on n’entend plus les écologistes traîner dans la boue nos paysans de France. (Protestations sur quelques bancs du groupe EcoS.) On ne les entend plus stigmatiser nos éleveurs et accuser nos agriculteurs d’être des pollueurs ou, pire, des empoisonneurs. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) On ne les voit plus se livrer à l’ultraviolence pour s’opposer aux bassines d’irrigation. Quel miracle ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et RN.)
    Avez-vous été touchés par la grâce du Christ de Rio de Janeiro ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Avez-vous enfin pris conscience que la décroissance agricole –⁠ que vous avez soutenue – joue à la fois contre la cause du climat et contre notre capacité à défendre notre modèle agricole, le plus respectueux de l’environnement au monde ?
    Si j’ose cette interpellation, c’est parce que l’accord avec le Mercosur n’est pas le premier clou planté dans le cercueil de la ferme France.

    Mme Mathilde Panot

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    Hypocrite !

    M. Eddy Casterman

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    Il n’est pas la cause, mais la conséquence du renoncement des gouvernements successifs à défendre notre autonomie alimentaire. Il n’est pas le passé, mais notre futur, si vous anéantissez toutes les défenses immunitaires de notre agriculture et si votre idéologie socialiste nie aux paysans de France le droit de vivre et de prospérer grâce au fruit de leur travail, sans être accablés par l’ivresse fiscale et normative.
    Le Mercosur peut devenir une triste réalité dans les assiettes de nos enfants si nous ne sommes plus capables de produire une alimentation de qualité pour nourrir les Français. Vous aurez beau, tels des dons Quichottes de l’écologie, combattre les accords de libre-échange, ces derniers finiront par s’imposer, car la fin de nos paysans sonnera la faim du peuple français.

    M. Arnaud Le Gall

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    Tu as voté pour au Parlement européen !

    M. Eddy Casterman

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    Alors que chez moi, dans l’Aisne, la récolte de betteraves sucrières est morose, et alors que nos planteurs continuent de subir l’importation de milliers de tonnes d’un sucre produit dans des conditions environnementales déplorables en Ukraine, certains, par l’entremise de la députée Delphine Batho,…

    Mme Delphine Batho

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    C’est moi !

    M. Eddy Casterman

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    …n’ont rien trouvé de mieux que de déposer une énième proposition de loi visant à interdire définitivement les néonicotinoïdes,…

    Mme Delphine Batho

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    Oui !

    Plusieurs députés du groupe EcoS

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    Merci à elle ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    M. Eddy Casterman

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    …lesquels permettent pourtant de protéger les cultures de betterave contre la jaunisse et d’éviter ainsi une baisse des rendements de 40 %.

    M. Benoît Biteau

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    Vous n’avez rien compris !

    M. Eddy Casterman

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    Cet exemple concret montre que si demain vos délires agricides devenaient réalité, la France serait dépendante de l’étranger pour l’importation de sucre, un produit pourtant essentiel à notre alimentation quotidienne. Alors, nous pleurerions la destruction de milliers d’emplois et la fermeture de sucreries, comme c’est déjà le cas chez mes voisins du Nord, dans le Cambrésis. (Mme Marie Pochon s’exclame.)

    M. Charles Sitzenstuhl

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    On exporte le sucre ! De quoi parlez-vous ?

    M. Eddy Casterman

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    Nous tournerions le dos à la filière d’excellence des biocarburants, qui permettent pourtant de réduire de 75 % les émissions de gaz à effet de serre. Votre idéologie conduirait donc à un désastre agricole, social et, bien sûr, environnemental.
    Au fond, quelle est la crainte de l’agrobusiness brésilien, canadien ou ukrainien ? Est-ce de voir les écologistes et leurs amis d’extrême gauche arriver aux affaires pour faire chuter la production agricole et transformer la France en un Biocoop géant ? Pas du tout, ils s’en frotteraient les mains, car ils espèrent voir la France devenir un désert agricole, afin d’inonder nos marchés et nos étals de leur viande bourrée d’antibiotiques. Ils craignent plutôt que la France soit capable de tenir son rang parmi les grandes puissances agricoles et qu’elle démontre sa capacité à continuer de produire des denrées alimentaires en quantité et de qualité.
    Chers collègues écologistes et de gauche, puisse votre opposition unanime à l’accord avec le Mercosur vous ouvrir enfin grand les yeux. Puisse votre déclaration d’amour inopinée aux paysans de France vous faire prendre conscience de l’impasse de l’écologie punitive que vous professez.

    Mme Marie Pochon

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    Et vous, pendant ces années, vous n’avez pas été là !

    M. Eddy Casterman

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    Rejoignez les rangs des amoureux de la France rurale et défendons ensemble, avec Marine Le Pen, Jordan Bardella, Éric Ciotti et Marion Maréchal, le sursaut de la ferme France ! C’est bon pour la santé des Français et pour notre environnement et, surtout, c’est vital pour la liberté de notre peuple. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Delphine Batho

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    C’est un honneur d’être prise pour cible par l’extrême droite !

    M. le président

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    La parole est à M. Benjamin Dirx.

    M. Benjamin Dirx (EPR)

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    L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur n’est pas seulement un texte technique, mais c’est aussi une épreuve politique, un miroir tendu à notre cohérence et à nos engagements. Ce débat interroge notre modèle agricole, notre souveraineté alimentaire et, au fond, notre vision de la justice dans les échanges internationaux.
    En Saône-et-Loire et partout en France, nos agriculteurs et nos viticulteurs travaillent avec rigueur et passion. Ils cultivent bien plus que des sols : ils incarnent des valeurs et un lien profond entre le territoire et ceux qui l’habitent. Ils respectent des normes qui figurent parmi les plus exigeantes au monde, protégeant à la fois l’environnement, la santé publique et notre bien commun. Dès lors, comment pourrions-nous valider un accord qui autorise l’entrée de produits issus de pratiques bannies sur notre sol ?
    Les hormones et les antibiotiques de croissance, ainsi que les OGM, ne sont pas seulement des pratiques éloignées de nos valeurs ; ils représentent la négation de l’effort collectif demandé à nos producteurs. S’il venait à être ratifié, cet accord serait une injure à l’engagement de ces derniers et un renoncement à notre responsabilité politique.
    C’est pourquoi, au-delà de cet accord que nous rejetons, nous plaidons avec force pour l’application stricte de clauses miroirs dans tous les futurs traités. Ce principe de réciprocité, qui impose que les produits importés respectent les mêmes normes que ceux que nous produisons, n’est pas une concession que nous pourrions négocier. Il est une condition sine qua non de la justice dans le commerce international et du respect de nos engagements climatiques et sociaux.
    Ne nous trompons pas. Au-delà de ce traité de libre-échange, nos agriculteurs et nos viticulteurs demandent à pouvoir vivre de leur production. Le gouvernement précédent a entendu leur colère et leurs demandes légitimes ; le gouvernement actuel les a traduites dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025.
    Nous entendons des groupes d’opposition appeler à soutenir les agriculteurs, tout en anticipant un 49.3 et une possible motion de censure. Celle-ci serait dévastatrice pour nos agriculteurs (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP),…

    Mme Marie Pochon

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    Absolument pas !

    M. Benjamin Dirx

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    …car elle mettrait fin à la pérennisation du TODE, au régime de gazole non routier (GNR) et aux exonérations fiscales pour la reprise de la déduction pour épargne de précaution (DEP).

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Tu t’es trompé de débat, camarade !

    M. Benjamin Dirx

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    La censure du gouvernement sur le PLF pour 2025 serait un affront fait à nos agriculteurs.

    M. Olivier Faure

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    Hors sujet !

    M. Benjamin Dirx

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    De même, certains n’ont de cesse de vouloir augmenter le coût du travail. Une telle politique conduirait la grande distribution et les grands transformateurs à demander encore plus d’efforts à nos agriculteurs, qui seraient alors contraints de baisser encore plus leur faible marge.
    Madame la ministre, avec l’ensemble du socle commun, vous défendez notre modèle agricole. Dans les textes budgétaires, nous avons fait adopter des amendements permettant d’aller plus loin dans la transmission de nos terres agricoles que ce que le texte initial proposait. J’espère que vous ferez vôtres ces demandes légitimes des mondes agricole et viticole.
    Cet accord est bien plus qu’un déséquilibre commercial ; il est une menace directe pour notre modèle agricole et pour les territoires que nous représentons.

    Mme Marie Pochon

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    Comme la Macronie !

    M. Benjamin Dirx

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    Il bafoue les efforts de nos producteurs, compromet notre souveraineté alimentaire et trahit les principes que nous défendons au nom de la transition écologique.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous avez mis du temps à le comprendre !

    M. Benjamin Dirx

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    Soyons donc fidèles à nos engagements. Refusons cet accord et affirmons haut et fort que l’agriculture française n’est pas un champ de bataille où s’affrontent des intérêts divergents, mais une richesse commune à protéger.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Quand les tracteurs sortent des fermes, vous prenez peur !

    M. Benjamin Dirx

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    Pour conclure, je reprendrai les mots de Simone Veil : « La politique doit d’abord être l’art de servir, et non celui de se servir. » Alors, servons notre agriculture, nos territoires et cette France des campagnes qui mérite notre soutien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Mélanie Thomin.

    Mme Mélanie Thomin (SOC)

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    Pour la députée rurale que je suis, c’est un honneur de défendre à la tribune la capacité de nos agriculteurs à produire avec des standards de qualité. C’est aussi une fierté de soutenir la diversité et la richesse de nos filières agricoles.
    Vous nous proposez un débat sur l’accord UE-Mercosur, mais pour quoi faire ? Est-ce un débat symbolique, une manœuvre pour temporiser pendant la mobilisation des agriculteurs et pour vous rassurer vous-mêmes ?

    M. Arnaud Le Gall

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    Oui !

    Mme Mélanie Thomin

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    Ou bien est-ce un débat utile, destiné à adresser un signal fort à Bruxelles ?
    Mon collègue Potier et moi-même, porte-voix du groupe Socialistes, pensons que notre travail parlementaire et nos propositions pragmatiques sont faits pour être repris et défendus. Engagé en moins d’une semaine, ce débat servira-t-il à consolider la position de la France au niveau européen ? Ou bien sommes-nous simplement réunis pour faire de la figuration ?

    M. Arnaud Le Gall

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    Oui !

    Mme Mélanie Thomin

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    S’agit-il d’un réel exercice démocratique de rassemblement contre l’accord avec le Mercosur ? Ou bien sommes-nous la caution d’un gouvernement en mal de majorité ?

    M. Laurent Croizier

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    Un peu de hauteur, s’il vous plaît !

    Mme Mélanie Thomin

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    La question posée aujourd’hui doit nous permettre d’exprimer un vote unanime contre cet accord. Nous devons à tout prix éviter la scission de ce dernier, afin de préserver le pouvoir des parlements nationaux et de reprendre le contrôle face aux dérives du libre-échange. Nous sommes le front du refus ; notre opposition se veut au service de notre société tout entière, de notre souveraineté alimentaire et de la défense du monde paysan. (M. Inaki Echaniz applaudit.) La position des Socialistes reste donc ferme et constante ; nous ne sommes pas dans l’ambiguïté embarrassante d’autres groupes parlementaires qui votent contre l’accord avec le Mercosur à Paris, et pour au Parlement européen.

    M. Inaki Echaniz

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    Eh oui !

    Mme Mélanie Thomin

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    Nous n’admettons aucune ambiguïté face aux excès du libre-échange qui dérégule, démantèle nos filières stratégiques, abîme notre tissu économique rural et fait souffrir le monde agricole français. Vivre dans la peur perpétuelle du lendemain ne peut être la norme.
    Comment rivaliser face à des exploitations brésiliennes pouvant atteindre l’équivalent de dix fois la superficie de Paris ? La signature d’un tel accord commercial est mortifère, car ce dernier reviendrait à enclencher un gigantesque plan social dans nos filières, sacrifiant des milliers d’emplois sur l’autel de la concurrence déloyale : 250 000 emplois sont menacés dans la filière maïs, 70 000 dans la filière sucre et betterave, et 37 000 dans la filière bovine.
    Le rapport Ambec, commandé par Édouard Philippe, nous alerte sur l’impact environnemental que pourrait avoir l’accord avec le Mercosur : risque d’accroissement des émissions de gaz à effet de serre, aggravation de la déforestation et retournement de 170 000 hectares de prairies françaises. En outre, cet accord est toxique pour la santé des consommateurs, puisque 145 des 427 pesticides autorisés au Brésil sont interdits en Europe. Les hormones et les antibiotiques de croissance, qui ne sont pas autorisés dans l’UE, sont impunément utilisés par les éleveurs sud-américains.
    Ce soir, à vingt et une heures trente, le seul texte traitant du Mercosur à l’Assemblée sera examiné en commission des affaires économiques –⁠ je suis rapporteure de cette proposition de résolution européenne déposée à l’initiative de mon collègue Potier dans la continuité de notre commission d’enquête sur les pesticides. Avec ce texte, nous proposons de renforcer les mesures miroirs de l’UE en les érigeant comme un système universel, afin de mieux maîtriser les importations aux frontières de l’Europe.
    Ces mesures sont un moyen opérant de lutter contre l’accord avec le Mercosur ; au-delà, elles servent plusieurs objectifs : préserver la santé humaine, environnementale et animale, promouvoir les pratiques vertueuses et coopératives en agriculture, et protéger les revenus agricoles.
    Nous l’avons entendu sur les barrages, ces phénomènes de concurrence déloyale préoccupent au plus haut point les agriculteurs. Les filières auditionnées le revendiquent : l’inversion de la charge de la preuve constitue une nécessité. Au-delà des contrôles douaniers, nous proposons que certaines méthodes de production puissent être certifiées directement dans les pays tiers par des organismes qu’assermenterait l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Nous souhaitons en outre que le règlement européen du 25 octobre 2011 concernant l’information sur les denrées alimentaires, dit règlement Inco, soit renforcé afin de mieux informer le consommateur de l’origine et de la provenance des produits agricoles ; enfin, nous sommes favorables à l’harmonisation entre États membres des règles sanitaires et environnementales.
    Apporter à la Commission européenne des propositions effectives, c’est agir concrètement au service de l’agriculture française. Contre vents et marées, les députés socialistes se sont toujours opposés à l’accord avec le Mercosur ; à Bruxelles comme auprès de nos paysans, nous continuerons de défendre ce front du refus. Mesdames les ministres, vous vous êtes prononcées contre la conclusion de cet accord en l’état :…

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Nous n’avons pas dit « en l’état » !

    M. Julien Dive

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    Elle a parlé de l’accord, tout court !

    Mme Mélanie Thomin

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    …nous vous approuvons, mais seriez-vous également prêtes à soutenir les mesures miroirs renforcées que nous préconisons, à partager nos ambitions sociales, sanitaires, environnementales au service de notre agriculture ? Feriez-vous inscrire telle quelle à l’ordre du jour de l’Assemblée notre proposition de résolution, déposée le 20 novembre, invitant le gouvernement à refuser la ratification de l’accord ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme Annie Genevard, ministre

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    J’insiste, nous n’avons pas dit « en l’état » !

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques.

    M. Antoine Vermorel-Marques (DR)

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    Je viens du pays roannais, proche de la Saône-et-Loire, qui a offert à l’agriculture française l’une de ses plus grandes fiertés : la vache charolaise. Rustique, maternelle, elle nourrit la France depuis des siècles. Chez nous, rien n’est trop beau pour elle ; on brosse sa robe crème, on la caresse, on la masse, on l’appelle par son nom. À Roanne, on lui déroule chaque année le tapis rouge du Scarabée, notre Zénith, où elle réunit davantage de spectateurs que ne l’a fait à ce jour aucun artiste, car elle est la star d’une histoire : celle d’un fermier de Saône-et-Loire, un certain Émilien Mathieu, qui en 1747, pour lutter –⁠ déjà ! – contre la concurrence déloyale des viandes d’outre-Manche, décida de mener son troupeau sur les routes de France, atteignant la capitale et le marché de Poissy après dix-sept jours de marche. Son succès fut tel que l’élevage de la race fit des émules à travers le pays ; en 1848, la IIe République décidait de la faire entrer au Louvre, par l’intermédiaire d’une commande à Rosa Bonheur.
    Désormais, la vache charolaise s’étale sur les réseaux sociaux –⁠ en Roannais, ce n’est pas sa tête qui intéresse mais son arrière-train, cher au mythique chef Bernard Loiseau, lequel la préférait à toute autre : avec l’élevage charolais, disait-il, « c’est le gras qui nourrit la viande, qui la rend moelleuse, juteuse, savoureuse ». (M. Laurent Wauquiez et Mme Justine Gruet applaudissent.) Ce gras nous fait aimer la viande, mais pas n’importe laquelle. Le combat d’Émilien Mathieu est devenu celui des éleveurs qui ne connaissent ni dimanche ni vacances, qui travaillent dans leur étable en ce moment même : tout l’inverse de ce qui se passe à 10 000 kilomètres d’ici, car, chers collègues, la charolaise vit également en Amérique du Sud. Là-bas, pour elle, c’est le bagne, la condamnation aux fers. La voici agglutinée au sein d’un troupeau de 10 000 têtes, piquée aux hormones, engraissée avec du maïs traité à l’atrazine, nourrie de soja génétiquement modifié sur un terrain où croissait auparavant la forêt amazonienne.
    Sa vie, que l’on prend soin de rendre aussi brève que possible, se résume à manger, manger encore ; loin des pâturages de nos montagnes, son unique voyage, après un abattage sans foi ni loi, sans traçabilité, se fera par avion-cargo réfrigéré à destination de nos tables, de nos cantines, nos restaurants. Elle sera bradée : moitié prix, aux dépens du bien-être animal (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR), de la biodiversité, de notre santé. L’accord avec le Mercosur ne concerne pas seulement les agriculteurs, mais aussi les consommateurs : accepter de la viande imprégnée d’atrazine, c’est revenir vingt ans en arrière. Doit-on rappeler que ce pesticide autorisé en Amérique du Sud est interdit en Europe, car cancérigène, compromettant les grossesses et nuisible à la santé des nouveau-nés ?
    Face au Mercosur, la colère monte : colère des éleveurs, dont on exige sans aucune réciprocité une qualité toujours plus grande, des consommateurs bernés par ces importations sans contrôle, des climatologues qui ne comprennent plus ces délocalisations d’un autre temps. Cette colère coule dans mes veines, c’est celle d’un fils d’exploitant qui n’en peut plus de voir mettre à mal l’agriculture française ; celle d’Anthony, qui, à 23 ans, vient de reprendre à Vivans la ferme familiale et, à peine installé, se retrouve en danger. Plutôt que de rester chez lui, avec ses vaches, il est allé crier dans les rues roannaises son refus de l’accord. C’est pourquoi, avec l’ensemble des députés de la Droite républicaine, nous exprimerons cette colère en disant non : non à la viande aux hormones, à la concurrence déloyale, à la fin de l’élevage français, au Mercosur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Plus que jamais, nous croyons en notre pays et en l’avenir de la charolaise –⁠ la charolaise de nos campagnes, celle de mon village, celle de France. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à M. Benoît Biteau.

    M. Benoît Biteau (EcoS)

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    Je constate avec un certain plaisir cette prise de conscience des réelles menaces que comporte l’accord avec le Mercosur. Dans une autre vie, je siégeais sur les bancs du Parlement européen : les choses n’y étaient pas aussi flagrantes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    M. Louis Boyard

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    Eh oui !

    M. Benoît Biteau

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    La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont remis sur le devant de la scène politique la question de la souveraineté alimentaire et surtout de sa fragilité. Au-delà de la vulnérabilité qu’entraîne notre dépendance à une nourriture venue des quatre coins du monde, les principales menaces pour la souveraineté alimentaire planétaire, européenne, française restent le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Or, en accélérant ces deux phénomènes, l’importation de produits en provenance du Mercosur, non contente de menacer les équilibres précaires de l’économie agricole sur notre continent, atteindrait de plein fouet la productivité agricole –⁠ donc le revenu des exploitants, contrairement à ce que j’ai pu entendre sur la droite de cet hémicycle.
    Accepter l’importation de ces centaines de milliers de tonnes de viande bovine, de volailles, de miel, de sucre, qui ne respectent pas nos standards de production, aurait des conséquences à long terme. Faire entrer ces produits en Europe reviendrait à assumer l’amplification de la crise sociale et économique qui frappe les producteurs européens, mais aussi à cautionner l’utilisation de pesticides interdits chez nous en raison de leur degré de toxicité, autrement dit un désastre pour la santé des producteurs du Mercosur et des consommateurs sur toute la planète.
    Faire entrer ces produits en Europe, alors qu’ils sont obtenus à grand renfort de déforestation du poumon de la planète et, je le répète, de pesticides réputés dangereux, c’est encourager un système agricole mortifère, renoncer à nos espoirs de souveraineté alimentaire, pour les raisons que j’ai déjà évoquées.
    Faire entrer ces produits en Europe, c’est laisser l’industrie agricole s’étaler au détriment des peuples autochtones, pousser les paysans du Sud vers les bidonvilles, rendant les populations, là-bas comme ici, dépendantes d’une nourriture industrielle importée. (M. André Chassaigne applaudit.)
    Faire entrer ces produits en Europe, c’est valider la spécialisation de zones de production à l’échelle de la planète, stratégie qui a pourtant révélé ses limites en cas de crise, d’accident climatique majeur, d’instabilité géopolitique. Nous devons au contraire diversifier nos productions afin de sortir de dépendances alimentaires qui, de surcroît, mettent en concurrence les paysans du monde entier.
    Cette diversification en vue d’une alimentation plus locale nous conduirait à revenir aux fondamentaux de l’agronomie, préserver la fertilité des sols, réduire notre dépendance aux pesticides et engrais de synthèse, tracer un cercle plus vertueux, conciliant approche globale et vision à long terme en matière de santé, de climat, de biodiversité, de revenu des agriculteurs, de souveraineté alimentaire. (Mme Christine Arrighi applaudit.) D’ailleurs, s’acharner à exporter coûte que coûte des produits agricoles nous empêche de consacrer à la satisfaction de nos besoins la surface dont nous disposons. C’est le principe des vases communicants : les parcelles réservées aux cultures d’exportation ne le seront pas aux cultures destinées à la consommation locale, ce qui nous oblige à importer. Un tel constat relève du bon sens paysan !
    Cet accord, comme nombre d’autres, sous-entend que l’agriculture, la nourriture, les paysans, le climat, la biodiversité, la santé pourraient constituer une variable d’ajustement, une monnaie d’échange, être sacrifiés en contrepartie de parts de marché touchant les biens et services. De telles questions devraient être exclues des tractations commerciales globalisées et se voir octroyer un espace exclusif dans une configuration multilatérale, un statut d’exception agriculturelle, si je puis dire, afin de rendre impossible cette irresponsable prise en otage de notre agriculture, de nos paysans, dans le cadre de négociations fort éloignées du besoin primaire de se nourrir dignement.

    M. André Chassaigne

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    Très juste !

    M. Benoît Biteau

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    Pour toutes ces raisons, l’accord n’est défendable ni en l’état ni dans l’hypothèse d’améliorations : révélant surtout notre fébrilité, il nous invite à nous réinventer. La voix de la France doit se faire entendre afin de convaincre des États partenaires, sensibles à la notion de souveraineté alimentaire, à la préservation d’une agriculture paysanne et familiale, de l’urgence de constituer une minorité de blocage. Au-delà des clivages politiques, les représentants de notre pays au sein du Parlement européen doivent être soutenus dans leurs démarches en ce sens auprès de leurs collègues. Envoyons ce message à la Commission européenne ! C’est à ces conditions que la France donnera encore un peu d’espoir aux paysans français et européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ M. André Chassaigne applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Lecamp.

    M. Pascal Lecamp (Dem)

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    Le 13 juin 2023, notre assemblée débattait de la proposition de résolution relative à l’accord avec le Mercosur. Ce texte transpartisan, que j’ai eu l’honneur de présenter, posait deux conditions de fond : le respect des normes de production européennes, ainsi que de critères de durabilité et de traçabilité ; une clause suspensive relative au respect par les États membres du Mercosur de leurs engagements au titre de l’accord de Paris. Il appelait en outre le gouvernement à s’opposer publiquement à la scission entre le volet commercial et le volet politique de l’accord d’association, qui est en effet un accord mixte.
    Notre proposition a été adoptée par 281 voix contre 58, les députés LFI s’y étant opposés à la dernière minute ; cette précision est certes anecdotique, mais ce n’est pas sans ironie que nous voyons ce texte coécrit à l’époque avec François Ruffin, et auquel la grande majorité des membres du groupe LFI s’était, je le répète, opposée sans motif valable, cité dans la proposition de résolution déposée la semaine dernière par ce même groupe au même sujet. Passons : comme l’a rappelé Mme la ministre, nous devons impérativement montrer l’unité française et non laisser voir nos divisions. Pour retrouver la raison, d’ailleurs, il n’est jamais trop tard !
    Nous avons donc, à une écrasante majorité, parlé d’une voix forte et claire. Nous n’avons pas changé d’avis, ni attendu pour agir les mouvements agricoles de cette année. Avec mes collègues démocrates, ainsi que les membres de la coalition transpartisane au sein de laquelle, depuis plus d’un an, nous menons ce combat –⁠ je pense à André Chassaigne, François Ruffin, Marie Pochon, Dominique Potier, Paul Molac, Loïc Kervran et Julien Dive (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS), mais aussi à nos anciens collègues Frédéric Descrozaille, Sébastien Jumel et Luc Lamirault –, nous souhaitons, mesdames les ministres, vous renouveler exactement nos demandes.
    Je ne reviendrai pas sur les risques de déforestation accélérée, le fait que les coûts de production sont 60 % inférieurs dans les pays du Mercosur, les contradictions avec l’accord de Paris et la stratégie européenne pour la biodiversité, les vingt-sept fermes qui disparaissent chaque jour en France, le mandat obsolète de la Commission européenne datant de 1999, l’insuffisance de nos contrôles aux frontières, le caractère cancérigène de l’atrazine –⁠ et j’en passe.
    Je souhaite m’attarder sur un argument que l’on a beaucoup entendu, mais assez peu débattu. Ceux qui soutiennent cet accord nous expliquent qu’il contribuera à contenir l’influence économique et géopolitique de la Chine et des États-Unis en Amérique du Sud. Regardons les chiffres en face. Entre 2000 et 2020, la Chine a multiplié par vingt-six ses investissements en Amérique du Sud. Devant elle, les États-Unis restent, de loin, le principal investisseur dans les pays du Mercosur. Arrêtons-nous maintenant sur le contexte politique : les arguments qui ont prévalu et conduit à l’interruption des négociations en 2019, lors de l’élection de Jair Bolsonaro à la tête de l’État brésilien, sont-ils réellement écartés aujourd’hui ? L’Europe sortira-t-elle vraiment grandie, dans sa quête d’autonomie, en faisant alliance avec l’Argentine de Javier Milei, lequel ne cache pas son admiration pour Donald Trump –⁠ qui le lui rend bien ?
    Qui peut vraiment croire que nous allons reconquérir une chimérique influence dans les pays du Mercosur en bradant notre agriculture et en faisant une croix sur les valeurs qui sont le cœur de l’Union européenne, à savoir le progrès, la démocratie et la protection ? Ce débat autour du Mercosur doit nous amener à nous interroger : quelle Union européenne voulons-nous ?
    Si nous choisissons de soutenir une Europe des valeurs, une Europe dont la force repose sur un modèle cohérent et protecteur, alors nous devons l’étendre à nos accords de libre-échange, contrairement à ce qu’a dit tout à l’heure notre collègue Marie Pochon. Il faut systématiser et faire respecter les mesures miroirs et utiliser le commerce extérieur comme un levier pour tirer vers le haut les normes et les conditions de production sociales et environnementales à l’échelle internationale. Le salut du libre-échange et la confiance des nouvelles générations dans les économies ouvertes, européennes et mondialisées, à l’opposé d’un repli sur soi dévastateur, en dépendent. Comme notre président l’a indiqué tout à l’heure, le groupe Démocrates est opposé à cet accord et appelle à adopter la déclaration du gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. –⁠ Mme Marie Pochon applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Au-delà de toutes les circonvolutions politiques, l’objectif final du Mercosur est bien d’aboutir à l’union de tout le continent sud-américain, et même d’Amérique centrale, avec l’élargissement envisagé en direction du Mexique. Pour l’heure, il s’agit déjà de l’un des plus importants marchés intégrés du monde, avec près de 13 millions de kilomètres carrés, 290 millions d’habitants et 2 700 milliards de dollars de PIB. Nous débattons donc du plus important accord de libre-échange conclu par l’Union européenne, impliquant près de 800 millions de personnes et représentant, en termes de volumes commerciaux, 45 milliards d’euros d’échanges.
    Au fil du temps, la science économique a promu toujours davantage l’ouverture des frontières commerciales. Longtemps dominée par les théories mercantilistes, elle s’est ensuite éloignée continûment de l’apologie du protectionnisme. Depuis la théorie des avantages absolus et celle des avantages comparatifs, en passant par les apports d’Heckscher, Ohlin et Samuelson, et jusqu’aux libéraux contemporains, l’accent a été mis sur les bénéfices des rendements d’échelle croissants liés à l’ouverture. Cette influence idéologique est à l’origine de la constitution des grands marchés intégrés de notre planète et de la croissance continue du commerce mondial. Parallèlement à cette montée en force, des critiques, des tensions et des résistances se sont exprimées. Le projet d’accord entre le Mercosur et l’Union européenne ranime l’opposition entre ces deux approches contradictoires et donne lieu à des débats très animés.
    Les promoteurs de cet accord mettent naturellement en avant les avantages que l’on peut en attendre. Ils soulignent la modestie du volume potentiel d’importations de produits agricoles et animaux et les opportunités qu’il offrira aux producteurs européens de vin et de fromage. Ils soulignent l’intérêt de faire tomber les droits de douane à destination d’un marché en devenir, notamment les 35 % qui s’appliquent aux voitures européennes et les 15 à 20 % qui s’appliquent au luxe, ainsi qu’aux produits mécaniques et chimiques. Ils rappellent l’existence de la clause de sauvegarde et le maintien de la protection des consommateurs par la permanence des normes sanitaires européennes et soulignent l’intérêt de s’ouvrir à une zone regorgeant de matières premières essentielles.
    Tout cela est bien réel et doit être pris en compte. On ne saurait toutefois oublier que l’abolition des droits douaniers place les produits et les entreprises dans une concurrence frontale. Même s’il est vrai qu’un contrat doit être apprécié dans sa complétude et son bilan global, il ne peut se fonder sur des déséquilibres majeurs, même si les désagréments des uns sont supposés être compensés par les avantages des autres.
    En l’occurrence, les perspectives obligent à une approche prudente. Si les industriels européens peuvent globalement se considérer comme compétitifs et se réjouir de gagner un avantage comparatif par rapport aux produits chinois, de plus en plus présents en Amérique du Sud, comme sur la plupart des continents, il est loin d’en être de même dans d’autres domaines. Pour l’agriculture et l’élevage, les conditions de production sont franchement inégalitaires. Les superficies offertes par la géographie, la taille des exploitations et la possibilité de productions à forte productivité, qui caractérisent l’Amérique du Sud, n’existent pas dans la structure étriquée de l’Europe. Il faut évoquer aussi l’inégalité des règles sociales et je veux dire à ce propos que nous déplorons, ici comme ailleurs, l’utilisation de la désescalade sociale comme facteur de productivité et de compétitivité.

    M. Paul Molac

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    Tout à fait !

    M. Michel Castellani

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    L’élasticité des normes est un autre problème et la faiblesse des législations environnementales entraîne la mise à mal des sols et le massacre des forêts. Et que dire de l’utilisation d’hormones, de produits phytosanitaires et d’antibiotiques interdits chez nous ? Avec la déforestation de l’Amazonie, les émissions de gaz à effet de serre pourraient fortement augmenter, tout comme les agressions contre les peuples autochtones, déjà en grand danger.
    L’idée serait donc de convaincre les partenaires européens et ceux de l’Amérique du Sud de la nécessité d’avancer ensemble sur les normes sanitaires et le respect de l’accord de Paris par l’instauration de clauses miroirs ; d’assurer, grâce à des clauses de sauvegarde, la protection des secteurs les plus défavorisés par l’accord ; de faire adopter par la Commission européenne des mesures financières spécifiques d’accompagnement et de soutien pour le secteur agricole.
    Nous redoutons le retour aux guerres douanières, telles qu’elles se développent actuellement avec la Chine, et bientôt plus encore avec les États-Unis, si l’on en croit les promesses de Donald Trump. Nous préférons largement les opportunités offertes par l’ouverture internationale, à condition que les échanges se fassent sur une base équitable et sans distorsion de concurrence majeure. C’est pour cela que, malgré ses aspects positifs, nous nous opposons au traité avec le Mercosur, tel qu’il nous est proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Stella Dupont.

    Mme Stella Dupont (NI)

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    Il me semble important de rappeler les conséquences directes que l’intensification des échanges commerciaux peut avoir sur l’aggravation du changement climatique. Un rapport remis au premier ministre en 2020 estimait que l’accord avec le Mercosur pourrait entraîner jusqu’à 7 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre supplémentaires, tout en favorisant une intensification de la déforestation liée à l’accroissement des exportations. J’ai donc des doutes sur la compatibilité de cet accord avec les dispositions des traités et les engagements internationaux de l’Union européenne en ce qui concerne la protection de l’environnement. Pouvez-vous, mesdames les ministres, saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour lui demander de statuer sur ce point ?
    La semaine dernière, le monde agricole a manifesté son inquiétude, comme il le fait depuis de nombreux mois. Les agriculteurs ne rejettent pas les accords commerciaux internationaux par principe, mais insistent sur un point fondamental, à savoir que ces accords doivent s’appuyer sur des conditions de production équitables. Or les pays du Mercosur ne disposent pas des mêmes normes que les pays européens, que ce soit en matière sociale, environnementale, phytosanitaire ou d’utilisation des antibiotiques et des hormones de croissance. Le Maine-et-Loire compte des productions végétales et animales très diversifiées et de grande qualité, à l’image de la France entière. Les coûts de production de nos éleveurs de volailles et de bœuf, qui sont directement concernés par l’accord avec le Mercosur, sont impactés par ce cadre normatif propre à la France et l’Union européenne.
    Nous produisons de la viande, du miel, du sucre dans des conditions sanitaires, environnementales et d’élevage qui sont très exigeantes, et cela correspond à la demande de notre société. Nos coûts de production ne peuvent donc pas rivaliser avec ceux des pays du Mercosur, qui ont des normes sociales différentes et un coût du travail inférieur à celui de l’Union européenne. Or il est indispensable d’assurer un revenu décent aux exploitants agricoles afin de susciter l’intérêt des jeunes et de les encourager à s’installer. C’est une priorité que je défends avec constance.
    Notre agriculture est en tension depuis des années maintenant, avec des hauts et des bas et des différences selon les productions ; beaucoup d’éleveurs peinent à vivre de leur métier. C’est une réalité qui alimente souvent nos échanges ici, à propos de divers textes de loi : loi d’orientation agricole, lois Egalim, lois de finances, etc. Malgré ces lois destinées à soutenir notre agriculture, chacun sait qu’il est très difficile d’encadrer les pratiques commerciales et de préserver le revenu agricole dans une économie mondialisée. Laisser croire que l’accord avec le Mercosur aura sur notre élevage, déjà fragilisé, un impact supportable, n’est ni raisonnable ni crédible.
    La sagesse doit nous amener à préserver notre agriculture, car la crise du covid nous a assez rappelé l’importance de notre souveraineté, notamment alimentaire. Elle est essentielle et vous avez eu raison de dire, madame la ministre, que c’est un secteur stratégique à défendre. Défendons-le ensemble ce soir ! Il faut que nous soyons capables de valoriser la qualité des produits alimentaires français, sécurisés et tracés. Or c’est là que le bât blesse et je vais terminer par un exemple.
    Un décret, en vigueur jusqu’au 29 février 2024, imposait d’indiquer l’origine des viandes dans la restauration hors domicile. Or il n’a pas été prorogé et, depuis février, il n’est plus obligatoire de mentionner l’origine des viandes dans la restauration. Comment voulez-vous, dans un contexte marqué par les difficultés sanitaires, climatiques et financières, que nos éleveurs soient sereins et favorables à un accord tel que celui avec le Mercosur ? Comment pourraient-ils être rassurés, alors que nous échouons à préserver une réglementation sur la traçabilité de leur production, qui leur permet de se différencier ?
    De même, nous demandons depuis des années des mesures miroirs, afin de ne pas importer des produits qui ne respectent pas les normes que nous imposons à nos agriculteurs. Or, pour le moment, nous ne voyons pas venir grand-chose. Madame la ministre, nous vous demandons de saisir le commissaire européen à l’agriculture afin qu’il propose un règlement transversal sur ces mesures miroirs. Il importe que nous fassions bloc et que la France s’oppose à cet accord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Françoise Buffet.

    Mme Françoise Buffet (EPR)

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    L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, dont les discussions ont commencé il y a près de vingt-cinq ans, n’est plus à la hauteur des enjeux du XXIe siècle. De nouveaux défis sont apparus depuis et se sont imposés à nous, nécessitant une réorientation majeure de notre agriculture. La question climatique, la préservation de la biodiversité, l’exigence de transparence exprimée par les consommateurs européens sur le plan sanitaire, sur les modes de production ou encore la nécessaire défense de notre souveraineté alimentaire sont autant de défis auxquels l’Europe et la France sont confrontées.
    Depuis quelques décennies, l’Europe et la France s’évertuent à produire mieux, quand les pays émergents s’attachent d’abord à produire plus afin d’assurer la sécurité alimentaire de leurs populations. Nos exigences n’ont rien à voir avec celles qui prévalent en Amérique du Sud : cette asymétrie est au cœur du problème. Sans clauses miroirs imposant des règles communes, le jeu de la concurrence est inéquitable, empêchant toute signature de l’accord. En l’état actuel, nous nous y opposons fermement.
    Les conditions sociales ne sont pas les mêmes au sein des deux marchés : difficile d’imaginer que nos producteurs puissent rivaliser à armes égales lorsque les agriculteurs brésiliens sont quatre à six fois moins payés que les agriculteurs français, qui peinent pourtant à gagner leur vie. Les conditions sanitaires ne sont pas les mêmes : de l’aveu même de la Commission européenne, le Brésil, par exemple, est incapable de garantir que la viande rouge qu’il exporte vers l’Union européenne n’a pas été dopée avec des hormones de croissance.
    Les conditions environnementales ne sont pas non plus les mêmes : les pays du Mercosur permettent à leurs cultivateurs de canne à sucre ou de maïs d’utiliser de nombreux pesticides interdits dans l’Union, comme le glyphosate ou les néonicotinoïdes. En somme, le système normatif des pays sud-américains permet de produire à des coûts dérisoires, au détriment de nos filières sucrière, volaillère et bovine, qui ne luttent pas à armes égales.
    À vrai dire, cette question se pose au sein même de l’Europe. Les agriculteurs français pâtissent déjà de la concurrence déloyale des États européens moins-disants sur les plans social, sanitaire et environnemental. En France, les betteraviers ne peuvent plus utiliser d’acétamipride, alors que ce produit est encore pulvérisé en Allemagne. Aussi l’unité entre les vingt-sept pays européens est-elle un préalable essentiel à l’ouverture de nouveaux marchés à nos produits, qu’ils soient manufacturés ou agroalimentaires, comme nos fromages et nos vins –⁠ je pense à l’indication contrôlée « Vin d’Alsace » qui me tient particulièrement à cœur.
    Les accords commerciaux avec les pays émergents restent indispensables, alors que se poursuit une guerre d’influence entre l’Occident et la Chine. Vous savez ce que l’on dit : si les marchandises ne traversent pas les frontières, les armées le feront. Nous voulons un commerce mondial qui protège nos agriculteurs, respecte la planète et soutienne une économie durable. Nous avons su le faire avec le Ceta, conclu entre l’Union européenne et le Canada : les producteurs canadiens doivent désormais respecter nos normes, mais ils sont peu nombreux à avoir consenti les investissements nécessaires. À l’inverse, les éleveurs européens ont multiplié par plus de huit leurs exportations de bœuf vers le Canada, tout comme les producteurs de fromage, qui utilisent à plein leur nouveau quota d’exportation de 19 millions de tonnes. Tel est le type d’accords qu’il nous faut promouvoir.
    Dans sa forme actuelle, l’accord avec le Mercosur ne répond ni à ces conditions ni à ces exigences. Nous devons donc le rejeter et continuer d’œuvrer pour un commerce mondial plus juste, en phase avec les aspirations et les enjeux du siècle, assurant des revenus à nos agriculteurs.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

    M. Jean-Pierre Vigier (DR)

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    Je salue tout d’abord l’action de la ministre de l’agriculture qui, depuis sa prise de fonction, se mobilise avec force pour défendre nos agriculteurs et préserver notre modèle agricole d’excellence. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Madame la ministre, vous avez exprimé haut et fort, sans ambiguïté, votre opposition et celle du gouvernement à l’accord avec le Mercosur. Votre engagement est une force précieuse pour nos territoires. Nous vous en sommes profondément reconnaissants.
    L’accord avec le Mercosur est le cauchemar des agriculteurs. Il ne doit pas devenir réalité. Il constitue une trahison pour ceux qui, chaque jour, nourrissent la France et préservent ses paysages, en pratiquant une agriculture exigeante, de grande qualité, durable et respectueuse de l’environnement.
    Je m’exprime comme député de la Haute-Loire, mais aussi comme représentant des territoires de montagne, où nous connaissons bien les ravages de tels accords internationaux. Nos éleveurs n’ont pas oublié la politique commerciale née de l’accord entre l’Europe et la Nouvelle-Zélande : sous prétexte de libre-échange, nos marchés ont été inondés de viandes importées à bas coût, produites sans respecter nos contraintes sanitaires sociales. Résultat : les rayons des grandes surfaces ont été remplis de viande néo-zélandaise, pendant que nos éleveurs peinaient à vendre leurs produits.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Exactement !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    La même chose risque de se reproduire avec l’Amérique du Sud : avec cet accord, nous laisserions entrer des tonnes de viande bovine, de volaille ou de miel trafiqués, produits dans des conditions qui n’ont rien à voir avec les normes strictes que nous imposons chez nous.

    M. Jean-Pierre Taite

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    Bravo !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Comment tolérer une telle injustice ? Que devrais-je dire aux éleveurs de mon territoire de Haute-Loire, qui respectent un cahier des charges rigoureux, qui produisent une viande d’une qualité exceptionnelle dans des exploitations familiales transmises de génération en génération ? Leurs efforts sont balayés par des produits moins chers, importés au mépris de nos règles sanitaires et environnementales. C’est insupportable.
    Les syndicats agricoles nous ont alertés dès l’été 2022 sur les dangers de ces importations massives, issues d’une agriculture que n’acceptent ni les producteurs ni les consommateurs français. Les agriculteurs attendent de leurs élus une réponse claire…

    Mme Marie Pochon

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    Des prix rémunérateurs, aussi ! Vous n’étiez pas là pour les voter !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    …et l’arrêt de la négociation de ces accords internationaux injustes qui mettent en péril leur avenir. Ils réclament moins de normes et un travail qui paie mieux, une juste rémunération de leurs efforts afin de vivre dignement de leur métier. L’accord avec le Mercosur tirera les prix vers le bas, rendant impossible une agriculture durable et de qualité.
    Il y va aussi de la santé publique et de la sécurité alimentaire : permettre l’importation massive de viandes et de produits agricoles issus du Mercosur, produits selon des standards sanitaires et environnementaux nettement moins stricts, exposerait nos concitoyens à des risques accrus. Utiliser des hormones de croissance bovine et d’autres produits destinés à accélérer la prise de poids des animaux constitue tout de même un scandale sanitaire ! Au sein de l’Union européenne, nous avons décidé collectivement d’interdire de telles pratiques depuis plus de quarante ans ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. –⁠ Mme Marie Pochon s’exclame.) Accepter ces produits serait non seulement trahir les agriculteurs, mais aussi compromettre la santé et le bien-être de nos familles. La qualité de ce que nous mettons dans nos assiettes ne doit jamais être sacrifiée sur l’autel du libre-échange. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
    La France dit non à cet accord, et ce non, nous devons le défendre avec fermeté. Nous ne devons pas laisser la Commission européenne contourner notre veto, sauf à abandonner notre souveraineté agricole et alimentaire, à sacrifier nos éleveurs et leur savoir-faire unique. (Mme Christine Arrighi s’exclame.) Nous sommes fiers de notre agriculture, la première en Europe, fiers de ces hommes et femmes qui, dans nos montagnes, nos plaines et nos campagnes, travaillent dur pour offrir à nos concitoyens des produits d’une qualité exceptionnelle.

    Mme Justine Gruet

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    Excellent !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Aux agriculteurs de Haute-Loire et de tous les territoires de France, je dirai ceci : votre travail quotidien nous honore, vous portez sur vos épaules l’héritage d’une agriculture vertueuse et l’avenir de notre souveraineté alimentaire. Vous trouverez toujours en nous, députés de la Droite républicaine, sous l’impulsion de notre président Laurent Wauquiez, des alliés fidèles et déterminés. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
    Refuser l’accord avec le Mercosur, c’est protéger nos agriculteurs, nos territoires et notre avenir. C’est dire oui à la souveraineté française et non à concurrence déloyale. Clamons haut et fort notre non au Mercosur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme Christine Arrighi

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    Envoyez votre discours à vos collègues du Parlement européen !

    M. le président

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois.

    Mme Danielle Brulebois (EPR)

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    Je remercie M. le premier ministre d’avoir permis à l’Assemblée nationale de s’exprimer sur l’accord avec le Mercosur. Même si la finalisation de ce traité de libre-échange ne dépend pas du Parlement français, mais des institutions européennes, le résultat de notre vote aura le mérite de montrer à la présidente de la Commission européenne l’ampleur de l’opposition française à cet accord.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Très bien !

    Mme Danielle Brulebois

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    Le président de la République s’est montré clair, dimanche 17 novembre, à Buenos Aires, en exprimant son refus de la version actuelle du traité. Comme le gouvernement, et vous en particulier, madame la ministre de l’agriculture, le groupe Ensemble pour la République soutient cette opposition.
    Négocié depuis 1999, cet accord qui régit les échanges commerciaux entre l’Union européenne et le marché commun réunissant le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie, supprimera jusqu’à 90 % des droits de douane, concernera 780 millions de personnes et représentera entre 40 et 45 milliards d’euros d’importations et d’exportations. C’est dire son importance : il s’agit du plus grand traité de libre-échange jamais conclu par l’Union européenne.
    La France a affiché une opposition ferme à sa version actuelle. Plusieurs pays ont émis des doutes et des réserves, comme la Pologne, l’Autriche, l’Italie ou les Pays-Bas. Les agriculteurs ont relancé leur mobilisation pour s’élever de nouveau contre lui, car il entraînerait une concurrence sauvage et déloyale, ainsi qu’un déferlement de viandes argentines ou brésiliennes, de volailles et de céréales produites en dehors de nos normes sanitaires et environnementales. Comment peut-on demander aux agriculteurs français et européens de faire des efforts, de s’appliquer sans cesse de nouvelles contraintes pour se décarboner ou produire en bio, tout en acceptant de faire entrer sur le territoire des produits à bas prix, de moindre qualité, de la viande d’animaux nourris aux OGM, aux antibiotiques, voire aux hormones de croissance, qui les privent de parts de marché ? Il faut d’urgence redonner confiance à ceux qui travaillent dur pour nous nourrir, qui ont fait de notre agriculture une agriculture d’excellence, une des plus vertueuses du monde, tant par la qualité de ses produits que par le respect de l’environnement.
    C’est la raison pour laquelle la France a tracé des lignes rouges. Nous sommes déterminés et nous nous montrerons inflexibles pour qu’elles soient respectées et déclinées en clauses contraignantes : nous devons conditionner l’accès des produits agroalimentaires du Mercosur au respect des normes sanitaires et environnementales européennes, en instaurant des clauses miroirs ; nous devons surtout nous donner les moyens de les contrôler, d’en assurer la traçabilité par le biais d’un étiquetage rigoureux et transparent.
    Nous refusons la version actuelle de l’accord parce que nous refusons que la Commission s’écarte du mandat que le Conseil lui a confié, celui de négocier un accord d’association qui nécessite l’unanimité des États membres et qui soit ratifié par les parlements nationaux. C’est une question de démocratie.
    Nous sommes conscients que la libéralisation du marché bénéficierait à certains secteurs, comme celui du vin et des spiritueux. Pour la filière vinicole, l’accord prévoit en effet la suppression totale, à terme, du tarif douanier dont le taux est actuellement fixé à 27 %. L’accord profiterait aussi à nos produits industriels et manufacturés, ainsi qu’à 400 indications géographiques protégées européennes que le Mercosur a accepté de reconnaître, à l’instar de l’excellent comté du Jura, du jambon de Bayonne, du poulet de Bresse ou du mont d’or –⁠ n’est-ce pas, madame la ministre ! – dont les producteurs seraient avantagés à l’export, puisqu’ils ne pourraient plus être copiés par des concurrents étrangers. Enfin, la Commission fait valoir que ce rapprochement sécuriserait à long terme l’approvisionnement en matières premières nécessaires à la transition écologique, comme le lithium, le cuivre, le fer ou le cobalt, dont est riche cette région du monde.
    Précisons aussi que l’Union européenne repose, depuis sa construction, sur les principes de libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux, qui forment la base de son marché unique. Je forme le vœu que les pays s’entendent pour que nous parvenions à une solution équilibrée, qui puisse protéger les intérêts de nos agriculteurs tout en offrant de nouvelles opportunités à nos entreprises.
    Refuser l’accord avec le Mercosur ne signifie pas se désengager du commerce international ni refuser d’exporter nos produits. Le Parlement européen doit impérativement écouter les agriculteurs : ils ont raison et doivent être entendus et soutenus. Tant que nos normes et nos valeurs ne seront pas réciproquement respectées, nous voterons contre cet accord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Carteron.

    Mme Danièle Carteron (EPR)

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    L’accord du Mercosur, dans sa forme actuelle, soulève des questions profondes qui vont bien au-delà du commerce international et touchent à l’avenir de notre agriculture, de notre souveraineté alimentaire et des valeurs qui fondent notre société. En prenant la parole pour la première fois dans cet hémicycle, en tant que députée de la deuxième circonscription de la Haute-Savoie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. –⁠ Mme la ministre déléguée applaudit également),…

    M. Charles de Courson

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    Bravo !

    Mme Danièle Carteron

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    …je pense à ces femmes et à ces hommes qui travaillent chaque jour avec passion pour nourrir notre pays et préserver nos paysages. Leur voix est aussi la nôtre. Ne nous trompons pas : cet accord ne se réduit pas à une question agricole ; il représente un choix de société. Voulons-nous d’une alimentation standardisée, marquée par des pratiques que nous ne tolérons pas chez nous ? Voulons-nous exposer nos agriculteurs à une concurrence déloyale, fondée sur des règles inégalitaires ? Soyons clairs : nous ne sommes pas opposés au libre-échange, nous croyons aux échanges équilibrés et équitables. Nous avons aussi le devoir de défendre nos normes, nos standards et notre modèle agricole. Nos agriculteurs ne craignent pas les règles ; ils les respectent et les appliquent avec une rigueur croissante. Simplement, ils demandent l’équité, toute l’équité, rien que l’équité.
    Des alpages des Aravis, d’où je viens, aux terres bretonnes de Bains-de-Bretagne, le message est le même : oui à la compétition, mais à condition d’être tous soumis aux mêmes règles. Or cet accord, tel qu’il est rédigé, introduirait une concurrence biaisée. Pendant que nous imposons à nos agriculteurs des normes strictes relatives à l’environnement, au bien-être animal ou à la santé publique, l’accord ouvrirait nos frontières à des produits ne respectant pas ces exigences. Comment accepter l’importation de viande bovine provenant d’élevages liés à la déforestation massive de l’Amazonie ? Comment justifier l’importation de céréales cultivées avec des pesticides interdits chez nous, alors même que nous demandons à nos agriculteurs de changer leurs pratiques ? Nous devons rester cohérents avec nos engagements environnementaux, avec nos discours sur le « manger local » et les circuits courts, et envers les agriculteurs qui supportent chaque jour les exigences que nous leur imposons –⁠ eux qui doivent aussi, pour certains, lutter contre la prédation.
    La crise du covid-19 l’a montré : la souveraineté alimentaire est essentielle. Des cultures céréalières de Haute-Garonne aux éleveurs des prairies permanentes du Doubs, de la viticulture de Gironde aux poulaillers du Morbihan, les agriculteurs ont assuré notre approvisionnement alimentaire dans un contexte mondial incertain. C’est cette agriculture diversifiée et résiliente que nous devons préserver, pas seulement pour garantir notre sécurité alimentaire, mais aussi pour transmettre un savoir-faire unique aux générations futures, préserver l’emploi dans nos territoires, et maintenir la France parmi les grandes puissances agricoles mondiales.
    Chers collègues, envoyons un signal fort ! Notre rôle de parlementaire est de rappeler au gouvernement qu’un tel accord ne peut être ratifié sans que ces équilibres soient garantis. Nous devons défendre ces exigences à l’échelle européenne ; c’est à ce niveau que se joue notre avenir agricole. Il engage notre vision de l’alimentation, de l’écologie et de la justice sociale. Nous le devons à ceux qui nous nourrissent, ces agriculteurs avec leur savoir-faire et leur savoir-vivre, qui nous rendent fiers d’être français. Nous le devons aux consommateurs français, qui souhaitent une alimentation sûre et durable. Plus que tout, nous le devons à nos enfants, qui méritent un modèle agricole à la hauteur des enjeux de demain. Opposons-nous au traité du Mercosur tel qu’il nous est proposé et exigeons une agriculture juste, durable et respectueuse de nos valeurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl (EPR)

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    Tout à l’heure, un vote aura lieu sur l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur. Son résultat, sans suspense, est connu d’avance. Toutefois, ce vote ne signifiera pas que nous pensons tous la même chose. Il y a ceux qui s’opposent au Mercosur parce qu’ils sont opposés par principe au commerce international ou parce qu’ils sont viscéralement antieuropéens ; et il y a ceux qui s’opposent à cet accord parce qu’ils le jugent insatisfaisant en l’état. En cohérence avec la position du président de la République et celle de mon groupe, je m’oppose à l’accord du Mercosur dans sa version actuelle.
    Au printemps dernier, j’ai eu l’honneur de présider la commission d’enquête sur la souveraineté alimentaire, interrompue –⁠ hélas – par la dissolution. J’y ai entendu, à maintes reprises, l’opposition du monde agricole français à cet accord. Ce qui choque unanimement les agriculteurs, c’est la distorsion de concurrence entre l’agriculture européenne et l’agriculture sud-américaine sur le plan sanitaire, qui conduirait à importer d’Amérique du Sud des viandes et du sucre traités avec des produits interdits en Europe. C’est une question importante que nous posons à la Commission européenne : comment accepter l’importation d’aliments produits avec des substances interdites chez nous ? On nous rétorquera que les quotas ouverts ne représentent pas plus de 1 % des importations. Mais pourquoi imposer ce « deux poids, deux mesures » à nos agriculteurs ? Nous continuerons donc de nous opposer à cet accord.
    Cependant, la tournure du débat français sur le Mercosur et la surenchère anti-Mercosur m’inquiètent. À titre personnel, je suis convaincu de la nécessité du commerce international : il engendre bien plus de bénéfices que de méfaits, apporte globalement davantage de prospérité et de croissance que l’autarcie ou la décroissance, et favorise la circulation des idées et le progrès technologique. Dans l’histoire, les grandes nations sont des nations commerçantes.

    M. Daniel Labaronne

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    Eh oui !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Au travers des siècles, la puissance de l’Europe s’est construite sur la puissance de son commerce. Les accords de libre-échange ont accompagné la construction européenne, de façon globalement positive. En 2023, l’Union européenne avait un solde commercial positif de 40 milliards d’euros et le solde agroalimentaire européen s’élevait à 70 milliards d’euros. L’excédent agricole et agroalimentaire français hors Europe était de 10 milliards d’euros et permettait de couvrir le déficit qui est désormais le nôtre avec le marché européen. Telle est la réalité de notre puissance commerciale. La force de l’agriculture européenne et française tient à sa capacité d’exporter ses productions aux quatre coins du monde, en produisant en quantité et en qualité des aliments que d’autres pays ne savent pas produire. Si l’Europe renonce au commerce, elle renoncera tout simplement à la puissance.

    M. Daniel Labaronne

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    Bien sûr !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Elle laissera les États-Unis et la Chine occuper des marchés qui nous tendaient les bras en Amérique du Sud. Elle n’offrira pas de nouveaux débouchés utiles à ses industries automobile et chimique, ni à ses services.
    Le volet agricole de l’accord n’est pas acceptable. Toutefois, le Mercosur apparaît comme un bouc émissaire facile. Il est plus facile d’accuser le Mercosur que d’affronter les faiblesses économiques strictement franco-françaises dont souffre notre industrie agroalimentaire. Ce n’est pas le Mercosur qui a voté les 35 heures ou qui accable les entreprises françaises d’impôts de production parmi les plus élevés au monde, malgré les efforts accomplis depuis sept ans sous l’autorité du président de la République. Ce n’est pas le Mercosur qui a mis en place le millefeuille administratif français, qui surtranspose les normes européennes, en particulier en matière agricole, transformant la construction du moindre bâtiment d’élevage en enfer bureaucratique.

    M. Daniel Labaronne

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    Absolument !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    En l’état, l’accord n’est pas acceptable et je m’y oppose, mais la surenchère anti-Mercosur ne doit pas nourrir l’aveuglement quant aux défis que l’Europe et l’agriculture française doivent relever. Nous, Français, nous, Européens, devons continuer à commercer avec le monde. Telle est ma vision de l’Europe et de la place de la France en Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Daniel Labaronne

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Marion.

    M. Christophe Marion (EPR)

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    Je tiens tout d’abord à remercier le premier ministre, que je sais résolu et ferme, comme le sont le président de la République et les membres du gouvernement, dans son opposition à l’accord d’association entre le Mercosur et l’Union européenne, dont nous craignons qu’il soit signé prochainement. Je lui suis également reconnaissant d’avoir utilisé l’article 50-1 de la Constitution pour permettre à la représentation nationale de débattre et de voter officiellement. Au moment où se tiennent les tractations les plus importantes, la parole des agriculteurs et des Français doit résonner dans cet hémicycle jusqu’à ce que son écho parvienne à la Commission européenne. Les agriculteurs –⁠ et pas seulement les betteraviers et les éleveurs – et les Français sont unanimes sur ce point ; leurs représentants politiques aussi.
    L’organisation de ce débat montre l’estime que le gouvernement porte à l’expertise des parlementaires, mais aussi l’intérêt qu’il a à les consulter pour asseoir sa légitimité dans les négociations européennes. J’aspire, mesdames les ministres, à ce que ce réflexe soit plus régulier, car notre pays a tout à gagner à se montrer uni. C’est tellement rare ! C’est pourtant ce que demandent nos compatriotes et ce qu’exprime leur colère dans les campagnes : ils nous enjoignent de décider ensemble de l’avenir de l’agriculture et de notre modèle sociétal.
    Le processus de négociation n’a pas encore atteint les parlements européens et nationaux. Cependant, n’oublions pas que si le commerce est une compétence exclusive de l’Union, l’agriculture demeure, depuis le traité de Lisbonne, une compétence partagée avec les États membres. Il faudra tirer les leçons de ce que nous sommes en train de vivre et imposer une meilleure coopération, dès le stade des négociations, entre les exécutifs et les élus européens et nationaux.
    Il va sans dire que la Commission européenne ne doit pas contourner la procédure de ratification prévue pour les accords mixtes –⁠ qui consiste en un vote par le Parlement européen et par les parlements nationaux – et la remplacer par la procédure simplifiée prévue pour les accords commerciaux ; cela irait à l’encontre de ce qui avait été convenu initialement. L’Assemblée l’avait déjà fermement affirmé en adoptant la proposition de résolution de notre collègue Pascal Lecamp en juin 2023. Il y va de l’acceptabilité des mécanismes du commerce international. Ces derniers ont créé beaucoup trop d’inquiétudes par manque de transparence, de validation démocratique et d’équilibre juste et pertinent.
    S’il est intéressant, pour notre économie, de disposer d’un accès favorisé à un marché aussi ample que celui du Mercosur, et partant d’offrir de nouvelles opportunités à nos entreprises et une meilleure reconnaissance à nos appellations,…

    M. Daniel Labaronne

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    Eh oui !

    M. Christophe Marion

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    …ces gains ne peuvent suffire si les pertes induites touchent aux fondements de notre société –⁠ ce qui est bien le cas pour l’instant. Dire non à cet accord, c’est prendre acte du fait que le monde a changé depuis vingt ans et qu’une nouvelle hiérarchie s’établit progressivement entre enjeux environnementaux et intérêts commerciaux ; c’est reconnaître que la lutte contre la déforestation, contre les émissions de gaz à effet de serre, contre l’usage de pesticides dangereux ou contre l’accaparement des ressources au détriment des populations autochtones prime sur toute autre considération ; c’est considérer que le respect de l’accord de Paris sur le climat n’est pas négociable.
    C’est pourquoi nous devons imposer les clauses miroirs qui garantiront aux Européens une alimentation de qualité ; qui nous permettront de demeurer cohérents et fidèles à nos politiques de protection de l’environnement et de la santé ; qui prémuniront les paysans français de toute concurrence déloyale, en sanctuarisant leur revenu, qui constitue la mère des batailles et le cri principal qui nous parvient des manifestations.
    Dans un monde où, je le crois, personne ne peut raisonnablement contester la nécessité des échanges, y compris dans le domaine agricole ; dans un monde où ramener la question de la souveraineté à celle de la stricte autarcie alimentaire induirait un affaiblissement de la puissance de notre nation ; dans un monde où tromper nos compatriotes en leur laissant croire qu’une France éternelle, se suffisant à elle-même, dirigée par un nouveau Sully, pourrait s’épanouir dans une mosaïque d’isolationnismes ; dans un tel monde, je préfère l’ambition au repli, à l’autarcie qui, en agriculture comme en culture –⁠ tout autant qu’une mondialisation uniformisée – mène à la mort. L’ambition de réglementer toujours davantage nos échanges et de nous assurer, dans les pays étrangers et au seuil de nos frontières, que les produits que nous importons respectent nos valeurs, notre patrimoine agricole et notre culture alimentaire ; en un mot : notre civilisation.
    C’est à cette condition que notre opposition ne sera pas interprétée par l’Europe et le monde, qui nous regardent, comme une réaction de repli d’une France apeurée, mais comme la politique d’une nation qui, fidèle à l’histoire qui est la sienne depuis les Lumières et la Révolution, entend toujours, avec modestie, montrer le chemin d’une conception universaliste du progrès au service de toute l’humanité, le chemin d’une espérance et d’une foi en l’avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. Daniel Labaronne

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul, suppléant M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères.

    Mme Laetitia Saint-Paul, suppléant M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères

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    Le débat et le vote d’aujourd’hui me paraissent particulièrement opportuns. Je remercie le gouvernement de nous donner ainsi l’occasion de nous exprimer sur un sujet à propos duquel la Commission européenne pourrait avoir la velléité, inacceptable, de nous priver d’un droit de regard.
    L’Union européenne et le Mercosur ont depuis une trentaine d’années l’ambition de conclure un accord global d’association, prévoyant non seulement un dialogue politique et une coopération entre les deux régions, mais aussi un volet commercial. Dans son principe, cet objectif paraît intéressant, un tel accord étant susceptible de concerner près de 800 millions de personnes et de couvrir un volume d’échanges avoisinant les 45 milliards d’euros.
    Toujours dans son principe, ce schéma d’accord global, adossé à une procédure de ratification à l’unanimité des États membres suivie d’un vote du Parlement européen et d’une ratification par l’ensemble des parlements nationaux, semblait offrir de nombreuses garanties démocratiques, à même de susciter un a priori plutôt favorable.
    Néanmoins, alors qu’en 2019 la première mouture, issue de vingt-cinq ans de négociations, n’avait pas convaincu l’ensemble des pays de l’Union européenne, et alors que nous pensions que les conditions d’un accord équilibré sur les plans économique, social, sanitaire et environnemental, étaient présentes dans les esprits de tous les négociateurs, l’avancement soudain des discussions menées par la Commission européenne a suscité, à juste titre, les plus vives inquiétudes de nos agriculteurs ainsi que de l’ensemble de nos concitoyens, consommateurs concernés au premier chef.
    Dans un contexte géopolitique où l’exigence de souveraineté prend une signification de plus en plus déterminante en matière de défense, de santé et de production agricole, l’Union européenne ne doit pas sacrifier ce qui a fait sa force sur l’autel de débouchés industriels temporaires. Cet accord, que l’on qualifie parfois de « bœufs contre voitures », ne correspond aucunement à une vision stratégique de long terme pour l’Union.
    Notre pays avait posé des conditions raisonnables à l’aboutissement d’un accord commercial avec le Mercosur en exigeant la mention de la mise en œuvre effective de l’accord de Paris sur le climat et le respect –⁠ en vertu du principe de réciprocité – des normes environnementales et sanitaires, une référence explicite au principe de précaution et enfin, à titre de clause de sauvegarde, la protection des filières agricoles les plus exposées par une limitation temporaire des importations en cas de difficultés sur le marché européen.
    Depuis 2023, sous l’impulsion notamment de l’Espagne, mais aussi de l’Allemagne, les négociations ont repris. Ces dernières semaines, elles ont brusquement accéléré, au point de laisser entrevoir la signature d’un accord commercial découplé de l’accord de partenariat, ce qui permettrait de court-circuiter les parlements nationaux dans le processus de ratification.
    Cette manœuvre juridique, si elle venait à se confirmer, serait particulièrement désastreuse : elle accréditerait auprès des opinions publiques la mise en question, régulièrement formulée, de la transparence et du caractère démocratique du fonctionnement des institutions de l’Union européenne.
    Le président de la République et le gouvernement, mais aussi le Parlement français tiennent, d’une voix unanime, à s’élever contre cette éventualité. Au nom de la commission des affaires étrangères, je trouve cela heureux : j’y vois la preuve que, sur l’essentiel, nous savons nous rassembler.
    Il existe selon moi, au sein du Conseil européen comme du Parlement européen, une minorité suffisante pour s’opposer à un accord bâclé avec le Mercosur. L’Union européenne et les États d’Amérique du Sud méritent mieux que cela. Remettons donc l’ouvrage sur le métier, après avoir clairement signifié aux États du Mercosur que, sur des aspects aussi essentiels que la concurrence loyale, le respect de l’environnement et la défense d’une alimentation saine, il n’est pas possible de transiger. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Comment en est-on arrivé là ? –⁠ c’est la première question que m’ont posée les agriculteurs mobilisés aux quatre coins de la France, dans l’Oise ou dans l’Essonne, des producteurs de betteraves, de volailles, de bœuf. Comment se fait-il que l’Europe soit à deux doigts d’entériner, avec le Mercosur, un accord de libre-échange menaçant la survie même de notre agriculture familiale ?
    La réponse est simple : les gouvernements français, les uns après les autres, ont soutenu depuis vingt ans que cet accord pouvait être vertueux. Ils ont donc continué à négocier, pour faire plaisir aux banques et aux multinationales de service françaises qui lorgnent les marchés sud-américains. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Mathilde Panot

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    Exactement !

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Le président Macron nous a dit que cet accord pouvait être avantageux sous certaines conditions –⁠ l’accord de Paris ou bien les clauses miroirs. Clauses miroirs : les mots magiques qui permettraient à nos élevages d’une centaine de vaches de tenir le coup, comme par enchantement, face à des usines d’engraissement de plusieurs milliers de bêtes, avec un coût du foncier presque nul grâce, si on peut dire, à la déforestation. Non, les clauses miroirs ne permettent pas d’effacer l’énorme écart de coûts de production, d’un à dix, entre nos éleveurs et ceux du Brésil ou du Paraguay.
    Ces clauses miroirs, surtout, ne peuvent pas fonctionner. La Commission européenne vient de le concéder : du bœuf traité aux hormones de croissance entre déjà dans les pays de l’Union –⁠ parce que nous sommes techniquement incapables de procéder à des vérifications. (Mêmes mouvements.)

    Mme Mathilde Panot

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    C’est vrai !

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Vous dites, madame la ministre du commerce extérieur, que vous n’accepterez pas l’accord tant que l’Union européenne n’aura pas progressé sur le terrain des mesures miroirs.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Pas seulement – ne soyez pas de mauvaise foi !

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Si je comprends bien, vous pourriez donc trouver cet accord acceptable. Pour ma part, j’estime qu’aucune mesure miroir ne pourrait permettre un bon accord de libre-échange.
    Savez-vous comment les agriculteurs que j’ai rencontrés ces derniers jours, tous syndicats confondus, appellent les clauses miroirs ? Les miroirs aux alouettes ! Ces agriculteurs se sentent un peu comme des alouettes : victimes d’un piège posé par les partisans du libre-échange afin de les éblouir.
    Or ce piège est terrible : avec un tel accord, quelles qu’en soient les conditions, les débouchés pour le sucre français seront réduits de 190 000 tonnes, soit l’équivalent de toute la production d’une usine française. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Avec un tel accord, quelles qu’en soient les conditions, 37 000 emplois de la filière bovine seront en péril rien qu’en France.
    Tout cela, nous le savons depuis vingt ans. J’ai travaillé longtemps sur ces sujets avec d’autres chercheurs, des experts et des représentants des filières agricoles.

    M. Laurent Croizier

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    C’est cela qui nous inquiète !

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Chaque fois, les conclusions étaient unanimes : un traité de libre-échange avec le Mercosur –⁠ quelles qu’en soient les conditions – serait désastreux pour notre agriculture familiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Les gouvernements successifs –⁠ sous le président Macron et avant – le savaient bien, eux aussi. Mais ils ont laissé les négociations suivre leurs cours : le gouvernement Attal a même fait croire, au printemps dernier, que les critiques formulées par la France avaient permis de suspendre les négociations, alors qu’en fait la Commission poursuivait tranquillement les pourparlers.
    Cela fait vingt ans qu’il aurait fallu dire stop, sans louvoyer, sans attendre que les agriculteurs sortent les tracteurs sur les ronds-points ou devant les supermarchés. Il était possible de demander la remise en débat du mandat de négociation entre les vingt-sept États européens, et, à défaut de consensus, de suspendre le processus.
    Vous avez cité, madame la ministre de l’agriculture, le président de Gaulle. Mais souvenez-vous qu’il a eu, lui, le courage de pratiquer la politique de la chaise vide au niveau européen, parce que notre sécurité et nos intérêts stratégiques étaient en jeu. (Mêmes mouvements.)
    Cela fait bien longtemps que la France aurait dû chercher des alliés au Conseil, quand cela fait bien longtemps également que les juristes alertent sur le risque croissant de splitting des accords de libre-échange, afin de les faire ratifier plus facilement. Cela n’avait d’ailleurs pas dérangé le président Macron, dans le cas de l’accord avec Singapour : il est malheureusement un peu tard pour regretter ce type de processus.
    Nous sommes néanmoins invités à nous exprimer par un vote –⁠ vote qui ne vous engage pas, et intervernant au terme d’un débat dont nous aurions pu faire l’économie si les gouvernements successifs avaient fait ce qu’ils auraient dû faire. J’appelle dès lors la représentation nationale à prendre une position forte et claire contre cet accord –⁠ pas contre cet accord tel que la Commission européenne l’envisage, mais contre cet accord dans l’absolu.
    Je vous mets en garde : la propension des gouvernements du président Macron à signer des accords de libre-échange à tour de bras remettra tôt ou tard les agriculteurs, les salariés et les défenseurs de l’environnement dans la rue –⁠ si vous tentez, par exemple, de faire accepter un nouvel accord avec l’Inde ou l’Australie, après avoir accepté, il y a quelques mois, celui avec la Nouvelle-Zélande ; ou si vous continuez à priver l’Assemblée nationale d’un vote sur l’accord de libre-échange avec le Canada, alors même qu’il vient d’être rejeté par le Sénat. Les mêmes causes auront les mêmes effets : il n’y a aucun accord de libre-échange vertueux pour l’agriculture comme pour l’industrie. Il est au contraire urgent de revenir, tout simplement, à la protection commerciale. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

    Mme Sandrine Le Feur, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

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    Le travail d’agriculteur, je le connais. C’est un travail de patience, de respect et de soin. Un travail dans lequel l’amour de la terre et des animaux se conjugue avec le respect rigoureux des règles environnementales et sanitaires. À nos agriculteurs, nous demandons depuis de nombreuses années des efforts considérables mais nécessaires, parce que les terres sont rares et parce que la crise climatique est grave. Nous attendons d’eux qu’ils nous nourrissent avec des produits de qualité, en respectant la biodiversité, en préservant les sols et en luttant contre le réchauffement climatique. Nous exigeons d’eux un strict respect des normes sur les produits chimiques, nous leur parlons de transition agricole : ils portent sur leurs épaules une responsabilité considérable. Et nous leur demandons tout cela dans un contexte économique difficile : revenus agricoles insuffisants, lourdes charges administratives, marges serrées.
    Je suis agricultrice en agriculture biologique. Je sais à quel point il est important d’adapter nos pratiques, en nous passant de pesticides, afin de préserver la biodiversité. Je le fais avec fierté, dans la conscience de ce qui est en jeu pour les hommes, l’environnement et les animaux.
    J’ai eu la chance de coprésider le groupe de suivi « Une seule santé » du quatrième plan national santé environnement (PNSE4), ce qui m’a permis de mesurer à quel point santés humaine, environnementale et animale sont indissociables.
    Nourrir ses concitoyens tout en préservant le territoire est un engagement quotidien ; mais que propose-t-on aujourd’hui à nos agriculteurs comme prix de leurs efforts ? De laisser entrer sur nos marchés des produits qui ne respectent aucune de ces exigences. L’accord avec le Mercosur ouvre la voie à l’importation de denrées agricoles souvent produites dans des conditions déplorables du point de vue de l’environnement, de celui des conditions de travail ou du bien-être animal. Ces produits ne respectent pas plus nos normes de sécurité alimentaire que nos standards écologiques. Le modèle agricole du Mercosur, avec ses déforestations massives et ses pratiques d’élevage intensif, va à l’encontre des principes mêmes de la transition agricole.
    Comment peut-on envisager d’ouvrir nos marchés à ces importations ? Comment accepter que les agriculteurs français, qui mettent tout en œuvre pour limiter leur empreinte écologique, qui s’engagent dans les démarches de certification environnementale, qui respectent un strict cadre normatif pour garantir la sécurité alimentaire des Européens, qui font face à une immense pression économique, subissent de surcroît la concurrence déloyale de produits issus de modèles de production préjudiciables à la planète ?
    Accepter cet accord, c’est sacrifier nos propres efforts. Que restera-t-il alors de notre agriculture, de nos paysages, de nos territoires et de notre gastronomie ?
    Cet accord est dangereux, non seulement pour notre environnement, mais aussi pour notre santé. Ces produits peuvent contenir des résidus de pesticides, d’hormones et d’antibiotiques interdits au sein de l’Union européenne à cause de leur nocivité. (M. Gabriel Amard s’exclame.) Cette dernière ne sera pas en mesure de contrôler la qualité des produits importés.
    En outre, l’alimentation n’est pas un bien comme un autre. Dans le cadre du libre-échange, nous ne pouvons pas traiter la nourriture de la même façon que les industries automobile ou minière. L’alimentation est un bien fondamental, qui mérite une protection supérieure.
    La France ne peut se permettre d’être complice d’un tel accord. Nous défendons un choix de société.

    M. Gabriel Amard

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    Absolument !

    Mme Sandrine Le Feur, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

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    Si l’Union européenne avance vers la signature de cet accord dans les semaines à venir, pour que la France ne soit pas complice, nous devons exiger qu’il ne soit pas scindé en deux, mais bien présenté dans sa version intégrale, commerciale et d’association, sans compromis, sans découpage. C’est le seul moyen de garantir que ce texte soit soumis au débat dans les parlements nationaux, devant les représentants des peuples. Alors, nous pourrons voter pour nous opposer avec force et détermination à un accord qui piétine nos valeurs et renie nos engagements.
    En conclusion, je tiens à souligner l’importance de la solidarité nationale et de l’engagement politique. Il est temps que la France fasse preuve de courage, d’autorité et de force de conviction pour défendre son modèle agricole et ses valeurs. Nous ne devons pas sacrifier notre agriculture au nom du libre-échange.
    Il est temps d’agir. Je le répète, la France doit imposer sa vision et refuser catégoriquement cet accord. Je serai vigilante, en tant que députée, en tant qu’agricultrice et en tant que présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour que nos paroles soient suivies d’effets.
    Les agriculteurs pourront compter sur l’engagement de chaque membre de ma commission pour faire avancer ce débat au-delà des clivages partisans. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR. –⁠ Mme Stella Dupont applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    Au terme de ce débat, une évidence s’impose à nouveau : dans un très large consensus, l’Assemblée nationale s’oppose à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, après l’avoir déjà fait avec l’adoption d’une résolution en juin 2023. Nous le répétons avec fermeté : aucun accord ne saurait être conclu sans le strict respect de l’accord de Paris, sans insertion de clauses miroirs et sans équité commerciale.
    Certes, le partenariat entre deux marchés puissants, celui du Mercosur et celui de l’Union européenne, s’il se concrétisait, conduirait à créer un marché unique de 780 millions d’habitants, générant des volumes d’échanges très importants. Il profiterait très largement aux secteurs de l’industrie automobile, au secteur pharmaceutique, au textile, aux services et même à certaines filières agricoles.
    Cependant, un tel accord ne saurait se concrétiser au détriment de la filière agricole européenne, largement menacée. Si le projet d’accord inquiète nos agriculteurs à juste titre, il inquiète aussi nos concitoyens, qui y voient une menace pour leur environnement et leur santé.
    C’est pourquoi le texte que la Commission souhaiterait pouvoir signer n’est pas acceptable. Il n’est pas acceptable, car sa signature reviendrait à créer les conditions d’une concurrence déloyale entre exploitations agricoles européennes et latino-américaines.
    Il n’est pas acceptable en raison des risques sanitaires induits du fait de l’usage d’antibiotiques ou d’hormones dans ces pays –⁠ d’autres avant moi l’ont rappelé.
    Il n’est pas non plus acceptable en raison des risques qu’il fait peser sur l’environnement, car il entraînerait une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et de la déforestation.
    Enfin, il n’est pas acceptable car les conditions démocratiques et politiques ne sont pas réunies. La France s’oppose à la conclusion de cet accord par la voix du président de la République, du premier ministre et de son gouvernement et, désormais, de son Parlement. Notre position n’a pas évolué et nos partenaires européens doivent l’entendre. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.)
    Mais ce débat est aussi l’occasion d’adresser un second message à nos voisins et aux institutions européennes : il faut réviser sans tarder notre politique commerciale.
    L’Europe constitue un marché de 450 millions de personnes. C’est une force immense qui doit d’abord nous permettre de protéger notre santé, en appliquant strictement nos standards sanitaires. Elle doit aussi nous conduire à protéger notre modèle social, en faisant respecter nos standards sociaux. Enfin, il nous faut toujours protéger nos ambitions climatiques, en défendant nos standards environnementaux.
    Sans cela, nous serons le continent qui définit les standards les plus ambitieux –⁠ et parfois les contraignants – pour ceux qui produisent en son sein, mais qui importe des produits qui ne suivent ni ne respectent ses propres normes.
    Nous ne pouvons plus fonctionner ainsi ; plus personne ne le comprend. Pour être cohérents avec nos ambitions, nous devons repenser très profondément notre politique commerciale.
    Ces dernières années, sous l’impulsion du président de la République, nous avons commencé à le faire, notamment avec le Ceta, qui est un bon accord. (MM. Jean-René Cazeneuve et Charles Sitzensthul applaudissent.)
    Comprenant ces fameuses clauses miroirs, cet accord de nouvelle génération permet à nos producteurs d’exporter vers le Canada, tout en nous protégeant quand les normes sont différentes et ne respectent pas celles de l’Union européenne –⁠ c’est par exemple le cas pour la viande.
    Je le rappelle car, cet après-midi, certains ont fait preuve d’une démagogie qui pourrait nous conduire à rejeter tout accord commercial. Une telle fermeture, un tel repli, aboutirait à une décroissance mortelle pour les industriels, agriculteurs et producteurs européens qui bénéficient en partie de ces accords.

    M. Alexandre Dufosset

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    C’est faux !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    Il ne faut pas mettre un terme au commerce, mais plutôt bâtir des accords commerciaux modernes et justes, qui respectent l’accord de Paris sur le climat et incluent des clauses miroirs sur les conditions de production de certains biens sensibles, notamment agricoles.
    Il faut aussi afficher l’empreinte carbone des produits pour qu’elle soit connue des consommateurs. Ils comprendront alors que les produits fabriqués en Europe sont souvent bien meilleurs pour le climat et pour leur santé.
    Ces conditions ne sont pas réunies dans le projet d’accord avec le Mercosur, d’ancienne génération. Soyons clairs, si un bien ne respecte pas nos normes fondamentales, il ne doit pas pouvoir entrer sur le sol européen. Il s’agit de notre souveraineté, de la protection de l’environnement et de la santé de nos concitoyens, mais aussi de la préservation d’un modèle social européen, unique au monde.
    Voilà pourquoi, sans tourner le dos au commerce mondial, en l’état, nous devons nous opposer à ce traité entre l’Union européenne et le Mercosur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Ce débat aura montré combien le gouvernement et l’Assemblée nationale sont unis dans le rejet sans concession de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur.
    Votre vote souverain, et celui du Sénat demain, constitueront un mandat démocratique renforçant notre légitimité pour défendre la voix du non auprès de la Commission et du Conseil européens. Il ne s’agit donc pas de cosmétique. (M. Jean-Paul Lecoq s’exclame.)
    Vous nous avez posé de nombreuses questions. Monsieur Chassaigne, vous nous avez interpellées sur les conditions d’acceptation de l’accord. Nous sommes très claires : nous n’accepterons pas l’accord eu égard aux risques environnementaux et agricoles qu’il comporte.
    Nous posons nos conditions, que M. Lecamp a rappelées : respect indispensable de l’accord de Paris ; alignement des clauses de développement durable de l’accord avec la nouvelle approche de l’Union européenne en la matière et possibilité de sanctions ; extension des clauses miroirs à tous nos partenaires commerciaux et renforcement des dispositifs de contrôle associés.
    Madame Thomin, monsieur Potier, nous avons entendu la proposition du groupe Socialistes et apparentés et nous partageons votre analyse. Il faut renforcer les clauses miroirs. Nous avons besoin de vous tous pour mener ce combat. Il ne peut y avoir de négociations parallèles. Nous devons tous exprimer notre opposition à cet accord.
    Monsieur Dive, monsieur Fesneau, je vous remercie de soutenir nos actions. Depuis quelques semaines, le gouvernement déploie une énergie sans précédent.
    Monsieur Chassaigne, monsieur Kervran, monsieur Molac, vous nous avez interpellées sur les modalités de vote de l’accord au Conseil. Nous nous battons pour que le vote à l’unanimité et la ratification des parlements nationaux, prévus par le mandat initial, ne soient pas contournés.
    Je salue la résolution défendue par M. Lecamp. Je le répète, nous nous opposons à toute scission –⁠ elle serait de la seule initiative de la Commission européenne.
    S’agissant d’un accord d’association mixte, la France dispose de trois leviers de taille pour faire entendre sa voix : le Conseil, le Parlement européen et les parlements nationaux.
    Monsieur Casterman, madame Dupont, nous envisageons toutes les éventualités et tous les recours : la conviction de nos partenaires européens, la constitution d’une minorité de blocage, la conviction des parlementaires européens, mais également des recours juridiques.
    Monsieur Trébuchet, vous nous interpellez sur l’isolement de la France en Europe. Je ne suis pas d’accord. La voix de la France compte, elle porte dans l’établissement de l’agenda de la nouvelle Commission, dans le renouveau de la politique industrielle ou dans la défense de nos intérêts commerciaux, par exemple.
    Monsieur Chassaigne, monsieur Kervran, madame Thomin, vous nous interrogez sur la compatibilité de l’accord avec les objectifs de développement durable.
    Comme vous, nous sommes circonspects : si l’accord inclut certaines clauses environnementales et sociales regroupées dans un chapitre intitulé « Commerce et développement durable », il ne reflète que très partiellement la nouvelle approche de l’Union européenne et l’ambition de la France dans ce domaine.
    Monsieur Le Gall, nous sommes d’accord avec vous pour rejeter cet accord. Mais comme vous ne sauriez afficher la même position que nous, vous nous attribuez une responsabilité dans la progression des négociations.
    Pourtant, nous ne cessons de nous y opposer depuis que nous sommes aux affaires, c’est-à-dire depuis huit semaines. En outre, à titre personnel, lorsque je présidais la commission des affaires économiques du Sénat, j’ai toujours voté contre, résolution après résolution.

    M. Éric Martineau

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    C’est bien !

    Mme Sophie Primas, ministre déléguée

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    Je le répète : nous avons la volonté et la stratégie.
    Monsieur Potier, monsieur Fesneau, monsieur Sitzenstuhl, monsieur Marion, nous sommes d’accord : il n’est pas question de se fermer au commerce.
    Cependant, avec fermeté, nous plaidons pour une politique de rupture avec nos pratiques passées. Notre grille de lecture est claire –⁠ vous l’avez rappelée.
    Bien sûr, nous avons besoin d’un partenariat étroit avec les pays du Mercosur. Vous avez raison, monsieur Lecamp, cet accord n’affaiblira pas l’influence de la Chine, ou celle des États-Unis, dans la zone concernée. De même, l’échec de cet accord n’empêchera pas les Européens et les Français d’y être présents –⁠ toutes les entreprises du CAC40 y sont déjà depuis longtemps.
    Nous devons faire preuve de volontarisme et de fermeté contre cet accord. Nous avons besoin d’une équipe de France combative pour faire entendre notre voix. Je suis heureuse de pouvoir compter sur un Parlement uni pour mener ce combat à nos côtés.
    La bataille que nous allons livrer sera rude, mais elle est fondamentale. Au-delà de la protection des intérêts de telle ou telle filière, c’est l’identité de la nouvelle politique européenne qui est en jeu.
    Dire oui à la déclaration du gouvernement, c’est voter contre l’accord.
    Si nous ne faisons pas bloc autour de nos convictions européennes et de nos ambitions communes, alors nous trahirons le rêve des créateurs de l’Europe. Ils voulaient une Europe de la paix, une Europe forte dans le monde, consciente de ce qu’elle représente sur la scène économique mondiale. À nous d’être à la hauteur de cet héritage. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et DR. –⁠ Mme Stella Dupont applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Compte tenu de l’heure tardive, je ne vais pas reprendre point par point chacune de vos interventions.

    Un député du groupe RN

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    C’est dommage !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Si ce projet d’accord avec le Mercosur était adopté, c’est évidemment l’agriculture qui en paierait le prix le plus lourd. Il faut nous concentrer sur ce point. Pourquoi paierait-elle le prix le plus lourd ? Parce que l’accord ouvrirait le marché européen aux produits du Mercosur.
    Or ce marché est considéré comme un Graal par beaucoup de pays producteurs : accéder au marché européen, c’est un honneur. Le ministre de l’agriculture polonais a utilisé le terme d’ennoblissement : accéder au marché européen, c’est donc un ennoblissement.
    On ne peut pas accéder à ce marché à n’importe quel prix : ni au prix de la dévastation des forêts, ni au prix de la contamination par des produits interdits en Europe depuis des décennies, car jugés dangereux pour la santé humaine et l’environnement. On ne peut en brader l’accès pour que le consommateur européen puisse acheter des produits à des prix cassés car ne reflétant aucun des efforts que nos producteurs fournissent pour nous procurer une alimentation saine, vertueuse et respectueuse. Pour toutes ces raisons, accepter ce projet d’accord reviendrait à trahir nos agriculteurs.
    Ce soir, il faut faire le choix de la responsabilité. Nous ne sommes évidemment pas tous d’accord et nos visions de l’agriculture divergent pour une multitude de raisons. Mais un point a fait l’unanimité : chacun à votre façon, que ce soit M. Biteau, qui a évoqué les conséquences sociales de l’accord, ou MM. Kervran et Vermorel-Marques, qui ont parlé de la beauté de l’élevage –⁠ je ne cite que quelques députés, que les autres ne m’en tiennent pas rigueur –, vous avez tous dit non à ce projet d’accord avec le Mercosur. Ce soir, alors que vous vous apprêtez à voter, tous les regards se tournent vers la France. Nous espérons qu’elle sera imitée.

    M. Pierre Cordier

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    Ça fait longtemps que ce n’est pas arrivé !

    Un député du groupe RN

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    On compte sur vous !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Refusons unanimement l’accord avec le Mercosur, pour soutenir non pas le gouvernement, mais nos paysans ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    M. Dominique Potier

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    Bravo !

    M. le président

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    Le débat est clos.

    Vote en application de l’article 50-1 de la Constitution

    M. le président

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    En application de l’article 65 du règlement, la conférence des présidents a décidé que le vote se déroulerait dans les salles voisines de la salle des séances.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de trente minutes. Il sera donc clos à vingt heures quarante-cinq.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt heures cinquante.)

    M. le président

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    La séance est reprise.
    Voici le résultat du scrutin sur la déclaration du gouvernement portant sur les négociations en cours relatives à l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur :

    Rectificatif

    M. le président

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    Mme Elisabeth Borne a voté pour l’approbation mais, en raison d’un incident technique, sa position de vote n’a pas pu être prise en compte au moment de l’annonce du résultat.
    Le résultat du scrutin est donc le suivant :
            Nombre de votants                        555
            Nombre de suffrages exprimés                554
            Majorité absolue des suffrages exprimés                        278
                    Pour l’approbation                485
                    Contre                69
    L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration du gouvernement.

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
    Débat sur le thème « Politiques de prise en charge de la dépendance ».
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures cinquante.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra