XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du mercredi 26 mars 2025

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 26 mars 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Politique carcérale

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Les prisons françaises sont à bout de souffle : le taux de surpopulation carcérale dépasse 140 %, les agressions contre les surveillants explosent et les trafics prospèrent. Vous proposez à présent d’expulser les détenus étrangers ; c’est bien. C’est même très bien, puisque c’est une mesure du Rassemblement national que Marine Le Pen appelle de ses vœux depuis quatorze ans : que de temps perdu pour les Français ! Vous démontrez une fois de plus que nous avions établi les bons diagnostics et que nous apportons les bonnes solutions.

    M. Gaëtan Dussausaye

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    Bravo !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Mais un gouffre sépare vos déclarations d’intention de vos actes. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoyait que le budget de la justice soit augmenté de 400 millions d’euros –⁠ très bien ! Mais depuis, que constatons-nous ? On offre des soins du visage et des massages en détention pour la Saint-Valentin ; on organise des pique-niques au château de Versailles. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) En ce moment même, vos services envisagent de programmer des visites de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts, dans le château de M. Emmanuel Macron, président de la République. (Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) Est-ce ainsi que vous souhaitez asseoir votre autorité ? Est-ce ainsi que vous entendez rétablir l’ordre républicain ?
    Pendant ce temps, nos surveillants pénitentiaires sont oubliés. Ils travaillent dans des conditions difficiles, en sous-effectif. Ils se retrouvent souvent en situation d’insécurité et parfois même d’insalubrité, tant les centres pénitentiaires sont vieillissants.
    Ayons une pensée pour Arnaud Garcia et Fabrice Moello, assassinés en mai dernier à Incarville par des narcotrafiquants. Leur mort nous oblige à prendre des mesures à la hauteur de la situation. Cesserez-vous de vous préoccuper du petit confort des prisonniers pour enfin protéger nos agents pénitentiaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je ne prendrai pas en compte l’aspect extrêmement polémique et politicien de votre question,…

    M. Alexandre Dufosset

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    C’est la réalité !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Quelle bienveillance !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …afin de répondre calmement à vos fake news et à vos interrogations –⁠ ce sont deux choses différentes. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
    Le 19 mars, j’ai reçu de votre part une lettre soulignant qu’une visite gratuite de la Cité internationale de la langue française, située à Villers-Cotterêts, dans votre circonscription, était organisée pour des prisonniers. Des agents du service pénitentiaire d’insertion et de probation –⁠ des agents du ministère de la justice – se sont en effet rendus dans votre circonscription afin de nouer des partenariats avec la Cité.
    Le but de ces projets est d’améliorer la maîtrise de la langue française chez les détenus.

    M. Alexandre Dufosset

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    Avec quel argent ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Pas moins de 30 % des personnes détenues en France sont illettrées ; cette problématique ne concerne pas uniquement les prisonniers étrangers. Vous qui êtes député de la circonscription qui abrite Villers-Cotterêts, la ville où François Ier a mis en avant la langue française, vous devriez saluer ce type d’initiatives. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Depuis mon arrivée à la chancellerie, j’ai mis un terme aux activités ludiques ou aux massages, auxquels je suis opposé.

    M. Kévin Pfeffer

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    Et avant, que se passait-il ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Je considère en revanche qu’il est bon que les détenus apprennent la langue française ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Nous entendons vos paroles, mais nous ne les buvons plus. Cessez de singer le Rassemblement national en reprenant nos propositions ! Les Français sont intelligents et voient clair dans votre jeu, qui est sournois. Demain, quand ils devront choisir dans les urnes entre la copie et l’original, ils ne s’y tromperont pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Le problème quand on lit son document sans avoir écouté la réponse, c’est que la réplique n’a aucun rapport avec elle ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. Philippe Vigier

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    Excellent !

    M. Philippe Ballard

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    Ça collait quand même !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Vous n’avez jamais répondu présent quand il s’est agi de protéger les agents pénitentiaires.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Si, on était là !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Quand mon prédécesseur les a changés de catégorie, vous n’avez pas voté les budgets qui ont permis d’appliquer cette mesure et d’augmenter ainsi leur rémunération.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Si, nous avons voté pour !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Vous n’avez voté aucun de ces budgets avant la dissolution.

    M. Philippe Ballard

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    Avec les 49.3, nous ne pouvions pas !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Monsieur Dupond-Moretti n’a eu de cesse de vous le répéter : si les agents pénitentiaires doivent remercier quelqu’un, ce sont les députés de la majorité, pas vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    Cannabis thérapeutique

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Camille Galliard-Minier.

    Mme Camille Galliard-Minier

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    Après une expérimentation de l’accès encadré aux médicaments à base de cannabis lancée par Olivier Véran en 2021, le processus réglementaire devant aboutir à introduire cet accès dans le droit commun a été réactivé par le ministère de la santé. Le 19 mars, vous avez notifié à la Commission européenne les textes réglementaires nécessaires à l’autorisation de ces médicaments par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, d’une part, et à l’autorisation de la culture contrôlée du cannabis à des fins de production pharmaceutique, d’autre part.
    C’est une bonne nouvelle pour les patients qui ont pris part à l’expérimentation : ils pourront bénéficier de leur traitement jusqu’au 31 mars 2026. La qualité de vie de nombreux patients souffrant de cancer, de sclérose en plaques ou de douleurs neuropathiques a été améliorée grâce à ces médicaments. Le cannabis thérapeutique a permis de soulager leur douleur, d’apaiser leur anxiété et de leur faire retrouver le sommeil et l’appétit.
    Néanmoins, si la voie de l’introduction dans le droit commun est ouverte, ce qui permettra à la France de rejoindre les vingt et un autres États de l’Union européenne qui autorisent le cannabis médical, les médecins ne sont pas autorisés à inclure de nouveaux patients dans le protocole.
    Or le processus réglementaire risque d’être long. Certains patients ne pourront malheureusement pas attendre car ils souffrent de cancer ou reçoivent déjà des soins palliatifs, leur pronostic vital étant parfois engagé.
    La France souhaite améliorer les soins palliatifs et mener une réflexion plus large sur la fin de vie. Soulager plus efficacement la pire des souffrances, c’est-à-dire la douleur sévère et réfractaire, est une première étape cruciale. Les médicaments à base de cannabis viennent élargir l’arsenal thérapeutique pour ces patients qui reçoivent des soins palliatifs et qui sont souvent en fin de vie.
    Monsieur le ministre de la santé, certains patients ne pourront pas attendre que le processus réglementaire s’achève ; ils devraient pouvoir bénéficier dès maintenant de ces médicaments. Quelles mesures urgentes le ministère envisage-t-il de prendre afin de garantir l’accès immédiat aux traitements à base de cannabis médical de ces nouveaux patients, et ce sans attendre la fin du processus réglementaire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. –⁠ M. Frédéric Maillot applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

    M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins

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    Le cannabis thérapeutique est un sujet très important, sur lequel vous travaillez depuis longtemps. Je m’en souviens bien : le 31 décembre, alors que le premier ministre et moi étions dans l’avion qui nous ramenait de Mayotte, nous avons rédigé la lettre de couverture qui prolonge l’expérimentation jusqu’en mars 2026. Cela permettra aux 1 500 patients dont les douleurs sont actuellement soulagées par le cannabis thérapeutique de ne pas subir une interruption de leur traitement. Ces patients souffrent de pathologies spécifiques –⁠ sclérose en plaques, algie vasculaire de la face, raideurs consécutives à un accident vasculaire cérébral – ou bénéficient de soins palliatifs.
    L’aspect réglementaire est crucial, que ce soit au niveau français ou européen. J’ai demandé à la Haute Autorité de santé d’évaluer l’intérêt thérapeutique de ces produits en expertisant les études en cours. Le 19 mars, j’ai porté à l’attention de la Commission européenne des textes réglementaires, ce qui permettra à l’ANSM d’autoriser ces traitements si les retours sont positifs.
    Le gouvernement s’est engagé sur trois sujets : les molécules innovantes, pour réduire les délais de mise sur le marché, les maladies rares et le cannabis thérapeutique, qui doit faire l’objet d’une expertise. Cela laissera le temps aux industriels de constituer une filière française.
    Soyons très clair : je suis fermement opposé à la légalisation du cannabis. Cela n’a rien à voir avec la question du cannabis thérapeutique. Oui au cannabis thérapeutique si les études confirment son intérêt, mais non au cannabis récréatif !

    M. Philippe Vigier

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    Très bien !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Comme toutes les drogues, le cannabis est très mauvais pour la santé. Je suis désolé de le dire comme cela, mais la drogue, c’est de la merde, et le cannabis en est une ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    Situation au Proche-Orient

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Legavre.

    M. Jérôme Legavre

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    Depuis le 18 mars, le gouvernement israélien a de nouveau déversé le fer et le feu sur Gaza. En quelques heures, des centaines de personnes sont mortes –⁠ des milliers depuis sept jours –, dont un nombre effroyable d’enfants.
    L’indignation, immense, s’exprime à travers de puissantes mobilisations à l’échelle internationale. En Israël même, des manifestations massives ont lieu contre les pleins pouvoirs que voudrait s’arroger Netanyahou. L’un des mots d’ordre des manifestants est aussi le cessez-le-feu.
    Combien sont méprisables ceux qui, au sein même du gouvernement, n’ont pas un mot pour les atrocités commises à Gaza, en Cisjordanie, mais multiplient les accusations infamantes afin de faire taire les voix qui exigent que cesse cette barbarie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Nul ne peut dire qu’il ne sait pas : les journalistes palestiniens diffusent chaque jour leurs images, nous informant souvent au prix de leur vie.
    Les médecins de Gaza en appellent au monde. L’un d’entre eux, le docteur Hussam Abu Safiya, a été arrêté par l’armée israélienne après que celle-ci a détruit son hôpital. Depuis quatre-vingt-cinq jours, ce médecin est à l’isolement, battu et torturé. Le monde entier appelle aujourd’hui à sa libération immédiate, ainsi qu’à celle de tous les soignants détenus en Israël. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Peio Dufau applaudit également.) Nous réitérons notre demande que vous interveniez en ce sens.
    Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous n’avez pas daigné répondre aux demandes qui vous ont été adressées jusque-là –⁠ c’est un fait. C’est un fait également que MM. Retailleau et Valls participeront ce soir au meeting « Pour la République, la France contre l’islamisme », organisé par le groupe Elnet.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    Quelle honte !

    M. Jérôme Legavre

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    Le directeur général de cette organisation déclarait il y a peu que « tous les médecins, tous les journalistes, tous les humanitaires, tous les fonctionnaires des organisations internationales qui vivent à Gaza sont des agents du Hamas, tous ! ». Nombre des invités à ce meeting ont multiplié les déclarations racistes. L’une de ces personnes, souhaitant attiser la haine islamophobe, osait déclarer il y a peu que « la seule chose que les musulmans regrettent, c’est que Hitler n’ait pas terminé ce qu’il a commencé. »
    Monsieur le premier ministre, comment peut-on prétendre défendre la République et se tenir au côté des propagateurs de haine et des promoteurs du massacre de tout un peuple ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Mme Estelle Mercier et M. Jean-Claude Raux applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

    M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe

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    La France peut être fière de sa diplomatie. Depuis l’attaque barbare perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023, elle n’a cessé d’œuvrer pour faire advenir les conditions d’un cessez-le-feu à Gaza, ainsi qu’au Liban. Elle a aussi exigé la libération inconditionnelle des otages, pour lesquels vous n’avez pas eu un mot dans votre question. Elle s’est attachée à défendre le droit international humanitaire et la protection des civils, tout en exigeant un cessez-le-feu permanent, afin de retrouver la voie du dialogue politique, prérequis à la solution à deux États.
    La France l’a dit avec clarté : la rupture du cessez-le-feu représente un retour en arrière dramatique pour les populations civiles, pour toute la région, et pour la paix.

    M. Bastien Lachaud

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    Pour qui ?

    M. Benjamin Haddad, ministre délégué

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    La France s’est opposée au projet d’annexion de la Cisjordanie et de Gaza, et soutient les efforts des médiateurs égyptiens, américains et qatariens –⁠ le président de la République effectuera d’ailleurs une visite d’État en Égypte dans les prochains jours. Nous soutenons aussi les efforts des pays arabes de la région qui réfléchissent au jour d’après, à la reconstruction et à la gouvernance de la bande de Gaza. C’est en ce sens que nous travaillons avec nos partenaires européens.
    Mais l’avenir de la bande de Gaza se fera sans le Hamas, ce groupe terroriste dont vos députés ont jugé l’action légitime !

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    C’est faux !

    M. Benjamin Haddad, ministre délégué

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    Oui, vos députés ont jugé légitime l’action de ce groupe terroriste pourtant responsable de la mort de cinquante de nos compatriotes ! La voix de notre pays dans la région a toujours été une voix indépendante, prônant l’équilibre et appelant à la paix et au respect du droit international, loin de la soumission et de l’outrance dont vous vous rendez coupables ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Politique de l’emploi

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Océane Godard.

    Mme Océane Godard

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    Depuis 2017, la politique de l’emploi s’articule autour de trois axes : la réforme de l’assurance chômage, qui contraint les chômeurs à retrouver un emploi le plus vite possible, et sanctionne les entreprises qui abuseraient des contrats courts ; l’élargissement de l’offre de formation, dans l’espoir que cela suffise à garantir un accès durable au marché du travail ; l’allongement du temps de travail, que vous avez tenté de faire entrer dans le débat public. Autant d’actions, de discours dépassés, qui ne correspondent plus à la réalité du marché de l’emploi.
    Le problème de l’emploi en France ne se résume pas à la baisse du taux de chômage ; il a trait à la qualité des emplois. Le Conseil d’analyse économique, instance placée auprès du premier ministre, le souligne : si le nombre d’heures travaillées en France est plus faible que celui de ses voisins européens, c’est avant tout en raison d’un taux d’emploi insuffisant. Alors que neuf embauches sur dix correspondent à des contrats courts, l’enjeu est d’améliorer le taux d’emploi des jeunes, des personnes les moins qualifiées, des femmes et des seniors.
    Un secteur illustre bien ces difficultés : celui de l’entretien et de la propreté. La plupart des agents d’entretien sont des femmes : dans mon département, la Côte-d’Or, la profession est féminisée à hauteur de 72 %. Ces personnes sont soumises à des horaires fractionnés ; elles travaillent souvent tôt le matin et tard le soir, laissant leurs enfants seuls. Les risques psychosociaux de ces salariées sont plus élevés que la moyenne, leurs compétences sont invisibilisées et ces métiers peinent à recruter.
    Depuis dix ans, à Dijon, nous nous sommes emparés de cet enjeu d’organisation du travail. Une dynamique a rassemblé la Fédération des entreprises de propreté, Fare propreté, Créativ Dijon métropole, les donneurs d’ordre publics et privés et des entreprises de propreté. Et ça marche : les pratiques évoluent, et elles évoluent également dans d’autres territoires –⁠ ainsi qu’à l’Assemblée nationale, d’ailleurs.
    En 2022, le ministère du travail a publié une circulaire encourageant le travail en journée en continu mais elle n’est pas totalement appliquée. Nous savons qu’une nouvelle circulaire est en cours de rédaction, démarche que nous encourageons. En attendant, quand allez-vous, déjà, faire appliquer la circulaire de 2022 pour que les travailleurs de l’ombre deviennent rapidement et durablement des agents de lumière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi

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    Je vous remercie de rappeler les enjeux de la politique de l’emploi, lesquels résident en premier lieu dans la question du sous-emploi, de la sous-activité et des jeunes et des travailleurs expérimentés, mais aussi des personnes les plus éloignées de l’emploi. Depuis 2017, la révolution culturelle de l’apprentissage a eu un impact considérable sur le taux d’emploi des jeunes. Le taux d’activité des 55-64 ans a lui aussi augmenté, rien que depuis 2023, de 2,5 points grâce, en particulier, à la réforme des retraites de Mme Borne. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas continuer d’avancer sur des questions de santé et de conditions de travail.
    En ce qui concerne les personnes les plus éloignées de l’emploi, je vous invite tous et toutes à prendre connaissance des résultats de l’expérimentation menée dans cinquante départements qui sont parvenus à faire sortir du RSA 42 % de ses bénéficiaires.
    Nous sommes sur la bonne voie, nous devons donc continuer et je compte sur votre soutien.
    En ce qui concerne les travailleurs et les travailleuses de la propreté et la circulaire sur laquelle vous m’interrogez, là aussi l’État est sur le bon chemin et doit poursuivre son action : 64 % des sites ont recours au travail en journée, 83 % au travail en continu. Je dois rencontrer dès le début du mois d’avril deux députées, Mmes Galliard-Minier et Taillé-Polian, qui s’intéressent à ce sujet.
    L’État joue son rôle, en particulier les ministères sociaux. C’est une question d’organisation, de qualité de travail, mais aussi de visibilité pour des travailleurs et des travailleuses dont l’activité est essentielle.

    Report de l’examen de la proposition de loi Duplomb sur l’agriculture

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Lepers.

    M. Guillaume Lepers

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    Il y a quelques semaines, nous votions une loi d’orientation agricole que le Conseil constitutionnel a largement censurée. Comme beaucoup de nos collègues, je regrette ce recul. Je tiens à remercier Mme la ministre de l’agriculture pour sa volonté sincère ; mais ce que ressentent nos agriculteurs, aujourd’hui, c’est un vif sentiment de trahison.
    Monsieur le premier ministre, comment pouvez-vous encore les regarder en face ? Comment, alors que l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée de la proposition de loi de bon sens de notre collègue sénateur Duplomb a encore été reportée ? Comment, alors que vous persistez à refuser à nos agriculteurs le droit de lutter à armes égales avec leurs concurrents étrangers ? Comment, alors que des administrations noyautées d’idéologues bloquent les traitements phytosanitaires pour lesquels il n’existe aucune solution alternative ?
    Défendre notre souveraineté alimentaire exige pourtant que nos agriculteurs puissent travailler et produire. Vous allez laisser mourir nos éleveurs conventionnels, tandis que nous aurons du bœuf aux hormones d’élevages intensifs sud-américains. Vous allez laisser les ravageurs dévaster nos vergers, mais nous aurons des noisettes de Turquie, des cerises de Pologne et des pruneaux du Chili, tous pleins de ces produits que vous refusez à nos producteurs. Vous allez laisser les tomates marocaines et le poulet ukrainien envahir les rayons des magasins, à des prix qui pousseront nos agriculteurs à la ruine.
    Que mangeront nos enfants demain ? Ce n’est pas un petit problème : c’est une urgence, une urgence vitale. Et pourtant, monsieur le premier ministre, malgré les beaux discours, les actes ne suivent pas. Alors je vous le demande : combien de faillites d’exploitations, combien de suicides d’agriculteurs et, demain, combien de pénuries faudra-t-il pour que vous preniez vos responsabilités ? Assez de reculs, assez de reports, assez de prétextes ! Pourquoi, j’y insiste, le gouvernement retarde-t-il l’inscription à l’ordre du jour du texte du sénateur Duplomb, si essentiel pour nos agriculteurs et notre souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ Mme Sophie Ricourt Vaginay applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Je sais votre impatience parce que, dans votre circonscription –⁠ mais ailleurs aussi –, vous êtes confronté à une crise majeure qui affecte une filière à laquelle nous sommes très attachés, celle de la noisette, attaquée par des ravageurs comme le balanin ou la punaise diabolique. D’autres filières sont concernées, vous avez mentionné la cerise, l’arboriculture… La question est au cœur de mes préoccupations : comment mieux lutter contre les phytopathies ?
    Vous évoquez la proposition de loi sénatoriale visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Je le répète, je connais votre degré d’impatience, je le comprends et le partage –⁠ tout comme le gouvernement dont je suis témoin qu’il a pris un engagement. Or vous soulignez à raison qu’il y a un problème de calendrier : la semaine du 7 avril, initialement annoncée, paraît prématurée étant donné le nombre de textes que l’Assemblée va devoir alors examiner.
    Dès lors, plusieurs hypothèses sont sur la table. Je forme le même vœu que vous, à savoir que nous étudiions au plus vite ce texte très attendu par les agriculteurs, dans la mesure où il prévoit de nombreuses levées d’entraves. Je tiens à dire à la représentation nationale que nous y avons beaucoup travaillé avec ma collègue du ministère de la transition écologique, de façon à rendre acceptable cette proposition de loi qui aborde bien des sujets, en particulier les phytosanitaires sur lesquels, nous le savons tous, il y a des impasses qui mettent les filières en difficulté et portent préjudice à la souveraineté alimentaire dont vous avez raison de rappeler l’importance. Mais sachez… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre.)

    Cancers pédiatriques en milieu rural

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benoît Biteau.

    M. Benoît Biteau

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    Une nouvelle étude épidémiologique confirme la présence de quatre foyers de cancers pédiatriques dans mon département. Autrement dit, dans les communes concernées –⁠ celles de Périgny et de Saint-Rogatien –, les enfants développent plus de cancers que la moyenne constatée ailleurs. La surincidence de cancers pédiatriques y est connue depuis 2018 – sept ans déjà ! Nous pouvons désormais y ajouter L’Houmeau, Saint-Vivien, proches de La Rochelle, et une zone entre Saintes, Cozes et Sablonceaux.
    Ces villages sont des territoires ruraux entourés de champs où l’on cultive des céréales à grand renfort de pesticides.

    M. Alexis Corbière

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    Eh oui !

    M. Benoît Biteau

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    Ces mêmes pesticides, on les retrouve dans les cheveux et dans les urines des enfants, comme le révèle une campagne de recherche citoyenne conduite il y a un an.
    Donc, en ruralité, les enfants souffrent et meurent du cancer. Des parents sont inquiets, des élus locaux alertent. Alors, monsieur le premier ministre, que répondez-vous aux familles ? Oserez-vous leur dire, au motif d’arguments économiques d’ailleurs de plus en plus discutables, que vous comptez autoriser de nouveau des produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques et perturbateurs endocriniens, avec l’examen de la proposition de loi Duplomb ? Quand déciderez-vous réellement de nous protéger en évaluant sérieusement l’effet cocktail et la toxicité chronique des pesticides ?
    Surtout, les solutions alternatives à l’agriculture intensive existent. Elles s’appellent agronomie, agroécologie, agriculture biologique, agroforesterie, lutte biologique. On sait faire : les rendements sont là, les résultats robustes. Fort de ces constats, allez-vous encore longtemps encourager l’agriculture passéiste ou bien faire primer la santé publique et, parce que les solutions crédibles, je le répète, sont solides, convoquer enfin le principe de précaution ? L’enseignement de ce nouvel épisode effroyable, c’est que nos enfants nous accuseront et que plus jamais nous ne pourrons leur dire que nous ne savions pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR. –⁠ Mmes Eva Sas et Danielle Simonnet se lèvent pour applaudir.)

    Mme Marie Mesmeur et M. Boris Tavernier

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

    M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins

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    Mes services sont informés de ces cas de cancers pédiatriques dans le département de Charente-Maritime. Mes premiers mots sont naturellement pour les familles et les patients tant il est vrai qu’il n’y a rien de pire, dans la vie, que de voir ses enfants atteints d’un cancer.
    Pour pouvoir agir en toute transparence tout en dépassionnant le débat, des réunions vont être organisées par M. le préfet avec les représentants des associations, avec les médecins, les riverains et les agriculteurs. Il faudra également compter avec la Ligue contre le cancer, qui a réalisé l’étude que vous évoquez.
    Notre pays fonde ses décisions sur des données scientifiques. Quand un agent pesticide est clairement responsable de cancers, eh bien, il est interdit. Il faut déterminer s’il existe ou non un lien de causalité entre l’utilisation d’un produit et des cas de cancer.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et le principe de précaution ?

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Aussi, dans le cas qui nous occupe, convient-il de réaliser d’autres études. Ces cas sérieux requièrent toute notre attention. Il existe une commission de transparence, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail va surveiller la situation. Et je vous garantis que si une imputabilité, telle que définie par le Centre international de recherche sur le cancer, est avérée, ces produits seront interdits. Toutefois, faisons attention et n’agissons pas comme certains pays où l’obscurantisme et les infox règnent.
    Nous parlons ici d’un sujet important et il faut donc établir un lien de causalité entre les pesticides et les cancers que vous évoquez : s’il s’avère, les pesticides seront, je le répète, interdits. Ne jetons pas l’opprobre sur toute une profession si ce lien n’est pas établi.

    Mme Ségolène Amiot

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    Ce n’est pas la profession, ce sont les produits qui sont dangereux !

    Agression antisémite à Orléans

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Richard Ramos.

    M. Richard Ramos

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    L’agression antisémite du rabbin Arié Engelberg, à Orléans, a profondément choqué la communauté locale et nationale. Le rabbin, accompagné de son fils de 9 ans, a été insulté, frappé, mordu par un garçon de 16 ans. Cet acte s’inscrit dans un contexte préoccupant d’augmentation des actes antisémites en France.
    Orléans est pourtant une ville porteuse d’un héritage fort. Orléans, c’est la ville de Jean Zay, figure républicaine et victime de la haine antisémite sous le régime de Vichy. Jean Zay incarnait les valeurs de tolérance et d’éducation mais il fut la cible des discours antisémites et xénophobes qui lui coûtèrent la vie. Jean Zay, c’est la mémoire d’Orléans.
    Malgré les plans nationaux successifs pour lutter contre ces fléaux, les chiffres continuent d’augmenter. Les religions doivent être unies et délivrer un message commun : celui du respect mutuel et de la solidarité entre toutes les communautés. Les leaders laïques, religieux, qu’ils soient juifs, chrétiens, musulmans ou d’une autre confession, ont un rôle à jouer, un rôle clef pour promouvoir le dialogue inter-religieux et condamner les actes odieux.
    Le président du conseil départemental du culte musulman et l’évêque d’Orléans ont immédiatement apporté leur soutien au rabbin Arié Engelberg et condamné fermement cette agression.
    Je remercie le premier ministre pour son appel téléphonique au rabbin et à sa famille, ils en ont été très touchés.
    Monsieur le ministre de l’intérieur, comptez-vous renforcer les mesures éducatives et judiciaires pour éradiquer cette inflation de violence ? Par ailleurs, quelles initiatives seront prises pour encourager le dialogue inter-religieux et mobiliser les forces vives des différentes communautés dans cette lutte commune contre l’intolérance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR, et sur plusieurs bancs des groupes EcoS, HOR et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    M. Stéphane Peu

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    M. Ramos a pourtant parlé de tolérance ! C’était une bonne journée jusqu’à présent…

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Je connais et salue votre engagement contre l’antisémitisme, un combat universel qui doit concerner les députés sur tous les bancs. Plusieurs sentiments se mêlent après ce qui s’est passé à Orléans. D’abord de la colère, une immense colère quand, en pleine rue, un homme, un père, est lâchement attaqué devant son fils.
    De la colère, parce que dans notre pays, l’antisémitisme a déjà fait des morts : en 2006, Ilan Halimi, kidnappé à cause de préjugés antisémites ; en 2012, trois élèves et un rabbin enseignant du collège et lycée Ozar Hatorah à Toulouse ; en 2017, Sarah Halimi ; en 2018, Mireille Knoll, rescapée de la Shoah et des camps, qui a fini par mourir en France à cause de l’antisémitisme ; enfin, les victimes d’attentats islamistes, notamment l’attentat de l’Hyper Cacher dont nous avons commémoré les 10 ans. Cette colère doit nourrir le combat universel contre la haine antisémite, parce qu’elle a provoqué la mort de certains de nos compatriotes.
    Vous l’avez souligné, mais ce qui s’est passé a aussi provoqué de l’espoir. Pourquoi ? Parce qu’en réponse à l’antisémitisme, il n’y a rien de pire que l’indifférence. Or il n’y en a pas eu à Orléans : les passants se sont arrêtés, ont accompagné et soutenu Arié Engelberg et son fils, ont témoigné et porté plainte, et ont dénoncé l’agression. Il est de notre devoir de créer une société dans laquelle on se sent responsable de la souffrance de l’autre,…

    M. Philippe Vigier

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    Très bien !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    …dans laquelle, quand bien même on n’est pas directement concerné, on considère que l’antisémitisme n’est pas seulement l’affaire de nos compatriotes juifs, mais celle de toute la société. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem, HOR et LIOT.)

    M. Christophe Blanchet

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    Bravo !

    Mme Blandine Brocard

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    Très bien !

    Prévention de la grippe aviaire dans la filière avicole

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Taupiac.

    M. David Taupiac

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    Avant-hier, au Royaume-Uni, un mouton a été testé positif à la grippe aviaire H5N1. Ce cas inédit s’inscrit dans un contexte d’inquiétude croissante à l’échelle mondiale au sujet de la propagation du virus, et plus particulièrement d’un nouveau variant, capable de contaminer un nombre croissant d’espèces de mammifères, humains compris.
    Aux États-Unis, ce sont près d’un millier de bovins qui ont été touchés en un an, avec des cas également confirmés pour des porcs et des alpagas. En réponse, les ministres américains de la santé et de l’agriculture suggèrent, contre tous les avis scientifiques, de laisser circuler le virus entre les élevages avec un risque majeur de mutation, qui serait synonyme de roulette russe pour la santé humaine. L’alerte internationale est donc sérieuse.
    Dans ce contexte, la décision d’abaisser de 70 % à 40 % la part de la vaccination des canards prise en charge par l’État suscite une incompréhension majeure et risque de se révéler contre-productive car la stratégie vaccinale française adoptée par le gouvernement a prouvé son efficacité : après des années de crise de grippe aviaire, la filière du canard gras, encore fragile, s’est relevée. En limitant la circulation du virus, c’est l’ensemble des filières animales qui ont bénéficié de cette protection.
    La prévention coûte moins cher que l’indemnisation. La recherche de petites économies ne peut servir de boussole. Il faut tenir compte de la démobilisation des éleveurs, dont la marge brute diminuerait de 15 % en moyenne, et des conséquences qu’elle risque de provoquer en affaiblissant la barrière vaccinale. D’autant plus qu’une baisse de 20 % du taux de vaccination rendrait inefficace la stratégie globale et la mettrait en péril.
    Madame la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, que vaut une économie estimée à 27 millions d’euros eu égard aux indemnisations qui ont coûté plus d’un milliard à l’État rien qu’en 2022 ? Prendrez-vous ce risque ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Dem. –⁠ MM. André Chassaigne et Arnaud Simion applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    L’influenza aviaire constitue un problème majeur et lutter résolument contre elle est une nécessité, que ce soit dans le Gers, votre département, ou partout sur le territoire. J’associe à ma réponse Jean-René Cazeneuve, qui m’a déjà sollicitée à ce sujet.
    La filière avicole a subi des crises terribles entre 2015 et 2023. L’État a été à ses côtés en la soutenant par des indemnisations à hauteur de 1,6 milliard d’euros et vous avez rappelé que la politique de vaccination de la France a porté ses fruits, le nombre de foyers de contamination étant désormais maîtrisé. L’État a donc été au rendez-vous.
    Le coût annuel de la vaccination et de la surveillance du virus s’élève à environ 100 millions d’euros. La part prise en charge par l’État atteignait 85 % pour la période 2023-2024 et 70 % pour la période 2024-2025 ; pour la période 2025-2026, elle descendra, comme annoncé, à 40 %. Pour le producteur, cela constituera un surcoût d’une quarantaine de centimes par canard. Évidemment, vous me répondrez que c’est trop. Je vous rappelle que nous évoluons dans un cadre budgétaire contraint et que cette dégressivité avait été prévue : les éleveurs de la filière avaient été informés.
    La France a recouvré le statut de pays indemne et le risque de contamination étant désormais modéré, les canards pourront aller à l’extérieur. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme Sandrine Runel

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    Bravo pour les canards !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Vous avez raison de vous en réjouir,…

    M. Boris Vallaud

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    Mais oui !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …je me joins à vous !
    Je viens de signer l’arrêté qui était très attendu par les éleveurs.
    Soyez assuré, monsieur Taupiac, que je demeure extrêmement attentive, ainsi que le gouvernement, à la lutte contre l’influenza aviaire, car elle protège non seulement les canards, mais aussi l’intégralité de la filière avicole. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Avis du Conseil constitutionnel sur la loi d’orientation agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Bellamy.

    Mme Béatrice Bellamy

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    Madame la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture a été promulguée le 24 mars. L’agriculture est désormais un intérêt fondamental de la nation. Au nom du groupe Horizons & indépendants, je réitère notre soutien aux exploitants agricoles et à toutes les filières. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
    À l’issue de nombreux et riches débats, nous avions adopté un texte équilibré, attendu de longue date par la profession. Nous constatons que le texte promulgué ne répond plus complètement aux attentes. Si le Conseil constitutionnel a conservé les principes fondamentaux du texte, les sages ont censuré quatorze articles intégralement et trois partiellement. Il n’est pas question de contester ces décisions, mais d’évoquer l’après.
    Ce lundi, j’ai rencontré, avec mes collègues parlementaires vendéens, des syndicats agricoles du département. Il est ressorti de nos discussions avec les exploitants un sentiment plus que mitigé, une forme de lassitude et de déception, une désillusion quant aux engagements pris au plus fort de la crise, de vives attentes qui se transforment en vives inquiétudes. À titre d’exemple, la disparition du principe de bonne foi dans le texte promulgué est mal perçue, car il se serait appliqué à tous et aurait permis de désamorcer des situations conflictuelles.
    Dans quelques semaines, nous examinerons la proposition de loi déposée au Sénat visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Nous aurons à nouveau la possibilité d’amender et de travailler ce texte. Madame la ministre, quelles sont vos ambitions pour ce prochain texte si attendu ? À l’heure où les travaux dans les champs reprennent, les agriculteurs ont besoin de visibilité. Quelles sont les orientations que vous pouvez… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. –⁠ Les députés du groupe HOR et quelques députés du groupe EPR applaudissent cette dernière.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Il est vrai que de nombreux amendements qui avaient été déposés par les sénateurs, à juste titre, sur la loi d’orientation agricole ont été censurés lors de son examen par le Conseil constitutionnel, essentiellement pour des raisons de forme. Je le regrette, non seulement parce que certaines des dispositions censurées étaient intéressantes, mais surtout parce que cela a donné le sentiment que la loi avait été vidée de sa substance.
    Or ce n’est absolument pas le cas puisque ses acquis essentiels ont été conservés : inscription de la protection, de la valorisation et du développement de l’agriculture et de la pêche comme relevant d’un intérêt général majeur et comme constituant un intérêt fondamental de la nation, objectif d’une augmentation d’ici à 2030 de 30 % par rapport à 2022 du nombre d’apprenants dans les formations de l’enseignement agricole technique afin d’assurer le renouvellement des générations, création du réseau France Services agriculture et des conférences sur la souveraineté alimentaire –⁠ que j’ai personnellement défendue lors de son examen au Sénat –, simplification du régime de la haie. En somme, de nombreuses dispositions qui avaient été introduites par mon prédécesseur Marc Fesneau (M. Charles Sitzenstuhl applaudit) et qui ont été examinées longuement par l’Assemblée, ont été préservées. L’essentiel du texte a été conservé, soit plus de quarante articles qui sont attendus par les agriculteurs et qui leur seront bénéfiques.
    La déception et la lassitude que vous avez évoquées, je les ressens aussi.
    En ce qui concerne la proposition de loi, déposée au Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, l’examen en est attendu, comme je l’ai dit à M. Guillaume Lepers –⁠ notamment parce qu’elle complétera la loi d’orientation agricole. Mon ambition est de convaincre la représentation nationale d’examiner sans a priori ce texte pour ce qu’il est et ce qu’il apportera… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre. –⁠ Quelques députés des groupes EPR et HOR applaudissent cette dernière.)

    Exploitation des ressources en Guyane

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Victor Castor.

    M. Jean-Victor Castor

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    Ma question s’adresse au gouvernement et aux députés. Le puits de carbone que constitue la forêt amazonienne permet à la France de compenser ses émissions industrielles et de tenir ses engagements internationaux. Par sa forêt, la Guyane offre à la France le droit de polluer.
    Quelles sont les conséquences pour la Guyane ? Mise sous cloche, enclavement, interdiction de valoriser la moindre ressource –⁠ y compris celles issues du bois et de la biodiversité –, appauvrissement inacceptable de la population. La Guyane est le pays de l’interdit où, sous couvert de protection de l’environnement, la France protège hypocritement son droit à polluer.
    L’Élysée a lancé un inventaire des ressources du sous-sol, avec une attention particulière portée à la Guyane. Or, coltan, gaz, lithium, pétrole, kaolin, bauxite –⁠ non, ce n’est pas un fantasme. Qui en profite ? Et les Guyanais dans tout cela ?
    Collègues, le plateau des Guyanes est en mutation profonde. Je vous invite à observer ce qu’il s’y passe, que ce soit au Guyana, au Suriname ou dans le Nordeste brésilien.
    Je conçois que la situation soit inconfortable pour vous, car elle vous force à un grand écart difficile. D’un côté, nous devons répondre à de très hautes exigences en matière de transition énergétique ; de l’autre, nous éprouvons des besoins toujours plus grands en énergie et maintenant en terres rares pour réaliser la transition énergétique.
    C’est un avertissement que je vous adresse, plutôt qu’une question. Bien que la Guyane soit dotée de multiples ressources, la France condamne les Guyanais au sous-développement. Ils n’attendront pas sagement que vous décidiez pour eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC. –⁠ M. Jean-Claude Raux applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

    M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

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    Le gouvernement français répond à un député français, puisque la Guyane est française. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Pierre Cordier

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    Exactement !

    M. Manuel Valls, ministre d’État

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    Le développement des outre-mer repose sur la création de valeur. L’initiative économique privée doit y prendre sa part, à condition que l’État facilite les entreprises tout en les régulant.
    En ce qui concerne la Guyane, nous devons mettre fin à ce paradoxe qui veut que la population ne bénéficie pas suffisamment des profits que procure leur territoire pourtant si riche en ressources. Nous devons aider les Guyanais à mieux les exploiter.
    Cela vaut d’abord pour les ressources agricoles. L’accord de Guyane a conduit à la création d’une Safer, dont je salue la présidente, Mme Chantal Berthelot, et le travail qu’elle mène. La loi de finances pour 2025 a permis la cession par l’État de 20 000 hectares à cette société d’aménagement foncier, afin qu’elle œuvre au développement agricole du territoire.
    La Guyane doit pouvoir exploiter plus facilement ses ressources minières. Le projet de loi de simplification de la vie économique, dont l’examen en séance publique commencera le 8 avril, doit y contribuer. Nous ne pouvons plus tolérer, entre autres, que les réserves d’or soient pillées illégalement parce qu’il est trop compliqué de l’extraire honnêtement. Conformément à la volonté du président de la République, un inventaire complet des ressources du sous-sol est réalisé afin d’orienter les exploitations minières en Guyane.
    Enfin, c’est dans la même perspective que j’ai proposé que nous rouvrions le débat sur l’exploitation des hydrocarbures en Guyane, pour les raisons que vous avez évoquées. Tout en préservant l’écosystème, les Guyanais ont besoin de mener ce débat afin d’y voir plus clair. Les élus locaux le demandent, les pays voisins le font ; de quel droit refuserions-nous alors d’en discuter, que ce soit avec les élus locaux, les associations ou la population ? C’est à ce débat que j’invite désormais chacun à participer.

    Avis du Conseil constitutionnel sur la loi d’orientation agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bartolomé Lenoir.

    M. Bartolomé Lenoir

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    Jeudi dernier, le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui a provoqué un choc légitime dans le monde agricole. En censurant près d’un tiers des articles de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, il a véritablement procédé à son démembrement.
    Bien sûr, cette loi n’était pas parfaite, mais elle avait au moins le mérite d’exister et d’aller dans le bon sens. Je pense à ses articles relatifs à la non-régression de la souveraineté alimentaire, à la non-surtransposition des normes européennes et à la dérogation à la loi qui a fixé l’objectif zéro artificialisation nette, qui visaient à rendre à l’agriculture sa place d’honneur dans notre pays, celle qu’elle n’aurait jamais dû quitter.
    Il nous incombe de trouver une solution rapide pour répondre aux attentes légitimes des agriculteurs français et aux questions cruciales pour la survie de leur activité.
    La censure du Conseil constitutionnel intervient dans un contexte très inquiétant pour les exploitants. Il est marqué par le report et le flottement au sujet de l’examen de la proposition de loi Duplomb visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur et par la défense insistante du président de la République et de ses soutiens ici présents de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, qui provoquerait une véritable catastrophe pour notre agriculture. Il l’est aussi par les négociations de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur.
    Ma question est donc simple : comment entendez-vous combler le vide laissé par cette censure et dans quel calendrier ? C’est sur nos agriculteurs que repose notre souveraineté alimentaire et, par conséquent, notre souveraineté tout court. L’enjeu est crucial pour eux et pour la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Je regrette que vous repreniez l’analyse trop rapide que les médias ont faite de la censure du Conseil constitutionnel, car le nombre d’articles censurés ne permet pas d’apprécier la réalité du texte qui demeure.
    Les dispositions censurées l’ont été en raison de leur formulation et de leur degré de constitutionnalité. À ce sujet, j’avais d’ailleurs alerté les sénateurs, dont les intentions étaient louables mais dont les choix de formulation pouvaient rendre incompatibles avec la Constitution les mesures qu’ils voulaient introduire dans la proposition de loi : j’ai bien eu raison de le faire !
    Considérez toutefois la loi telle qu’elle est désormais. Vous affirmez qu’elle a été vidée de sa substance, mais c’est absolument faux, ce que j’ai déjà dit à votre collègue Béatrice Bellamy, en énumérant les dispositions conservées, parfois fondamentales. Les agriculteurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, puisqu’ils ont publiquement déclaré leur satisfaction à l’égard des mesures qui sont demeurées dans la loi.
    Vous avez évoqué l’objet des conférences de la souveraineté alimentaire que je compte organiser et qui sont désormais inscrites dans la loi. Je l’ai dit bien avant vous –⁠ excusez-moi de le rappeler –, mais vous avez raison d’affirmer que la souveraineté alimentaire est l’une des composantes de la sécurité du continent européen. Pour cette raison et parce que trop de filières agricoles échappent à notre souveraineté, j’ai placé celle-ci au cœur de mon action.
    Le soutien de la France à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne est constant, mais si elle devait se réaliser un jour, il serait nécessaire de doubler le budget de la politique agricole commune (PAC). Cette adhésion ne sera donc pas décidée en un claquement de doigts, c’est évident.
    Je suis très attentive à notre souveraineté et suis très déterminée à la faire valoir et à l’améliorer. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bartolomé Lenoir.

    M. Bartolomé Lenoir

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    Comme l’écrivait la philosophe Simone Weil, « L’unique source de salut et de grandeur pour la France, c’est de reprendre contact avec son génie au fond de son malheur. » Son génie, c’est l’agriculture et il faut absolument reconnecter la France à son génie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland Lescure.)

    Présidence de M. Roland Lescure
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes

    M. le président

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    En application de l’article 146-1 du règlement, l’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
    Mes chers collègues, je souhaite en votre nom la bienvenue à M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.
    La Cour des comptes est une juridiction essentielle au bon fonctionnement des administrations publiques. Elle garantit la transparence de l’utilisation des fonds publics, tout en jouant un rôle clé d’information de nos concitoyens. À ce titre, elle certifie également chaque année les comptes de l’Assemblée. La présentation de son rapport annuel est un moment très attendu, qui permet à chacun de bénéficier d’une analyse impartiale et rigoureuse de l’état des finances publiques, qui nous invite à une gestion plus juste et plus efficace de nos ressources. La Cour contribue ainsi à la réflexion sur la manière dont les politiques publiques peuvent mieux répondre aux besoins des citoyens, tout en respectant les impératifs de sérieux budgétaire.
    Monsieur le premier président, votre présence fournit l’occasion de rappeler que la coopération entre l’Assemblée nationale et la Cour des comptes est indispensable pour éclairer nos débats, nous assister dans le contrôle de l’action du gouvernement et dans l’évaluation des politiques publiques. L’Assemblée sait pouvoir compter sur l’expertise de la Cour, dont les recommandations constituent de précieuses pistes de réflexion au service de l’action.
    La parole est à M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.

    M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

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    Je vous remercie, monsieur le président, de ces mots de bienvenue et de l’accueil que vous avez réservé à la Cour. Ils traduisent la qualité des liens qui unissent nos deux institutions, et vous savez combien j’y suis attaché, ayant moi-même été membre de l’Assemblée et du gouvernement. Je garde en mémoire les mots de mon illustre prédécesseur, Philippe Séguin : la Cour se trouve à équidistance entre l’exécutif et le législatif, ce qui signifie qu’elle est, en réalité, à la disposition du Parlement, à commencer par sa commission des finances, devant laquelle je me rends très souvent, à sa demande ou par obligation, afin de présenter nos travaux.
    Le rapport public annuel (RPA) 2025, que je m’apprête à vous présenter, est le fruit d’un travail collectif de toutes les chambres de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Chacune des CRTC y a participé.
    Je tiens à remercier chaleureusement le rapporteur général ici présent, les présidentes et présidents de chambre, les deux rapporteurs généraux du rapport, ainsi que toute l’équipe, nombreuse, qui y a contribué. Je remercie également le groupe d’experts, composé d’une dizaine d’universitaires et de chercheurs spécialistes de la jeunesse –⁠ le thème de ce rapport annuel – qui a accompagné la Cour dans ses travaux. La parution de notre rapport public constitue un rendez-vous annuel historique pour la Cour : le premier s’est tenu en 1832, quelques années après la création de l’institution en 1807. Il s’agit d’un exercice important, auquel je suis très attaché et auquel nos concitoyens sont très attentifs.
    Depuis 2022, le rapport n’est plus une compilation de nos meilleures publications : il prend la forme d’une publication thématique, centrée sur une problématique unique, choisie collégialement –⁠ cette évolution est désormais consacrée. L’édition 2022 fut consacrée à la réponse de l’État face à la crise sanitaire. Celle de 2023 proposait un bilan de quarante années de décentralisation ; celle de 2024 une synthèse sur l’adaptation au changement climatique.
    L’édition 2025 du rapport annuel s’intéresse aux politiques publiques en faveur des jeunes. Ce thème nous a paru évident tant les jeunes sont –⁠ pardonnez ce truisme – les forces vives de la nation, sur lesquelles repose l’avenir de notre société. À ce titre, la jeunesse est cœur des préoccupations de nos concitoyens ; du moins, elle devrait l’être. Les politiques publiques qui lui sont consacrées doivent être préservées dans toute leur ampleur.
    Alors que la France, comme les autres pays européens, amorce un tournant démographique, l’action publique à destination de la jeunesse est tout à la fois une nécessité, une chance et une source d’immenses défis. Il ne s’agit pas seulement de répondre à des besoins immédiats ; c’est aussi un investissement stratégique pour bâtir une société plus équitable, plus résiliente et plus prospère.
    La jeunesse n’a pas de définition juridique. Pour beaucoup de chercheurs, il est difficile de la définir en soi. Elle désigne une période de la vie correspond au passage de grandes étapes : la croissance puis la puberté, l’évolution psychologique, les parcours scolaires, le passage à la majorité ou encore l’acquisition progressive des droits. Pour ce RPA, nous avons choisi de nous intéresser à la tranche d’âge des 15-25 ans, soit les dix années qui vont de la sortie du collège à l’acquisition de l’ensemble des droits sociaux et fiscaux –⁠ le dernier de ces acquis étant l’accès au revenu de solidarité active (RSA) à 25 ans. J’insiste sur le point de départ à 15 ans, qui indique que notre rapport ne traite ni de l’école primaire –⁠ nous aurons l’occasion d’y revenir prochainement – ni du collège.
    Qu’est-ce qui caractérise la jeunesse française de cette catégorie d’âge ? Son nombre, tout d’abord : on compte 9 millions de jeunes âgés de 15 à 25 ans dans le pays, soit 13,2 % de la population. Tournant démographique oblige, cette proportion va toutefois baisser de façon alarmante : selon l’Insee, d’ici à une dizaine d’années, elle sera inférieure à la proportion des plus de 75 ans ! À long terme, les départements seront très inégalement affectés : les zones rurales le seraient très sévèrement, avec beaucoup moins de jeunes et beaucoup plus de personnes âgées.
    Autre caractéristique : cette jeunesse réussit globalement à accéder à l’autonomie. Les jeunes achèvent leurs études en moyenne à 21 ans et demi, et plus de la moitié d’entre eux sont diplômés du supérieur, proportion supérieure à la moyenne européenne, qui s’établit à 42 %. Comme quoi, contrairement à ce que certains pensent, le rapport annuel de la Cour n’est pas systématiquement pessimiste. En l’occurrence, celui-ci se montre plutôt confiant dans la jeunesse. Les jeunes Français quittent aujourd’hui le domicile parental à 23 ans et demi, soit un peu plus tard que certains d’entre vous : cet âge moyen a beau avoir reculé, il reste moins élevé que chez nos partenaires européens. J’insiste sur le fait que l’entrée progressive des jeunes dans la vie active est massivement réussie à 25 ans : l’immense majorité des 15-25 ans –⁠ 88,5 % – est en études, en formation ou en emploi. Les autres, les Neet –⁠ ni en emploi, ni en études, ni en formation – étaient en 2022 soit au chômage –⁠ 5,8 % de la classe d’âge – soit inactifs –⁠ 5,7 %.
    Par-delà ces moyennes, les politiques publiques en faveur de la jeunesse posent de nombreux défis aux pouvoirs publics.
    D’abord, la jeunesse représente un enjeu massif de dépenses publiques. S’il est difficile de quantifier toutes les politiques publiques qui bénéficient en propre à la jeunesse, la Cour estime à 53,4 milliards d’euros les dépenses de l’État destinées spécifiquement aux 15-25 ans, soit 12 % du budget de l’État et 2 % du PIB –⁠ ce montant comprenant uniquement les mesures spécifiques aux jeunes et non la part des dépenses publiques générales qui les concernent. Les dépenses d’éducation représentent les quatre cinquièmes de cette dépense, soit plus de 40 milliards, suivies par les politiques de travail et d’emploi, par les aides personnalisées au logement (APL) et enfin par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). L’effort financier déployé pour la jeunesse est donc réel, d’autant que s’y ajoute bien entendu l’action des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale, qu’il est très difficile de chiffrer isolément.
    Autre défi pour l’action publique : les inégalités, auxquelles les jeunes sont particulièrement exposés, qu’elles soient économiques, éducatives, géographiques ou sociales –⁠ sachant qu’elles se cumulent parfois. Le taux de pauvreté des jeunes de 18 à 25 ans demeure de 10 % en France, ce qui est élevé, même s’il est inférieur à celui de l’Allemagne ou des autres pays de l’OCDE. Les inégalités territoriales ressortent aussi fortement, avec des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur, aux transports collectifs, à la pratique sportive ou à l’emploi, selon que l’on est jeune rural, urbain, ultramarin ou résident de quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Un chiffre parmi beaucoup d’autres pour illustrer ces disparités : 20 % des jeunes ruraux accèdent à l’enseignement supérieur, contre 32 % des jeunes urbains –⁠ une différence considérable, alors même que les jeunes ruraux ont de meilleurs résultats. Enfin, les jeunes ne sont pas égaux face à l’information, ce qui donne lieu à un taux important de non-recours à leurs droits.
    La pluralité de cette jeunesse pose un autre défi majeur : l’élaboration de politiques publiques efficaces et ciblées. La jeunesse a été érigée en priorité publique depuis les années 1980, avec des hauts et des bas au gré des gouvernements et des sensibilités politiques. En témoignent la création d’un comité interministériel pour la jeunesse en 1982, la publication du Livre vert sur la jeunesse en 2009, ou l’instauration, en 2022, du volet jeunesse du Conseil national de la refondation (CNR). Cette priorité a d’ailleurs été retenue par l’Union européenne. Si les politiques ont longtemps été centrées sur l’insertion professionnelle, elles tournent autour d’autres axes depuis 2009 –⁠ l’autonomie, l’égalité des chances et la participation à la vie publique – et les instruments se sont multipliés : citons entre autres le fonds d’expérimentation pour la jeunesse, l’agence du service civique, le service public de l’orientation ou le RSA jeunes. Cette politique manque cependant d’une approche coordonnée et structurée. Sa gouvernance est fragmentée entre les nombreux acteurs impliqués : les jeunes eux-mêmes, les familles, mais aussi les associations, et un grand nombre d’acteurs publics aux niveaux national et local ; il n’existe pas d’organisation chapeautant une politique unique en faveur de la jeunesse.
    L’ensemble des enjeux que je viens d’énumérer se cristallisent finalement autour de grandes questions, auxquelles nous avons tenté de répondre tout au long des seize monographies qui composent ce rapport : la dépense publique en faveur de la jeunesse est-elle de qualité ? Quel devrait être l’équilibre entre les mesures réservées aux jeunes, d’une part, et les politiques de portée générale qui peuvent les concerner, d’autre part ? Enfin, dans quelle mesure les dispositifs les plus coûteux en faveur des 15-25 ans, qui ont pour la plupart un caractère universel, devraient-ils être recentrés afin de mieux cibler les publics les plus en difficulté ?
    Cela n’a pas dû vous échapper : le présent rapport ne comporte plus de chapitre consacré à la situation des finances publiques. Celui-ci a été publié à part il y a quelques semaines. Le RPA 2025 est donc composé de seize chapitres thématiques qui sont le résultat de seize enquêtes conduites à travers quatre prismes structurants : l’accès à l’éducation et à la formation ; l’aide à l’entrée dans la vie active et à l’autonomie ; les politiques de prévention à destination des jeunes ; et enfin l’apprentissage à la citoyenneté et à la vie dans la cité.
    Je reviendrai d’abord brièvement sur chaque étude thématique, puis je vous livrerai quelques enseignements transversaux.
    La première partie du rapport porte sur l’accès des jeunes à l’éducation et à la formation. Elle est composée de quatre enquêtes.
    La première est consacrée à l’orientation au collège et au lycée. Malgré l’importance de l’enjeu et son coût de 400 millions d’euros, cette politique ne permet pas de dépasser les déterminismes, les stéréotypes et les inégalités entre filières. Pour mieux répondre aux attentes des jeunes, la Cour préconise notamment de rendre obligatoires des modules relatifs à l’orientation dans la formation initiale des enseignants, qui sont désormais chargés de cette mission avec les régions, et d’adapter leurs emplois du temps pour qu’ils assument mieux cette compétence.
    Nous avons également examiné la mise en œuvre de l’obligation de formation de tous les jeunes de 16 à 18 ans en décrochage, instaurée par la loi du 26 juillet 2019. Un peu plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de cette obligation, l’objectif n’est pas atteint pour les 150 000 jeunes concernés. Il n’existe aucun indicateur renseigné, aucune cible et le coût du dispositif n’est même pas évalué. La Cour recommande non d’abandonner la démarche mais de l’approfondir en améliorant le repérage et le suivi des jeunes, en diversifiant les solutions et en renforçant la collaboration des acteurs concernés.
    Dans ce contexte, la prévention de l’échec en premier cycle universitaire est essentielle. En France, la réussite en trois ans des 700 000 étudiants inscrits en licence n’est que de 36 % –⁠ un taux inférieur à la moyenne de l’OCDE. Or le coût annuel des redoublements et des sorties sans diplôme en licence est estimé par la Cour à 534 millions d’euros. De nombreux dispositifs de remédiation ont été instaurés, pour un coût total de 1,4 milliard d’euros depuis 2017, mais leurs effets ne sont pas démontrés. Deux sources d’inefficacité sont identifiées : l’inefficacité des parcours de licence, mais aussi l’inefficacité des dispositifs destinés à la réduire. Nous formulons donc plusieurs recommandations pour mieux identifier les causes de l’échec, suivre les parcours étudiants et évaluer les dispositifs existants.
    Enfin, nous nous sommes intéressés à l’accès des jeunes ruraux à l’offre d’enseignement supérieur, en partant de certaines parties des régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté. Les jeunes ruraux accèdent moins fréquemment que les jeunes urbains à l’enseignement supérieur et ils accèdent à une offre moins développée, davantage orientée vers les cursus courts. Pourtant, leurs résultats aux examens sont meilleurs. Cela signifie que leurs difficultés d’accès proviennent non de je ne sais quels freins individuels mais de caractéristiques territoriales. Dans ce contexte, l’amélioration de leur accès à l’enseignement supérieur passe surtout par des mesures pour favoriser leur mobilité vers les pôles de formation de leur choix. Nous préconisons de réexaminer les modalités d’attribution des bourses pour mieux tenir compte de l’éloignement géographique dans le calcul des aides, afin de les encourager à la mobilité y compris en recourant à des modes de transports plus complexes.
    La deuxième partie du rapport traite de l’entrée des jeunes dans la vie active et l’autonomie.
    Nous nous sommes tout d’abord penchés sur l’emploi des jeunes. Depuis 2017, le niveau d’emploi des jeunes s’améliore, surtout grâce à l’emploi en alternance. Le coût des dispositifs associés a explosé pour atteindre 7,3 milliards d’euros en 2023, sans que le lien de causalité entre ces moyens et les résultats observés soit pleinement confirmé. Par ailleurs, des difficultés persistent : la part des ni en emploi, ni en études, ni en formation reste élevée, l’accès à l’emploi est très dépendant du diplôme et les inégalités territoriales sont fortes, en particulier en défaveur des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville. La Cour recommande de formaliser une stratégie contracyclique pour l’emploi des jeunes, de mieux l’articuler avec le droit commun et de mieux cibler les mesures sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi.
    Nous avons aussi examiné l’accès des jeunes au logement, qui est la première condition d’accès à la formation, à l’emploi et donc à l’autonomie. Les spécificités des jeunes en matière de logement –⁠ mobilités fréquentes, recherche de petites surfaces en ville, durées limitées, revenus faibles – les rendent vulnérables aux fortes tensions du marché. Or la politique du logement en faveur des jeunes est très fragmentée. Pour l’améliorer, il faut agir à l’échelle de chaque territoire, en renforçant la coordination locale et en veillant au partage d’expériences entre territoires. La désignation d’un chef de file au niveau national pourrait y aider.
    L’emploi comme le logement impliquent parfois une mobilité géographique importante, en particulier pour les jeunes situés dans les zones rurales ou périurbaines. C’est pourquoi nous avons consacré un chapitre à la mobilité des jeunes en transports collectifs. Avec un chiffre alarmant : 38 % des jeunes ruraux ont renoncé à un entretien d’embauche en raison de difficultés de déplacement. Les collectivités territoriales organisatrices de mobilité ont surtout comme stratégie d’octroyer aux jeunes des réductions tarifaires, sans cibler les plus défavorisés et au prix de pertes de recettes. Or ce n’est pas le prix, mais plutôt le manque d’offre de transports qui entrave la mobilité des jeunes. Nous préconisons d’améliorer la connaissance de leurs besoins pour se rendre au travail, de mieux tenir compte des ressources dans l’octroi d’avantages tarifaires et de mieux coordonner l’offre entre collectivités.
    Enfin, nous avons analysé la prise en charge des jeunes majeurs sortant de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Près de 32 000 jeunes majeurs faisaient l’objet d’une mesure de protection en 2023, après que cette protection a été élargie de 18 à 21 ans. Cependant, les modalités de prise en charge de ces jeunes sont très hétérogènes selon les départements : le taux de prise en charge varie de 38 % à 83 %. Il est légitime d’observer des différences dans une France décentralisée, mais il faudrait veiller à garantir un socle de base et des critères communs dans la prise en charge. Nous préconisons également de mieux associer les jeunes majeurs de l’ASE aux dispositifs d’insertion de droit commun.
    La troisième partie du rapport examine les politiques de prévention à destination de la jeunesse. Là aussi, les inégalités devant la santé et le bien-être apparaissent fortes.
    Tout d’abord, la Cour a consacré un contrôle à l’accès des jeunes au sport. Les chiffres globaux sont très positifs : près de 80 % des jeunes Français sont des sportifs réguliers, la France compte 16,5 millions de licenciés et dispose d’un maillage d’associations sportives très dense. Toutefois, ce constat recouvre de fortes disparités. On observe un fort décrochage des pratiques sportives entre 15 et 25 ans. Les politiques publiques sont orientées vers la performance : elles s’adressent davantage aux jeunes déjà sportifs qu’aux profils les plus éloignés d’une pratique, comme les femmes, les jeunes en situation de handicap ou ceux confrontés à des difficultés socio-économiques. Ces profils devraient être les cibles d’une stratégie de l’État, en lien avec les collectivités et les acteurs privés du sport.
    Nous avons ensuite contrôlé le dispositif des maisons des adolescents qui sont, comme vous le savez, des structures pluridisciplinaires dédiées à la prévention et à l’accompagnement des adolescents dans les difficultés qu’ils rencontrent. En 2024, 123 maisons des adolescents ont accompagné 100 000 jeunes. Ces structures font face à une forte augmentation de la demande, dans un contexte de hausse du mal-être des jeunes que nous avions déjà relevé dans notre rapport sur la pédopsychiatrie publié en 2023. Ces maisons sont bien identifiées par leurs partenaires et leurs usagers, pour un coût assez faible pour les finances publiques, inférieur à 100 millions d’euros. Néanmoins, les pouvoirs publics doivent clarifier leurs attentes, rationaliser les missions des maisons des adolescents et peut-être les fusionner avec d’autres dispositifs similaires.
    Nous avons ensuite mené une enquête sur les addictions des jeunes aux drogues illicites et à l’alcool. Si j’ai dressé un bilan plutôt positif de l’accès des jeunes à l’autonomie, l’addiction demeure un problème crucial pour notre pays : un jeune sur dix s’estime dépendant aux drogues illicites ou à l’alcool, et 2,6 % des jeunes déclarent consommer de l’alcool quotidiennement. Or nous savons que le cerveau des jeunes avant 25 ans est particulièrement vulnérable aux addictions. La Cour estime que les efforts de prévention ne sont pas à la hauteur des enjeux. La réponse sanitaire et médico-sociale est insuffisante, par manque de volontarisme et parce qu’elle n’est pas assez concentrée sur les jeunes. Les exemples de réussite dans les pays du Nord plaident pour une approche plus volontaire et transversale de la prévention, en mobilisant les acteurs du monde éducatif, en lançant une campagne de communication ciblée sur les jeunes et en instaurant un prix minimum de l’unité d’alcool pur dans chaque boisson.
    Enfin, toujours dans le domaine de la prévention, nous nous sommes penchés sur l’obésité chez les jeunes, par l’intermédiaire des exemples de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française –⁠ non pas pour les stigmatiser, mais parce qu’il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique. Le taux de prévalence de l’obésité s’élevait, en 2020, à 15 % pour les adultes dans l’Hexagone, contre 38 % en Nouvelle-Calédonie et 48 % en Polynésie française. Ces chiffres trouvent leurs racines dans la jeunesse. Dans ces territoires, l’obésité des jeunes est liée à une alimentation moins équilibrée, à la sédentarité, à la précarité et à un environnement socio-économique et culturel aggravant. Les conséquences sanitaires de l’obésité limitent l’avenir et l’espérance de vie des jeunes concernés, et pèsent sur les budgets de la protection sociale dans ces territoires. Pourtant, les politiques de prévention n’y sont pas une priorité ; nous formulons plusieurs recommandations pour qu’elles le deviennent.
    La quatrième et dernière partie du rapport examine les politiques d’apprentissage à la citoyenneté, et à la vie dans la cité, déployées à l’égard des jeunes. Elle comporte également quatre chapitres.
    Le premier est consacré à la journée défense et citoyenneté (JDC). Ce dispositif constitue une obligation légale pour tous les Français de 16 à 18 ans, soit environ 800 000 jeunes par an, pour un coût de 100 millions d’euros. La JDC a des objectifs très divers, qui concourent tous à renforcer le collectif national et le lien armées-jeunesse. Toutefois, ce dispositif est soumis à de fortes tensions : il a d’ailleurs été raccourci à deux heures quarante-cinq en 2024, sur une base juridique fragile. Le rapport de la Cour montre que le dispositif a été sans cesse ajusté, remanié et refondu, à la recherche d’un positionnement qui n’a jamais été trouvé et d’objectifs brouillés par la pluralité des messages. Le ministre des armées a récemment annoncé une nouvelle réforme de la JDC afin de la remilitariser et de renforcer le lien armées-nation dans le contexte géopolitique que nous connaissons. Il faudrait en profiter pour rationaliser les objectifs, le contenu et la base juridique du dispositif.
    La Cour consacre aussi un chapitre à l’entrée des jeunes dans l’impôt sur le revenu, autre obligation qui s’impose avec la majorité. Autant la majorité civile est un moment bien identifié, autant la majorité fiscale, théoriquement fixée à 18 ans, est un moment diffus, individualisé et très souvent différé. Seul un quart des moins de 25 ans acquittent effectivement l’impôt sur le revenu ; plus d’un tiers sont rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Pour ce chapitre, la Cour a mené un sondage dont je souhaite vous livrer un résultat peu réjouissant : plus d’un quart des jeunes interrogés considèrent qu’il est justifié de tricher sur ses impôts si cette possibilité existe.

    M. Romain Daubié

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    Belle mentalité !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Ils ne sont pas les seuls !

    M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes

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    La Cour préconise de renforcer les actions de sensibilisation à l’impôt avant la majorité fiscale, dans le cadre de l’éducation nationale, mais aussi de simplifier la déclaration de revenus des jeunes et d’envoyer un courrier d’information dès 18 ans relatif au système fiscal. La citoyenneté fiscale doit être consolidée.
    Le troisième contrôle de cette partie porte sur les jeunes et la justice pénale. Même si la délinquance des jeunes est difficile à estimer, les jeunes demeurent surreprésentés dans la population délinquante : ils constituent 12 % de la population française mais 26 % des mis en cause, 34 % des poursuivis et 35 % des condamnés en 2023. Or l’efficacité de la politique pénale à destination des jeunes est limitée, malgré des moyens publics considérables, qui s’élèvent à 2 milliards d’euros par an. Le taux de récidive chez les jeunes est plus élevé que dans le reste de la population ; il demeure stable depuis 2010. La Cour considère que les outils dont dispose l’État pour comprendre ce phénomène et adapter sa politique sont trop faibles ; ils doivent être améliorés. Il est également indispensable de déployer une action précoce à l’égard des familles et de renforcer la coopération entre tous les acteurs.
    Parmi les outils destinés à réduire les inégalités et à faire société figure la politique d’éducation artistique et culturelle, qui fait l’objet du dernier chapitre. Cette politique a vu son importance réaffirmée depuis 2017 et engendrait une dépense de 3,5 milliards d’euros en 2023, dont 3 milliards étaient pris en charge par l’État. Elle bénéficie à de plus en plus d’élèves mais sa mise en œuvre demeure hétérogène selon les établissements et les territoires, car elle repose sur l’initiative des enseignants et se trouve confrontée à une qualité variable de l’offre. Le référencement et le contrôle de cette offre sont minimalistes ; ce dernier ne permet pas de vérifier la qualité des interventions et ne neutralise pas les effets d’aubaine engendrés par la création de la part collective du pass culture. Il conviendrait de garantir un parcours effectif, cohérent et de qualité, piloté par le chef d’établissement, et d’instaurer une évaluation régulière des intervenants externes financés par le pass culture.
    Nous voilà parvenus au terme de cette présentation synthétique des seize chapitres de notre rapport public annuel, que je vous invite bien entendu à consulter plus précisément.
    Quelques grands enseignements se dégagent de ces seize coups de sonde, avec deux idées fortes. La première, c’est que le problème ne tient pas tant à la quantité de la dépense, qui est significative mais adaptée, qu’à la qualité de celle-ci et, parfois, à son inefficacité. La deuxième, c’est qu’il est indispensable de mieux cibler les politiques publiques en faveur des jeunes, pour renforcer leur cohérence et leur efficacité. La Cour a donc dégagé six grandes orientations pour atteindre ces objectifs.
    D’abord, il faut mieux différencier les soutiens et les mesures en fonction des publics ciblés. Tous les jeunes ne disposent pas des mêmes chances. Nous avons identifié de très fortes inégalités d’accès à l’enseignement supérieur, aux transports ou à la pratique sportive, mais aussi des inégalités d’accès à l’emploi selon le niveau de diplôme ou l’origine territoriale. Les politiques publiques doivent réduire ces inégalités en passant d’un pilotage par l’offre à un pilotage par les besoins et les résultats, avec des cibles en volume pour chaque dispositif.
    Ensuite, il faut repenser l’organisation et le contenu des parcours de formation initiale, afin de mieux préparer l’autonomie sociale et économique des jeunes. Pour cela, il est impératif de renforcer la politique de l’orientation, de systématiser une éducation artistique et culturelle de qualité et de renforcer l’accompagnement des jeunes qui en ont le plus besoin.
    La troisième orientation concerne la prévention. Il est urgent d’élaborer une nouvelle stratégie nationale de lutte contre les addictions, et plus généralement de promouvoir la santé et le bien-être des jeunes. Nous préconisons d’actualiser la stratégie nationale de lutte contre les addictions, et nous formulons un ensemble de recommandations concernant la prévention de l’obésité, la promotion de la pratique sportive et la prise en charge du mal-être.
    Pour atteindre ces différents objectifs, il nous faut commencer par renforcer la lisibilité des politiques publiques en faveur des jeunes. Le non-recours de nombreux jeunes à leurs droits, par méconnaissance ou du fait de leur complexité excessive, atteint des niveaux très élevés. Il est donc impératif de mieux informer les jeunes, ainsi que de mieux communiquer auprès d’eux sur leurs obligations envers la collectivité : s’ils ont des droits, ils ont aussi des devoirs –⁠ au regard de la fiscalité en particulier.
    Il est impératif, ensuite, de mieux coordonner les actions des acteurs publics et privés concernés. J’évoquais, en préambule de mon propos, l’enchevêtrement des responsabilités et des compétences de ces très nombreux acteurs. Les rôles de chaque intervenant doivent être clarifiés, les responsabilités doivent être précisées à chaque échelon, la collaboration renforcée. Nous éviterons ainsi les redondances –⁠ voire les contradictions – entre les différentes initiatives publiques.
    Nous devons également nous doter d’outils rigoureux de suivi et d’évaluation des politiques en faveur les jeunes. Ce rapport est plutôt optimiste : plusieurs des politiques que nous avons examinées sont utiles, appréciées et efficaces. Mais elles ne disposent pas d’outils de contrôle et de suivi suffisants –⁠ c’est par exemple le cas du repérage des jeunes en décrochage scolaire âgés de 16 à 18 ans. Disposer de données quantitatives éprouvées permet aussi de détecter les risques émergents. Il faudrait, par exemple, renforcer les outils de repérage et d’évaluation de la délinquance chez les jeunes, alors que la politique pénale les concernant a –⁠ pour le moment – des effets seulement limités sur la récidive.
    La dernière des préconisations de notre rapport est aussi la plus transversale : il convient de doter la France d’un plan stratégique en faveur des jeunes –⁠ en un mot, de planifier. Toutes ces enquêtes nous montrent que les jeunes, dans la plupart des domaines qui relèvent de l’action de l’État, ont des besoins et des aspirations qui leur sont propres. Ces besoins et ces aspirations doivent être clairement identifiés, dans un plan d’ensemble distinguant, si nécessaire, différentes catégories de jeunes. On pourra ainsi concevoir des solutions adaptées et hiérarchisées, en veillant à réduire les inégalités d’accès aux services publics.
    Tels sont donc les principaux enseignements que nous retirons de ce travail important, pour ne pas dire colossal. Au cours de l’instruction des seize contrôles, la Cour a pu constater l’implication sans faille de tous les acteurs en charge de l’action publique envers les jeunes.
    La jeunesse française n’est pas abandonnée. Elle reste une priorité de l’action publique. Toutefois, de très nombreuses difficultés demeurent, qui se font sentir dès avant l’âge de 15 ans. Les jeunes, plus que les autres, éprouvent que l’égalité des droits n’est pas l’égalité des chances : c’est ce que l’action publique doit s’atteler à changer. Rien n’est plus crucial que la réussite à l’école primaire : ce point fera l’objet d’un rapport que nous publierons prochainement.
    La jeunesse est une période de la vie passionnante, mais intrinsèquement délicate et difficile. La plupart des politiques en faveur de la jeunesse ont intégré cette dimension. Se concentrer sur les problèmes que rencontrent les jeunes ne doit cependant pas faire oublier l’essentiel : cette jeunesse est un atout et une ressource inestimable. Elle est la clé de notre avenir. La jeunesse française et les politiques publiques en faveur de cette jeunesse n’ont rien à envier à nos partenaires européens. Il est bon de le rappeler. (MM. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, et Jean-René Cazeneuve applaudissent.)

    M. le président

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    Merci, monsieur le premier président, pour ce rapport synthétique mais très complet, dont les recommandations seront utiles. La jeunesse, vous l’avez dit, est la clé de notre avenir : il était important que vous vous penchiez sur ce sujet.
    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Deux rapports nous ont été présentés : l’un sur les comptes publics, l’autre sur la jeunesse. Si vous vous êtes surtout, monsieur le premier président, concentré sur le second, c’est aux deux que je réagirai pour ma part.
    « Une année noire pour les finances publiques » : c’est en ces termes que la Cour des comptes –⁠ dont on connaît pourtant la retenue – qualifie l’année 2023. Dans son rapport de février 2025 sur la situation des finances publiques, elle ne tait aucune alarme, évoquant, pour 2023 et 2024, une « dérive inédite » et, pour 2025, une « année déterminante ».
    La « dérive inédite », d’abord. La situation est aujourd’hui connue, puisque les travaux de la commission d’enquête que j’ai l’honneur de présider se concluent en ce début de printemps. Les comptes du pays, en seulement deux ans, ont été dégradés de plusieurs dizaines de milliards : le dérapage –⁠ inédit hors période de crise – s’élève à 1,6 point de PIB, soit près de 50 milliards d’euros.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Eh oui !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Comment en sommes-nous arrivés là ? Le rapport de la commission d’enquête viendra enrichir sur ce point le bilan dressé par la Cour des comptes. La principale explication, à mon sens, tient à l’aveuglement des gouvernements successifs devant l’enlisement économique et la dégradation des conditions de vie causés par leur politique. Cet échec est le signe que les cadeaux fiscaux faits aux plus riches depuis 2017 ne ruissellent pas sur l’économie. La politique de l’offre et de la compétitivité n’a pas fonctionné.
    Il est approprié, en démocratie, d’admettre ses échecs, mêmes successifs : un dirigeant qui s’obstine à imposer une politique infructueuse quitte la réalité matérielle. Face à cet échec, nous devons nous poser des questions : qu’est-ce qui a manqué, qu’est-ce qui n’a pas marché, qu’est-ce qui a été mal fait ?
    Il y a d’abord les baisses d’impôts non compensées. La Cour des comptes écrit clairement que « le dérapage du déficit […] révèle le plein effet de la poursuite jusqu’en 2023 de baisses de prélèvements obligatoires non financées ». Elle confirme ainsi que ce n’est pas sans conséquences que les gouvernements successifs ont massivement baissé les impôts des ultrariches et des très grandes entreprises. Quand on arrête de faire rentrer de l’argent, on crée un trou dans la caisse.
    Quels étaient les objectifs de ces baisses d’impôts ? La croissance, l’emploi et la réindustrialisation –⁠ autant de mirages évaporés à l’horizon. Selon la Cour, en effet, l’échec économique de 2023, une croissance en 2024 inférieure aux attentes et la hausse du chômage expliquent, ensemble, la majorité du dérapage –⁠ 1,1 point du PIB sur 1,6.
    Rappelons-le aux derniers affranchis de la réalité matérielle : quand la part de l’emploi industriel dans l’emploi salarié privé total passe, selon l’Insee, de 16,4 % à 15,5 % entre 2018 et 2024, on ne peut prétendre qu’on réindustrialise le pays. Dans un rapport rendu public en novembre dernier, la Cour des comptes relevait des résultats qu’elle jugeait elle-même fragiles ainsi que l’inégale efficacité des plans de soutien.
    Lorsqu’on crée des postes d’apprentis et que l’on met en avant le statut d’autoentrepreneur, qui n’est pourtant qu’un masque de la précarité et, souvent, celui du travail à la tâche, on ne crée pas de bons emplois, stables et rémunérateurs. L’apprentissage, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), compte pour 38 % des créations d’emplois salariés marchands sur la période 2018-2023, à quoi il faut ajouter, selon l’Urssaf, 700 000 nouveaux autoentrepreneurs. L’Insee rappelle que, parmi les personnes en emploi, les travailleurs indépendants sont les plus touchés par la pauvreté –⁠ 18,3 % d’entre eux, que l’on cherche de surcroît à assujettir davantage à la TVA.
    Lorsque, entre 2017 et 2023, la part de l’investissement des entreprises dans l’investissement total est en recul, passant de 56 % à 54,2 %, on ne peut pas dire que l’on attire les investisseurs internationaux.
    Lorsque les projets financés par les IDE –⁠ les investissements directs étrangers – créent seulement 35 emplois en moyenne par projet, contre 49 en Allemagne, 61 au Royaume-Uni et 299 en Espagne, on ne peut pas dire que l’on crée des emplois grâce aux investisseurs internationaux. Les données que je cite sont publiées par le gouvernement lui-même, sur le site Vie publique.
    2025, « année déterminante », maintenant. Un des principaux constats de la Cour dans la seconde partie de son rapport est que la hausse des impôts est présentée par le gouvernement comme temporaire, « ce qui reporte sur les années suivantes l’effort structurel de redressement des finances publiques. » Ce que la Cour des comptes nous dit est simple : le gouvernement n’apporte aucune solution soutenable. La solution, pourtant, est connue. Eu égard aux montants en jeu, il n’existe pas d’autre choix que de faire contribuer celles et ceux qui ont le devoir civique de payer un minimum d’impôt –⁠ 60 milliards ont ainsi été perdus, chaque année, depuis 2023. Selon les derniers chiffres de l’Observatoire européen des inégalités, l’introduction, en France, d’une taxe Zucman sur le patrimoine rapporterait, en fonction du taux retenu, entre 19,4 et 34,8 milliards d’euros. Notre chambre a voté cet impôt, en adoptant le texte de nos collègues Eva Sas et Clémentine Autain. L’illustration que Gabriel Zucman propose d’une telle mesure est limpide : il s’agit de faire en sorte que les millionnaires ne payent pas moins d’impôts, en proportion, que leurs secrétaires.
    Année noire, dérive inédite, année déterminante, tout cela sans qu’on sache exactement combien de milliards d’euros seront dépensés dans l’armement au lieu d’être investis dans la lutte contre le dérèglement climatique.

    M. Philippe Vigier

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    Alors là !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    J’ai assisté, la semaine dernière, en ma qualité de président de la commission des finances, à un grand sommet du ministère de l’économie sur la base industrielle et technologique de défense –⁠ autrement dit le secteur de l’armement français. Les accords de Paris ont dix ans, chers collègues, et nous n’avons jamais assisté au ministère de l’économie à un sommet sur ce qui serait une base industrielle et technologique en faveur du climat. Si l’exécutif devait engager la France dans une véritable économie de guerre –⁠ ce ne sont heureusement, pour l’heure, que des mots –, le montant des dépenses militaires pourrait s’élever en 2030 à 70 milliards au lieu des 67 milliards prévus par la loi de programmation militaire. Nous perdrions alors mécaniquement la bataille du climat.
    Il est en tout cas bien certain que le conclave sur les retraites, dont personne n’a sincèrement cru qu’il n’était pas une farce, a avorté après plusieurs jours d’une petite musique qui nous demandait de choisir entre les chars et les pensions ; or, si nous ignorons combien de chars il nous faut, nous savons déjà fort bien que pour financer l’abrogation des 64 ans, il nous suffit d’augmenter les cotisations de seulement 0,15 point par an, pendant sept ans. La hausse des dépenses militaires sert donc de prétexte à des attaques contre notre modèle social.
    Il est également certain que, après 2023 et 2024, le dérapage se poursuivra en 2025 –⁠ peut-être en pire, puisque la croissance sombre et fausse déjà des estimations vieilles d’un mois seulement. Le taux de croissance sera non de 1,1 %, que nous savions déjà irréaliste, ni même de 0,9 %, mais seulement de 0,7 %, selon les derniers chiffres de la Banque de France –⁠ soit la moitié de ce que le gouvernement avait officiellement annoncé.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Eh oui !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Tous ces échecs et ces abus touchent au premier chef la jeunesse, qui fait l’objet du second rapport qui nous est présenté aujourd’hui. Ce rapport, modéré, formule pour l’essentiel des recommandations appelant à une évaluation et à une meilleure articulation des dispositifs publics en faveur de la jeunesse. S’il ne remet que marginalement en cause les politiques des gouvernements successifs envers la jeunesse, on peut toutefois relever quelques points.
    Le système Parcoursup, en matière éducative, est un symbole fort du macronisme : la mise en concurrence et l’opacité sont mises au service du creusement des inégalités entre les jeunes. La Cour, dans toute sa mesure, relève pourtant bien que « l’absence de toute transparence des critères de décision retenus par les établissements d’enseignement supérieur constitue […] une caractéristique de Parcoursup par rapport aux plateformes comparables d’autres pays ». Selon un sondage Harris Interactive de juillet 2021, 76 % des Français sont favorables au rétablissement du libre choix de la filière d’inscription à l’université et à la suppression de Parcoursup.
    En matière de santé, l’addiction des jeunes à l’alcool et aux autres drogues est plus élevée en France qu’ailleurs en Europe : supérieure de 10 points pour l’alcool, elle est encore deux fois plus élevée pour le cannabis –⁠ alors qu’il est de plus en plus dangereux – ainsi que pour d’autres drogues, et cela quand la France est un des pays d’Europe les plus prohibitifs et répressifs en la matière. Face à ce fléau sanitaire, doublé de celui que représente le trafic de drogues, la Cour conclut que « la réponse sanitaire et médico-sociale se révèle insuffisante par manque de volontarisme et par défaut de ciblage des jeunes ». Le gouvernement, pourtant, ne propose pas d’autre solution que d’abandonner l’État de droit pour promouvoir des lois sécuritaires, liberticides –⁠ et inefficaces. Rien n’est fait sur le terrain de la consommation, ni sur celui du soin et de la prise en charge des victimes des addictions, qui devraient pourtant se trouver au cœur d’une politique de lutte contre le trafic de stupéfiants, ne serait-ce que pour en réduire la demande. Il faudrait s’inspirer davantage des exemples canadiens ou portugais, qui, eux, fonctionnent.
    En matière de formation, si le nombre d’apprentis a plus que doublé depuis 2017, en passant de 429 000 à 1 million, le taux de chômage des jeunes est toujours de 17,2 % –⁠ soit 2,4 fois celui de l’ensemble des actifs. Rappelons également que, selon l’Insee, les apprentis, avant l’entrée dans l’enseignement supérieur, viennent de milieux sociaux plus favorisés que les élèves des lycées professionnels. Cette politique du tout-apprentissage est donc, là aussi, un échec.
    Ce gouvernement, comme ceux qui l’ont précédé, est en sursis. Il envisage de déroger à ses propres restrictions budgétaires –⁠ pour l’armement, pas pour l’environnement. Quel est l’avenir de la jeunesse, et donc du monde dont nous entendons faire partie ? Est-ce la mise en compétition de blocs économico-politiques qui continuent à être assujettis aux intérêts des États-Unis et de son industrie militaire ? Est-ce le legs d’une dette écologique rendue irréversible par la course à l’armement, si celle-ci devait se confirmer ? Ou est-ce plutôt la bifurcation écologique et le non-alignement ?
    Les jeunes représentent un tiers de la population française. Ce gouvernement les laisse seuls face au chômage, à la maladie, aux inégalités sociales, à la précarité et même à la faim. Il est malheureusement documenté qu’ils sont de plus en plus nombreux, étudiants et jeunes travailleurs, à faire appel aux associations humanitaires pour espérer manger.
    Ensuite, lorsqu’ils seront devenus adultes, ils devront faire face, seuls également, à l’héritage climatique de notre inaction mortifère. Il faut que tout cela cesse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Comme chaque année, le rapport public annuel de la Cour des comptes traite, d’une part, de la situation des finances publiques et, d’autre part, d’un thème –⁠ cette année, les politiques publiques en faveur des jeunes. Je formulerai trois constats.
    Premier constat, la situation de nos finances publiques est toujours plus dégradée. Si l’exercice de la présentation du rapport public annuel est bien connu, il présente un caractère frustrant. Cela ne tient évidemment pas à l’éminente qualité des travaux de la Cour des comptes, que je remercie et salue en la personne de son premier président.
    Si l’exercice est frustrant, c’est qu’année après année, le constat est le même : nous voilà réduits à déplorer une fois encore la situation toujours plus calamiteuse de nos finances publiques.
    Alors que le déficit public atteignait 67 milliards d’euros, soit 3 % du PIB, en 2017, il s’élève à 5,5 % du PIB en 2023 et 6 % du PIB en 2024.
    Même le socle commun minoritaire en conviendra, il n’est plus possible d’imputer la situation aux chocs extérieurs –⁠ pandémie, crise énergétique ou guerre en Ukraine.
    Force est de constater que nous en revenons à nos vieux démons : l’absence de réforme structurelle et l’addiction à la dépense publique. Les deux derniers exercices se singularisent toutefois : certains semblent avoir pensé que le volontarisme de la prévision pouvait suppléer la volonté de réforme –⁠ cette Arlésienne de nos débats budgétaires.
    À défaut d’audace dans nos choix politiques, nous sommes repus d’hypothèses macroéconomiques et budgétaires toutes plus optimistes les unes que les autres, comme si les scénarios gouvernementaux avaient, à défaut de pouvoirs d’autoréalisation, celui de faire illusion temporairement.
    Hélas, les errements de prévision des gouvernements successifs n’expliquent pas l’endettement, qui sera bientôt pire qu’au plus fort de la pandémie. Ils en constituent plutôt une circonstance aggravante –⁠ ils privent le pilotage budgétaire d’un horizon clair.
    Passée de 98,8 % à 114,9 % du PIB entre 2017 et 2020, puis à 110 % en 2023 et 112,7 % en 2024, notre dette publique devrait atteindre 115,5 % du PIB fin 2025.
    L’état des finances publiques est donc bien plus grave que ne l’ont anticipé les gouvernements. Pour 2023, la loi de finances initiale, adoptée à la fin de l’automne 2022, visait un déficit public de 5 % quand la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et la loi du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023 prévoyaient un déficit de 4,9 % du PIB. Finalement, le déficit a atteint 5,5 % du PIB. Comment expliquer cet écart de 0,6 point entre la prévision de fin d’année et l’exécution ?
    Ces errements de prévision se sont aggravés en 2024. La loi de programmation 2023-2027 et la loi de finances initiale évoquaient un déficit de 4,4 % du PIB en 2024, le programme de stabilité du printemps partait sur 5,1 % et, au moment de la loi de fin de gestion, on a atteint 6,1 %.
    Cette dégradation continue est la preuve que les prévisions sont à la limite de l’insincérité, et qu’en cours d’exercice, nous laissons dériver le budget, même si 10 milliards d’euros de dépenses ont été annulés dès février 2024, puis une partie des crédits gelés également annulée.
    Face à ce double constat, il est impératif que la commission des finances, qui s’est dotée des compétences d’une commission d’enquête jusqu’au mois prochain, établisse les responsabilités et propose de nouvelles méthodes de prévision.
    Je présenterai d’ailleurs à mes collègues la synthèse d’une cinquantaine de pages des travaux que j’ai menés dans l’exercice de mes prérogatives de rapporteur général. J’y formule des propositions de réforme.
    Deuxième constat, 2025 sera une « année déterminante pour le redressement des finances publiques » selon la Cour, mais aussi une année porteuse de plusieurs risques. Vos titres sont toujours très équilibrés, monsieur le président. (Sourires.)
    La loi du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dite loi sur les services votés, a entraîné le freinage des dépenses en janvier et février, mais les risques de rattrapage ne sont pas exclus.
    En outre, l’adoption tardive de la loi de finances pour 2025, l’effet récessif de certaines mesures fiscales et budgétaires, l’incertitude liée au contexte international et l’absence de majorité stable et claire à l’Assemblée nationale ne me rendent pas optimiste sur l’état de nos finances publiques à la fin de l’année.
    Si le gouvernement a déjà révisé sa prévision de croissance de 0,2 point en début d’année pour se caler sur celle de la Banque de France –⁠ à 0,9 % –, cette dernière vient d’abaisser sa prévision à 0,7 %. Le Fonds monétaire international (FMI) et l’OCDE tablent quant à eux sur 0,8 %.
    Dans le même temps, l’inflation ralentit plus vite que prévu. Nos recettes publiques souffriront encore en 2025. Plus que jamais, l’épée de Damoclès des notations et des taux d’intérêt est suspendue au-dessus de notre dette souveraine, les taux d’intérêt étant supérieurs aux prévisions.
    Demain, l’Insee publie le compte des administrations publiques en 2024. Ce devrait être l’occasion de constater le creusement du déficit compris en 1,5 et 1,7 point de PIB par rapport à la prévision de la loi de programmation 2023-2027, toujours en vigueur, et donc un déficit effectif de 6 %, au lieu des 4,4 % espérés.
    Dans son avis sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024, qui sera adopté en Conseil des ministres le 16 avril, le Haut Conseil des finances publiques constatera donc probablement un écart important, car bien supérieur à 0,5 % du PIB sur une année.
    Or, « lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts », la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) dispose que « le gouvernement en expose les raisons et indique les mesures de correction envisagées lors de l’examen du projet de loi relative aux résultats de la gestion », dont nous ne savons pas quand il sera inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée. Pour le gouvernement comme pour nous, chers collègues, l’heure est donc à la plus grande responsabilité.
    Dans un troisième et dernier temps, j’aimerais revenir sur quatre des seize sujets relatifs aux politiques publiques en faveur des jeunes, qui font l’objet d’une riche analyse de la Cour des comptes cette année.
    La Cour souligne les spécificités de l’accès à l’enseignement supérieur pour les jeunes issus des territoires ruraux. Ces derniers font face à davantage de difficultés que les jeunes urbains ; leur éloignement des centres universitaires et le manque de formation de proximité les incitent à s’orienter vers des cursus courts, de type Bac + 2, et à privilégier une insertion professionnelle rapide.
    Le coût de la mobilité des étudiants –⁠ 1 000 à 1 550 euros par mois – est un frein évident pour la très grande majorité des familles rurales dont les ressources financières sont en moyenne plus modestes que celles des familles résidant dans les pôles urbains.
    Afin d’améliorer les chances de ces jeunes d’accéder à une offre de formation de qualité dans l’enseignement supérieur, je soutiens la proposition de la Cour qui vise à renforcer le poids du critère d’éloignement géographique dans le calcul du montant des bourses allouées par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous).
    Au-delà de la distance entre le foyer familial et le lieu d’études, on pourrait également tenir compte du manque d’offres de formation sur le territoire d’origine de l’étudiant, ou de leur accessibilité par les transports publics.
    Deuxième sujet : les jeunes majeurs sortant de l’ASE sans ressources ni soutien familial. La Cour met en lumière les inégalités persistantes entre ces jeunes et le reste de la population âgée de 18 à 21 ans.
    Je salue l’effort des départements et des structures d’accompagnement, qui mènent une mission importante et difficile. Mais je m’interroge sur la faiblesse de l’enveloppe financière annuelle versée par l’État aux départements pour la prise en charge de ces jeunes majeurs : 50 millions d’euros pour l’ensemble des départements, soit environ 4 % des dépenses estimées à 1,2 milliard d’euros.
    Cette somme, répartie sans objectif clair et dont le montant n’a pas évolué depuis 2022, ne permet pas d’amortir la hausse du coût de l’accompagnement : je suis donc favorable à la révision de son montant et de ses modalités d’attribution.
    Venons-en à la consommation d’alcool et de drogues illicites chez les jeunes âgés de 12 à 25 ans. La Cour met en évidence la vulnérabilité de cette population face aux risques addictifs. La France se situe au-dessus de la moyenne européenne : 28 % des jeunes de 15 à 24 ans auraient consommé des produits stupéfiants dans l’année, contre 16,9 % en moyenne dans l’Union européenne.
    Ce niveau très élevé témoigne de l’essor des réseaux criminels distribuant des drogues illicites, qui ont trouvé dans les addictions des jeunes une source d’enrichissement considérable.
    La Cour relève que la détection et la prise en charge de ces jeunes par le secteur médico-social demeurent inadaptées. C’est pourquoi je soutiens votre proposition visant à renforcer l’offre de soins destinée à ce public, notamment en améliorant la formation des professionnels de santé au repérage et à l’accompagnement des jeunes consommateurs.
    Il conviendrait également d’encourager des dispositifs de prévention plus ambitieux, à l’instar du modèle développé au Danemark qui propose un suivi individualisé et la mobilisation de tous les acteurs publics pour favoriser l’adhésion aux traitements.
    Je terminerai par quelques mots sur la journée défense et citoyenneté (JDC), dont le modèle actuel paraît à bout de souffle. Initialement conçue pour maintenir un lien entre l’armée et la jeunesse, et détecter les difficultés en lecture, l’utilité de cette journée est remise en question par l’évolution des attentes de la jeunesse et la création du service national universel (SNU).
    Malgré une organisation bien rodée, les tensions sur les effectifs et le coût de la JDC –⁠ estimé à 104 millions d’euros en 2023 – suscitent des interrogations sur son efficience.
    La Cour estime que les effets de cette journée, dont les objectifs sont mal définis, restent difficiles à mesurer. À mon sens, elle n’est pas l’outil d’engagement et d’instruction citoyenne qu’elle devrait être.
    J’irai donc plus loin que la Cour, qui propose de réformer le contenu de cette JDC : plutôt que de conserver ce dispositif mal conçu, dont les objectifs pourraient être remplis par d’autres moyens plus adaptés, il faudrait envisager sa suppression.
    Telles sont les quelques réflexions que je voulais esquisser après avoir lu le rapport de la Cour des comptes.
    Enfin, tous les membres de la commission des finances remercient la Cour pour l’aide qu’elle leur apporte dans l’évaluation des politiques publiques.

    M. le président

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    Monsieur le premier président, merci à vous et à tous ceux qui ont contribué à l’élaboration des volumes de ce rapport.
    L’Assemblée nationale vous donne acte du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    3. Haine antimusulmans, islamophobie : qualification juridique et politiques publiques de lutte contre ces discriminations

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Haine antimusulmans, islamophobie : qualification juridique et politiques publiques de lutte contre ces discriminations », demandé par le groupe Écologiste et social dans le cadre de sa séance thématique. Conformément à l’organisation arrêtée par la conférence des présidents, nous entendrons d’abord les rapporteurs –⁠ qui ont établi une note mise en ligne sur le site internet de l’Assemblée nationale –, puis les orateurs des groupes et, enfin, le gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure désignée par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    On dit dans les médias de notre pays que les musulmans sont responsables de tous les maux, même de la pénurie d’?ufs pendant le ramadan ! C’était l’huile l’année dernière, ce sera peut-être le beurre l’année prochaine.
    Ces polémiques visent nos concitoyens musulmans depuis des années. Pourtant, c’est la première fois que nous nous apprêtons à débattre de l’islamophobie dans notre hémicycle. Cette victoire laisse un goût amer : celui d’une absence totale de volonté politique, ou plutôt d’une volonté assumée de masquer cette réalité, alors même qu’elle touche plus de 5 millions de nos concitoyens –⁠ des Français de papier, comme diraient certains. On peut d’ailleurs supposer que c’est la pensée profonde du ministre de l’intérieur, lorsqu’il affirme que certains de nos compatriotes régressent « vers [leurs] origines ethniques ». Je vous laisse méditer sur le terme régresser.
    Avec mes collègues corapporteurs, que je salue, j’ai mené un travail de fond qui ne saurait souffrir d’aucune caricature. Nous avons auditionné une trentaine de personnes et organisations, dont des représentants de la plateforme X et des médias, à l’exception de CNews qui n’a pas souhaité répondre.

    M. Sébastien Delogu

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    Ha !

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    De ces heures d’audition émerge un fait implacable : l’islamophobie est largement sous-estimée et souffre d’une invisibilisation structurelle.
    Cet état de fait est en partie lié à l’emploi du terme même d’islamophobie, qui suscite un débat que nos travaux n’ont pas éludé. Si nous comprenons que les institutions utilisent le terme de haine antimusulmans, nous ne pouvons ignorer que la majeure partie des personnes concernées s’emparent du mot d’islamophobie, car il renvoie à un racisme antireligieux dont les musulmans font l’objet. L’usage de ce terme ne vise pas à interdire la critique légitime d’une religion, comme certains aiment le dire –⁠ la possibilité d’une telle critique constitue un acquis de notre pays. Cette polémique récurrente n’a qu’un but : détourner le regard du vrai problème : la discrimination et l’hostilité qui visent les personnes musulmanes en France.
    D’ailleurs, les chercheurs sont formels : le terme d’islamophobie n’a pas été inventé par les mollahs iraniens. Il est au contraire apparu en France, au début du XXe siècle. L’islamophobie découle en partie du racisme antimaghrébin d’il y a plus de quarante ans, qui est lui-même la conséquence de la politique coloniale menée par la France au siècle dernier. De ce point de vue, la polémique relative à l’emploi de ce mot est donc dérisoire.
    En France, les Maghrébins sont perçus comme des musulmans, voire de potentiels intégristes. S’ils ont le malheur de porter un voile ou une barbe, ils peuvent même être perçus comme des terroristes en puissance. Ce continuum qui brouille tout nourrit le récit qui progresse depuis des décennies : celui d’une prétendue incompatibilité civilisationnelle, permise par une essentialisation outrancière et des amalgames dangereux.
    Les premiers responsables de cette situation sont à l’extrême droite de cet hémicycle et peuvent compter sur le silence, voire la complicité, de ceux qui participent au climat de soupçon permanent qui pèse sur les musulmans de ce pays et qui, au plus haut sommet de l’État, assènent que le premier responsable de l’antisémitisme est « le monde arabo-musulman ». Je pense aussi au ministre de l’intérieur, ministre des cultes, qui n’a pas daigné participer à l’iftar de la grande mosquée de Paris sous couvert de laïcité. En revanche, aller à la messe ne lui pose aucun problème ! Il s’agit d’une discrimination flagrante, qui révèle une détestation de l’islam qui ne se dissimule même plus. Collègues du centre et de la droite jadis républicaine, je vous le dis : les Français préféreront toujours l’original à la copie.
    Les propos islamophobes des responsables politiques et des éditorialistes sont relayés jour et nuit par des médias détenus par une poignée de milliardaires. Ainsi, sur CNews, en 2023, 335 jours sur 365, des bandeaux parlaient d’islam ou d’immigration. De tels propos sont repris en boucle sur les réseaux sociaux, qui échappent à toute règle de modération des contenus haineux.
    L’islamophobie nourrit en outre une obsession législative : en témoigne la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, qui tend à interdire le port du voile dans le cadre des pratiques sportives. Une certaine forme de laïcité est désormais utilisée à des fins islamophobes. C’est une laïcité qui n’émancipe plus, qui étrique les citoyens, particulièrement les femmes musulmanes, dans un rapport paternaliste ; une laïcité qui n’est plus un grand principe mais un ensemble de valeurs dont les contours évoluent au gré des polémiques initiées par l’extrême droite ; une laïcité, enfin, que l’on a instrumentalisée dans le cadre de la loi « séparatisme » et qui renforce la suspicion à l’endroit de certaines associations, les empêchant même de trouver banques et assureurs. Cette nouvelle laïcité renforce l’islamophobie.
    Ce n’est pas l’islam qui menace les libertés individuelles, c’est l’islamophobie. On ne peut plus être Arabe et porter une barbe à la télévision, ni porter un voile sur un terrain de basket et bientôt dans la rue ! Demain, on ne pourra même plus scolariser ses enfants dans un établissement privé musulman. Le cas du groupe scolaire Al-Kindi est à ce titre emblématique, quand on le compare aux Bétharram et autres Stanislas, qui continuent de broyer des élèves en toute impunité. In fine, ce sont bien les musulmans que l’on souhaite faire disparaître de l’espace public au nom du principe de laïcité.
    Ces injonctions à l’invisibilité mènent fatalement au repli sur soi. C’est précisément de ce repli que peut naître l’entrisme dont vous parlez. En fracturant notre société, c’est vous qui faites le terreau fertile du séparatisme.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    N’importe quoi !

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    En Europe, 50 % des musulmans se disent victimes de discriminations au quotidien. Un sur deux ! Ce chiffre ne trouve pas d’écho dans le recensement des actes antimusulmans dans notre pays, du fait de la défiance qui touche les institutions. Nos concitoyens musulmans ont normalisé le racisme ambiant dans notre pays. Les psychologues parlent même de trauma média.

    M. Julien Odoul

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    Mais bien sûr ! Que de foutaises !

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    Si nous voulons libérer la parole, nous devons être en capacité de l’écouter.
    Les musulmans sont devenus les boucs émissaires de notre société. Beaucoup d’entre eux veulent quitter notre pays, quand ils ne l’ont pas déjà fait.

    M. Julien Odoul

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    Il y en a 400 000 qui arrivent chaque année !

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    Ils n’y voient pas se dessiner de perspective sereine pour leurs enfants. Comprenons que le projet républicain qui s’y façonne s’accommode chaque jour un peu plus de leur exclusion.
    L’islamophobie n’est pas une opinion dont on pourrait débattre : c’est un mécanisme d’oppression. Tant qu’elle gangrène notre République, sa devise Liberté, Égalité, Fraternité est trahie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ludovic Mendes, rapporteur désigné par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Un gouffre existe entre les statistiques relatives aux actes antimusulmans publiées par le ministère de l’intérieur au début de l’année et le vécu des Français de confession musulmane en France. Non seulement ces chiffres sont sous-estimés en raison de la sous-déclaration des infractions à caractère antimusulman –⁠ dont tous les acteurs que nous avons auditionnés, y compris les représentants du ministère de l’intérieur, s’accordent à reconnaître la réalité –, mais ils échouent aussi à rendre compte d’une forme d’islamophobie d’ambiance qui existe et se renforce dans notre société.
    L’islamophobie se déploie sur les chaînes d’information, sur les réseaux sociaux, dans les discours publics ; elle s’immisce dans la vie quotidienne des Français de confession musulmane ou présumés tels –⁠ j’y reviendrai – par l’intermédiaire de discriminations dans l’accès au logement, au travail ou même à la santé.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ben voyons !

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Ce phénomène n’est pas spécifique à la France, mais il ne s’en décline pas moins dans notre pays d’une manière qui lui est propre.
    Comme l’ont souligné plusieurs sociologues que nous avons auditionnés, l’islamophobie constitue souvent une forme masquée de racisme antimaghrébin à l’ancienne, qui se dissimule derrière le masque supposément plus acceptable de la critique d’une religion, que permet le droit au blasphème.

    M. Julien Odoul

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    C’est un rapporteur LFI !

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Toutefois, en ce qui concerne l’islam, elle fait trop souvent office de faux nez de la haine et de la violence. En cela, elle peut affecter les Français musulmans mais aussi les personnes assimilées à tort à des musulmans.
    Il est fréquent que l’on confonde l’islam avec l’islamisme. Cet amalgame alimente les discours sécuritaires et les peurs infondées. Cette confusion est souvent entretenue par des discours politiques et médiatiques qui stigmatisent les musulmans en les associant à des menaces terroristes. Cette vision biaisée et réductrice de l’islam nourrit une islamophobie qui ne fait que renforcer les préjugés et les discriminations.
    La pertinence de cet état de fait suscite nos interrogations et a fait l’objet de fréquents questionnements au cours des auditions. L’islamophobie en France se nourrit bien sûr des actualités nationales et internationales : conflits, attentats, faits divers. Mais constitue-t-elle aussi une forme d’héritage de la colonisation ? La question mérite d’être posée. (M. Jean-Philippe Tanguy sourit.) À ce titre, nous saluons le travail de l’Association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans (Addam), qu’accompagne le ministère de l’intérieur. Sa structuration devrait permettre une meilleure connaissance des actes antimusulmans, en attendant peut-être que l’État mène une réflexion à ce sujet.
    Par ailleurs, les politiques publiques de lutte contre l’islamophobie sont non seulement insuffisantes mais incohérentes, puisque la puissance publique au sens large combat d’un côté ce qu’elle entretient de l’autre.
    Comme l’ont montré nos auditions, la laïcité, un des principes structurants de notre République, est désormais instrumentalisée pour justifier toutes les dérives islamophobes. Ce phénomène est encouragé, promu même, par les discours publics de certains responsables politiques, dans leurs circonscriptions, sur les plateaux de télévision et ici même dans cette assemblée.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ici et maintenant !

    M. Julien Odoul

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    En direct !

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    L’islam y fait l’objet d’une attention particulière, malsaine même, et on le prend souvent pour cible.
    Il faut réaffirmer avec force que la laïcité invoquée à l’encontre de nos compatriotes musulmans…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Elle est invoquée pour tout le monde !

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    …n’est pas celle de la loi de 1905, dont on se réclame pourtant à tort et à travers. La laïcité de l’État n’est pas celle des citoyens. La laïcité des agents du service public n’est pas celle des usagers de ce service public. La laïcité de 1905 n’est pas l’invisibilisation des religions,…

    M. Julien Odoul

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    C’est leur discrétion !

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    Ce n’est pas ça non plus !

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    …c’est la neutralité de l’État.
    Le débat médiatique et politique témoigne pourtant d’un inquiétant glissement vers une « nouvelle laïcité », pour reprendre l’expression utilisée par la sociologue Hanane Karimi. Cette laïcité encourage l’exclusion de nos compatriotes musulmans. En son nom, on veut interdire à des jeunes filles voilées de faire du sport, à des femmes voilées d’accompagner les sorties scolaires…

    M. Julien Odoul

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    Eh oui !

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    …et l’on envisage de proscrire le port du voile à l’université –⁠ je fais référence aux déclarations qu’a tenues notre ministre de l’intérieur en janvier dernier.

    M. Julien Odoul

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    Il a été interdit en Turquie !

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    J’ajoute que cette nouvelle laïcité s’exerce au détriment de la liberté des femmes (M. Jean-Philippe Tanguy sourit), à laquelle on en appelle si souvent pour justifier les attaques contre les musulmans. Tous les représentants cultuels et associatifs auditionnés s’en sont inquiétés.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Tu as auditionné l’Iran ?

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Le port du voile par une femme ferait de cette dernière une victime, une personne manipulée ou suspecte de radicalisation : dans les trois cas, le discours que l’on tient sur les femmes qui choisissent de porter le voile leur dénie le plein exercice de leur libre arbitre.

    M. Rodrigo Arenas

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    C’est qui les deux barbus, là-bas ? (Le député regarde en direction des bancs du groupe RN.)

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    En 2022, ma collègue Isabelle Florennes et moi avons publié un rapport détaillé sur les actes antireligieux en France, mettant en lumière les défis spécifiques liés à l’islamophobie. Ce rapport commandé par le premier ministre de l’époque, Jean Castex, a souligné la nécessité de renforcer les politiques publiques pour lutter contre les discriminations et contre les actes de haine ciblant les musulmans. Bien que des efforts aient déjà été déployés, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la prévention, la protection des personnes et la répression de ces actes. Entre autres recommandations clés, le rapport a proposé de mieux former les agents publics et les forces de l’ordre pour identifier et traiter les actes islamophobes, ainsi que d’améliorer la collecte de données pour mieux quantifier le phénomène. De plus, il a été suggéré de renforcer les dispositifs de sécurisation des lieux de culte et d’encourager un dialogue interreligieux pour favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

    M. Julien Odoul

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    Bla bla bla !

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Ce travail montre que des initiatives concrètes ont été prises pour aborder la question de l’islamophobie, tout en reconnaissant la nécessité de poursuivre et d’intensifier ces efforts pour garantir une société plus inclusive et respectueuse de la diversité religieuse.
    Je souhaite donc que ce débat nous permette d’échanger sur ce sujet trop souvent minoré ou passé sous silence (M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame), en attendant de futurs travaux que j’appelle de mes vœux.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli, rapporteure désignée par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Julien Odoul

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    Il y a deux rapporteures de gauche !

    Mme Marietta Karamanli, rapporteure

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    Le thème de ce débat –⁠ « Haine antimusulmans, islamophobie : qualification juridique et politiques publiques de lutte contre ces discriminations » – est un sujet important, sensible et complexe. En effet, sa seule dénomination renvoie à des questions difficiles et parfois controversées, voire instrumentalisées. Nous, rapporteurs, avons tous trois apporté à la note qui sert de point de départ à notre séance nos réflexions et nos expériences différentes et, je pense, complémentaires.
    Trois idées me semblent importantes. Premièrement, il faut qualifier et quantifier le phénomène pour le connaître et le reconnaître.
    S’agissant de la qualification pertinente, le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) se sont saisies du sujet dans la perspective, d’une part, de le traiter comme une composante d’un discours de haine et d’intolérance, d’autre part de reconnaître ses spécificités. Sa définition renvoie à une peur et à des actes de discrimination ou de violence contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance réelle ou supposée à l’islam. Le terme même mêle les notions de racisme, de haine, de discours antireligieux, de discrimination et d’intolérance. Il comporte donc une dimension raciste qui peut être cachée, et qui est plus facilement assumée par ceux qui disent lutter contre les dérives d’un islam extrême. À titre personnel, je considère qu’il s’agit avant tout d’une hostilité à l’égard des musulmans.
    Il nous faut éviter à la fois le déni et l’instrumentalisation, l’un alimentant l’autre. Si le phénomène peut être qualifié dans ses différentes dimensions, il doit aussi être suivi grâce à la collecte de données. Cette approche ne doit pas faire l’impasse sur le ressenti d’une communauté qui, quelles que soient les racines culturelles qu’ont nos compatriotes par ailleurs, est attachée dans sa très grande majorité à son pays, la France.
    Il faut aussi avoir conscience du contexte national et européen. En Europe occidentale et en France, la religion traditionnelle liée à l’Église s’effrite, tandis que l’athéisme et la pluralité religieuse –⁠ dynamisée par les migrations – augmentent.
    Deuxièmement, nous devons être attentifs à ce que la norme soit perçue comme étant la même pour tous nos compatriotes et pour tous ceux qui résident temporairement en France, quelle que soit leur religion. Le soupçon que l’application d’une loi serait plus restrictive à l’égard d’une partie de la communauté nationale en raison de ses croyances est insupportable. Pour ne prendre que cet exemple, le contrôle des établissements d’enseignement privés doit être exemplaire. Je considère que l’annonce par le gouvernement de l’augmentation du nombre et de la fréquence des contrôles des établissements privés, quels que soient la religion qui les anime et leur caractère propre, est une bonne chose. Cette annonce doit être suivie d’actes.
    Par ailleurs, la note insiste sur l’importance de réexaminer la loi en fonction de ses effets évalués. Plusieurs dispositifs juridiques sont examinés et font l’objet de propositions visant à les améliorer ; je pense par exemple à la répression de la discrimination, à celle de la haine en ligne ou encore au dépôt de plainte.
    Elle reprend aussi l’idée selon laquelle l’éducation doit être au premier plan de toute politique publique en la matière. L’école, par les programmes d’éducation civique ou d’histoire, et les médias, par la formation des journalistes ou les programmes diffusés, doivent être en première ligne pour y contribuer.
    Nous insistons aussi sur le fait que si les dispositifs légaux sont utiles pour traiter de tel ou tel aspect de la protection des personnes croyantes, ils ne doivent pas rester isolés mais bien s’articuler entre eux. Selon moi, la lutte contre l’islamophobie ne suppose pas forcément la création de nouveaux outils ou de nouveaux cadres ; elle nécessite à coup sûr une mise en œuvre diligente des outils et cadres existants. Au niveau international existent des références comme le plan d’action de Rabat, qui vise à répondre aux discours de haine dans le respect des normes en matière des droits de l’homme, ou encore le plan d’action du processus d’Istanbul, élaboré il y a plus de dix ans pour renforcer la résistance de la société à la haine et pour promouvoir l’inclusion. Je citerai aussi les outils pédagogiques élaborés par l’Unesco et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, particulièrement pertinents. Au niveau national, les dispositions légales nécessaires pour combattre l’hostilité contre les musulmans en raison de leurs croyances existent déjà : il faut les mobiliser.
    Je terminerai par deux remarques. D’une part, nous devons nous appuyer sur les jeunes et sur les femmes, souvent doublement discriminés, pour identifier les meilleurs moyens de défendre et de promouvoir leur droit au respect et à l’autonomie. D’autre part, nous devons nous appuyer sur la laïcité, dont la raison d’être consiste à protéger les citoyens de l’État et à leur permettre de croire et de pratiquer hors de l’espace public. Les croyances ou pratiques religieuses sont autorisées, mais n’ont pas vocation à régir d’une façon ou d’une autre la vie collective.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Eh bien, on a bien commencé !

    Mme Marietta Karamanli, rapporteure

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    Celle-ci repose sur une morale laïque qui, tout en respectant les croyants, les amène à se définir par eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    M. le président

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    Nous allons à présent entendre les orateurs des groupes.
    La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.

    Mme Léa Balage El Mariky (EcoS)

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    Être musulman en France ne devrait pas être une épreuve. Cela devrait être, tout simplement, une manière parmi tant d’autres d’être citoyen,…

    M. Julien Odoul

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    C’est La Quatrième Dimension !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    …d’habiter la République, d’aimer ce pays, d’y contribuer, d’y élever ses enfants. Pourtant, force est de constater que le soupçon généralisé pèse sur nos concitoyens de confession ou de culture musulmane.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    N’importe quoi !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Pas moins de 50 % des musulmans vivent des discriminations dans leur vie quotidienne. Chaque jour, un message leur est adressé : « Vous êtes de trop, faites-vous oublier. »

    M. Julien Odoul

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    Mais quelle honte !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ce poison a contaminé les institutions, l’école, les banques, les assurances, la presse, le sport, mais surtout la parole politique. Il fait de chaque femme voilée un problème, de chaque prêche un danger potentiel, de chaque association une menace pour la République. Il disqualifie les chercheurs qui travaillent sur la question, il cadenasse la pensée et transforme notre nation en forteresse défensive, pétrifiée à l’idée d’assumer son pluralisme.
    C’est pourquoi je veux remercier ma collègue Sabrina Sebaihi d’avoir été à l’initiative de ce débat et d’avoir mené avec ses deux corapporteurs un cycle d’auditions de très grande qualité. De riches enseignements peuvent être tirés de ces entretiens, à commencer par le suivant : le musulman est devenu l’ennemi de l’intérieur,…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    N’importe quoi !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    …l’individu à surveiller, celui qu’on accuse de menacer une supposée civilisation judéo-chrétienne –⁠ concept qui, je le rappelle, est une imposture intellectuelle autant qu’une erreur historique.

    M. Eddy Casterman

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    C’est vous, l’imposture !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Cette difficulté de reconnaître pleinement les musulmans comme des citoyens à part entière, dotés d’une liberté religieuse égale aux autres, puise ses racines dans notre histoire coloniale.

    M. Julien Odoul

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    La religion est une opinion, pas une race !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Dans cette histoire, le musulman était toujours à civiliser et on n’accédait au statut de citoyen qu’à la condition de renoncer à sa foi.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est le cas de tout le monde ! (Exclamations sur divers bancs.)

    M. Emmanuel Mandon

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    Vous avez un problème ?

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    Il faut se calmer !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    L’essentialisation est au cœur de l’islamophobie : elle réduit l’individu à une appartenance supposée, effaçant la richesse de ses identités multiples. La haine antimusulmans constitue d’ailleurs bien souvent une variante du racisme antimaghrébins plus facile à assumer, car présentée comme une critique d’une religion. Ce procédé n’est pas sans conséquence : les actes antimusulmans sont réels, souvent violents. Ils vont des discriminations à l’embauche aux agressions de femmes voilées en passant par les profanations de mosquées, les dérapages médiatiques devenus quotidiens et les meurtres racistes comme celui de Djamel Bendjaballah.
    Ce que je dis n’est pas une opinion, mais un constat étayé par les chercheurs,…

    M. Julien Odoul

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    Les chercheurs islamistes !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    …les associations, les représentants cultuels…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Les Frères musulmans !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    …et même par les rapports parlementaires. Pourtant, que fait-on ? On minimise, on détourne, on s’embourbe dans des polémiques sémantiques. Le mot d’islamophobie dérange plus que la réalité qu’il désigne.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Elle n’existe pas ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Ah, voilà !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Personne ici ne propose d’interdire la critique des religions. Ce que nous dénonçons, c’est la stigmatisation systématique d’un groupe, d’une foi, d’un imaginaire collectif, et ce que nous demandons, c’est de l’action.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    La religion est une opinion !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Nous savons que les médias jouent un rôle central dans la fabrication de l’islamophobie. Nous savons aussi que l’Arcom –⁠ l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – est impuissante à la réguler dans le cadre juridique actuel. Pourquoi, dans ce cas, ne pas réformer ce cadre ?
    Le plus grave peut-être, c’est que l’islamophobie s’est installée dans la loi. Chaque texte d’exception, chaque circulaire floue, chaque proposition de loi sur les signes religieux dans le sport ou à l’université ajoute une pierre au mur de la suspicion. Depuis la loi « séparatisme » de 2021 et son funeste contrat d’engagement républicain (CER) pèse sur la société civile musulmane une obligation permanente de prouver sa loyauté à la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC. –⁠ Mme Anaïs Belouassa-Cherifi applaudit également.)

    M. Julien Odoul

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    Il n’y a pas de communauté musulmane, il y a seulement la communauté nationale !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    On invoque la laïcité, mais ce n’est plus celle de Briand. Celle que nous avons sous les yeux trahit l’esprit qui a fondé ce principe : elle n’émancipe plus, elle corsète. La IIIe République n’a jamais exigé la discrétion religieuse. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. Julien Odoul

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    Si ! Apprenez l’histoire ! Relisez les débats de 1905, ça vous fera du bien !

    M. Rodrigo Arenas

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    Calmez-vous, les cathos !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Aucun de nos concitoyens ne devrait avoir à choisir entre sa foi et sa place dans la République.
    Lutter contre les actes antimusulmans, ce n’est pas céder à un communautarisme fantasmé. C’est au contraire réaffirmer notre attachement à l’égalité de tous et toutes devant la loi, à la dignité de chacun, à la promesse républicaine, à la laïcité. C’est rappeler que la République n’a pas besoin d’ennemis imaginaires mais de justice réelle. Cela suppose une reconnaissance claire du phénomène, des outils pour le mesurer et pour le qualifier juridiquement, un soutien massif aux associations de terrain et surtout une vigilance accrue dans les médias et les institutions. En cohérence avec le plan national de lutte contre le racisme, nous devons mieux former les agents publics, notamment les forces de l’ordre et les magistrats. Cela suppose aussi de renouer avec l’esprit de 1905, de faire entendre un puissant contre-discours valorisant la connaissance des cultes et favorisant le dialogue interculturel pour dissiper les préjugés et les amalgames. L’islamophobie est un obscurantisme.

    M. Julien Odoul

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    C’est votre pensée qui est obscurantiste !

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Il est temps de réhabiliter le regard ouvert et curieux qui était celui des Lumières. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    À bas l’infâme ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et SOC.)

    M. Emmanuel Mandon

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    Calmez-vous ! Manifestement, vous avez un problème avec le sujet !

    M. le président

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    Les interpellations d’un banc à l’autre ont pour seul effet de déranger les orateurs. J’aimerais qu’au cours de ce débat, nous écoutions ceux-ci dans le calme, faisant preuve du respect que nous nous devons les uns aux autres et que nous devons à nos concitoyens. (Exclamations sur divers bancs.) Un peu de calme, monsieur Tanguy ! Vous n’avez pas demandé la parole, mais l’orateur de votre groupe aura l’occasion de s’exprimer, comme tous les autres.
    La parole est à M. Xavier Albertini, et à lui seul.

    M. Xavier Albertini (HOR)

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    Ce débat est exigeant car il questionne la force de notre République, la permanence de ses valeurs. Il touche au cœur de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être en tant que républicains. Il interroge notre capacité collective à protéger tous nos concitoyens, sans distinction d’origine, de culture ou de religion, contre la haine, l’exclusion et la stigmatisation.
    Les derniers rapports de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) montrent que les actes antimusulmans ne sont pas en hausse en France, à la différence des actes antisémites qui explosent depuis le 7 octobre 2023. Pourtant, les actes antimusulmans restent une réalité à combattre. Face à cela, comme face à toutes les discriminations que subissent nos concitoyens, notre devoir est clair : nommer, qualifier, agir.
    D’abord, nommer. Le mot d’islamophobie divise. Pour certains, il désigne l’ensemble des discriminations et des actes hostiles subis par des personnes en raison de leur appartenance à la religion musulmane ; pour d’autres, son usage est problématique car il tendrait à confondre la critique d’une religion, permise dans une démocratie, avec les comportements haineux visant des individus. Ce flou sémantique nourrit l’ambiguïté, brouille les lignes et freine parfois l’action. Il appelle à la prudence, notamment lorsqu’il s’agit de légiférer ou de concevoir des politiques publiques.
    Ensuite, qualifier. Le droit français est robuste. Les discriminations fondées sur la religion sont punies pénalement, ainsi que les discours de haine. Nous devons cependant reconnaître que les victimes de discrimination rencontrent parfois des obstacles dans la reconnaissance de leur statut, la prise de plainte ou le traitement judiciaire. Les cas sont rares, mais très médiatisés. Pour nous tous, cela appelle des efforts encore accrus de formation et de sensibilisation ainsi qu’une meilleure traçabilité des actes et des propos discriminants dans les statistiques nationales. En effet, quantifier et objectiver un phénomène permet de déployer des actions réelles.
    Enfin –⁠ c’est le plus important –, agir. L’action publique ne peut se limiter à la répression. Elle doit être aussi éducative, préventive et visible. Partout, dans les écoles, les quartiers, les médias, il faut réaffirmer que la laïcité n’est pas l’effacement des identités, mais la garantie d’un espace commun où chacun, dans le respect de l’autre, a sa place. Cela suppose de donner aux collectivités locales, aux associations de terrain, aux collectifs citoyens, les moyens d’intervenir, de sensibiliser et de protéger. Cela suppose aussi que l’État reste ferme et constant dans la lutte contre toutes les formes de haine –⁠ antisémitisme, racisme, homophobie, haine antimusulmans – car elles ont toutes un même fondement : elles reposent à tout le moins sur le refus de l’autre et, dans leurs manifestations extrêmes, elles prônent son effacement.
    Nous devons conduire cette action avec constance, lucidité et unité, sans démagogie ni angélisme, mais avec la ferme volonté de garantir à tous nos concitoyens les mêmes droits, la même sécurité et la même considération.
    Mes chers collègues, la France n’a pas attendu ce débat pour agir. La lutte contre les discriminations et les actes de haine se construit sur la durée, avec des politiques publiques cohérentes, concrètes et évaluables. C’est dans cet esprit que, dès mars 2018, le gouvernement d’Édouard Philippe présentait un plan national contre le racisme et l’antisémitisme, qui posait des fondations solides, articulées autour de quatre combats structurants : lutter contre la haine sur internet, éduquer contre les préjugés et les stéréotypes, mieux accompagner les victimes et investir de nouveaux champs de mobilisation. Ce plan a constitué un socle et, dans sa continuité, les gouvernements successifs ont poursuivi et renforcé ces efforts, notamment à travers les stratégies nationales de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine, ou encore les plans de lutte contre les haines antireligieuses. Nous poursuivons le travail en l’adaptant et en l’amplifiant encore pour répondre aux mutations des discours de haine, à leur diffusion plus rapide et à leur banalisation insidieuse –⁠ je pense à tous les discours de haine, mes chers collègues, d’où qu’ils viennent, même de certains bancs de l’Assemblée nationale.
    Dans ce combat, ne cédons ni à la complaisance ni à l’excès. Ne tombons ni dans le déni ni dans la surenchère, car chaque citoyen français ou habitant en France doit sentir que sa dignité, son identité, sa foi sont protégées ; c’est ainsi qu’il croira davantage en la République. Mes chers collègues, soyons lucides et déterminés ; soyons simplement républicains.

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon (GDR)

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    Il y a un an, alors que l’extrême droite menaçait de s’imposer aux législatives, j’ai vu la peur, la colère et l’angoisse peser sur le quotidien de nombreux citoyens, en particulier ceux frappés par le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie.

    M. Julien Odoul

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    C’est « Vidéo Gag » !

    Mme Elsa Faucillon

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    Peu après les élections, de nombreuses personnes de confession musulmane m’ont parlé d’un vote de survie face à un climat islamophobe qui empoisonne leur quotidien. Elles aimeraient tellement qu’on parle d’autre chose,…

    M. Julien Odoul

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    C’est vous qui en parlez tout le temps !

    Mme Elsa Faucillon

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    …par exemple du droit au logement ou des moyens d’assurer que les profs sont en nombre suffisant dans les écoles plutôt que du voile que portent certaines accompagnatrices scolaires, du prix des aliments qui ne cesse d’augmenter plutôt que de l’huile qui manquerait à cause du ramadan.
    Ceux avec qui j’ai échangé, musulmanes et musulmans, mais aussi ceux qui se tiennent à leurs côtés ou qui sont considérés comme musulmans simplement parce qu’ils sont d’origine maghrébine, vivent bien souvent les attaques comme un océan d’hostilité ; l’atmosphère devient suffocante. Ils veulent vivre leur confession dans le respect. C’est une part seulement de leur être, et cette part est intime. Vous l’avez dit, madame la rapporteure, l’islamophobie opprime les musulmanes et les musulmans ainsi que celles et ceux qui sont perçus comme tels, en les enfermant dans une identité figée.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Tout à fait !

    Mme Elsa Faucillon

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    Ancrés dans l’histoire coloniale européenne, les préjugés nourrissent l’illusion d’une incompatibilité entre l’islam et les valeurs européennes, agitant le spectre d’une prétendue islamisation, sur lequel prospèrent les mouvements d’extrême droite racistes et xénophobes. En outre –⁠ faut-il encore le rappeler ? –, les musulmans et les musulmanes sont les premières victimes de l’obscurantisme et de la violence de l’islamisme.
    L’islamophobie a des conséquences bien réelles pour nos concitoyens musulmans. Près de la moitié des musulmans vivant dans l’Union européenne déclarent subir des discriminations au quotidien.
    Dans notre pays, depuis mai 2017, au moins soixante-dix-sept attaques ont visé des mosquées. Parmi elles, je pense à l’attaque tragique contre la mosquée de Bayonne, où Claude Sinké, ancien candidat du Rassemblement national, a tenté d’incendier le lieu de culte avant d’ouvrir le feu, blessant grièvement deux personnes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Et voilà !

    M. Raphaël Arnault

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    Terroriste !

    Mme Elsa Faucillon

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    Selon le ministère de l’intérieur, 173 actes antimusulmans ont été recensés en 2024. Cependant, comme le relève le rapport introductif, ce chiffre est bien en deçà de la réalité, car seuls sont comptabilisés les actes signalés aux autorités ; or, face à une islamophobie systémique, combien osent encore franchir la porte d’un commissariat ? Combien sont assurés qu’ils seront crus ? Ces chiffres illustrent donc la difficulté à recenser les actes. L’initiative de l’association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans devrait –⁠ je le souhaite – nous permettre d’obtenir une radiographie plus précise.
    En revanche, ce qui est sûr, c’est que les femmes sont touchées de manière disproportionnée par l’islamophobie. D’après le collectif #NousToutes, elles sont la cible de 75 % des agressions. Dans le discours public, depuis des années, les femmes musulmanes, particulièrement celles qui portent le voile, sont la cible de discours violents. Chaque recoin de la société devient un prétexte pour restreindre un peu plus leur liberté, toujours sous couvert d’une laïcité dévoyée en outil d’exclusion. En 2015, Éric Ciotti proposait l’interdiction du voile à l’université, soutenu par Manuel Valls en 2016.

    M. Julien Odoul

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    Il a raison !

    Mme Elsa Faucillon

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    Michel Barnier et Bruno Retailleau sont allés plus loin, appelant à bannir le voile jusque dans l’espace public, reprenant la rhétorique du Rassemblement national. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Eddy Casterman

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    C’est bien ! Bravo !

    Mme Elsa Faucillon

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    Je pense aussi à M. Odoul qui n’a rien trouvé de mieux que de chercher à humilier devant son enfant une femme qui venait assister à un conseil régional. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Derrière ces attaques, une vieille logique coloniale refait surface, celle qui, hier, prétendait libérer les femmes en leur arrachant leur voile en Algérie. La domination d’hier se perpétue désormais sous d’autres formes, celles de lois islamophobes. Quand les femmes veulent se libérer, elles le font elles-mêmes et nous les soutenons. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit.)
    Lundi dernier, le ministre des outre-mer déclarait : « La haine des juifs […] vient essentiellement du monde arabo-musulman […], en France comme ailleurs. » Voilà comment organiser la guerre de religion plutôt que la rencontre et le dialogue qui sont pourtant essentiels ! Il ne fait que renforcer le mythe d’un nouvel antisémitisme, prétendument importé par l’immigration et l’islam, tout cela au service de l’extrême droite et de sa normalisation.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Tout à fait !

    Mme Elsa Faucillon

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    Pourtant, combattre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, c’est refuser toutes leurs formes, sans hiérarchie ni instrumentalisation.
    Face aux attaques et à l’oppression que subissent les musulmans et les musulmanes, nous avons besoin de reconstruire des digues pour résister à cette hégémonie culturelle qui cherche à faire des Français de confession musulmane ou des personnes de confession musulmane qui résident sur notre territoire des ennemis de l’intérieur. Ça suffit !
    J’espère réellement que ce rapport est un premier pas vers cette reconstruction. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. –⁠ Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure, applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Fayssat.

    M. Olivier Fayssat (UDR)

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    Le discours de nos collègues d’extrême gauche est dangereux et irresponsable. Vous creusez les divisions dans notre pays pour cultiver une rente électorale auprès d’une communauté. En faisant croire à une haine antimusulmans en France, vous manipulez cette communauté.

    M. Raphaël Arnault

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    C’est vous les communautaristes !

    M. Olivier Fayssat

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    En faisant croire en cette prétendue haine, vous montez les Français les uns contre les autres et voulez faire croire aux musulmans de France qu’ils seraient des sous-citoyens et les enfants maltraités de la République (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), le tout sur fond de forte émotion autour de Gaza.
    En somme, vous jouez avec des allumettes au-dessus d’une piscine de kérosène. Vous rêvez de tensions dans la société, tandis que nous rêvons d’unité républicaine. (Rires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Tout ça pour 173 actes antimusulmans par an. Certes, un acte antireligieux est un acte de trop, mais tout de même, prenez conscience de l’échelle des périls !

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    Vous avez lu le rapport ?

    M. Olivier Fayssat

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    En 2024, on recense 1 600 actes antisémites, 1 000 actes antichrétiens et 173 actes antimusulmans, un chiffre en baisse de 30 % par rapport à l’année précédente. Dans le palmarès de la haine, nous débattons donc actuellement du troisième problème en termes de grandeur, mais du premier selon le ressenti de la gauche, ou plutôt selon sa décision.
    Mon propos n’est bien évidemment pas de nuancer la gravité des actes islamophobes. Nous condamnons strictement et sans la moindre ambiguïté ni réserve toute agression visant une personne en raison de ses convictions religieuses, quelle que soit sa religion. La République protège les croyants comme ceux qui ne croient pas. Nous savons que l’extrême gauche lance ce sujet pour flatter une communauté et s’attirer ses bonnes grâces électorales. Les ouvriers et les salariés vous ayant abandonné pour le bloc patriote, vous voulez devenir le parti des minorités et faites de l’électorat musulman votre priorité. Votre parti est celui du communautarisme, tandis que le nôtre, avec Éric Ciotti et Marine Le Pen, est celui de la République.
    Parlons d’islamophobie. Les agressions à l’encontre des religions sont essentiellement motivées par la haine. Dans toutes ses formes, la haine n’est que l’expression violente d’une conjugaison de bêtise, de méchanceté et d’ignorance. Mais je suis convaincu que les rares agressions contre les musulmans sont aussi nourries par une peur rationnelle de l’islamisme. Bien évidemment, ce constat ne saurait en aucun cas justifier la moindre clémence à l’égard de ces comportements, que nous condamnons sans réserve, je le redis.
    Nous devons donc nous demander si ces peurs sont des phobies ou si elles sont rationnelles. Je rappellerai qu’une phobie est un trouble anxieux où l’angoisse se focalise sur un objet, une situation ou une activité précise qui ne la justifie pas. Qu’est-ce qui nourrit l’islamophobie ? Elle est alimentée par les nombreux et terribles attentats commis en France par l’islamisme et son totalitarisme, la présence croissante dans l’espace public des signes de cet islam radical, tels que le burkini ou le hijab, la montée de l’antisémitisme dans une partie de la communauté arabo-musulmane –⁠ ce qu’a rappelé Manuel Valls –, le comportement de certains musulmans extrémistes qui sont ouvertement en conflit avec notre culture, nos mœurs et notre mode de vie et enfin, sur le plan international, les privations de liberté dans des pays dirigés par un pouvoir islamiste et le sort réservé par l’islam radical aux minorités persécutées. De nombreux Français ont donc effectivement peur de l’islam, à tort ou à raison, mais en pleine conscience et à travers des réalités concrètes. Le terme d’islamophobie est en ce sens complètement inapproprié, et il serait plus juste de parler d’islamo-scepticisme.
    Vous ne voulez pas que la haine des musulmans s’installe ? Nous non plus. Tous ici, nous avons des électeurs musulmans dans nos circonscriptions. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Des électeurs français, pas musulmans !

    M. Olivier Fayssat

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    Personne ici, ni aucun groupe n’a le monopole de cet électorat. Vous voulez enfermer des millions de Français dans un déterminisme odieux et antirépublicain. (Mêmes mouvements.) Contrairement à vous, nous n’assignons pas les musulmans à l’islam, mais à la République. J’ai peur de vous choquer, voire de provoquer des sueurs froides et des malaises physiques dans vos rangs en vous annonçant une terrible nouvelle : de nombreux musulmans votent pour l’UDR et le Rassemblement national, pour Éric Ciotti et Marine Le Pen, de Nice à Hénin-Beaumont comme partout en France. Des musulmans refusent votre discours victimaire et vos manipulations.
    La différence entre vous et nous, c’est que nous ne parlons pas aux musulmans comme à des musulmans, mais comme à des Français à part entière. Nous ne flattons pas des origines, nous défendons l’universalisme.

    M. Ludovic Mendes, rapporteur

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    Musulman, ce n’est pas une origine !

    M. Olivier Fayssat

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    Nous défendons un creuset républicain uniforme alors que vous défendez une France archipélisée et morcelée. La meilleure arme contre la peur de l’islam, c’est l’assimilation dans la République. En France, nous devons vivre comme des Français. Il faut défendre et imposer par la loi notre mode de vie à tous : à Marseille comme à Paris, on doit vivre à la française.
    Oui, la peur de l’islam existe, mais pour la faire redescendre, vous faites fausse route : on n’interdit pas aux peuples d’avoir peur, à part dans les régimes communistes qui vous inspirent si souvent. Il n’y a pas de réponse pénale à la peur, il ne peut y avoir qu’une réponse humaine.
    Je préfère donc me tourner vers nos compatriotes musulmans et leur dire : « Rassurez les non-musulmans, les islamo-sceptiques. Participez aux manifestations contre le terrorisme. Affirmez haut et fort que vous privilégierez la loi de la République par rapport à la charia. Luttez contre le totalitarisme islamique. Prônez l’égalité entre les hommes et les femmes. Vivez votre foi dans la sphère privée. »
    Nous devons réduire drastiquement les flux migratoires pour assimiler et établir la République partout, pour faire des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. José Gonzalez

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Odoul.

    M. Julien Odoul (RN)

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    Ce débat ne devrait pas avoir lieu.

    M. Idir Boumertit

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    Mais il a lieu !

    M. Julien Odoul

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    En effet, le mot « islamophobie » ne désigne aucune réalité juridique, sociale ou historique. L’islamophobie n’existe pas ; surtout, elle n’existe pas en France, parce que les Français de confession musulmane ne sont pas discriminés en raison de leur religion dans notre pays. Ce mot n’a pas été conçu pour protéger ; il a été fabriqué pour interdire la critique, la contestation de l’islam politique et le blasphème.
    Chers collègues, ce mot tue : il tue la liberté, il tue la pensée, il tue ceux qui refusent de se soumettre, comme Samuel Paty ou la rédaction de Charlie Hebdo. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    L’islamophobie met une cible dans le dos de tous ceux qui osent défier l’idéologie islamiste, de la jeune Mila à l’imam Chalghoumi en passant par tous les professeurs de la République qui font respecter la laïcité.
    Aujourd’hui, une voix courageuse se fait entendre : celle de Mahyar Monshipour, ex-champion de boxe franco-iranien. Il a dit non, non au voile dans le sport, non à l’effacement des femmes, non à la lâcheté ambiante et non aux idiots utiles de l’islam politique.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Teddy Riner n’en est pas un ! C’est vous qui êtes lâches !

    M. Julien Odoul

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    Depuis quarante-huit heures, il est l’objet d’un déferlement de haine sur les réseaux sociaux, où il se fait traiter du triptyque caractéristique : « Facho ! Traître ! Islamophobe ! »
    Je tiens à saluer et à remercier cet homme, ce résistant, qui a rappelé une vérité qui ne devrait plus faire débat en France : le voile est l’étendard des Frères musulmans.
    Si le voile est la bannière de l’islam politique, l’islamophobie est son cheval de Troie. C’est une arme idéologique forgée par les Frères musulmans, promue par le soft power islamiste et diffusée jusque dans les recommandations du Conseil de l’Europe et les directives de l’ONU.
    Ce soft power vise à instrumentaliser la compassion, à détourner la mémoire, à manipuler les institutions et à imposer une novlangue dans le débat public.
    Des officines comme le Femyso –⁠ Forum des organisations européennes musulmanes de jeunes et d’étudiants –, l’Emisco –⁠ Initiative musulmane européenne pour la cohésion sociale – ou le CCIE –⁠ Collectif contre l’islamophobie en Europe –, émanation du CCIF –⁠ Collectif contre l’islamophobie en France –, qui a été dissous, reçoivent des subventions et organisent des conférences avec des élus de La France insoumise.
    Ces mouvances diffusent leur récit dans les écoles, les médias et les collectivités. À Strasbourg, à Rennes et à Grenoble, les Verts autorisent le burkini et financent les succursales du CCIF avec de l’argent public.
    Si les islamistes nous infiltrent, c’est parce que certains partis politiques islamo-gauchistes ont fait le choix de la collaboration. Aujourd’hui, les Verts défendent moins la nature que l’environnement islamiste.
    Comment osez-vous donner des leçons de tolérance et d’inclusion, alors que vous invitez à vos universités d’été le rappeur Médine, qui est islamiste, antisémite, sexiste et homophobe ? Quel palmarès et quelle honte ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Marine Tondelier, elle, préfère embrasser le terroriste Salah Hamouri lors d’une manifestation, tandis que Sandrine Rousseau considère que le voile islamique est un embellissement de la femme.
    Ces féministes en carton recyclé, qui versent de grosses larmes sur le sort des femmes en Iran et en Afghanistan, font en même temps la promotion du code vestimentaire islamique en France.

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    Oh, ça va !

    M. Julien Odoul

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    Aujourd’hui, 67 % des jeunes salariés disent être confrontés à des faits religieux au travail. Refus de s’asseoir à côté d’une femme, demande de salles de prière et revendication de passe-droits : voilà le véritable séparatisme dont vous êtes les complices.
    Soyons très clairs : personne ne rejette les Français de confession musulmane. Aucun parti ne le fait, et sûrement pas le Rassemblement national.

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    Si, vous ! Vous êtes les premiers à le faire !

    M. Julien Odoul

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    Mayotte, département français où nos compatriotes de confession musulmane représentent 95 % de la population, a voté à 60 % pour Marine Le Pen. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Chaque année, entre 400 000 et 500 000 étrangers, venus majoritairement de pays musulmans, rejoignent la France. Où est la haine ? Où est le rejet ? Il n’y en a pas.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Vous avez voulu revenir sur le droit du sol !

    M. Julien Odoul

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    Comme la majorité des Français de confession musulmane, nous rejetons l’islamisme et toutes ses composantes mortifères –⁠ salafisme, frérisme et mouvement tabligh. Nous nous opposons à tous ceux qui veulent remplacer notre Constitution par la charia et qui utilisent la religion comme instrument de conquête.
    Pour des raisons électoralistes, l’extrême gauche crée un amalgame intolérable entre les musulmans et les islamistes. L’urgence qui devrait tous nous rassembler au-delà des divergences, c’est la lutte acharnée contre l’islamisme.
    À ce titre, nous avons entendu que le ministre de l’intérieur semblait disposer d’éléments précis sur la dangerosité des Frères musulmans. Marine Le Pen et le Rassemblement national alertent sur cette menace depuis de longues années.
    Qu’attend le gouvernement pour interdire cette organisation totalitaire qui étend ses tentacules partout sur le territoire national, jusqu’au cœur de la mosquée de Paris ?
    Dans ce combat vital pour la République, faire semblant est une trahison, se payer de mots, une capitulation.
    Au Rassemblement national, nous sommes les défenseurs d’une certaine idée de la France : une République laïque, libre et fière de ses valeurs ; une République qui refuse le passage à l’heure islamiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Sébastien Delogu

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    Pitoyable !

    M. le président

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    La parole est à Mme Amélia Lakrafi.

    Mme Amélia Lakrafi (EPR)

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    Ne taisons pas les choses –⁠ nombre d’entre vous ne l’ont d’ailleurs pas fait –⁠ : notre pays connaît une montée de l’intolérance et une réactivation des tensions dites communautaires, sur fond de crise au Proche-Orient.
    C’est ce qu’on appelle traditionnellement « l’importation du conflit israélo-palestinien ». Le contexte international a bon dos, car ces tensions ne datent pas d’hier.
    Elles se concrétisent par des statistiques qui font froid dans le dos : celles-ci montrent une explosion des violences en direction de communautés religieuses ou ethniques.
    L’an dernier, plus de 1 500 actes antisémites, plus de 170 actes antimusulmans et 700 actes antichrétiens ont été enregistrés. Le premier chiffre est celui qui heurte le plus les esprits, car il concerne une communauté qui ne représente qu’une infime proportion –⁠ 1 % – de la nation française.
    Je ne peux hélas nier le fait que, dans de nombreux faits divers, les auteurs des violences sont des musulmans manipulés par ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux et à la télévision. Je pense à l’instrumentalisation de la situation dramatique de personnes qui vivent à 4 000 kilomètres de chez nous.
    D’autres sont influencés par les courants obscurantistes qui sévissent dans certaines mosquées et sur internet. Il convient de lutter beaucoup plus fermement contre ces derniers.
    Il faut également dénoncer certains courants politiques de gauche, voire d’extrême gauche –⁠ ils se reconnaîtront –, qui jettent de l’huile sur le feu pour des raisons apparemment électoralistes. Je les laisse à leurs calculs.
    Je constate aussi le flot d’insanités et de haine qui ressurgit à chaque drame –⁠ et même, à chaque incident – dans lequel est impliqué un musulman, à chaque épisode de cette interminable polémique sur le voile et à chaque fois qu’un différend nous oppose à un pays du sud de la Méditerranée.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    C’est clair !

    Mme Amélia Lakrafi

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    Certains partis et médias se font désormais les relais de cette haine, au nom d’une interprétation excluante de la laïcité. Ils utilisent la triste augmentation des actes antisémites pour cibler –⁠ à mots couverts, mais le message est clair – les Français de confession musulmane.
    C’est en particulier le cas d’une certaine droite dure et de l’extrême droite qui, en invoquant des arguments faussement républicains et respectables, dissimulent ce qui n’est, en réalité, que du racisme.
    On fait ainsi aisément l’amalgame entre musulmans et islamistes, entre Arabes et musulmans, et entre l’islamisme –⁠ voire l’islam – et le terrorisme.
    Bien entendu, ce que nous pouvons appeler la communauté musulmane –⁠ même si je ne fais pas de différence entre Français – a également un travail à accomplir.
    Il y a des personnes radicalisées, c’est vrai. Il y a des individus et des quartiers qui vivent repliés sur eux-mêmes et qui nourrissent une haine de la modernité. Il existe des pressions et des pratiques qui empêchent délibérément de nouer du lien avec le reste de la société.
    En effet, il n’y a pas à ce jour d’autorité légitime qui coordonnerait un islam conforme aux principes de la République. Toutefois, l’immense majorité des Français musulmans souhaitent avant tout vivre en paix dans leur pays. Ils souhaitent aussi –⁠ et c’est leur droit – conserver la liberté de pratiquer leur culte.
    Ils vivent chaque attentat ou drame impliquant un musulman comme un coup de poing dans le ventre. Le flot de commentaires haineux qui suit, dans certains médias ou dans la bouche de personnalités politiques, est ressenti comme une violence supplémentaire. En quelque sorte, c’est la double peine.
    En tant que femme musulmane et élue, je ne peux pas rester silencieuse face à la montée de la stigmatisation des musulmans, qui est alimentée par les outrances de certains de nos responsables politiques.
    Lorsqu’on associe sans nuance l’antisémitisme au monde arabo-musulman et que l’on identifie des pratiques religieuses banales à des menaces, on ne cible pas seulement l’islamisme : c’est moi que l’on vise, et avec moi, des millions de Français stigmatisés.
    Ces amalgames ne sont pas seulement des maladresses ; ils ont aussi des conséquences. De mon point de vue, ils trahissent notre promesse républicaine d’égalité. Nous devons forger une parole publique qui nous élève, au lieu de nous diviser. (M. le rapporteur applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Delogu.

    M. Julien Odoul

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    Nous attendions ce moment avec gourmandise !

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Écoutez-le bien !

    M. Sébastien Delogu (LFI-NFP)

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    Le RN, on s’en fiche de ce que vous dites !

    M. Julien Odoul

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    La réciproque est vraie !

    M. le président

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    Allons, monsieur le député, concentrez-vous sur votre intervention.

    M. Sébastien Delogu

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    Oui, mais je me fais invectiver, comme d’habitude !
    Vous savez quel est votre problème, monsieur Odoul ? C’est que vous avez beau faire des photos de charme, vous ne ressemblez toujours à rien.

    Un député du groupe RN

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    Allez, un petit brin d’homophobie !

    M. Sébastien Delogu

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    J’aimerais commencer par rappeler à tous les Français que la République leur appartient, indépendamment de leur religion, de leur couleur de peau ou de leurs origines. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Notre République a pour ambition de traiter tous ses enfants à égalité. Elle ne fait pas de différence entre nous, car elle est laïque et respecte toutes les croyances. Toutefois, il ne suffit pas de le dire pour que cela existe : c’est un chemin, celui de tout républicain.
    Aujourd’hui, l’égalité républicaine n’est plus garantie pour les Français musulmans. Chaque jour, une nouvelle polémique, qui prend parfois sa source au plus haut sommet de l’État, les humilie un peu plus.
    Lundi, les musulmans sont responsables d’une pénurie d’œufs. Mardi, ils propagent des punaises de lit dans les transports en commun. Mercredi, les femmes qui portent un voile menacent la République. Jeudi, les cours d’arabe servent à former des générations d’islamistes. Vendredi, Manuel Valls, ministre de la République, prétend que l’antisémitisme vient essentiellement et historiquement du monde musulman.
    Ce n’est pourtant pas mon grand-père, né à Oran, qui a déporté les juifs à Auschwitz. Il était trop occupé à libérer la France à Monte Cassino, pendant qu’une partie de la classe politique, qui ressemble étrangement à celle qui est sur ces bancs, sombrait dans la collaboration. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Ce sont les mêmes mots et les mêmes amalgames que l’on retrouve dans la bouche des ministres français bollorisés et des chiens de garde médiatiques –⁠ Pascal Praud, Cyril Hanouna, Geoffroy Lejeune et ce cher Jean-Jacques Bourdin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Julien Odoul

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    Si j’étais vous, je ne citerais pas Hanouna !

    M. Sébastien Delogu

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    Je vous le demande : quelle différence y a-t-il entre le Conseil des ministres et les plateaux de BFM TV et de CNews ?

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Eh oui !

    M. Sébastien Delogu

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    Les Français ne se sentent pas en sécurité, vous nous parlez d’islam. Les Français ne peuvent plus se nourrir, vous nous parlez d’islam. Les Français n’arrivent pas se chauffer, vous nous parlez d’islam. Les Français n’arrivent pas à se loger ou à payer leur loyer, vous nous parlez d’islam. Les Français n’arrivent plus à vivre de leur travail et sont à découvert, vous nous parlez d’islam. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Pour vous, le seul problème de la France, c’est l’islam et les musulmans. Pendant que vous faites durer ce cirque raciste, vous ne vous occupez pas des vrais problèmes des Français.
    Quand il faut se mettre en scène pour rompre le jeûne et gratter ainsi quelques voix, vous ne manquez jamais à l’appel ; mais quand il s’agit de marcher contre toutes les formes de racisme et pour l’unité du peuple, il n’y a plus personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Les donneurs de leçons n’étaient pas là. Ils étaient sur les plateaux de télé, à attiser la haine entre les Français juifs et les Français musulmans, et à propager des fake news monumentales.
    Pour vous, c’est une polémique de plus ; pour des millions de Français de toutes confessions, c’est une blessure qui s’ajoute à une peur bien entretenue.
    Je pense aux mamans de mes quartiers, blessées dans leur chair parce qu’elles portent un voile ; à leurs enfants, humiliés tous les jours ; et aux juifs de ce pays qui vivent dans la peur.
    Je veux leur dire : tenez bon ! Ne cédez pas ! Ne baissez pas les yeux ! Car la France sans vous ne peut pas être la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Je vous en fais le serment : notre force politique, c’est la vôtre. Nous ne vous abandonnerons jamais face au racisme et à la haine.

    M. Théo Bernhardt

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    Il croit vraiment ce qu’il dit ?

    M. Sébastien Delogu

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    Oui, nous combattrons toujours le poison de la division.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Exactement !

    M. Julien Odoul

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    Le Jean Moulin du Hamas !

    M. Sébastien Delogu

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    Nous nous tiendrons toujours à vos côtés et nous défendrons tous les enfants de la République, car c’est cela, l’honneur de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Romain Eskenazi.

    M. Romain Eskenazi (SOC)

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    Depuis mon élection, c’est la première fois que j’ai l’honneur de m’exprimer à cette tribune.
    Je le fais, car ce sujet est à l’origine de mon engagement politique. Il y a vingt ans, j’ai choisi de combattre l’exclusion et la haine, donc l’extrême droite et ses idées. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Avant d’être un homme de gauche, je suis un républicain foncièrement attaché à la liberté, à l’égalité, à la fraternité et à la laïcité. J’aspire à une société où chaque citoyenne, chaque citoyen, quelles que soient ses croyances, pourra vivre en paix et en sécurité.
    La semaine dernière, je suis ainsi intervenu en commission pour défendre une résolution visant à faire de la lutte contre l’antisémitisme une priorité des politiques publiques européennes à travers une action globale de lutte contre toutes les haines. Et aujourd’hui, je me tiens devant vous, au nom du groupe Socialistes et apparentés, dans le cadre d’un débat proposé par nos collègues du groupe Écologiste et social pour alerter le gouvernement sur des phénomènes qui gangrènent notre société et le vivre-ensemble dans notre pays : l’islamophobie et la haine antimusulmans.
    Près de 6 millions de Français de confession musulmane vivent dans notre pays et nous ne pouvons que constater la hausse du nombre d’actes antimusulmans,…

    M. Julien Odoul

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    C’est faux !

    M. Romain Eskenazi

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    …c’est-à-dire de violences, de menaces ou de discriminations censées être réprimées par la loi. Leur nombre a augmenté de 30 % en 2023, et 173 ont été signalés en 2024. En février dernier, la mosquée de Jargeau, dans le Loiret, a été incendiée et 107 lieux de culte musulmans ont été pris pour cible en 2021. Ces chiffres alarmants sont largement sous-évalués, car de nombreux délits ne font pas l’objet d’une plainte.
    L’islamophobie, quant à elle, ne figure pas dans la loi. Elle qualifie une hostilité, une peur ou un rejet des musulmans. D’après l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, en 2024, près d’une personne musulmane sur deux au sein de l’Union déclare subir des discriminations, et 70 % des Français de confession musulmane qui ont quitté le territoire national l’ont fait pour fuir des discriminations. Le phénomène est grave et massif. Certes, il est multifactoriel, mais on ne peut pas nier le poids des amalgames entre islam et islamisme radical et violent.

    M. Julien Odoul

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    Vous le faites en permanence !

    M. Romain Eskenazi

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    L’islamisme tue : il a tué à Toulouse, à Paris, à Nice. L’islamisme est l’ennemi de la République ; nous devons le combattre sans naïveté, avec force et détermination. Mais les millions de Français musulmans qui pratiquent un islam pacifique ne peuvent pas être les victimes collatérales de cette guerre menée au nom de nos valeurs et de notre survie.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Tout à fait !

    M. Romain Eskenazi

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    Or ces amalgames, qui mettent en péril le vivre-ensemble, sont alimentés par les médias et par certains responsables politiques. Les propositions de mesures discriminantes faites par une partie de la droite et par l’extrême droite se multiplient, soi-disant pour faire face à la montée du communautarisme. Or, bien souvent, ce ne sont pas nos compatriotes musulmans qui s’excluent de la République, mais les politiques qui les rejettent…

    Un député du groupe RN

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    Lesquels ?

    M. Romain Eskenazi

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    …et qui renforcent, de fait, le phénomène qu’ils prétendent combattre.
    Le sport, l’université, la participation à la vie de la collectivité sont des outils émancipateurs de la République. En interdisant aux femmes musulmanes portant le voile de faire du sport dans un cadre collectif, en leur interdisant d’étudier à la faculté ou de participer aux sorties scolaires en tant qu’accompagnatrices, l’État ne ferait donc que nuire à l’intégration de ces citoyennes…

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Et aux droits des femmes !

    M. Romain Eskenazi

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    …et renforcerait le sentiment d’exclusion et de repli sur soi.
    Ces attaques en règle de la droite et de l’extrême droite sont bien souvent menées au nom de la laïcité, dont le sens a été totalement perverti, par ignorance ou calcul politicien.

    M. Julien Odoul

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    C’est vous qui l’avez dévoyé !

    M. Romain Eskenazi

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    L’article 1er de la loi de 1905 dispose que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes […] dans l’intérêt de l’ordre public. » La neutralité concerne l’État, ses services, ses agents et les élèves, justement pour garantir cette liberté de culte.
    Je le dis avec force au Rassemblement national : en voulant interdire le voile dans la rue, vous confirmez une fois de plus que vous n’êtes pas un parti républicain, car cette mesure serait radicalement opposée au principe de laïcité, qui est au fondement de notre République. En 2011, les présidents du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) écrivaient ensemble dans une tribune que « le musulman a pris la place tenue hier par le Juif, l’Arabe ou l’immigré dans la dialectique frontiste ».

    Un député du groupe LFI

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    Ils sont trop à gauche pour eux !

    M. Romain Eskenazi

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    Je ne fais pas ici la promotion du voile. S’il est, en Iran et en Afghanistan, un outil d’oppression de la femme, il ne doit pas devenir ici un instrument de discrimination et d’exclusion de nos compatriotes musulmanes : les femmes doivent avoir le choix et être libres de leur choix.

    M. Julien Odoul

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    Elles n’ont pas le choix !

    M. Romain Eskenazi

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    Voltaire disait : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » Eh bien, c’est en tant qu’élu républicain et laïque, ne pratiquant moi-même aucune religion, que je me battrai pour la liberté des musulmanes de vivre comme toutes les autres citoyennes dans notre pays.
    Que faire pour lutter contre ce phénomène ?

    M. Julien Odoul

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    Combattre les Frères musulmans !

    M. Romain Eskenazi

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    Il faut d’abord mettre fin à la surenchère législative contre nos compatriotes musulmans. Il faut également mieux appliquer la loi pour protéger les victimes de discriminations. D’après l’enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité, diligentée par le ministère de l’intérieur, moins de six condamnations sont prononcées chaque année pour actes racistes, alors que plus de 1 million de personnes se disent victimes de tels actes. Il faut donc renforcer les moyens de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), pour lui permettre de mieux financer les associations d’aide aux victimes qui se portent partie civile dans les procès, développer les actions de sensibilisation sur la connaissance des religions, renforcer les actions éducatives et susciter des rencontres et des échanges, qui sont les meilleures armes contre les préjugés.
    Mais la parole politique a également son importance. Les partis et les responsables politiques qui attisent la haine n’ont pas peur des mots. À la haine et à l’intolérance, opposons l’amour et la bienveillance. Nous non plus, n’ayons pas peur des mots ! Je le dis ici, dans le temple de notre démocratie, en tant qu’élu de la nation, à tous nos compatriotes musulmans, comme je le dis à nos compatriotes juifs et à toutes celles et tous ceux qui se sentent exclus ou discriminés : la République vous aime. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin (DR)

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    Non, la France n’est pas islamophobe. Mais oui, il existe d’authentiques actes antimusulmans. Oui, des discours racistes assimilent la religion musulmane, le djihadisme et le terrorisme. Oui, certains professent l’idée, évidemment fausse, qu’on ne pourrait pas à la fois être musulman et aimer la France. Et oui, certains discours laissent entendre aux musulmans qu’ils ne seront jamais totalement français. Tout cela est vrai.
    Alors, du haut de cette tribune de l’Assemblée nationale, à vous, mes compatriotes musulmans, je veux dire : « Vous êtes mes frères en citoyenneté. » Et partout où vous serez menacés parce que vous êtes musulmans, partout où vous aurez à souffrir de tels dénis de francité, partout, vous nous trouverez debout à vos côtés. Car je me souviens de Monte Cassino.
    Ma France n’a pas de problème avec l’islam ou avec les musulmans. En revanche, elle a un problème avec l’islamisme, qui place une loi divine, intangible, au-dessus des lois humaines et à l’abri des interprétations. Pour reprendre les mots de la philosophe Sylviane Agacinski, l’islamophobie est un concept politique qui brouille les cartes et sert à masquer le prosélytisme islamiste. Pour les islamistes, c’est simple : vous êtes islamophobe quand vous critiquez la religion.
    Vous n’y croyez pas ? Eh bien, écoutez Salman Rushdie : il dit que Les Versets sataniques seraient aujourd’hui qualifiés d’islamophobes. Or oui, en Europe, on a le droit de critiquer Dieu. Et critiquer Dieu, ce n’est pas professer la haine des croyants ; c’est la première de nos libertés d’expression. C’est même cette liberté vis-à-vis des textes sacrés qui a permis le développement intellectuel de l’Europe, parce que lorsque l’homme est libre vis-à-vis de Dieu, il est totalement libre. Libre d’inventer, d’étudier, de vivre, de créer, d’aimer. En revanche, quand il est tenu par des textes sacrés dont on ne peut changer la moindre virgule, l’homme est soumis. Dans les pays où la loi religieuse prévaut, la science est aux ordres, la théorie de l’évolution est fausse, la Shoah n’a pas existé, les filles ne vont pas à l’école, la création artistique est bridée et l’on est condamné quand on aime qui l’on veut. (Mme Sandrine Rousseau s’exclame.)
    Écoutez Élisabeth Badinter, qui dit que face à la montée des fondamentalismes, nous devons pouvoir défendre la laïcité et la liberté d’expression sans avoir peur de nous faire traiter d’islamophobes. Que cherchent les islamistes, avec le mot « islamophobie » ? À monter les Français les uns contre les autres, car en prétendant que critiquer la religion, c’est détester les croyants, ils veulent faire croire aux musulmans que la France les déteste, qu’ils sont opprimés…

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Ça, c’est CNews !

    M. Philippe Juvin

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    …et qu’étant opprimés, ils doivent se défendre en exigeant une communautarisation de la société, c’est-à-dire sa fragmentation en groupes, qui, à un moment, deviendront forcément antagonistes. Et ça marche : 73 % des jeunes musulmans disent préférer la loi religieuse à la République.

    Un député du groupe RN

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    Eh oui !

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Il sort d’où ce sondage ? D’un Kinder Surprise ?

    M. Philippe Juvin

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    Et qui sont les premières victimes de cette situation ? Les Français musulmans, car en traitant de racistes tous ceux qui refusent les signes religieux à l’école ou sur les terrains de sport, les fondamentalistes essentialisent les musulmans en les ramenant toujours à leur religion, pour les séparer du reste de la nation. Alors, que faire ? Comment éviter que deux France se regardent avec défiance ? D’abord, en permettant à chacun, particulièrement aux femmes, de choisir comment elles veulent mener leur vie ; ensuite, en investissant dans l’éducation, avec une école qui fasse aimer la France, qui forme à l’esprit critique et à l’acceptation d’un désaccord respectueux.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Il y en a marre du privé catholique !

    M. Philippe Juvin

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    En faisant en sorte que l’État fonctionne et qu’il réponde à la promesse d’un avenir meilleur. En luttant contre les discriminations, car elles sont le terreau le plus fertile pour jeter les jeunes dans les bras des islamistes. En organisant, enfin, avec les musulmans, un islam de France. Car un islam désorganisé est une proie facile pour les islamistes. La lutte contre les islamistes ne se fera pas sans les musulmans. Notre combat à nous tous devrait être celui-ci, mes chers collègues : un combat intellectuel, moral, politique. Notre promesse républicaine, c’est de traiter chaque individu avant tout comme un citoyen ; c’est de faire en sorte qu’il se reconnaisse dans les lois de la République, plutôt que dans toute autre norme, fût-elle religieuse.
    À vous, Français musulmans qui aimez la France, je le redis : nous sommes frères en citoyenneté. Ne vous laissez pas manipuler. Les islamistes veulent vous enfermer, ils vous mentent. Non, la France n’est pas islamophobe. Elle est accueillante. Et je vous ouvre mes bras : nous sommes tous les enfants de la même République.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Quelle honte !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    La République est une promesse. Une promesse qui nous engage, une promesse qui nous lie : celle de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Une promesse qui nous rappelle à chaque instant que nous ne sommes pas une juxtaposition de communautés, mais une nation. Une nation de citoyennes et de citoyens unis par des valeurs et des principes pour lesquels nous ne devons jamais cesser de nous battre. Nous devons nous battre pour l’égalité, pour la dignité, pour ce contrat qui est au fondement même de notre démocratie : que chacun puisse être reconnu et protégé par la République, quelles que soient ses origines, sa religion et son identité, réelle ou supposée.
    Vous avez fait le choix de débattre d’une réalité qui ne doit pas avoir sa place dans notre République : la haine envers nos concitoyens de religion ou de culture musulmane. Certains l’appellent islamophobie.
    Je récuse fermement ce terme, parce que son ambiguïté est dangereuse et trop souvent instrumentalisée, et qu’il ne dit pas ce que nous combattons. Ce que nous combattons, ce n’est pas ce que la République permet depuis la suppression du délit de blasphème, à savoir critiquer librement, moquer librement ou caricaturer librement une religion. En France, certains ont payé de leur vie ce droit au blasphème et à la caricature. Ce que nous combattons, c’est l’essentialisation, qui enferme nos concitoyens dans ce qu’on pense qu’ils sont et qui les limite à leur identité.
    La distinction est déterminante : d’un côté, il y a les critiques légales, dans le cadre des lois de la République ; de l’autre, il y a des actes et des discours qui, eux, tombent sous le coup de la loi pénale. C’est pourquoi l’emploi des termes « haine antimusulmans » est celui qui convient à notre cadre républicain et au combat qu’ensemble nous devons mener avec détermination –⁠ précisément au nom de la promesse républicaine.
    En 2024, on a recensé 173 actes antimusulmans, ce qui correspondait à une baisse de 29 % par rapport à l’année précédente. Cette diminution doit toutefois être mise en regard avec les chiffres publiés il y a quelques jours par le service statistique du ministère de l’intérieur. Ce dernier a enregistré 16 000 infractions à caractère raciste, xénophobe et antireligieux pour l’année 2024, soit une hausse de 11 % par rapport à l’année dernière. Depuis 2016, ces actes augmentent en moyenne de 8 % par an. Nous assistons bien à une hausse globale et préoccupante des actes de haine et de violence, phénomène que nous ne devons ni minimiser ni relativiser.
    Ces chiffres ne reflètent qu’une partie de la réalité : combien de victimes, par crainte ou par résignation, ne portent pas plainte ? Combien subissent dans le silence les agressions physiques, les intimidations, les attaques de lieux de culte ou la haine sur les réseaux sociaux ? Combien subissent la conséquence de cette haine, à savoir des discriminations au quotidien ?
    En 2019, 31 % de nos compatriotes musulmans déclarant avoir subi une discrimination l’attribuaient à leur religion, contre 15 % lors de la précédente enquête, il y a dix ans. Cette hausse est inacceptable ; nous devons être intransigeants. Nous ne pouvons accepter ni les attaques haineuses, quelle qu’en soit la forme, ni les discriminations qui reviennent à dire à certains de nos concitoyens : « Tu ne seras jamais tout à fait des nôtres ». Nous devons les combattre sans relâche, avec la même détermination, sans distinction ni hiérarchie. Nous devons les combattre avec la force de nos convictions et l’engagement indéfectible de celles et ceux qui refusent que la haine devienne une fatalité.
    Être républicain, c’est être acteur. C’est refuser l’indifférence, ce poison qui gangrène notre société et permet aux injustices de prospérer. Je veux le dire très clairement : se taire, c’est accepter. Détourner le regard, c’est encourager. Face à la haine et aux discriminations, nous devons opposer l’engagement de toute notre société et l’unité de notre République. Si nous cédons à l’essentialisation, si nous cédons au piège du repli, si nous laissons s’installer l’idée que seul celui qui souffre dans sa chair peut légitimement se battre, alors nous avons déjà perdu.
    Depuis quand faut-il être victime pour s’indigner ? Depuis quand faut-il être concerné pour agir ? La lutte contre les haines, les discriminations, constitue un combat universel et universaliste pour la liberté, l’égalité, la dignité, la justice, pour la laïcité, pour la République ; un combat qui exige des moyens, des outils, des décisions, une volonté politique. Nous menons ainsi une politique déterminée en vue de mieux accompagner les victimes et sanctionner davantage les auteurs : ces dispositions forment le cœur du plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine pour 2023-2026, dont j’assure la coordination et la Dilcrah, sous mon autorité, la mise en œuvre.
    S’agissant particulièrement des musulmans, l’État, comme l’a mentionné le rapporteur, soutient l’association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans ainsi que la création d’une plateforme de signalement de ces actes, mesures concrètes, efficaces, indispensables en vue de mieux les quantifier et d’apporter des réponses appropriées. Il importe d’agir avec détermination : je souhaite que les travaux parlementaires engagés à ce sujet, notamment la proposition de loi déposée par Marc Ferracci, puissent progresser rapidement, car des dispositifs permettant d’établir la preuve de discriminations ouvriraient la voie à un dialogue exigeant avec les entreprises et à des mesures correctives, nécessaires si nous voulons agir sur le réel. Trop souvent, les auteurs de ces discriminations se cachent derrière des justifications fallacieuses : subjectivité du choix, manque prétendu d’adéquation aux compétences, critères opaques, insidieux. Écarter un candidat à l’emploi en raison de son nom ou de son adresse, un locataire en raison de sa couleur de peau, de son origine réelle ou supposée, fermer une porte pour des motifs que l’on n’avouera jamais est inacceptable ; cela doit cesser.
    La ligne du gouvernement est très claire, ne souffre aucun compromis, toujours susceptible de devenir compromission, et tient en un mot : intransigeance –⁠ à l’égard de tout acte de haine, toute forme de discrimination, mais aussi à l’égard de l’entrisme, du prosélytisme, de l’intégrisme religieux. Il s’agit là d’un seul et même combat, dans lequel nous devons faire preuve d’une fermeté absolue, y compris face aux attaques contre la laïcité. En République, la laïcité est une protection. Elle n’exclut pas : sur nos terrains de sport, personne n’est interdit, aussi longtemps que chacun se conforme et se soumet aux lois républicaines. Elle rassemble autour de nos valeurs universelles. Elle n’est pas négociable, car elle constitue la condition même de notre liberté, de notre égalité. C’est pourquoi je réaffirme que le gouvernement ne reculera pas ; jamais la République ne tolérera la haine.
    À celles ou ceux qui mettraient en cause la République et ses lois, je le rappelle clairement : aucune loi ne vise ni ne stigmatise certains de nos concitoyens en raison de leur religion.

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    Si !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Faire croire le contraire revient à attiser la haine, à creuser le fossé générationnel qui divise malheureusement notre pays. La législation française ne distingue aucun culte,…

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    Si, si !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    …aucune religion. Le racisme hiérarchise ; la loi unifie et rassemble. Je l’affirme avec gravité, nous ne plierons pas : il s’agit de la République, qui jamais, je le répète, n’acceptera l’intolérance, les divisions, les discriminations, les haines. Jamais la France ne deviendra un assemblage de communautés, elle qui ne reconnaît que la communauté nationale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    Nous en venons aux questions, qui, comme les réponses, ne doivent pas durer plus de deux minutes ; moins serait même préférable, car nous avons un peu débordé, et les deux débats de cet après-midi doivent être achevés au plus tard à vingt heures. Chers collègues, je fais appel à votre sens de la discipline !
    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau (EcoS)

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    Parler de l’islamophobie, tenter de circonscrire le sujet, de l’objectiver, de le réguler, semble presque vain, lorsque la chose est devenue une sorte de sport national. Pas une semaine ne s’écoule sans que soit émise une proposition visant les musulmanes ; pas un débat sur ce point sans amalgame entre musulmans, islam et islamisme. Une rhétorique subtile concernant l’ennemi de l’intérieur, la menace insidieuse dont serait porteur à peu près chaque musulman de France, est désormais banale, commune, presque imperceptible. De discrimination fondée sur la religion, donc de délit, comme l’établissent le Défenseur des droits et le code pénal, l’islamophobie se transforme en opinion politique.
    Précisément parce que nous en sommes là, il est urgent de comptabiliser, de rendre visible ce qui a cessé de l’être : dégradations aux abords des lieux de culte, profanation de tombes, agressions verbales ou physiques de femmes voilées, attentats racistes et antimusulmans, comme au centre culturel kurde Ahmet-Kaya ou, dans le 10e arrondissement de Paris, lors de la projection d’un film par le collectif Young Struggle, fusillades à proximité des mosquées, tentatives d’assassinat et même meurtres, par exemple celui, le 31 août 2024, de Djamel Bendjaballah. La haine antimusulmans tue ! À quand un observatoire, une politique publique à ce propos, permettant aux musulmans français de se sentir respectés, entendus ; à quand de grands programmes de formation à la lutte contre le racisme au sein de la police, des pompiers, de tous les services publics ? La peur des insultes, menaces, agressions en pleine rue, d’un retour des ratonnades, est très présente parmi les musulmans de France, qui ne se sentent plus en sécurité. Ne tournons pas le dos à la devise écrite au fronton de tout bâtiment public : Liberté, Égalité, Fraternité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. –⁠ Mme Soumya Bourouaha applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Aurore Bergé, ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Contrairement à ce que vous avez dit, ce n’est pas l’islamophobie qui constitue un délit, mais la discrimination : dans cette différence entre deux termes réside tout l’enjeu du débat que nous venons d’avoir. La dénomination appropriée est celle d’actes antimusulmans, correspondant à la réalité quantifiable, mesurable. Encore une fois, je récuse fermement celle que vous employez, car elle suscite le trouble, l’incapacité à agir pour la cause qui devrait nous rassembler, c’est-à-dire contre toute forme de haine et de discrimination. Au demeurant, non seulement les policiers et les gendarmes, mais les magistrats et l’ensemble des agents publics sont formés, comme l’impose en effet la devise républicaine, à la lutte non contre l’islamophobie, mais contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discrimination. Ceux qui, dans notre pays, veulent faire croire aux musulmans qu’ils n’y seraient pas les bienvenus instrumentalisent le sujet et nos compatriotes musulmans, ce que je refuse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Sandrine Rousseau

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    Et ceux qui parlent du voile du matin au soir ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi (EcoS)

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    En 2011, les présidents respectifs du Crif et de la Licra écrivaient déjà : « Ainsi le musulman a pris la place tenue hier par le Juif, l’Arabe ou l’immigré dans la dialectique frontiste. Ne nous y trompons pas : ceux qui parlent de l’islamisation de la France sont guidés par la même obsession xénophobe que ceux qui dénonçaient la judaïsation de notre pays dans les années 1930. »

    M. Julien Odoul

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    Ce parallèle est odieux ! Quelle horreur !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous avons entendu cet après-midi les pires horreurs, en particulier de la part de l’extrême droite, qui a hurlé sa haine du musulman. Tout y est passé, dans un amalgame aussi dangereux qu’indigeste, aux relents de guerres de religion : certains ont parlé de rente électorale, d’électorat musulman,…

    Un député du groupe RN

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    C’est le programme de Mélenchon !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    …et même invoqué des raisons sémantiques en vertu desquelles l’islamophobie n’existerait pas. Or je rappelle que le terme apparaît pour la première fois dans une thèse de droit publiée en 1910 et dont l’auteur, rédacteur au ministère des colonies, le définissait ainsi : « L’islamophobie : il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’Islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. » Ainsi, lorsque Marine Le Pen et ses soutiens proposent de bannir le voile de l’université, des sorties scolaires, voire de l’espace public, le ministre de l’intérieur reprend leurs idées. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.) Combien de temps laisserez-vous l’extrême droite vous dicter son agenda islamophobe ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)

    Un député du groupe RN

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    Tout en douceur !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Personne ne dicte au gouvernement son agenda, si ce n’est les Français, qui attendent de nous rassemblement et fermeté ; fermeté, refus de toute complaisance, en matière de lutte contre toute forme de haine et de discrimination, mais aussi contre le prosélytisme religieux. Nous devons réaffirmer cette ligne républicaine, car le danger réside dans la division : l’entrisme islamiste –⁠ je ne confonds pas, moi, islamisme et islam, alors que l’amalgame existe malheureusement des deux côtés de cet hémicycle – est devenu le pire ennemi de nos compatriotes musulmans, qui aspirent à vivre, et vivent déjà, dans le respect des lois de la République !

    Un député du groupe RN

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha (GDR)

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    Il n’est pas anodin que nous ayons ce débat : dans notre pays se propage une ambiance nauséabonde, nourrie en premier lieu par l’extrême droite, mais insidieusement reprise par la Macronie, ainsi que par une droite qui n’a plus de républicain que l’intitulé. Lorsqu’il s’agit de trouver un coupable aux maux qui frappent notre société, nos compatriotes de confession musulmane ont le dos large ! Ce sont ainsi, je le répète, certains de nos concitoyens qui sont montrés du doigt en permanence. Cette division du peuple français en catégories, voire en sous-catégories, est insupportable. Si, en 2021, nous avons pu croire que la dissolution de Génération identitaire amorçait une lutte de l’État contre les groupes d’extrême droite, ceux-ci n’en continuent pas moins d’insulter, d’agresser, de tuer.
    Lorsqu’un crime raciste est commis sur le sol français, que fait le ministre de l’intérieur ? Quelles mesures prend-il, lui qui s’empare avec tant de promptitude des faits divers susceptibles de servir ses vues personnelles ? Comment comprendre qu’après le meurtre de Djamel Bendjaballah, près de Dunkerque, par un milicien survivaliste d’extrême droite, rien n’ait été fait pour que de tels actes ne se reproduisent pas ? Comment peut-il encore exister dans notre pays de tels groupuscules, qui ne sèment que la haine de l’autre ? Plutôt qu’à l’impuissance, je croirais volontiers à l’absence de volonté politique ; or, en l’occurrence, la main de l’État ne doit pas trembler. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Heureusement, la main de l’État ne tremble pas : vous avez d’ailleurs rappelé que des groupuscules de cet ordre ont été dissous par décret en Conseil des ministres. Identitaires, essentialistes, défiant la République ou, pour reprendre votre formule, montrant du doigt certains de nos compatriotes,…

    M. Jean-François Coulomme

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    Comme le fait CNews ?

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    …la République a raison de ne rien leur céder, qu’ils soient d’extrême droite ou d’extrême gauche. C’est grâce à la Dilcrah, donc à l’État, qu’Éric Zemmour a été condamné aujourd’hui même pour avoir évoqué, à la suite de l’épouvantable drame de Crépol, des « dizaines de morts de la main des racailles arabo-musulmanes ». Faire croire que nous n’agissons pas équivaut à faire croire à nos concitoyens qu’ils ne sont pas soutenus, alors que cette cause devrait justement nous rassembler.

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu (GDR)

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    Les actes racistes, antisémites, discriminatoires répertoriés, qui révèlent une France fracturée, ne constituent que la partie émergée de l’iceberg. Comme l’a excellemment souligné Elsa Faucillon au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, bien des violences, notamment subies par nos compatriotes musulmans, passent sous les radars ; l’extrême droite en fait son miel. Remarques, vexations, contrôles au faciès sont autant d’insultes à notre devise nationale ! Je m’attarderai sur un cas emblématique : en novembre 2024, dans les Bouches-du-Rhône, une mère de famille de 43 ans était rouée de coups, dans l’espace public, par deux autres femmes quadragénaires, afin de lui arracher son voile. Cette lâche et abjecte agression raciste illustre un phénomène bien connu de vos services, madame la ministre, comme de ceux du ministre de l’intérieur : les femmes sont les premières victimes –⁠ 75 % des agressions selon le collectif #NousToutes, plus de 80 % selon l’association Lallab – des crimes et délits commis à l’encontre de musulmans.
    Une telle violence n’est pas sortie de nulle part : elle accompagne la rhétorique de l’extrême droite, dont la vague lèche d’ailleurs certains bancs de l’extrême centre, visant à restreindre la liberté, surtout celle des musulmans, au sein de l’espace public. Notre formation politique s’est toujours tenue aux côtés de ceux dont l’origine, la religion, l’orientation sexuelle font un objet de haine, de violences ou de discriminations. Nous ne manquerons jamais à notre devoir. Quelles mesures comptez-vous prendre pour, grâce à des moyens accrus, documenter, objectiver, endiguer ces discriminations, ces violences, cette haine, en particulier à l’égard des musulmanes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Ne mélangeons pas tout : l’agression, en effet absolument abjecte, dont vous avez fait état, et qu’il importe que nous condamnions tous, n’a rien à voir avec la nécessité de respecter les lois de la République.
    Notre République comporte un ensemble de lois, par exemple à l’école. Vous avez parlé de lois liberticides qui s’exerceraient à l’encontre de certaines femmes, considérant qu’on cible en premier lieu les femmes musulmanes.

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    C’est vrai !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Non, ce n’est pas vrai ! Je ne cible pas les femmes musulmanes.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce n’est pas ce que j’ai dit !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Je considère que les lois de la République prévalent pour toutes et pour tous. D’un autre côté, il y a, c’est vrai, des agressions –⁠ vous avez mentionné un exemple malheureusement emblématique –, qui sont absolument insupportables.
    Néanmoins, les moyens de la Dilcrah sont en augmentation constante depuis 2017 et la formation de l’ensemble des agents publics a été renforcée de manière significative. Les actions de l’État, comme celles que je viens de citer, et le fait que les signalements soient systématiquement pris en compte, y compris lorsqu’ils sont le fait d’hommes ou de femmes politiques, permettent de garantir que toute transgression des lois de la République sera condamnée.

    M. le président

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    La parole est à M. Matthieu Bloch.

    M. Matthieu Bloch (UDR)

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    Je souhaite interroger le gouvernement sur les intimidations, les brimades, voire les persécutions dont sont victimes les musulmans sécularisés, dont personne ne parle jamais.
    Les musulmans sécularisés sont des musulmans qui pratiquent leur religion comme bon leur semble, avec l’intensité qu’ils choisissent en conscience, comme le font de nombreux catholiques, sans risquer pour autant l’excommunication. Ce sont des musulmans qui chérissent les valeurs de la République : la jeune fille qui s’habille comme ses amies, ne se voile pas et est insultée, parfois violentée pour cette raison ; le joueur de football qui prend sa douche dans le plus simple appareil, après le match, et qui subit des remarques désobligeantes ; ou encore l’ouvrier qui prend sa pause déjeuner, car bien que croyant en son Dieu, il considère que son travail de force et sa condition physique ne lui permettent pas de pratiquer le ramadan. C’est aussi cet homme qui, à Bordeaux, a été frappé par des coreligionnaires parce qu’il buvait un verre de rosé sur les quais de la Garonne ou cette femme qui décide d’assumer son athéisme, alors que toute sa famille est musulmane et qu’elle est vue comme telle. Autant d’exemples vécus par de nombreux musulmans dans notre pays –⁠ voire par la majorité d’entre eux.
    Pourtant, bien qu’ils soient ceux qui subissent le plus d’intimidations, de brimades et de persécutions parmi les musulmans, ce ne sont pas ceux dont se soucie le groupe Écologiste et social, qui a souhaité inscrire ce débat à l’ordre du jour de nos travaux. Car ces intimidations, ces brimades et ces persécutions sont d’abord le fait de leurs coreligionnaires les plus rigoristes. Ils n’ont donc pas droit aux égards des écologistes, pas plus que des Insoumis, qui bouffent volontiers du curé mais qui essentialisent les musulmans.
    L’une de nos collègues n’a-t-elle pas déclaré un jour que le voilement était un embellissement, avant de s’étonner d’être ensuite sifflée par les femmes iraniennes dans une manifestation ?

    M. Julien Odoul

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    Elle est en face !

    M. Matthieu Bloch

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    Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la ministre, pour protéger nos compatriotes musulmans sécularisés de leurs coreligionnaires intolérants et des délires malheureusement présents à la gauche de ces bancs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Le pire serait l’essentialisation et le détournement des valeurs républicaines universalistes. L’essentialisation, c’est l’acte de réduire une personne à son identité réelle ou supposée, à laquelle elle devrait se conformer. La République combat fermement cette essentialisation qui enferme, là où nos principes républicains, notamment la laïcité, protègent, libèrent et émancipent. Voilà ce que la République rappelle avec fermeté.

    M. le président

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    La parole est à M. Roger Chudeau.

    M. Roger Chudeau (RN)

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    De quoi ce débat est-il le nom ? Il est le nom d’un déni, d’une supercherie et d’arrière-pensées politiciennes.
    C’est d’abord le déni de la réalité : 1 500 actes antisémites ont été recensés en 2024 –⁠ soit quatre par jour –, contre 173 actes antimusulmans. Par conséquent, ne serait-il pas plus urgent de débattre dans cet hémicycle de la montée de l’antisémitisme ? La pseudo-haine antimusulmans est, pour les séparatistes, un écran de fumée destiné à masquer la véritable menace.
    Ensuite, la supercherie, c’est le concept même d’islamophobie, qui a été forgé, selon les travaux de Mme Bergeaud-Blackler, par les Frères musulmans eux-mêmes !

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    C’est faux !

    M. Roger Chudeau

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    Mme Bergeaud-Blackler a déclaré : « La lutte contre l’islamophobie est un djihad défensif ». Le frérisme est l’ennemi juré de la République, notamment du principe de la laïcité. Il crée ainsi une diversion, en passant de la posture d’accusé à celle d’accusateur et en victimisant l’ensemble de l’oumma. Ainsi, quiconque conteste l’entreprise islamiste est taxé d’islamophobe et peut se voir accuser du crime de blasphème. C’est ce procédé qui a coûté la vie à Samuel Paty.
    Enfin, permettez-moi de dire un mot du rapport à l’origine de ce débat, qui est un monument d’hypocrisie ! Il y est notamment suggéré de vider la loi confortant le respect des principes de la République de son sens et de sa portée. Vous appelez même à instituer un MeToo islamophobe : on croit rêver ! Ce rapport est en fait l’expression de votre clientélisme électoral racialisé.
    Ma question est donc la suivante : le frérisme étant l’ennemi juré de la République, quand le gouvernement prendra-t-il enfin la décision d’interdire cette organisation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Julien Odoul

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Je ne peux pas vous laisser parler de pseudo-haine antimusulmans. Autant je récuse avec la plus grande fermeté le terme d’islamophobie, autant je ne peux accepter qu’un député considère que la haine antimusulmans n’existe pas. Elle existe et nous ne hiérarchisons pas les haines.
    C’est vrai, nous assistons à une explosion des actes antisémites en France, avec 1 570 faits recensés en 2024 pour 173 actes antimusulmans. Est-ce pour autant une question de proportion ? Dès lors qu’un seul acte est commis –⁠ comme l’agression décrite tout à l’heure par votre collègue Sansu –, l’État et l’ensemble des élus de la République doivent se mobiliser. Oui, la haine antimusulmans existe et cette haine doit être combattue, au même titre que toutes les haines.
    Dans le même temps, nous devons nous mobiliser pour lutter contre l’entrisme religieux, l’entrisme islamiste et le prosélytisme. Nous devons mener les deux de front. À défaut, la République manquerait à ce qu’elle est et à ses devoirs : c’est-à-dire une République universaliste qui assume ce qu’elle est et refuse toute forme de séparatisme.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Limongi.

    M. Julien Limongi (RN)

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    Une fois de plus, la gauche s’adonne à son sport favori : instrumentaliser la prétendue islamophobie, afin de monter les Français les uns contre les autres. Son arme ? L’amalgame ! Car, selon elle, toute critique du voile, du séparatisme ou des revendications identitaires serait une attaque contre nos compatriotes musulmans. En réalité, chers collègues de gauche, vous ne défendez ni l’égalité ni la fraternité. Vous jouez la carte cynique du clientélisme électoral, au détriment de la nation.
    Nous, au Rassemblement national, ne vous en déplaise, nous refusons cette vision fragmentée de la société. Nous défendons une France unie, où chacun est, avant tout, Français. Nous voulons une France dans laquelle la laïcité est un principe non négociable et où les règles républicaines s’appliquent à tous. Nous défendons l’assimilation qui fait de chaque citoyen un membre à part entière de la nation.
    C’est pourquoi nous disons non au voile dans le sport, non aux horaires séparés dans les piscines, non aux tenues islamiques dans les écoles – pas par rejet, mais par fidélité à nos valeurs. Car en France, ce sont les lois de la République qui priment et non celles des religions.
    Vous êtes, collègues de gauche, au mieux des idiots utiles, au pire les complices des méthodes des Frères musulmans. Traiter quelqu’un d’islamophobe, c’est lui mettre une cible dans le dos. Derrière ce mot fourre-tout, vous jetez en pâture ceux qui osent défendre nos valeurs contre l’islamisme. Comment ne pas penser à Samuel Paty, accusé d’islamophobie avant d’être décapité ?
    La vérité, c’est que vous divisez quand nous rassemblons. Vous excusez l’islamisme en le déguisant en combat antiraciste. Nous, nous le combattons parce qu’il menace notre liberté, notre sécurité et notre civilisation. Vous essentialisez les Français selon leur religion ou leurs origines, quand nous affirmons que la seule identité qui compte, c’est celle de la France.
    Comment comptez-vous, madame la ministre, répondre à cette dérive de la gauche qui, sous couvert d’antiracisme, soutient des idéologies qui menacent notre unité nationale et notre laïcité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure

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    On croit rêver !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Vous aurez noté qu’il n’y a dans mes propos ni complaisance ni naïveté aucune s’agissant de l’entrisme islamiste, du prosélytisme religieux ou de l’intégrisme. Il ne faut pas tout confondre. Assumons, encore une fois, de ne jamais mettre un signe égal entre islam et islamistes ; assumons que la plupart de nos compatriotes musulmans veulent simplement vivre en respectant les lois de la République –⁠ ce qu’ils font déjà.
    Dans le même temps, il nous faut combattre toutes les formes de haine, sans chercher à les distinguer ou à les hiérarchiser. Elles existent malheureusement et mettent à chaque fois un coup de canif dans le contrat républicain. Telle est la réponse républicaine qui devrait être partagée sur l’ensemble de ces bancs, parce que c’est la seule réponse à apporter non à nos seuls compatriotes musulmans ou juifs, mais à l’ensemble des Français.

    M. le président

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    La parole est à Mme Amélia Lakrafi.

    Mme Amélia Lakrafi (EPR)

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    Ma question dévie un peu de la haine antimusulmans pour s’attaquer aux discriminations. Étrangement, je n’ai pas trop fait l’objet dans ma vie de discriminations manifestes, mais cela s’explique en grande partie par le fait que j’ai eu la chance d’être entourée de gens bienveillants. Mon cas individuel mis à part, de nombreuses personnes autour de moi –⁠ dont mes propres sœurs – ont rencontré des difficultés à trouver un logement ou un travail –⁠ elles ont dû modifier leur prénom pour obtenir un logement.
    Le président Macron avait promis l’émancipation pour toutes et tous, et bien des choses ont été faites depuis 2017 afin de lutter contre les discriminations, qu’elles soient basées sur le genre, la sexualité ou l’origine.
    Vous l’avez évoqué tout à l’heure, mon ancien collègue député des Français établis hors de France, Marc Ferracci, dorénavant ministre, avait déposé une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques. L’examen de ce texte s’est malheureusement arrêté à une commission mixte paritaire (CMP) non conclusive. Il aurait pourtant permis de donner un pouvoir supplémentaire à la Dilcrah et était envisagé comme un progrès par la Défenseure des droits.
    Celle-ci recommandait toutefois de compléter le texte par la création d’un observatoire des discriminations. Que pensez-vous d’une telle proposition ? Par ailleurs, j’aimerais vous interroger sur le bilan de la plateforme antidiscriminations, lancée en 2022 dans le cadre du plan de lutte contre les discriminations, plan qui doit s’achever en 2024. Outre la plateforme en ligne, il est également possible d’effectuer un signalement en composant le numéro 3928. Je voudrais donc savoir si les critères de religion sont pris en compte. La plateforme est-elle utilisée et est-il facile, pour un musulman, de dénoncer des faits ? J’ajoute qu’il ne faut pas confondre musulmans et Arabes : les Indonésiens, les Maliens et bien d’autres sont musulmans, or l’amalgame est souvent fait.
    Pour conclure, les médias pourraient s’intéresser davantage aux déclarations de représentants du monde musulman. Ainsi, le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale a souligné que tout bon musulman a le devoir de respecter la Constitution et d’obéir à la loi et aux coutumes du pays dans lequel il se trouve. À bon entendeur…

    M. Julien Odoul

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    La loi ne fait pas de hiérarchisation dans la lutte contre les haines et les discriminations. Pour lutter contre ces dernières, il existe à la fois la Dilcrah et la Défenseure des droits.
    La Dilcrah, c’est l’administration qui œuvre, sous notre direction, à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, les discriminations liées à l’origine et la haine anti-LGBT. C’est elle qui, sous mon autorité, opère des signalements lorsque des propos répréhensibles sont prononcés, pouvant conduire à des condamnations.
    La Défenseure des droits peut être saisie directement par nos concitoyens lorsqu’ils sont victimes de discriminations. Le 3928 est le numéro que chaque Français victime d’une discrimination, quelle qu’elle soit –⁠ y compris le handicap, par exemple –, peut appeler pour obtenir un accompagnement juridique dans ses démarches et être soutenu gratuitement par l’État. Tous les parlementaires devraient d’ailleurs connaître ce numéro, puisqu’ils reçoivent dans leurs permanences des signalements sur diverses discriminations, qui doivent systématiquement nous alerter.
    Ensuite, il y a la proposition de loi de Marc Ferracci que vous avez évoquée, dont nous souhaitons la réinscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, afin que ce texte aille à son terme. La proposition de loi avait été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat. Elle représente un modèle, parce qu’on ne corrige bien que ce qu’on sait mesurer : ce sera le cas si les parlementaires adoptent la proposition de loi.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono (LFI-NFP)

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    Comment avez-vous pu perdre à ce point la raison républicaine, madame la ministre ? En France, l’islamophobie est notoirement sous-estimée, voire niée. Ainsi, le meurtre de Djamel Bendjaballah, le 31 août 2024 à Dunkerque, pour lequel la qualification raciste n’a pas été retenue, ne figure dans aucun recensement, alors même que ce crime a été commis par un militant d’extrême droite qui avait multiplié les intimidations et injures islamophobes à l’encontre de la victime, tuée sous les yeux de sa fille de dix ans.
    Selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 39 % des musulmans interrogés en France déclarent avoir été victimes de discriminations au cours des cinq dernières années. Le racisme et les discriminations envers les musulmanes et musulmans ont des conséquences dans leur vie quotidienne : leurs revenus sont inférieurs à la moyenne, ils subissent un taux de chômage plus élevé, ils vivent dans des logements de mauvaise qualité, etc.
    Depuis sept ans que vous êtes au pouvoir, vous n’avez laborieusement produit que deux plans censés lutter contre le racisme, qui ne contiennent que des mesures d’affichage, qui ne prévoient pas les moyens financiers suffisants et qui n’adressent aucune des causes structurelles et systémiques du racisme. Mais vous ne vous contentez pas de ne rien faire ; vos discours et vos politiques produisent et alimentent l’islamophobie, donc le racisme dans son ensemble.
    Vous avez apporté votre soutien aux innombrables arrêtés antiburkini et à l’interdiction de l’abaya ; vous avez défendu la loi sur le séparatisme critiquée par la CNCDH et toutes les organisations de défense des droits humains ; vous avez soutenu la proposition de loi LR –⁠ vos alliés – visant les accompagnatrices scolaires qui portent un voile ; vous et votre gouvernement avez appuyé la proposition de loi qui vise les sportives musulmanes portant un voile. « On ne respire plus. Même le sport, on ne peut plus le faire », témoigne ainsi Assma, une jeune joueuse de volley-ball, auprès d’Amnesty International.
    Contrairement à vous, nous luttons contre toutes les formes de racisme. L’antiracisme est une nécessité vitale pour des millions d’entre nous. C’est également un enjeu stratégique pour La France insoumise.

    M. Julien Odoul

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    C’est un enjeu électoraliste ! Quel aveu !

    Mme Danièle Obono

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    Notre objectif est l’unité du peuple autour d’un programme de rupture pour l’égalité des droits, la justice sociale et la bifurcation écologique. C’est pourquoi, après le succès des mobilisations des 8 et 22 mars, nous serons au rendez-vous de la riposte populaire le 1er mai pour exprimer notre opposition à vos politiques de malheur et de division –⁠ nous appelons le plus grand nombre à y participer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Ce n’est pas vous qui allez me dire ce que doit être ma boussole républicaine.

    M. Julien Odoul

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    Très bien !

    Mme Danièle Obono

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    Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir ! Qu’avez-vous fait ?

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Ma boussole républicaine, je ne l’emprunte pas à La France insoumise : vous n’en avez malheureusement plus aucune. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Ceux qui font le lit de l’antisémitisme dans notre pays ne peuvent en aucun cas donner des leçons de républicanisme à quiconque dans cet hémicycle et en dehors de ce dernier.

    Mme Danièle Obono

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    On parle d’islamophobie ! Madame la ministre, répondez !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Pas moins de 62 % des actes antireligieux concernent les Français juifs, qui représentent moins de 1 % de la population. La surreprésentation des Français juifs devrait collectivement nous interpeller –⁠ et vous interpeller.

    Mme Danièle Obono

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    Quel est votre bilan, madame la ministre ?

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Systématiquement, vos propos sèment la division et attisent la haine antisémite. Je n’ai pas de leçon républicaine à recevoir pour une raison simple : pour ma part, je ne hiérarchise pas les haines.

    Mme Danièle Obono

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    Quel est votre bilan ?

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Je sais combattre dans le même mouvement le racisme et l’antisémitisme –⁠ toutes les discriminations et toutes les haines.

    M. le président

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    Arrêtez de brailler, s’il vous plaît ! Madame la députée, vous avez posé votre question, Mme la ministre vous répond, je vous demande de l’écouter avec le même respect que celui qu’elle vous a montré.

    Mme Danièle Obono

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    Elle ne nous répond pas ! Elle nous insulte !

    M. le président

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    Madame Obono, s’il vous plaît, ce n’est pas la peine de hurler. Madame la ministre, terminez ; madame Obono, taisez-vous. (Mme Danièle Obono s’exclame.)

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Le gouvernement est libre de ses réponses comme les députés sont libres de leurs questions. J’ai donc le droit de vous répondre comme je l’entends s’agissant de vos propos et de vos provocations systématiques.

    Un député du groupe RN

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    Ah !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Ceux qui, dans une manifestation censée lutter contre le racisme, acceptent de défiler bras dessus, bras dessous, avec des personnes qui ont été condamnées pour avoir participé à une tentative d’assassinat contre un rabbin, n’ont de leçons de républicanisme à donner à personne ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ M. Philippe Juvin applaudit également.)

    Mme Danièle Obono

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    Arrêtez de diffuser des fake news ! Vous ne faites rien contre le racisme ; vous l’alimentez !

    M. le président

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    La parole est à M. Idir Boumertit.

    M. Idir Boumertit (LFI-NFP)

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    Décidément, madame la ministre, vous avez décidé de faire des sorties de route vis-à-vis de La France insoumise à chacun de vos passages dans l’hémicycle –⁠ c’est scandaleux !

    Un député du groupe RN

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    Parole d’expert !

    M. Idir Boumertit

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    Pas moins de 39 % des musulmans en France déclarent être victimes d’actes islamophobes. Au-delà des chiffres, la réalité de ce racisme est bien connue : c’est un poison qui gangrène notre société et s’immisce dans tous les aspects de la vie des personnes concernées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Être musulman en France aujourd’hui, c’est faire face aux soupçons, aux amalgames et aux attaques médiatiques permanentes.

    Un député du groupe RN

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    Foutaises !

    M. Idir Boumertit

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    De combien de polémiques absurdes et indignes avons-nous été témoins ? Le ramadan a même été accusé d’être la cause d’une pénurie d’œufs ! Pourquoi la laïcité est-elle instrumentalisée pour stigmatiser nos compatriotes musulmans ? Pourquoi les femmes qui portent le voile sont-elles systématiquement suspectées d’intégrisme ou d’oppression ? Pourquoi un homme portant la barbe devrait-il craindre de perdre son emploi dans les médias ?

    M. Julien Odoul

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    Mais qu’est-ce qu’il raconte ?

    M. Idir Boumertit

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    Pire encore, certains discours, parfois véhiculés par des ministres eux-mêmes, nourrissent une fracture qui pourrait avoir des conséquences dramatiques.

    M. Philippe Schreck

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    On est en plein délire !

    M. Idir Boumertit

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    Les attaques à l’encontre des lieux de culte se multiplient. Les musulmans deviennent des boucs émissaires faciles : ils sont systématiquement exposés à des insultes, à des discriminations dans l’accès au logement et à l’emploi, voire à des agressions physiques.

    M. Julien Odoul

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    N’importe quoi !

    M. Idir Boumertit

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    Face à cette situation dangereuse pour l’unité nationale et la paix sociale, il est urgent d’agir. Le racisme du quotidien est un poison pour notre société. Lorsqu’il touche à des personnes de confession juive, nous le condamnons de toutes nos forces. Nous devons avoir la même intransigeance lorsqu’il s’agit de nos compatriotes de confession musulmane. Chers collègues, il est nécessaire de le préciser à votre attention : la lutte contre le racisme n’est pas à géométrie variable.
    C’est pourquoi j’ai proposé la création d’une commission d’enquête parlementaire pour établir les faits, mesurer l’ampleur et les conséquences de l’islamophobie en France et analyser le rôle des médias, des réseaux sociaux et des discours politiques. Inscrirez-vous à l’ordre du jour la proposition de résolution tendant à la création de cette commission ? Prendrez-vous vos responsabilités pour que nos compatriotes musulmans soient enfin protégés contre la haine et la discrimination, comme les autres citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Julien Odoul

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    N’importe quoi !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Monsieur le député, ce n’est pas moi qui fais des sorties de route : c’est LFI qui le fait systématiquement. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) C’est mon rôle de ministre chargée de la lutte contre l’antisémitisme de rappeler à l’ordre les députés à chaque fois que c’est nécessaire. Jean-Luc Mélenchon a récemment déclaré qu’il fallait couper les cheveux en quatre pour en faire des édredons. Il n’y a aucune autre référence possible que celle à Auschwitz ! Et je peux vous assurer que les Français de confession juive ont très bien entendu la référence.

    Mme Danièle Obono

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    Vous n’avez rien d’autre à faire ! Vous êtes censée répondre sur votre bilan !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    En tant que député, vous devriez savoir que ce n’est pas le gouvernement qui décide de créer une commission d’enquête.

    Mme Danièle Obono

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    Monsieur le président, c’est insupportable !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Votre groupe dispose d’un droit de tirage. S’il considère que cette thématique est prioritaire, il l’inscrira à l’ordre du jour. Sinon, il choisira d’y inscrire une autre commission d’enquête, et vous aurez juste profité d’une tribune. Ce n’est jamais le gouvernement qui décide de la création d’une commission d’enquête.

    Mme Danièle Obono

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    Vous pourriez répondre aux questions !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Je vous invite à prendre un peu plus au sérieux votre travail parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Danièle Obono

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    Avez-vous répondu ?

    M. le président

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    La parole est à M. Romain Eskenazi.

    M. Romain Eskenazi (SOC)

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    Je poserai trois questions. La première concerne la Dilcrah. Dans le projet de loi de finances pour l’année 2025, les crédits de cette délégation, qui constitue l’arme principale pour lutter contre toutes les formes de racisme, d’antisémitisme et de haine anti-LGBT, ont diminué. Je le répète, les chiffres sont flagrants :…

    Mme Danièle Obono

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    Eh oui ! Mme la ministre a menti au banc !

    M. Romain Eskenazi

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    …entre zéro et six condamnations pour racisme sont prononcées chaque année, alors que plus de 1 million de personnes en France se déclarent victimes de discrimination. Il y a donc un problème d’accompagnement : les gendarmes et les forces de l’ordre, que j’ai rencontrés, ont fait un énorme effort s’agissant des violences faites aux femmes. Depuis dix ans, ils sont formés sur ces questions. Aujourd’hui, les plaintes, qui sont bien prises en compte, remontent et donnent lieu à des condamnations. Ce n’est malheureusement pas le cas pour les actes de racisme, d’islamophobie –⁠ de haine antimusulmans, si vous préférez – et d’antisémitisme. Une action de formation des forces de l’ordre à la prise en compte des plaintes par la Dilcrah est-elle prévue ?
    Deuxièmement, l’association la Maison des potes, dont j’ai rencontré les responsables, se porte régulièrement partie civile pour accompagner les victimes dans les procédures judiciaires afin d’obtenir des condamnations. Dernièrement, leurs crédits ont été totalement supprimés par la Dilcrah. Dans le cadre de l’action que vous comptez mener, envisagez-vous de rétablir les crédits des associations qui accompagnent les victimes ?
    Ma deuxième question concerne le monde du sport. D’après un rapport publié en mars 2022 par l’Institut des hautes études du ministère de l’intérieur, « les données collectées en entretien échouent à montrer un phénomène structurel ni même significatif de radicalisation ou de communautarisme dans le sport. » Pourtant, le garde des sceaux défend au sein de votre gouvernement l’interdiction du port de signes religieux dans le sport, allant jusqu’à faire un chantage à la démission. Il a même déclaré : « Si on veut laisser Le Pen seule à défendre la laïcité, on ne peut pas s’y prendre mieux ». Je rappelle que la laïcité n’est pas l’interdiction des signes religieux ; c’est d’abord la liberté de culte. La neutralité de l’État, de ses services, de ses agents et des élèves n’est qu’une conséquence de ce principe visant à maintenir la liberté de culte. Pourriez-vous préciser quelle est la position de votre gouvernement sur l’interdiction d’accès au sport des femmes voilées qui, rappelons-le, est également une manifestation de liberté et d’émancipation ?
    Enfin, l’objet de ma troisième question, bien qu’un peu plus superficiel, est cependant significatif, me semble-t-il. Rompant avec une forme de tradition, le ministre de l’intérieur a refusé de se rendre à l’iftar de la grande mosquée de Paris. Ce geste a pu être interprété comme une forme de défiance ou du moins comme le signe que la religion musulmane n’était pas considérée comme un interlocuteur pour le ministre de l’intérieur qui, rappelons-le, est également ministre des cultes.
    Pour ma part, je me suis rendu dans ma circonscription à l’iftar organisé par le conseil des institutions musulmanes du Val-d’Oise.

    M. Julien Odoul

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    Ben tiens, comme par hasard !

    M. Romain Eskenazi

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    Y étaient présents des représentants de la religion juive, de la religion catholique, de la religion protestante,…

    M. Julien Odoul

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    Ce n’est pas le problème ! Vous êtes un élu de la République laïque !

    M. Romain Eskenazi

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    …des maires, la présidente du département LR, et même le préfet du Val d’Oise, le représentant de l’État, qui a prononcé un discours très fort. Il a expliqué qu’il ne devait pas y avoir de mélange entre le monde politique et le monde religieux. Selon lui, le religieux ne doit pas se mêler de politique et le politique ne doit pas se mêler de religion, mais doit entretenir avec les cultes des relations continuelles pour cultiver la fraternité.
    Les repas et les échanges lors de ce temps qui n’est pas un temps religieux, mais qui suit un temps religieux…

    M. Julien Odoul

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    Non, c’est vrai que ce n’est pas un moment religieux !

    M. Romain Eskenazi

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    Bien sûr que non ! Le marché de Noël, est-ce un moment religieux ou non ?

    M. Julien Odoul

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    C’est culturel, ce n’est pas religieux ! Vous racontez n’importe quoi !

    M. Romain Eskenazi

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    Eh bien l’iftar, c’est un moment convivial qui suit un temps religieux, où peut s’établir un dialogue entre la religion et les institutions.

    M. Julien Odoul

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    Vous ne connaissez rien à la laïcité !

    M. Romain Eskenazi

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    Madame la ministre, la décision soudaine du ministre de l’intérieur fera-t-elle jurisprudence ou cet incident sera-t-il limité à l’année 2025 ? (Mme Soumya Bourouaha applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Je m’efforcerai de répondre précisément à vos questions. D’abord, je vous remercie pour vos propos sur la Dilcrah, qui tient un rôle très important. Les moyens de cette administration assez récente ont été renforcés et ses compétences ont été régulièrement élargies, et c’est tant mieux. Une formation est systématiquement proposée aux fonctionnaires de police et de gendarmerie ainsi qu’aux magistrats.
    La formation initiale et continue de ces derniers intègre la lutte contre les discriminations –⁠ la directrice de l’École nationale de la magistrature, que j’ai rencontrée récemment, se rendra disponible pour les parlementaires si vous souhaitez l’auditionner. De la même manière, la direction générale de la gendarmerie nationale et la direction générale de la police nationale pourront vous expliquer le contenu de ces formations, qui permettent une montée en compétences des personnels et une meilleure prise en compte de toutes les discriminations et de toutes les formes de haine, contre lesquelles nous devons lutter.
    S’agissant de la Maison des potes, ayant été saisie par une députée de votre groupe, Céline Thiébault-Martinez, j’ai étudié précisément la question : en 2022, l’association avait déposé une demande hors délai, que nous n’avions donc pas pu prendre en compte ; en 2023, elle avait demandé une subvention pour couvrir des dépenses de fonctionnement, alors que la Dilcrah ne soutient pas le fonctionnement des associations –⁠ elle ne soutient que des projets ; en 2024, l’association n’a pas déposé de demande de subvention.
    Si l’association dépose un dossier de demande de subvention en 2025, nous y serons attentifs au même titre que pour n’importe quelle autre association. Outre l’appel à projets national de la Dilcrah lancé il y a quelques jours, auquel vous pouvez inciter les associations à candidater, il existe aussi des crédits déconcentrés, de manière à aider localement les associations dans chaque département –⁠ ces crédits sont gérés par les préfets, qui assurent ensuite le contrôle de légalité.
    Ensuite, s’agissant de l’interdiction d’accès au sport des femmes voilées, je préfère utiliser les termes de signes religieux ostensibles plutôt que de parler du voile –⁠ ramener la question au voile peut donner le sentiment que l’on stigmatise une catégorie de Français.

    Mme Danièle Obono

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    C’est exactement ce que vous faites !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Nous devons éviter cet écueil. La proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, amendée par le gouvernement et adoptée à une très large majorité par le Sénat, avec le soutien du gouvernement, vise à interdire non seulement le voile, mais aussi l’ensemble des signes religieux ostensibles sur les terrains de sport, dans les compétitions départementales, régionales et nationales. Le débat aura lieu dans cet hémicycle, puisque le gouvernement s’est engagé à l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

    Mme Danièle Obono

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    Eh oui ! Voilà ! Une production directe d’islamophobie !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Il vous appartiendra ensuite, en vertu de votre pouvoir souverain de décision, de l’amender et de l’adopter ou non.

    M. Idir Boumertit

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    Vous ne serez plus ministre d’ici là !

    M. le président

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    La parole est à M. Belkhir Belhaddad.

    M. Belkhir Belhaddad (NI)

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    « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », disait Albert Camus. Comme les rapporteurs, je retiendrai le terme d’islamophobie pour désigner la peur et la haine dont sont victimes au quotidien certains de nos concitoyens musulmans –⁠ ils m’en alertent chaque jour. Une version actualisée de ce racisme, qui tend vers un racisme antimaghrébin, est colportée notamment par l’extrême droite –⁠ j’en sais quelque chose.

    M. Julien Odoul

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    Oh là là ! Pauvre chouchou !

    M. Belkhir Belhaddad

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    Qui peut raisonnablement croire que les actes islamophobes se limitent aux 173 faits recensés en 2024 par le ministère de l’intérieur, alors que des discours politiques et médiatiques alimentent chaque jour la stigmatisation de citoyens français en raison de leur religion ou de leurs origines et encouragent la discrimination à leur encontre ?
    Madame la ministre, j’entends votre volontarisme, et je sais que vous êtes une républicaine. Mais le constat est sans appel : il n’y a pas de volonté politique pour lutter efficacement contre l’islamophobie (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ M. Romain Eskenazi applaudit également) ou pour mieux mesurer ce phénomène –⁠ la polémique autour du voile dans le sport et le rapport de M. Odoul le montrent bien.

    M. Julien Odoul

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    Et de Caroline Yadan, qui n’est pas là !

    M. Idir Boumertit

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    Un rapport ? Plutôt un torchon !

    M. Belkhir Belhaddad

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    Il n’existe pas plus de volonté politique pour mieux prendre en compte les plaintes et revoir leur traitement.
    Il n’est pas question de dissocier ce combat de la lutte contre toutes les formes de haine. C’est un combat pour l’égalité et la justice ; il doit concerner tous les Français, comme les combats similaires.
    En 2023, les titres du bandeau de la chaîne CNews ont contenu des mots liés aux thèmes de l’immigration et de l’islam 335 jours sur 365 –⁠ ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Face à la ligne éditoriale de médias qui propagent des discours stigmatisants et islamophobes, quelles mesures fortes comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    Mme Danièle Obono

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    Ils ne vont rien faire !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    La volonté de lutter contre toutes les formes de discrimination et de haine existe, sans aucune distinction ou hiérarchie. C’est le principe de la République et de ses lois. Il faut aussi combattre la haine antimusulmans, qui peut se traduire par des discriminations…

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Qui est une forme de discrimination en soi !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    …à l’encontre de nos compatriotes musulmans, notamment en matière d’accès à l’emploi ou au logement, comme vous l’avez mentionné.
    Nous disposons de plusieurs outils pour mener ce combat, en premier lieu la formation des agents publics. (Mme Danièle Obono s’exclame.) Nous avons pour objectif de former l’intégralité des policiers, gendarmes et magistrats, ainsi que le monde enseignant –⁠ cela relève de notre responsabilité. Cette formation est dispensée lors de la formation initiale, mais aussi en formation continue. Il faut en effet réactualiser les connaissances des agents : les haines évoluent, mutent et se renouvellent, tout comme, malheureusement, les discriminations qu’elles engendrent.
    Ce combat passe aussi par le soutien aux associations qui signent la charte d’engagement républicain. Elles œuvrent à nos côtés et sont des partenaires des politiques publiques que nous menons –⁠ je pense notamment à SOS Racisme ou à la Licra. Ces associations accompagnent les victimes, les soutiennent et défendent leur cause.
    Nous continuerons à les soutenir. Les moyens alloués aux associations ont augmenté significativement, que ce soit ceux des associations nationales ou les crédits déconcentrés. Je souhaite en effet que le financement soit en grande partie déconcentré, pour que nous resserrions le maillage territorial et que tous nos concitoyens puissent solliciter un accompagnement le cas échéant.
    Comme je le disais à votre collègue Amélia Lakrafi, il est possible de s’adresser à la Dilcrah, mais aussi au Défenseur des droits, qui recueille les signalements individuels, ce qui est insuffisamment connu des Français. Le 3928 est un numéro gratuit qui permet à toutes les victimes de discrimination de bénéficier d’une aide juridique. Il nous revient de faire en sorte que nos compatriotes connaissent certes mieux leurs devoirs, mais aussi leurs droits.

    M. le président

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    Le débat est clos.
    Je remercie le groupe Écologiste et social d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour, tous nos collègues pour leurs interventions et leurs questions ainsi que vous, madame la ministre, pour ces réponses exhaustives.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    4. Conséquences de la dissolution sur notre démocratie

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Les conséquences de la dissolution sur notre démocratie, du non-respect des résultats des élections législatives par le président de la République et de la nécessité de convoquer une assemblée constituante pour rédiger la Constitution de la VIe République ».

    M. Pierre Henriet

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    Rien que ça !

    M. le président

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    Ce débat a été demandé par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire. Conformément à l’organisation arrêtée par la conférence des présidents, nous entendrons d’abord les orateurs des groupes, puis le gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
    J’invite tous les députés, ainsi que le ministre, à limiter autant que possible la durée de leurs interventions pour que nous puissions clore ce débat avant vingt heures.
    La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.

    M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP)

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    « Le roi est mort, vive le roi ! » : avant la grande Révolution française, ces mots exprimaient la continuité du pouvoir. Le roi pouvait bien mourir ; la monarchie était vouée à l’éternité. Au monarque, la mortalité ; à la monarchie, la stabilité. En 1792, la République naît enfin. Rompant avec la tradition, le dernier d’une longue série de rois fait exception : la monarchie est tombée avant lui.

    M. Pierre Henriet

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    Vous oubliez la Restauration !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Enfin, le peuple est seul souverain. Pourtant, plus de deux siècles après ces événements, la souveraineté populaire semble bien loin : « Marianne a cinq enfants […], le cinquième à présent qu’elle ne reconnaît plus. »
    Le président se prend pour un roi et a même théorisé cette conception : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! »
    Fulgurance présidentielle ! Il est vrai que, depuis mon enfance, je sentais une tristesse sourde, inexplicable, comme un désir qui s’échappait de moi sans trouver sa possibilité d’accomplissement. En lisant ces mots, l’évidence s’est imposée : il me manquait un roi !
    En 2017, nous avons été servis en nous voyant présenté, comme sur un plateau, le melon d’un dieu-roi : Jupiter, qui s’est par la suite comparé à Vulcain et qui est devenu Mars aujourd’hui –⁠ il ne craint pas d’incarner à lui seul le panthéon romain –, venait enfin combler ce vide émotionnel qui désespérait en réalité d’attendre Emmanuel Macron.
    Le roi est mort, vive le roi ! La même continuité du pouvoir se déploie sous la Ve République. À peine tombé sur le champ de bataille électoral, le roi revit par celui qui le remplace. Ainsi vont les monarques présidentiels. S’ils ne peuvent se représenter, comme c’est le cas d’Emmanuel Macron, les voici déjà dans le sas de sortie. La valse des noms des successeurs avive l’esprit de cour qui caractérise nos institutions. Les rumeurs les plus folles courent, et l’on s’agite comme dans un roman de Maupassant pour griffonner les noms, commander des sondages périmés le jour même et commenter les moindres bruits de cuisine et d’arrière-cuisine.
    Le roi est mort, vive le roi ! Dans les beaux dîners, les élections du 7 juillet sont un lointain souvenir, tout le monde fait semblant d’ignorer que le président de la République s’est assis sur les résultats d’une élection au suffrage universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La démocratie, c’est vulgaire. Il y a des choses dont on ne parle pas quand on est bien élevé, surtout dans les beaux dîners. Le monarque trône toujours, c’est ce qui compte. D’ailleurs, on ne dîne pas avec tout le monde, oh non ! Édouard Philippe dîne avec Marine Le Pen, tout comme Sébastien Lecornu. Vous comprenez, c’est par simple curiosité. Le président accepte de gouverner avec le soutien de l’extrême droite, pourtant rudement battue lors des élections de juillet. Mais, après tout, ce sont de bons compagnons de soirée.
    Quant à nous, face à cette situation, nous ne nous taisons pas. Nous n’acceptons pas que le pouvoir exécutif piétine ainsi des élections qu’il a lui-même convoquées. Nous n’acceptons pas qu’il fasse la courte échelle à l’extrême droite que le peuple français a si clairement rejetée dans les urnes. Nous refusons absolument qu’un ministre de l’intérieur parle de « Français de papier », ne manifestant sa force que pour frapper là où sa haine le conduit. Nous refusons que la nomination d’un tel homme soit considérée comme légitimement issue du scrutin. Bruno Retailleau est une insulte faite au vote des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Mais comme on aime, dans les beaux dîners, vanter son autorité, sa fermeté, un petit frémissement de désir réprimé qui ramène aux années 1930…
    Contre l’extrême droite et la droite extrême, pour défaire le racisme, l’antisémitisme et la haine de l’autre, pour clamer notre attachement viscéral au principe républicain d’égalité, nous avons déferlé par centaines de milliers dans les rues de France samedi dernier. Elle était là l’unité populaire contre les délires racistes, contre l’instrumentalisation de l’antisémitisme et pour le respect de la démocratie et de la souveraineté populaire. (Mêmes mouvements.) Là est l’espoir de notre pays. C’est la France des droits des femmes, des désirs libérés, des mouvements sociaux, des revendications ouvrières et de la créolisation. Une France vivant dans et par le monde, avec et pour les autres.
    La France n’est pas telle que la grande bourgeoisie aime se l’imaginer : raciste comme elle, brutale comme elle, méprisante comme elle. La France ne cite pas, comme le fait le président Emmanuel Macron, le juriste nazi Carl Schmitt en allemand. La France ne veut pas de la guerre, elle souhaite pour ses enfants la paix. La France regarde devant elle et place ses espoirs dans la longue tradition démocratique française, celle qui a fait trembler toutes les monarchies et toutes les ploutocraties en disant au monde : le peuple est souverain ! Le roi est mort, vive le peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    La France d’aujourd’hui…

    M. Pierre Henriet

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    Ah ? Ce n’était pas fini ?

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    …aspire à une nouvelle République. Cette nouvelle France est porteuse de la VIe République. Nous avons déposé le 21 janvier dernier une résolution pour la convocation d’une assemblée constituante. Nous avons lancé une pétition pour que cette proposition soit discutée au sein de l’Assemblée. Il est temps que nous nous prononcions sur le changement démocratique de nos institutions et que nous mettions fin à la confiscation du pouvoir du peuple par le monarque. Que la constituante soit l’occasion pour toutes et tous de se saisir de la politique ! Les citoyens doivent pouvoir intervenir dans les affaires communes : ce sont les leurs. La constituante revient à donner les clés de sa souveraineté au peuple, lui qui n’aurait jamais dû la perdre.
    La VIe République est celle du référendum d’initiative citoyenne, pour abroger ou proposer une loi, ou pour révoquer un élu qui prendrait trop de libertés avec le mandat qui lui a été confié. Vous avez toutes et tous suivi mon regard. Avec de telles dispositions, Emmanuel Macron aurait déjà été révoqué.

    Mme Danièle Obono

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    Eh oui !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    La réforme des retraites aurait déjà été abrogée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    Nous refusons la vision mortifère de la société de ceux qui voudraient que nous mourrions à la guerre ou au travail. L’intervention citoyenne, sous la VIe République, prévient les débordements d’instabilité venus d’en haut, l’instabilité provoquée par les puissants qui se démènent pour protéger leur fortune colossale. Comme la République sociale a été malmenée ces dernières années ! Comme la démocratie a été étouffée et les mobilisations lourdement réprimées : les gilets jaunes, les Soulèvements de la Terre, les mobilisations féministes, les collectifs antiracistes et contre les violences policières, les mouvements contre la retraite à 64 ans en ont un souvenir bien amer, parfois jusque dans leur chair.
    Une constituante permettrait de réaffirmer la grandeur de l’idée républicaine, du principe d’égalité et du pouvoir démocratique, dans la cité comme dans l’entreprise.

    Mme Danièle Obono

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    Exactement !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Voici venu le temps d’une nouvelle déclaration des droits. La règle verte, qui exige d’organiser notre société de manière qu’on ne prélève pas à la nature plus de ressources qu’elle n’est capable d’en reconstituer, doit devenir un principe constitutionnel et guider l’ensemble des politiques publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Danièle Obono

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    Bravo !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    L’urgence, ce n’est pas la guerre. L’urgence, c’est la bifurcation écologique. Vivent les nouveaux droits pour protéger nos milieux de vie et nos biens communs !
    Les nouveaux droits, ce sont aussi les droits personnels. Nous avons obtenu une belle victoire en inscrivant le droit à l’IVG dans la Constitution. Viendront la reconnaissance du droit à mourir dans la dignité et le changement de genre libre et gratuit à l’état civil. Nous sommes la force des droits nouveaux, et nous ne céderons pas aux paniques morales et aux fantasmes de la droite radicalisée. Vivent les nouveaux droits pour permettre à chacune et à chacun de disposer de soi en toute circonstance !
    La VIe République, enfin, est celle de la participation populaire. Vous savez comme moi que des habitants de notre pays ont les plus grandes difficultés à obtenir la nationalité française, même lorsqu’ils le souhaitent et participent pleinement à notre vie commune. Facilitons son accès pour que tous ceux qui sont affectés par la politique puissent participer à sa définition. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Reconnaissons le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. La nouvelle République, c’est la République pour toutes et tous.
    Depuis cette tribune, disons-le clairement à nos concitoyennes et à nos concitoyens : inscrivez-vous sur les listes électorales et demandez autour de vous si tout le monde est bien inscrit.

    Mme Danièle Obono

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    Eh oui !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    La démocratie, à cette heure, ne sera protégée que par le peuple qui la fait vivre. Que personne ne se laisse dissuader par le dégoût légitime qu’il éprouve face aux attaques répétées contre la souveraineté populaire. Face au non-respect des résultats des élections législatives, face au poison de la haine et de la division instillé par l’extrême droite, face aux appels incessants à éteindre le débat démocratique en invoquant le prétexte de la crise internationale, face à tout cela, le temps de la VIe République est venu. Puisse-t-elle advenir bientôt, cette VIe République féministe, antiraciste, sociale et démocratique ! À cette heure, ces mots portent l’espoir : La Ve République est morte, vive la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Danièle Obono

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    Bravo !

    M. Sébastien Delogu

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à M. Christian Baptiste.

    M. Christian Baptiste (SOC)

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    La France traverse une crise politique d’une gravité sans précédent sous la Ve République. Ce que nous vivons n’est plus une simple crise de gouvernance, c’est une crise de régime, une impasse institutionnelle née d’un pouvoir qui refuse de se conformer aux règles élémentaires de la démocratie représentative.
    Souvenons-nous. Juin 2024 : Emmanuel Macron dissout brutalement l’Assemblée nationale, invoquant la nécessité de redonner la parole au peuple.

    M. Pierre Henriet

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    Mitterrand aussi a dissous l’Assemblée !

    M. Christian Baptiste

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    Mais cette dissolution n’a rien clarifié. Pire, elle a provoqué ce que nous redoutions : la montée en puissance de l’extrême droite dans nos territoires. Loin d’être un vote d’adhésion, ce fut un vote de sanction. Une sanction contre un président qui méprise le suffrage universel, qui tord les institutions à sa convenance et qui, par son obstination, met lui-même en péril la démocratie.
    Le résultat : une Assemblée fracturée, une paralysie politique totale et un président qui persiste à gouverner comme s’il n’avait jamais perdu sa majorité. Et dans ce chaos institutionnel, que deviennent les territoires d’outre-mer ? Rien : oubliés, relégués.

    M. Nicolas Sansu

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    On les a fait « vallser » !

    M. Christian Baptiste

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    La question ultramarine est systématiquement placée en dernière position, quand elle n’est pas tout simplement ignorée car, nous le savons, la rupture entre les territoires d’outre-mer et les pouvoirs publics ne date pas d’hier, mais elle s’est aggravée depuis la crise du covid. Pendant la pandémie, nous avons vu un État nous traiter en arrière-plan, des décisions prises à des milliers de kilomètres, sans consultation, sans prise en compte de nos réalités.

    M. Pierre Pribetich

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    Ce n’est pas normal !

    M. Christian Baptiste

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    Et, aujourd’hui, nous faisons face à un système dans lequel tous les pouvoirs sont entre les mains d’un seul homme. Pour nous, les élus ultramarins, comment parler à notre peuple ? Comment agir quand nous ne sommes ni écoutés ni respectés ? Nous voulons faire des propositions de loi, défendre des mesures concrètes pour nos territoires, pour nos jeunes qui souffrent, qui n’ont plus confiance en l’avenir, mais à quoi bon ? Quand les élections ne lui conviennent pas, il choisit d’ignorer les résultats des urnes. (M. Pierre-Yves Cadalen applaudit.) Quand nous tentons de donner une voix à nos territoires, il fait passer les budgets grâce au 49.3,…

    M. Pierre Henriet

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    Rocard aussi l’a utilisé, le 49.3 !

    M. Christian Baptiste

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    …sans débat, sans prise en compte de nos réalités. Comment, dès lors, exécuter la volonté du peuple ? À quoi bon si le pouvoir est confisqué ?

    M. Pierre Pribetich

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    Il faut le rendre au peuple !

    M. Christian Baptiste

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    Voilà presque trois ans que je suis élu député et jamais je n’ai pu m’exprimer pour voter un budget. Est-ce normal ? Non. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    Mme Danièle Obono

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    Il a raison !

    M. Christian Baptiste

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    Face à cette situation, nous devons poser une question simple mais fondamentale : jusqu’à quand allons-nous accepter qu’un seul homme, au mépris du suffrage universel, torde les institutions pour gouverner contre la majorité du peuple français ?
    Les faits sont là : une dissolution qui n’a rien réglé, une Assemblée réduite à l’impuissance, une impossibilité de voter un budget dans les formes, un président qui, méprisant la souveraineté populaire, persiste dans le passage en force. Nous ne pouvons plus continuer ainsi.
    La Ve République, dans sa forme actuelle, permet à un seul homme d’ignorer la volonté du peuple, de suspendre la représentation nationale et de gouverner seul. Ce n’est plus de la démocratie, c’est une confiscation du pouvoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP.) Nous n’avons pas été élus pour être les figurants d’un pouvoir solitaire. Nous avons été élus pour représenter le peuple. Et c’est au nom du peuple que nous devons ouvrir la voie de la refondation démocratique.
    Je le répète, depuis presque trois ans que j’ai été élu député, j’ai connu des situations que nombre d’autres collègues n’ont peut-être jamais connues : la dissolution, les motions de censure et les 49.3. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    M. Pierre Pribetich

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff (EcoS)

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    Le 9 juin 2024, le président de la République a pris un décret de dissolution de l’Assemblée nationale sur le fondement de l’article 12 de la Constitution –⁠ un texte bien malmené, d’ailleurs, puisqu’on a appris, depuis, que les autorités mentionnées dans cet article n’avaient pas été régulièrement consultées sur cette décision, mais uniquement informées. Nous sommes ici pour évoquer les conséquences de cette décision sans justification sérieuse et hautement perturbatrice. Ses conséquences politiques comme ses incidences institutionnelles sont lourdes.
    Le respect du résultat des élections législatives est un devoir du président de la République comme de toutes les autorités constituées. En l’absence de majorité absolue sortie des urnes et faute d’avoir négocié une coalition plus large afin d’atteindre le nombre de 289 députés, aucune force politique ne pouvait être considérée comme ayant remporté les élections.

    M. Nicolas Sansu

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    Eh oui !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Il est regrettable que le chef de l’État n’ait pas donné la responsabilité à un membre de la coalition arrivée en tête au second tour des élections législatives de former un gouvernement.

    M. Pierre Pribetich

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    Bravo !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Indiscutablement, il y avait une prime pour le Nouveau Front populaire,…

    M. Pierre Henriet

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    N’importe quoi !

    M. Jérémie Iordanoff

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    …justifiant qu’un de ses membres soit nommé premier ministre et chargé de former un gouvernement qui aurait eu pour délicate mission de chercher une majorité à l’Assemblée.

    M. Pierre Henriet

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    Ça ne marche pas comme ça ! Relisez la Constitution !

    M. Pierre Pribetich

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    Si, si, c’est la démocratie !

    M. Pierre Henriet

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    La démocratie parisienne peut-être !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Au lieu de cela, depuis septembre, après deux longs mois de gouvernement démissionnaire, cas sans précédent sous la Ve République, on assiste à des combinaisons baroques,…

    M. Sébastien Delogu

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    Exactement !

    M. Jérémie Iordanoff

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    …décidées sous l’impulsion du seul président de la République, qui aboutissent à des gouvernements structurellement faibles et qui ne reflètent pas le résultat des urnes. Je pense en particulier au barrage républicain, fait politique majeur de ces dernières législatives.
    Ces gouvernements maltraitent la partie gauche de l’hémicycle. Ils ne sollicitent pas la confiance du Parlement. Ils adoptent les budgets par 49.3. Michel Barnier a d’ailleurs été renversé par une motion de censure à cette occasion, une première depuis 1962 et une première depuis 1958 s’agissant d’un texte budgétaire. Avec quatre gouvernements en un an et plus de 3 000 milliards de dette, personne ne peut prédire, à ce stade, le dénouement de la crise politique et institutionnelle que nous traversons.
    La Ve République est un régime parlementaire dont le présidentialisme s’aggrave avec le temps. Dans la crise actuelle, le président de la République, malgré un déficit de légitimité, résultat de sa défaite à des élections qu’il avait lui-même provoquées, et son irresponsabilité politique, prévue par la Constitution, conserve l’essentiel de ses pouvoirs, s’arrogeant de surcroît un domaine dit réservé qu’aucun constitutionnaliste sérieux ne juge fondé en droit. Ne nous y trompons pas, nous ne sommes pas en cohabitation et le président demeure actif sur la scène interne comme internationale malgré ses déconvenues électorales.
    Se pose, plus que jamais, la question d’une évolution de nos institutions. La piste de l’Assemblée constituante est la plus ambitieuse –⁠ c’est aussi la plus délicate. Formellement, elle imposerait une modification préalable de l’article 89 de la Constitution, et donc un accord des deux chambres. C’est surtout un projet qui demande du temps et dont l’issue est incertaine. À ce titre, l’exemple chilien doit être convoqué.
    Si l’Assemblée constituante est un horizon, nous ne devons pas renoncer à retoucher, d’ici là, quelques points qui posent problème. Il y a urgence à rééquilibrer les pouvoirs. Je pense en particulier au calendrier des législatives, qui doit être disjoint de la présidentielle –⁠ comme c’était le cas originellement –, à l’encadrement du pouvoir de dissolution, à la proportionnelle –⁠ qui devrait relever de la Constitution –, à l’obligation pour tout nouveau gouvernement de s’assurer de la confiance de l’Assemblée nationale –⁠ disposition inscrite au premier alinéa de l’article 49, mais que la pratique a jugée non contraignante –, ou à la suppression du 49.3 –⁠ mécanisme anachronique dont il a été trop souvent abusé.
    Bref, nous devons dessiner une nouvelle Constitution, réellement parlementaire et adaptée à l’époque contemporaine, qui intègre davantage les citoyens et qui, dans sa mécanique, prenne en considération l’intérêt des générations futures. Enfin, il nous faut, dans l’immédiat, comprendre que la Ve République fabrique de la défiance, qu’elle est devenue fragile et qu’elle ne résisterait pas à un choc autoritaire. Il est temps de passer aux actes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Henriet.

    M. Pierre Henriet (HOR)

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    En écoutant notre collègue de La France insoumise nous expliquer l’importance de débattre des conséquences de la dissolution et du prétendu non-respect des résultats des élections législatives,…

    M. Pierre Pribetich

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    C’est le cas !

    M. Pierre Henriet

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    …une réalité m’a frappé : les Insoumis comptaient soixante-quinze députés en 2022, après les dernières élections, ils ne sont plus que soixante et onze.

    Mme Mathilde Panot, Mme Léa Balage El Mariky et M. Carlos Martens Bilongo

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    Et Horizons ?

    M. Pierre Henriet

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    Horizons s’est renforcé aux dernières élections !

    M. Carlos Martens Bilongo

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    De combien ?

    M. Pierre Pribetich

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    C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

    M. Pierre Henriet

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    Autrement dit, après avoir perdu quatre sièges,…

    M. Carlos Martens Bilongo

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    De combien de sièges vous êtes-vous renforcés ?

    M. Pierre Henriet

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    …voilà que La France insoumise réclame aujourd’hui la reconnaissance d’une victoire électorale.

    Mme Mathilde Panot

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    Tout à fait !

    M. Pierre Henriet

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    Vous conviendrez que cette situation, pour absurde qu’elle soit, reste surprenante. Pourquoi ? Parce que vous mélangez volontairement alliance électorale d’avant-élection et coalition parlementaire d’après-élection. Avant les élections, l’alliance électorale du Nouveau Front populaire a permis d’élire 192 députés. Or si l’on fait un peu d’arithmétique –⁠ ce qui ne vous ferait pas de mal –,…

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Quel mépris !

    M. Pierre Henriet

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    …c’est moins que les 210 députés de la coalition parlementaire qui soutient le gouvernement actuel et qui regroupe les députés Ensemble pour la République, Droite républicaine, Les Démocrates et Horizons & indépendants.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Et le Rassemblement national !

    Mme Mathilde Panot

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    Vous avez oublié l’extrême droite !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Et Jordan Bardella ?

    Mme Mathilde Panot

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    Il soutient, mais ne participe pas ! (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Pierre Henriet

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    À ce propos, depuis que M. Mélenchon a déclaré que le Parti socialiste n’était plus votre partenaire, devons-nous encore parler du Nouveau Front populaire ou bien de l’Ancien Front populaire ?
    Soyons clairs : revendiquer quoi que ce soit, surtout l’organisation d’une Assemblée constituante, quand on ne représente que 12 % de l’hémicycle,…

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Et Édouard Philippe ?

    M. Pierre Henriet

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    …relève de l’absurdité, pour ne pas dire du fantasme. En nous proposant ce débat, les Insoumis ont pour seule ambition de troquer notre Constitution contre un projet aussi dangereux qu’inconnu.

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    La démocratie ? Danger maximal !

    M. Pierre Henriet

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    Surtout, quel serait ce projet au vu de la conception très particulière de la démocratie interne pratiquée dans le parti des Insoumis ?

    Mme Mathilde Panot

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    Nous y voilà !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Vous n’en savez rien !

    M. Pierre Henriet

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    Quand on constate les relations parfois conflictuelles entretenues par M. Mélenchon avec certains journalistes, peut-on être sûr que la liberté de la presse sera encore garantie ?

    Mme Mathilde Panot

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    C’est ridicule d’en arriver à des arguments pareils !

    M. Pierre Henriet

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    Quand on voit leur attitude face aux décisions d’aménagement du territoire prises par les collectivités locales, devons-nous craindre demain l’organisation d’une zone à défendre (ZAD) à l’échelle nationale ?

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Toujours plus !

    M. Pierre Henriet

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    À force d’insoumission permanente, vous en oubliez parfois une évidence : respecter les règles du jeu démocratique, même quand elles vous déçoivent, est aussi une marque de maturité politique.

    Mme Mathilde Panot

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    Dit le représentant d’une coalition qui a perdu élection après élection !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    On dirait le RN !

    M. Pierre Henriet

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    Mes chers collègues, cessons ces jeux dangereux avec nos institutions.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est vous qui êtes dangereux !

    M. Pierre Henriet

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    La démocratie française mérite mieux que ces débats artificiels où l’on brandit sans cesse le spectre du déni démocratique parce que les électeurs n’ont pas voté exactement comme on le souhaitait.

    Mme Léa Balage El Mariky

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    Ne faites surtout pas confiance au peuple !

    M. Pierre Henriet

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    Notre République n’a nul besoin d’une VIe République improvisée par une Assemblée constituante élue précipitamment sous le coup de l’émotion. Ce dont elle a besoin, c’est d’une majorité stable et responsable, ainsi que de représentants capables de dépasser les outrances partisanes pour répondre aux vraies préoccupations des Français.

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Vous êtes des irresponsables !

    M. Pierre Henriet

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    Pourquoi, même après une défaite électorale, souhaitez-vous revendiquer une victoire imaginaire ? Sans doute pour conserver l’illusion que M. Mélenchon n’a rien perdu de sa superbe et qu’il est toujours bel et bien le petit père des peuples, prêt à reprendre du service en 2027.

    Mme Mathilde Panot

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    Oh là là !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    On croirait qu’il vous manque !

    M. Pierre Henriet

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    Laissons donc ce mauvais rêve s’évanouir et revenons à la réalité, celle qui nous impose la rigueur, le sérieux et l’humilité face aux résultats des urnes. Ne perdons pas de temps et débattons d’autre chose que cette farce mise à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme Mathilde Panot

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    Il ne s’agit pas d’une farce, mais de notre démocratie !

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Nous ne souhaitons pas disserter ici sur la rédaction d’une Constitution pour une VIe République. Plus modestement, au nom de mon groupe, j’avancerai quelques propositions qui nous semblent utiles pour améliorer le fonctionnement de la Ve République.
    Les chantiers potentiels sont nombreux. D’abord, celui de la solidarité sociale. Malgré un système redistributif important, les inégalités économiques persistent. La pauvreté, le chômage et les difficultés d’accès au logement conduisent trop souvent à l’exclusion sociale. Compte tenu de l’ampleur du déficit public et du volume considérable de dépenses impératives, amplifiées par les contraintes militaires, répondre au défi de la solidarité nécessite d’assurer une meilleure redistribution des richesses. Certes, la pression fiscale est globalement élevée, mais on ne saurait ignorer la concentration de la richesse par une très faible part de la population.
    Il existe une différence considérable entre la contribution du travail et de l’économie réelle et celle de l’économie financière. Les montages savants permettent à cette dernière d’atteindre de forts degrés d’optimisation –⁠ sans compter le recours à l’évasion fiscale et le rôle déstabilisateur des paradis fiscaux.
    Les mesures fiscales ne constituent qu’un aspect du liant social. La lutte contre la précarisation du travail, l’accompagnement des demandeurs d’emploi ou des personnes en situation de handicap, l’encouragement des initiatives relevant de l’économie sociale et solidaire, sont aussi d’importants vecteurs de solidarité.
    Ces impératifs nous soumettent à des choix drastiques. Il est en effet indispensable de maîtriser la trajectoire des finances publiques. Plus de 60 milliards seront consacrés cette année à la charge de la dette. Il serait intenable et malsain de continuer de vivre à crédit et de laisser ainsi une charge étouffante à nos enfants.
    La politique environnementale constitue un autre chantier d’intérêt majeur, motivé par l’impérieuse nécessité d’aller vers une société moins dépendante des énergies fossiles et pesant moins sur le milieu naturel, de protéger la biodiversité et les ressources naturelles, ainsi que de répondre aux effets du réchauffement climatique. La raréfaction des ressources, durant des périodes de sécheresse de plus en plus longues, exigera une difficile gestion durable de l’eau.
    Il reste également beaucoup à faire pour renforcer les services publics de proximité, lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accessibilité postale. Le fossé s’est creusé entre les zones urbaines dynamiques et certaines zones rurales ou périphériques, entre les régions motrices et les territoires en difficulté économique et sociale.
    Cela m’amène à évoquer une question importante pour notre groupe, celle de la structure de l’État. Je ne mets pas en cause l’égalité des citoyens devant la loi, qui constitue la base même de la vie démocratique, mais je souligne que l’équité peut passer par des traitements différenciés.
    La France est riche de ses territoires. Elle offre une diversité magnifique de cadres géographiques, d’atmosphères urbaines et rurales, de profondeurs historiques et de cultures. La crainte est grande chez certains que reconnaître cette diversité revienne à défaire la France. Nous considérons au contraire que le pays sortirait renforcé d’une meilleure adéquation de la gestion publique à ses réalités régionales. L’idée n’est pas de créer des lois et des règlements à la carte, mais de doter les régions qui en éprouveraient la nécessité de compétences, dont l’usage serait, en toute hypothèse, contrôlé par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.
    En ce qui concerne la Corse, nous sommes majoritaires à penser qu’il convient de doter l’île d’un statut d’autonomie, pour améliorer les choses en matière de vie économique, sociale et culturelle et en finir enfin avec le traditionnel et malheureux « problème corse ». Nous n’acceptons pas de subir sans réagir les tristes réalités de l’île : la dépendance matérielle, les standards sociaux à la traîne, la langue dramatiquement érodée, la spéculation déchaînée, ainsi que le délitement du sentiment d’appartenance, qui constitue le cœur même du liant sociétal. L’amélioration de la situation doit être globale. Elle doit prendre en considération toute une série de domaines de nature technique –⁠ transports, énergie, déchets, fiscalité –, tout comme elle doit conforter la personnalité de l’île, c’est-à-dire intégrer l’existence d’un peuple historique.
    Nous vivons dans un monde de contraintes, de concurrence économique, de violence, de pression environnementale, de catastrophiques poches de misère et de pression migratoire. Nous devons y répondre par le progrès scientifique et technique, mais aussi par le dialogue et la coopération. Nous devons affronter les menaces en association avec les nations démocratiques, à commencer par celles de l’Union européenne. L’avenir de nos enfants se prépare chaque jour. Le chantier, intérieur et global, est immense. Nous devons y faire face par une volonté sans faille et la force de la démocratie.

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu (GDR)

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    Nul besoin d’épiloguer sur la vacuité qui a présidé à la décision de la dissolution du 9 juin dernier, révélant, non pas l’instabilité du pays, mais l’impossibilité chronique de l’extrême centre de reconnaître le résultat démocratique des élections, ou plutôt d’accepter que la gauche et les écologistes, première force dans le cadre du Nouveau Front populaire, soient appelés à former le gouvernement.
    Après la multiplication des 49.3 depuis 2022 sur tous les budgets, après les ministres démissionnaires mais encore en poste, qui ont fait basculer le vote pour la présidence de l’Assemblée au mépris de la séparation des pouvoirs, après les injonctions guerrières désormais brandies en étendard, rien n’aura été épargné pour imposer au peuple un chemin qu’il a rejeté. Symbole de ce mépris : malgré le refus de 80 % de Français du recul de l’âge de la retraite, la réforme n’a jamais été votée par la représentation nationale. (Mme Soumya Bourouaha et M. Pierre-Yves Cadalen applaudissent.)
    Ne vous y trompez pas, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. En agissant ainsi, la Macronie ne vivifie pas la démocratie, elle organise le cortège moribond de la Ve République, qui s’est nourri du mépris envers nos concitoyens réunis sur les ronds-points en 2018 et de l’abandon systématique des conventions citoyennes sur le climat et la fin de vie. À chaque fois, le principicule infatué a feint la bonne volonté et s’est échappé à droite toute, laissant derrière lui bâton et menace. Après tout, il ne fallait pas inquiéter Bernard Arnault, que l’argent a poussé tout récemment vers l’Amérique réactionnaire de Trump. Même gavé, il se plaint, celui-là.
    Aujourd’hui, quand les choix de l’extrême centre concourent à la nouvelle alliance de l’extrême droite et de l’extrême argent, ce sont la République et ses valeurs qui sont attaquées. Une enquête du Cevipof –⁠ le centre de recherches politiques de Sciences Po –, publiée le mois dernier, nous apprend que plus de la moitié de nos concitoyens ne croient plus pouvoir changer les choses par une élection. C’est la consécration des palabres macroniennes, mais aussi une occasion de construire quelque chose de nouveau.
    La Ve République est à l’agonie et l’équilibre supposément sacré entre législatif et exécutif régulièrement bafoué –⁠ pour peu qu’on ait cru à son existence. Comme le disait Mitterrand, il s’agit surtout de « la possession du pouvoir par un seul homme dont la moindre défaillance est guettée avec une égale attention par ses adversaires et par le clan de ses amis ».
    Le temps du sauveur suprême, du César, du tribun est révolu. Oui, il nous faut parler de VIe République. Celle-ci doit venir du peuple souverain et entier, accompagné dans sa démarche par le Parlement, à qui doivent être donnés le temps et les moyens de penser l’État, loin de toute ingérence des forces de l’argent.
    Nous sommes pour une République parlementaire, car le Parlement porte en son sein la parole des Françaises et des Français. Il doit pouvoir donner son aval à l’ordre du jour de ses débats et à la nomination du gouvernement.
    Il n’est pas tolérable qu’un État tout entier soit inféodé aux velléités d’un seul homme. Un exécutif issu du Parlement n’aurait plus besoin d’outils comme l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, qui sert de cache-misère au régime présidentiel.
    Le Parlement souverain devra représenter le peuple dans toute sa diversité –⁠ sociale et culturelle – et ne pas se résumer aux mêmes édiles, élus d’une année sur l’autre. Nous voulons strictement encadrer le renouvellement des mandats, imposer la parité dans toutes les instances et créer un statut de l’élu facilitant l’engagement de personnes issues des classes populaires et de la diversité dans la République.

    M. Pierre Pribetich

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    Bravo !

    M. Nicolas Sansu

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    Nous sommes pour une République décentralisée, qui n’opposerait pas villes et campagnes, dont les administrations et les élus territoriaux prendraient pleinement part au débat national et à la préparation des réponses aux défis que représentent les urgences climatiques, sociales et démocratiques.
    Nous sommes pour une République citoyenne qui donnerait au peuple des droits sur l’agenda parlementaire, grâce à des pétitions qui, une fois signées par un nombre de citoyens équivalent à 1 % du corps électoral et répartis sur l’ensemble du territoire, permettraient de soumettre un texte à la représentation nationale.
    Le débat de ce soir constitue une première étape, qui ne peut pas être celle de l’abstraction : la situation ne le permet plus et les Français ne nous le pardonneraient pas. Par ces quelques propositions, j’espère avoir contribué à l’ancrer dans une volonté de réforme pérenne et à inspirer l’espoir d’une constituante. La Ve se meurt, vive la VIe, égalitaire et fraternelle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Excellent ! Une seule solution : Sansu à Matignon ! (Sourires.)

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Michelet.

    M. Maxime Michelet (UDR)

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    Le 27 août 1958, présentant au Conseil d’État le projet de Constitution, Michel Debré déclarait, au sujet du droit de dissolution : « Il est l’instrument de la stabilité gouvernementale. Il permet entre le chef de l’État et la nation un bref dialogue, qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une heure décisive. »

    M. Pierre Henriet

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    Eh oui !

    M. Maxime Michelet

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    Telle fut la réalité de nos institutions jusqu’à Emmanuel Macron.
    Nous ne saurions critiquer la dissolution, car les représentants du peuple ne sauraient remettre en cause une consultation du peuple. L’appel au peuple, par la dissolution, est un outil légitime, qui peut rétablir l’harmonie entre représentés et représentants.
    Or, depuis la présidentielle de 2022, un décalage de plus en plus profond se creusait entre les organes représentatifs et le peuple représenté. Un malaise exprimé dès les élections législatives de 2022, puis confirmé et amplifié par les élections européennes de 2024. Dès lors, l’appel au peuple souverain était légitime et nécessaire, mais encore fallait-il qu’on le consulte authentiquement et qu’on permette à sa volonté de se traduire en majorité d’action. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
    Des trois coalitions en compétition, l’union des patriotes, sortie largement première des urnes et seule coalition cohérente, était l’unique force politique à pouvoir offrir, au soir du premier tour, un gouvernement stable au pays. C’est tant par respect de la démocratie que par esprit de responsabilité –⁠ valeur dont les centristes se gargarisent si souvent – que les résultats du second tour auraient dû confirmer ceux du premier. Mais gauche et centre, mélenchonistes et macronistes, dans une grande coalition des contraires s’étendant d’Édouard Philippe à Philippe Poutou, trouvèrent un miraculeux terrain d’entente. Non pour gouverner la France, mais pour empêcher la France d’être gouvernée.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Par l’extrême droite !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Que faites-vous du respect des électeurs ?

    M. Maxime Michelet

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    Vous fîtes alors le choix du chaos. Ce fut le soi-disant front républicain, privant, pour la première fois de notre histoire, la première force politique de l’exercice des responsabilités.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Vous préférez le Front à la République !

    M. Maxime Michelet

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    Si cette élection a été volée, c’est au peuple français et aux patriotes qu’elle l’a été. Si cette élection a été gagnée, elle ne l’a été que par Emmanuel Macron, grâce à la gauche.

    Mme Mathilde Panot

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    Vous avez tout perdu !

    M. Maxime Michelet

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    Par la division de notre hémicycle, privé de tout vainqueur et de toute majorité, le président de la République a conservé des marges de manœuvre inespérées, dont il aurait été privé si l’union des patriotes l’avait légitimement emporté.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Respectez les électeurs !

    M. Maxime Michelet

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    Chers collègues de gauche, la Macronie vous doit beaucoup. Emmanuel Macron peut être content de vous, car, sans vous, le macronisme était fini le 7 juillet !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Vous maintenez Bayrou à bout de bras !

    M. Maxime Michelet

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    Vous avez préféré le sauver, en sauvant quatre-vingts députés du bloc central, repêchés in extremis par vos voix et par vos voix seules. Sans vous, le bloc central en aurait compté 132. Grâce à vous, il en compte 212 !

    Mme Mathilde Panot

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    Qui refuse la censure ?

    M. Maxime Michelet

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    Vous avez non seulement fait élire Emmanuel Macron en 2017, vous l’avez non seulement fait réélire en 2022, mais vous l’avez sauvé en 2024.

    M. Carlos Martens Bilongo

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    Vous votez avec lui !

    M. Maxime Michelet

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    Cette vérité vous dérange et je vous comprends : il n’est pas facile de devoir assumer qu’en plus d’être issu de vos rangs, le macronisme vous doit tout, de sa naissance à sa survie. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Il vous le rend bien, en vous permettant d’attaquer plus que jamais la Ve République, car jamais la Ve République n’aura été aussi affaiblie qu’aujourd’hui.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quel souffle !

    M. Maxime Michelet

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    Du fait de révisions improvisées et de lectures incohérentes de nos institutions, mais aussi et surtout de pratiques délétères depuis 2017, la Constitution de 1958 a été fragilisée ; elle a perdu de sa puissance démocratique et de son efficacité. C’est par cette brèche que vous souhaitez imposer votre VIe République et priver la France de stabilité constitutionnelle.
    Pour notre part, face à cette crise, nous continuerons toujours de défendre la Ve République. Toute la Ve République, rien que la Ve République, vraiment la Ve République !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Ça ne veut rien dire !

    M. Maxime Michelet

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    Ce que vous voulez abattre, nous voulons le redresser et le restaurer, car jamais la France n’a jamais connu meilleures institutions que celles héritées du génie de Charles de Gaulle et de Michel Debré.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Jamais depuis Vercingétorix !

    M. Maxime Michelet

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    Mais ces institutions reposaient sur une clé de voûte, précisément désignée par Michel Debré dans cette formule : « Cette clef de voûte, c’est le Président de la République. » Aujourd’hui, cette clef de voûte est devenue le principal point de fragilité de l’édifice : la ruine institutionnelle menace !

    Mme Mathilde Panot

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    En plus, c’est mal écrit !

    M. Maxime Michelet

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    Le président a non seulement abandonné son rôle d’agent d’équilibre, mais il est devenu le principal adversaire de l’expression de la souveraineté populaire. Alors que la Ve République est indissociable du référendum, nous attendons toujours la concrétisation des promesses référendaires du 31 décembre, comme nous avons désespérément attendu la concrétisation de celles de 2017 ou de 2022, et ce alors que l’offense faite au peuple en 2005 attend toujours d’être réparée.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Il n’y a plus rien à attendre !

    M. Maxime Michelet

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    Le mépris du peuple, porté à son paroxysme par le macronisme, voilà ce qui a dénaturé la Ve République d’année en année. C’est en redonnant des patriotes à la République que nous restaurerons le génie injustement écorné de nos institutions. C’est grâce à la grande alternance qui vient que la Ve République, abîmée par tant de prétendus gaullistes, renaîtra demain.

    Mme Mathilde Panot

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    Vous, vous êtes plutôt IIIe République !

    M. Maxime Michelet

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    Face à la crise de nos institutions, la France n’a pas besoin de changer de République, mais la République a urgemment besoin de changer de président. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Peut mieux faire !

    M. le président

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    La parole est à M. Matthias Renault.

    M. Matthias Renault (RN)

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    Chers collègues et chers collègues LFI en particulier, vous avez choisi d’aborder la question de l’Assemblée constituante. Poser la question de l’Assemblée constituante, c’est poser la question d’un changement de régime politique en France et, potentiellement, d’une VIe République. Potentiellement, car les assemblées constituantes –⁠ le pouvoir constituant – chargées d’écrire une nouvelle Constitution pour la France n’ont pas toujours donné naissance à des républiques. Depuis la Révolution française, la France a connu pas moins de quinze Constitutions. Deux d’entre elles ont concerné le Consulat ; trois ont donné le Premier Empire et le Second Empire ; deux ont rétabli la monarchie, avec la première Restauration de 1814 et la monarchie de Juillet en 1830.
    Bref, convoquer une assemblée constituante chargée d’écrire une nouvelle Constitution n’implique pas toujours la naissance d’une nouvelle République. C’est ce qui nourrit la première interrogation que je formule à l’égard de votre projet, chers collègues Insoumis. Un projet que vous aviez un peu détaillé dans votre programme présidentiel « L’avenir en commun ». Celui-ci prévoit de convoquer une assemblée constituante par application de l’article 11 de la Constitution actuelle.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    C’est peut-être inutile de leur expliquer leur programme, non ?

    M. Matthias Renault

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    Vous présupposez qu’elle débouchera sur une VIe République, mais est-on sûr de cela ?

    M. Pierre Henriet

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    Non !

    M. Matthias Renault

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    Quand on veut écrire une nouvelle Constitution, les premières questions que l’on doit se poser sont : doit-on partir d’une page blanche ? Prévoir des garde-fous ? Or votre projet ne répond pas.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est inutile ! Nous n’avons pas peur du peuple !

    M. Matthias Renault

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    Deux cas peuvent se présenter. Dans le premier, il n’y a pas de garde-fous, l’Assemblée constituante pourra aboutir à un autre régime qu’une république.

    M. Pierre Henriet

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    Eh oui !

    M. Matthias Renault

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    Le pouvoir constituant décidera peut-être de supprimer le Sénat, l’Assemblée nationale, voire les deux. Peut-être qu’il introduira plus de démocratie directe, mais peut-être pas. L’Assemblée constituante pourrait aussi décider d’établir un régime autoritaire.

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    C’est n’importe quoi !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    C’est vous les monarchistes !

    Mme Mathilde Panot

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    Vous êtes « peuplophobes » ! Vous avez peur du peuple et vous avez bien raison !

    M. Matthias Renault

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    Dans le second cas de figure, des garde-fous sont posés. Mais votre projet ne les précise pas et on est en droit de s’interroger sur la légitimité de ceux qui fixent ces garde-fous. Qui serait chargé de les définir ? Le pouvoir constituant serait-il pleinement constituant ou devrait-il se soumettre à une autorité supérieure ? Si oui, laquelle ?

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Celle du peuple ! Il fallait lire le programme jusqu’au bout !

    M. Matthias Renault

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    C’était ma première interrogation. La deuxième est la suivante : qui tient la plume ? Qui rédigera cette nouvelle Constitution ? Cette question est essentielle. Vous prévoyez de confier cette tâche à des citoyens tirés au sort pour une part et à des personnes élues sur des listes présentées par des partis politiques pour une autre part. Dans le détail, certaines contradictions apparaissent, mais une question demeure : qui tiendra vraiment la plume entre ces deux groupes ? Des citoyens tirés au sort ne seraient-ils pas vulnérables et influençables face aux politiciens expérimentés qui siégeraient à leurs côtés ?

    Mme Mathilde Panot

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    Vous avez une confiance déplorable dans l’intelligence des gens !

    M. Matthias Renault

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    N’est-ce pas le but, d’ailleurs ?

    Mme Mathilde Panot

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    C’est lamentable !

    M. Matthias Renault

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    Troisième interrogation : votre projet d’Assemblée constituante et de nouveau régime politique est-il compatible avec le reste de votre programme politique, collègues Insoumis ? Rien n’est moins sûr ! Admettons que demain Jean-Luc Mélenchon remporte l’élection présidentielle. (M. Pierre-Yves Cadalen applaudit.) Il convoque une Assemblée constituante, une nouvelle Constitution est rédigée et approuvée par référendum –⁠ vous voyez comme j’ai lu attentivement votre programme. Admettons que cette nouvelle Constitution instaure le référendum d’initiative citoyenne en toute matière et que les citoyens décident, par référendum, d’instaurer la préférence nationale, de rétablir le droit du sang et de rétablir la peine de mort. Admettons qu’ils décident de s’asseoir intégralement sur votre programme politique.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est donc ça votre vision du peuple ?

    M. Matthias Renault

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    Que feraient Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis dans ce cas ? Respecteriez-vous la démocratie, même contre votre programme ?

    Mme Mathilde Panot

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    On n’attaque pas le Capitole comme votre ami Trump !

    M. Matthias Renault

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    Dernière question au sujet de Jean-Luc Mélenchon. N’est-il pas contradictoire de vouloir abattre la Ve République, de critiquer la monarchie présidentielle, de convoquer une constituante dont on ne connaît pas l’issue et, dans le même temps, de jouir d’un statut de chef dans une organisation verticale, de tout miser sur les élections présidentielles et de présenter un programme complet ? N’est-il pas contradictoire de vouloir convoquer une Assemblée constituante en début de mandat et de faire l’hypothèse qu’une nouvelle Constitution entrera en vigueur deux ans plus tard, mais de présenter un programme politique applicable pour cinq ans ?

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Vous pouvez répéter la question ?

    M. Matthias Renault

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    Que feriez-vous en cas de victoire ? Jean-Luc Mélenchon démissionnerait-il après les travaux de la constituante ? Au vu de son tempérament, laissez-nous en douter ! S’il démissionnait, qu’adviendrait-il de votre programme ?
    En réalité, collègues Insoumis, votre projet de constituante est trop révolutionnaire pour vous ! Si elle aboutit, elle vous emportera, vous balaiera, vous et votre programme.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est vous qui serez balayés ! L’histoire ne retiendra pas votre nom !

    M. Matthias Renault

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    Si elle n’est pas réalisée, votre promesse n’aura servi qu’à duper nos concitoyens, qui ont soif de rupture. Le projet du Rassemblement national…

    Mme Mathilde Panot

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    Il vous reste exactement huit secondes pour nous le présenter !

    M. Matthias Renault

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    …est autrement plus crédible, plus palpable, plus concret : il vise à introduire le référendum d’initiative citoyenne dans notre Constitution. Les Français réclament à juste titre d’être plus impliqués dans les décisions ; ils réclament à juste titre la démocratie directe. Nous allons la leur offrir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    La Ve République s’est construite contre vous !

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Mazars.

    M. Stéphane Mazars (EPR)

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    Alors que l’actualité de notre pays est tournée vers la lutte contre le narcotrafic, les violences faites aux femmes et la montée de l’antisémitisme ; alors que nos concitoyens sont inquiets du contexte international, de la guerre en Ukraine et de la menace que la Russie fait peser sur l’Europe, le groupe LFI nous propose aujourd’hui…

    Mme Mathilde Panot

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    De défendre la démocratie !

    M. Stéphane Mazars

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    …un débat en total décalage avec les attentes des Français, il faut bien le dire.

    M. Pierre Henriet

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    C’est vrai !

    M. Stéphane Mazars

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    Soyons clairs, chers collègues de La France insoumise : ce débat n’offre même pas une réflexion, toujours utile, sur l’état de notre démocratie ; il n’est qu’une énième tentative de remettre en cause un résultat électoral qui ne vous a pas convenu.

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Ça doit être ça, oui !

    M. Stéphane Mazars

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    Votre obsession n’est pas de répondre aux préoccupations légitimes des Français, mais de réécrire l’histoire et de tordre la réalité jusqu’à la rendre conforme à vos désirs. Il est regrettable que lors de cette semaine dédiée au contrôle de l’action du gouvernement par notre assemblée, vous ayez fait le choix de monopoliser le temps parlementaire pour des chimères institutionnelles, au lieu de vous consacrer aux vrais défis du moment.

    Mme Mathilde Panot

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    Alors que vous, vous choisissez de discuter de l’épandage des pesticides et de restreindre l’accès au logement social !

    M. Stéphane Mazars

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    Commençons par le sujet du débat : la décision de dissoudre l’Assemblée nationale, prise par le président de la République. On peut tous avoir un avis sur le sujet et, depuis le 9 juin dernier, l’exprimer à l’envi. J’ai d’ailleurs toujours émis des doutes sur l’intérêt et la nécessité de cette décision présidentielle.

    M. Pierre Henriet

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    Vous n’êtes pas le seul !

    M. Stéphane Mazars

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    Il s’agit d’une prérogative que l’article 12 de la Constitution octroie au président de la République et dont il a opportunément fait usage.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Il n’a même pas consulté le président du Sénat !

    M. Stéphane Mazars

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    Je ne vois donc aucun intérêt à débattre aujourd’hui de la légitimité de son choix et à prétendre qu’il serait une atteinte à la démocratie.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Circulez, il n’y a rien à voir !

    M. Stéphane Mazars

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    En effet, la dissolution a permis une nouvelle expression démocratique, avec un niveau de participation record ; il n’y a rien à redire à cela.

    M. Pierre Henriet

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    C’est vrai !

    M. Stéphane Mazars

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    Si la décision de la dissolution n’a pas à faire débat, ses conséquences directes peuvent néanmoins être discutées, car le pays a connu un gouvernement démissionnaire pendant une durée record de soixante-sept jours. On peut donc légitimement s’interroger sur les décisions qui ont été prises durant cette période –⁠ d’ailleurs nous l’avons fait avec ma collègue Léa Balage El Mariky dans le cadre d’une mission flash de la commission des lois, au cours de laquelle nous avons relevé que le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal avait très largement respecté le champ des affaires courantes.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ce résumé trop succinct ne convient pas !

    M. Stéphane Mazars

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    Nous avons néanmoins proposé d’améliorer le contrôle démocratique exercé par le Parlement sur un gouvernement démissionnaire : une proposition de loi adoptée hier à l’unanimité en commission sera examinée en séance publique la semaine prochaine.
    Reste que vous refusez encore aujourd’hui d’accepter le résultat des urnes.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est vous qui ne l’acceptez pas !

    M. Stéphane Mazars

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    Chers collègues de La France insoumise, vous avez fait campagne et vous avez perdu.

    M. Pierre Henriet

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    Nous sommes plus nombreux que vous !

    M. Stéphane Mazars

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    J’ajouterai même sans qu’il m’en coûte que personne n’a gagné les élections législatives. Au lieu de l’admettre, vous continuez à crier au non-respect des résultats et à déplorer l’absence de nomination de Lucie Castets à Matignon par le président de la République. Tout le monde sait que le NFP était dans l’incapacité de trouver une majorité en s’alliant avec de nouveaux partenaires au-delà de sa coalition.

    Mme Mathilde Panot

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    Où est la vôtre, de majorité ? Vous faites alliance avec le RN !

    M. Stéphane Mazars

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    Je ne parle même pas des dissensions qui traversent votre coalition sur des sujets essentiels. Pourquoi parler de déni de démocratie quand on sait que le président de la République doit, en vertu de la Constitution, être le garant des institutions et de leur bon fonctionnement ?

    Mme Mathilde Panot

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    Précisément pour cette raison !

    M. Stéphane Mazars

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    Il devait donc trouver un premier ministre capable de rassembler…

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Les Français !

    M. Stéphane Mazars

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    …plusieurs groupes politiques.

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Dont le Rassemblement national !

    M. Stéphane Mazars

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    Ce qu’il a fait.
    Plutôt que de réécrire l’histoire avec votre plume, je vous invite à vous projeter vers l’avenir de notre démocratie…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Dans quelle démocratie le perdant gouverne-t-il ?

    M. Stéphane Mazars

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    Il est nécessaire de revisiter le fonctionnement de nos institutions : ici, à l’Assemblée, en l’absence de majorité, nous devons nous acculturer à une nouvelle manière de faire de la politique,…

    Mme Mathilde Panot

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    Avec des 49.3 à tout va !

    M. Stéphane Mazars

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    …à l’art du compromis, à la recherche de coalitions et de projets de gouvernance.

    Mme Mathilde Panot

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    Vous admettez donc gouverner avec le RN !

    M. Stéphane Mazars

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    De nombreux groupes politiques plaident d’ailleurs en faveur d’un scrutin proportionnel total ou partiel, ce qui rend d’autant plus nécessaire l’émergence de cette nouvelle manière de faire de la politique. Parce que nous pourrions être amenés à devoir de nouveau former des coalitions à l’avenir, nous avons souhaité, avec ma collègue Léa Balage El Mariky,…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Laissez-la tranquille à la fin !

    M. Stéphane Mazars

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    …aménager un cadre démocratique plus propice à de telles entreprises.
    Vous souhaitez, quant à vous, rien moins que convoquer une Assemblée constituante : prometteur… mais n’est pas Michel Debré qui veut !

    M. Pierre Henriet

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    En effet !

    M. Stéphane Mazars

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    À chaque législature la même rengaine : certains voudraient tout balayer, repartir d’une page blanche, en finir avec la Ve République pour embrasser on ne sait quelle VIe République…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Comment s’appelait l’auteur de Révolution en 2016, déjà ?

    M. Stéphane Mazars

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    Notre République a évolué à de nombreuses reprises depuis 1958 ; elle est vivante, elle se réforme, elle n’a pas besoin d’être renversée mais simplement d’être respectée et, parfois, ajustée. (M. Jean-François Rousselet applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

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    Je salue les orateurs qui se sont succédé à la tribune. Je tâcherai de tenir des propos aussi nuancés que les leurs. Je m’en tiendrai à deux rappels et formulerai plusieurs propositions destinées à améliorer notre vie démocratique.
    Mon premier rappel concerne la légitimité de la dissolution : nul n’ignore que dissolution et censure sont les deux clés qui font que nous ne sommes pas dans un régime présidentiel mais bien dans un régime parlementaire.

    Mme Mathilde Panot

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    Sauf que le président n’a pas consulté les présidents des deux chambres avant de dissoudre !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Demandez à M. Larcher ce qu’il en pense !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Si seule la censure pouvait être décidée, nous serions confrontés à une forme d’absolutisme parlementaire.

    Mme Mathilde Panot

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    On en est loin !

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Vous oubliez que le président n’est pas responsable devant le Parlement !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Or, comme l’écrivait Lord Acton, si « le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument ». Nous devons donc organiser l’équilibre entre les pouvoirs.
    Mon deuxième rappel concerne l’interprétation des résultats des législatives : tentons autant que faire se peut de sortir de la dystopie dans laquelle le NFP se fait voler sa victoire. Le vice-président Iordanoff rappelait à juste titre il y a quelques minutes que personne n’a gagné les élections.

    Mme Mathilde Panot

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    Si, si !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Lorsqu’aucune force n’obtient de majorité absolue au sein de l’Assemblée, il est nécessaire de procéder à des alliances, de trouver des compromis, de former des coalitions.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    En 2022, vous n’aviez pas de majorité absolue mais vous aviez gouverné quand même !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Au lieu de cela, nous avons entendu les représentants du NFP prononcer une phrase, toute simple, qui excluait toute recherche d’alliance ou de compromis : « Le programme, tout le programme, rien que le programme. »

    Mme Mathilde Panot

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    Le programme aurait fait l’objet d’une discussion parlementaire, nous l’avons répété maintes et maintes fois !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Le bloc central a trouvé quant à lui un compromis et réussi à former une alliance électorale…

    Mme Mathilde Panot

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    Avec le RN !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …avec le groupe Droite républicaine. Il en est résulté –⁠ en l’espèce, seule l’arithmétique fait foi – 211 députés pour le bloc central associé au groupe DR,…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Bayrou et Wauquiez s’adorent, c’est bien connu !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …192 députés pour le NFP et 139 pour le RN allié à l’UDR. La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a ainsi été élue au perchoir avec 220 voix,…

    Mme Mathilde Panot

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    Grâce aux voix des ministres démissionnaires, une première sous la Ve République !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …tandis qu’André Chassaigne, que je salue à nouveau, malgré ses éminentes qualités, n’en obtenait que 207, et Sébastien Chenu 141.
    Nous ne parviendrons pas à nous accorder…

    M. Pierre Henriet

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    Pas ce soir !

    Mme Mathilde Panot

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    En effet !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …sur la nécessité de convoquer une constituante, de bouleverser les institutions et de créer une nouvelle république. En tout cas, pas ce soir. (Sourires.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Vous êtes pessimiste !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Je voudrais néanmoins énoncer, au nom du gouvernement, quelques pistes d’amélioration de notre vie démocratique. Emprunter ce chemin est peut-être plus difficile que de chercher à tout casser…

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Ce n’est pas ce que nous voulons !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …pour tout reconstruire ensuite, avec tous les risques d’instabilité que cela induirait. Comment améliorer, moderniser, amener notre vie démocratique –⁠ qui en a besoin – à maturité ?

    Mme Mathilde Panot

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    Arrêtez de réprimer vos opposants et d’éborgner les gilets jaunes, par exemple !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Pour répondre à cette question, je me suis inspiré des nombreux travaux conduits par l’Assemblée nationale ces dix dernières années : sur les conditions de vote, la démocratie participative et les modes de scrutin, nous pourrions déjà travailler ensemble pour améliorer ce qui est, avant de réfléchir à ce qui pourrait être.
    Sur les conditions de vote, des travaux de l’Assemblée, souvent relayés par le Sénat, ont concerné un premier sujet : les électeurs mal inscrits sur les listes électorales, empêchés de voter dans de bonnes conditions ; plusieurs centaines de milliers de nos compatriotes sont dans ce cas.

    Mme Mathilde Panot

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    Vous n’organisez plus de campagnes d’inscription ! Vous n’avez rien fait pour remédier à cette situation !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Deuxième sujet : le vote par correspondance. La France est l’un des derniers pays à ne pas le pratiquer. Dans tous les grands comités d’entreprise, qui représentent des milliers de salariés et disposent parfois d’un budget de plusieurs dizaines de millions d’euros, le vote par correspondance est utilisé sans qu’aucune fraude n’ait jamais été relevée.
    Troisième sujet relatif aux conditions de vote : l’accessibilité pour les personnes âgées ou handicapées, mais également pour les détenus –⁠ dans quelles communes ces derniers peuvent-ils voter ? Je pourrais aussi citer d’autres travaux parlementaires intéressants, sur le droit de vote dès 16 ans ou la reconnaissance du vote blanc, par exemple.

    Mme Mathilde Panot

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    Faites-le, nous sommes d’accord !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    J’en viens au thème de la démocratie participative. Si nous voulons revitaliser, améliorer et moderniser notre vie démocratique –⁠ comme vous il m’arrive de le souhaiter –, il faut poursuivre le travail de la députée Pochon sur les cahiers de doléances. Je me réjouis que le gouvernement envisage de rouvrir ces cahiers et d’utiliser les travaux réalisés lors du grand débat national ; cette forme de démocratie participative n’avait jamais été testée auparavant dans le pays.
    Citons aussi les conventions citoyennes. Celle sur la fin de vie –⁠ les deux textes sur le sujet seront examinés au mois de mai – a permis d’avancer et de désenflammer le débat. Sur un sujet aussi particulier, ses travaux permettront aux parlementaires de s’exprimer sans crainte.

    Mme Mathilde Panot

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    Faut-il rappeler que vous avez jeté à la poubelle 90 % des propositions de la Convention citoyenne pour le climat ?

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Bien qu’elle ait donné lieu à davantage de polémiques, je citerai également la Convention citoyenne pour le climat. On peut reprocher au président de la République d’avoir utilisé des jokers,…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ce n’est pas un jeu ! Il y va de l’avenir de l’humanité !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …dès lors que la Convention proposait des modifications de la Constitution susceptibles de déstabiliser notre cadre juridique. Toutefois, des dispositifs comme le ZAN –⁠ objectif zéro artificialisation nette – ou les ZFE –⁠ zones à faibles émissions –, bien qu’ils soient aujourd’hui controversés, sont issus de ses travaux. La Convention citoyenne pour le climat a donc incontestablement permis d’éclairer les travaux du Parlement et de moderniser les politiques écologiques.
    Enfin, la démocratie participative recèle des trésors…

    M. Julien Limongi

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    Surtout le référendum !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …sur lesquels nous n’insistons pas assez, bien qu’ils aient été testés et améliorés sur le terrain. Je pense aux référendums locaux organisés par les maires, trop souvent prisonniers de leur forme uniquement consultative. Horizontaliser notre vie démocratique passe par un retour au peuple : que ce dernier participe à la décision locale comme nationale permettrait évidemment de faire progresser la démocratie.

    M. Matthias Renault

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    Instaurez les RIC !

    Mme Mathilde Panot

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    Soumettez l’abrogation de la retraite à 64 ans au référendum !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Nous pourrions également explorer la possibilité de recourir à des référendums à questions multiples, ce qui serait inédit en France. Tous ces chantiers ont été ouverts par l’Assemblée ou pourront l’être prochainement si vous le décidez –⁠ c’est en tout cas mon souhait et celui du gouvernement.
    D’un mot, sachez que les contours de la banque de la démocratie souhaitée par le gouvernement seront prochainement précisés et qu’elle jouera un rôle clé dans le financement de campagnes électorales indépendantes et protégées des ingérences étrangères.
    Le député Castellani évoquait l’autonomie de la Corse : nous devrons explorer les voies constitutionnelles pour y parvenir, comme le gouvernement s’y est engagé, avec un calendrier précis.
    S’agissant des modes de scrutin, vous examinerez ces prochaines semaines des textes importants. L’un concerne les élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants ; il tend à faire en sorte que le scrutin de liste soit pleinement paritaire dans 80 % des communes, ce qui –⁠ anomalie démocratique – n’est pas encore le cas. L’autre est une réforme de la loi Paris-Lyon-Marseille (PLM) de 1982. Pourquoi les habitants de ces trois villes n’auraient pas le droit de choisir leur maire comme les autres citoyens français ?
    J’en viens au scrutin législatif évoqué par plusieurs d’entre vous : dans sa déclaration de politique générale, le premier ministre a annoncé vouloir instaurer une part de proportionnelle. Ce sujet est fondamental. Le Parlement n’a jamais eu autant de pouvoir qu’aujourd’hui. (Mme Mathilde Panot s’esclaffe.) Il n’a jamais eu autant de pouvoir, précisément parce qu’il n’a pas de majorité absolue !

    Mme Mathilde Panot

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    Vous oubliez les 49.3 sur la réforme des retraites et sur les projets de loi de finances ! On ne vote plus les budgets depuis trois ans !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    En l’absence de majorité absolue, l’exécutif ne peut pas compter sur le fait que les textes qu’il met à l’ordre du jour de l’Assemblée en ressortiront sans aucune modification ou presque. Vous exercez votre pouvoir législatif et cet apprentissage est parfois difficile…

    Mme Mathilde Panot

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    Vous avez fait passer en force la retraite à 64 ans alors que tous les syndicats s’y opposaient !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Vous pourriez profiter de la situation actuelle, dans laquelle le gouvernement privilégie les propositions de loi aux projets de loi, afin de progresser, d’améliorer le quotidien des Français, de répondre à leurs attentes. Malheureusement, bien que l’absence de majorité absolue nous oblige à en trouver, nous n’avons pas la culture du compromis. Dès lors, nous ne parvenons pas toujours à constituer des majorités projet par projet, et il arrive que certains ralentissent les débats en multipliant les amendements.

    Mme Mathilde Panot

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    Il ne faudrait pas que la démocratie prenne trop de temps !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Lors des semaines de l’Assemblée, sont mis à l’ordre du jour des textes transpartisans très intéressants ; d’autres sont tellement aseptisés qu’ils ne servent plus les intérêts du plus grand nombre.

    Mme Mathilde Panot

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    Ce sont les seules semaines où l’on peut voter !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Nous devons tous progresser. Il faudra bien accepter un jour qu’il y ait cinq, six, sept sensibilités différentes dans le pays, et que chacune soit représentée dans l’hémicycle,…

    Mme Mathilde Panot

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    Vous devrez bien accepter un jour que vous avez perdu !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …avec des députés dotés de la responsabilité, de la modernité, de la maturité nécessaires pour trouver les voies et moyens d’une entente permettant de construire et d’avancer collectivement. Pour cela, il faudrait que les députés ne soient plus désignés au scrutin majoritaire mais au scrutin proportionnel…

    M. Jérémie Iordanoff

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    Intégral !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Il nous faudra une meilleure représentation. Un électeur de gauche à Neuilly-sur-Seine et un électeur de droite à Saint-Denis doivent être assurés que leur bulletin de vote est susceptible de compter.
    Lorsqu’on se présente à une élection et qu’on s’attend à ne pas siéger au sein d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, c’est qu’a priori on a la volonté de rechercher la discussion et les compromis avec ceux qui pensent différemment.

    Mme Mathilde Panot

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    Vous ne recherchez aucun compromis ! Vous piétinez l’Assemblée nationale !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    C’est cette modification de la culture démocratique française qui nous permettra d’avancer dans les années qui viennent, et d’éviter que les marges de manœuvre de l’exécutif s’épuisent au bout de dix-huit mois.
    Avec le quinquennat combiné à l’inversion du calendrier électoral depuis 2002, des majorités absolues se dégagent. On pense que ce système est très utile et qu’il permet au président de la République de s’appuyer sur une majorité absolue à l’Assemblée nationale et de faire ainsi avancer la France pendant cinq ans, mais ce n’est pas vrai : au bout de dix-huit mois, quand le contre-pouvoir n’est pas assuré à l’Assemblée nationale, il se constitue dans la rue par l’intermédiaire de crises sociales ou sous la forme d’une opinion publique qui finit par servir de butée.

    M. Julien Limongi

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    La majorité peut aussi être décevante !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Je ne suis pas de ceux qui croient que l’amour dure trois ans, je pense qu’il peut durer plus longtemps. Et je suis persuadé qu’un quinquennat ne peut pas durer dix-huit mois si l’on veut faire avancer un pays. Je m’efforce donc de travailler avec vous afin que, dans les mois qui viennent, nous progressions et que, à défaut d’une nouvelle république, nous inventions une nouvelle pratique de celle-ci. Ainsi, plutôt que de chercher à délégitimer les institutions…

    Mme Mathilde Panot

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    C’est vous qui les délégitimez ! Vous êtes en train de détruire la démocratie !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …parce qu’elles sont dirigées par des personnes auxquelles vous êtes opposés, vous pourriez rechercher avec nous les voies et moyens qui permettront demain, même lorsqu’on est foncièrement opposé aux dirigeants du pays, de contribuer à des décisions d’intérêt général, au service des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Essayez le nom « Ensemble pour la VIe République » !

    M. le président

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    Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à M. Carlos Martens Bilongo.

    M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP)

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    Au soir du dimanche 9 juin 2024, le président de la République Emmanuel Macron a appuyé sur le bouton de la dissolution. Grâce ou en dépit des pouvoirs que lui confère la Ve République, il a dissous l’Assemblée nationale. Notre pays souffre d’une faible confiance envers ses représentants politiques : la participation électorale varie entre 40 %, lors des municipales, et 80 %, lors des présidentielles.
    À la suite des élections européennes et de la dissolution, une question s’est posée : quelle était la véritable intention d’Emmanuel Macron ? En vérité, il entendait installer l’extrême droite à Matignon.

    Mme Mathilde Panot

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    Évidemment !

    M. Carlos Martens Bilongo

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    C’était sans compter sur la mobilisation populaire. Les Françaises et les Français se sont déplacés en masse pour faire barrage aux idées de la droite extrême. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le Nouveau Front populaire, les organisations syndicales et de jeunesse, les associations et la société civile de gauche ont déjoué les vingt-sept instituts de sondage qui annonçaient le Rassemblement national au pouvoir, comme Macron le souhaitait. (Mme Mathilde Panot applaudit.) Ainsi, 66 % des Français ont voté au second tour des législatives du 7 juillet, soit une augmentation du taux de participation de plus de 20 points par rapport aux élections législatives de 2022, où il s’élevait à 46 %.
    Qu’a fait alors le président de la République ? Il a immobilisé le pays en profitant des Jeux olympiques. Il a réalisé des consultations à l’Élysée pour imposer un gouvernement illégitime et un premier ministre sans programme, qui n’avait même pas fait campagne pendant les législatives. Il s’agit d’un vol et d’un déni démocratiques qui visent à démobiliser l’électorat populaire opposé à l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Après la fausse majorité Barnier, vous avez créé le bric-à-brac Bayrou : des ministres en campagne pour le congrès des Républicains, sans soutien des parlementaires.
    Il faut directement passer à la VIe République, pour donner un véritable pouvoir au Parlement, pour garantir le vote du budget et pour éviter que les Français ne se fassent voler deux ans de vie par une réforme des retraites qui n’a même pas été votée à l’Assemblée nationale, sans parler du semblant de conclave dont la seule fonction est d’éviter une censure. (Mêmes mouvements.) Tout cela ne profite pas à la démocratie et contribuera à en éloigner nos concitoyens en les décourageant d’aller voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Nous pouvons nous opposer sans nous inventer réciproquement des intentions. En l’occurrence, pour fonder vos critiques, vous prêtez des intentions au président de la République et au gouvernement.

    Mme Mathilde Panot

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    C’est une demande du RN, la dissolution !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Entre le programme que vous défendiez aux élections législatives et que vous continuez de défendre dans cet hémicycle, et le programme du gouvernement, il peut y avoir des différences fondamentales. Il n’est donc pas besoin d’inventer ou de réécrire des scénarios pour consolider votre position : vous êtes légitimes à vous opposer, nous le reconnaissons absolument, et je crois que nous sommes également légitimes à gouverner. C’est la beauté de la démocratie.

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Avec quel programme ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP)

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    La Ve République est un régime monarchique qui méprise le peuple. Emmanuel Macron a piétiné le résultat de l’élection démocratique parce qu’il ne lui convenait pas. Sous la Ve République, une fois le monarque élu, il impose ce qu’il veut à la population en prétendant être « responsable et raisonnable » –⁠ sous-entendant que les Français ne le sont pas. Ainsi, lors de la réforme des retraites que plus de 70 % des Français rejetaient, Mme Borne claironnait, pour défendre son 49.3, que cette réforme était « nécessaire » et qu’il s’agissait d’un choix de « responsabilité ». Or, dans une démocratie fonctionnelle, c’est le peuple qui décide ce qu’il est responsable de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Dans une démocratie fonctionnelle, ses décisions seraient appliquées, son vote respecté et l’intérêt général placé au cœur des décisions.
    À l’heure de la sixième extinction de masse, alors que chaque été est le plus chaud jamais enregistré, qu’il n’y a plus de doute sur les liens entre pollution et dégradation de la santé humaine, que les catastrophes naturelles se multiplient sur notre sol, il est plus que jamais responsable de préserver les conditions de vie sur la planète. Soit l’inverse exact de ce qui se passe sous la présidence Macron : de projet de loi industrie verte en projet de loi de simplification de la vie économique, c’est le droit de l’environnement qui se trouve systématiquement attaqué et qui ressort toujours plus affaibli. (Mêmes mouvements.)
    La VIe République, c’est la possibilité de consacrer de nouveaux droits, comme la nécessaire règle verte : ne pas prendre plus à la planète qu’elle ne peut régénérer. C’est respecter la volonté citoyenne et empêcher qu’un monarque présidentiel méprise les recommandations d’une convention citoyenne pour le climat, comme l’a fait Macron. (Mêmes mouvements.) Une telle République respecterait l’État de droit, ne ferait pas passer en force des projets écocidaires au mépris des principes environnementaux constitutionnels et législatifs, des populations locales, des scientifiques et même des décisions de justice, comme vous tentez de le faire avec l’autoroute A69. (Mêmes mouvements.) Elle ne permettrait pas la répression violente et aveugle de citoyens qui se battent pour préserver le vivant.
    La règle verte et le droit des générations futures à vivre doivent constituer la boussole des politiques publiques. En juillet 2024, les élections législatives ont placé en tête les forces de gauche,…

    M. Pierre Henriet

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    C’est faux, on vous l’a dit !

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    …qui défendaient un projet écologique. Pourtant, nous avons aujourd’hui un gouvernement qui cède aux sirènes de l’extrême droite et pratique le déni écologique. Votre irresponsabilité a assez duré. Il faut convoquer une Assemblée constituante et passer à la VIe République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Je partage votre conscience de l’urgence écologique.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Ah !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Est-ce que, dans ces conditions, vous ne gagneriez pas du temps –⁠ puisque le problème est urgent – à déposer une proposition de loi, voire une proposition de loi constitutionnelle, visant à instaurer la règle verte ?

    M. Jérémie Iordanoff

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    Vous la voteriez ?

    Mme Mathilde Panot

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    Si vous saviez le nombre de propositions de loi que nous avons déposées !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Ainsi fonctionne le Parlement et je ne peux que vous inviter à le faire. Si les choses sont urgentes, pourquoi passer par une Assemblée constituante, qui nous engagerait pour six à douze mois de travaux ? Réfléchissons plutôt à la définition de la règle verte et à son inscription dans la loi, et cherchons s’il est possible de trouver une majorité à l’Assemblée nationale en sa faveur.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Vous y seriez favorable ?

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Je suis sûr qu’on pourrait faire un très bel apprentissage sur un tel sujet, qui touche à l’intérêt général et à l’intérêt supérieur des générations futures, afin qu’ensemble nous trouvions peut-être des compromis.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Vous la soutiendrez ?

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Je suis prêt à y travailler !

    M. le président

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli (SOC)

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    Ce débat est intéressant et mériterait de recueillir l’attention d’un plus grand nombre de députés. Le refus du président de la République de désigner un premier ministre issu de la coalition arrivée première, en nombre de députés, aux élections législatives de juin et juillet 2024 a mis en évidence le fait que le président entendait sortir de son rôle d’arbitre pour donner un coup de pouce à une autre coalition. Il a influencé le résultat par l’exercice de sa prérogative constitutionnelle.
    D’après certains juristes spécialistes des institutions, le choix du premier ministre devrait émaner de l’Assemblée nationale. Dans les autres régimes parlementaires, le chef de l’État charge le chef du parti et de la coalition arrivée en tête aux élections législatives de former un gouvernement. Celui-ci doit ensuite démontrer qu’il est en capacité d’obtenir une majorité –⁠ les déclarations médiatiques ne suffisent pas.
    Monsieur le ministre, vous avez appelé à une évolution de la culture parlementaire française. En 2022, la commission des lois avait débattu d’une proposition de loi visant à un meilleur équilibre des pouvoirs sous la Ve République. Celui-ci passe par la correction du texte constitutionnel et par la modification de l’article 8 de la Constitution, afin que le premier ministre soit investi par l’Assemblée nationale préalablement à sa nomination par le président de la République.
    Selon l’article 20 de la Constitution, le premier ministre « est responsable devant le Parlement ». Il est logique qu’il soit investi par l’Assemblée nationale et qu’il puisse, en contrepartie, renvoyer les députés devant les électeurs en cas de différend persistant ou récurrent. Le gouvernement entend-il conduire une réflexion en ce sens ? Une réforme constitutionnelle visant in fine à rééquilibrer les pouvoirs constitutionnels et à éviter l’hyperprésidentialisation sera-t-elle envisagée ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Nous partageons des convictions communes à ce sujet. Pour avoir aussi siégé dans cet hémicycle durant la XVe législature, je sais combien cette question illustre la difficulté à se départir de l’idée selon laquelle le gouvernement doit nécessairement prendre l’initiative. Je vous ferai une confidence : à ce jour, le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. (Sourires.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Mince ! Sans blague !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Tout comme le groupe La France insoumise pourrait demain déposer une proposition de loi constitutionnelle relative à l’écologie, le groupe socialiste pourrait déposer une proposition de loi constitutionnelle tendant à réécrire l’article 8 de la Constitution, et nous ne serions pas opposés à vous laisser rechercher une coalition en sa faveur.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ah, c’est sympa !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Nous devons inverser notre schéma mental : alors que nous avons désormais des gouvernements qui s’appuient sur des majorités relatives, voire très relatives, ce qui les conduit, pour faire aboutir un texte, à déborder de leur socle central,…

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Un socle friable !

    M. Jérémie Iordanoff

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    En ce moment, il déborde surtout par là-bas (désignant les bancs du RN) !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …j’invite les groupes d’opposition à adopter la même démarche. En tant que ministre des relations avec le Parlement, je m’engage à ce qu’il n’y ait aucun a priori de la part des forces politiques qui soutiennent le gouvernement à l’égard de votre proposition de loi et à vous accompagner dans ce travail.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli (SOC)

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    Dans un rapport de la commission des affaires européennes, mon corapporteur et moi-même nous sommes étonnés de la difficulté d’obtenir certaines informations recueillies par le gouvernement auprès de la Commission européenne. Dans ce document, nous appelons le gouvernement à une plus grande transparence sur les négociations au niveau européen et à une communication régulière au Parlement des documents de travail émanant des institutions européennes ou des négociations conduites avec celles-ci ou avec d’autres États membres. Nous considérons que l’appréciation du caractère utile ou non de ces documents doit revenir exclusivement au Parlement. Ainsi la Loi fondamentale allemande prévoit-elle à l’article 23, alinéa 2, que « le Bundestag et les Länder par l’intermédiaire du Bundesrat concourent aux affaires de l’Union européenne. Le gouvernement fédéral doit informer le Bundestag et le Bundesrat de manière complète et aussi tôt que possible. »
    Les parlements nationaux devraient par ailleurs être mieux associés aux décisions de l’Union européenne en matière budgétaire et financière, et probablement aussi en matière de défense, au moment où l’Union européenne entend changer d’approche dans ce domaine. Une conférence interparlementaire a été évoquée : elle permettrait de mieux coordonner le travail des parlements nationaux.
    Ma question est double : le gouvernement entend-il modifier la Constitution dans le sens d’une information systématique et complète du Parlement ? S’engage-t-il, en outre, à mener une concertation avec les autres gouvernements afin de mieux associer les parlements nationaux à l’examen de sujets essentiels tels que l’équilibre budgétaire et la défense commune ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    S’agissant de la conférence interparlementaire, comme vous l’avez sans doute observé, une coalition est en train de se constituer en Allemagne autour du futur chancelier Merz, et plusieurs réunions bilatérales sont programmées.
    Une nouvelle conférence interparlementaire aura probablement lieu en mai ou en juin : elle devrait nous permettre d’évoquer la mise à disposition d’un certain nombre de documents que les gouvernements, dans d’autres pays de l’Union, communiquent beaucoup plus facilement à leurs parlements nationaux, cette décision relevant exclusivement de la compétence gouvernementale.
    La France est engagée, aux côtés de soixante-treize autres pays dans le Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO). Le premier objectif du plan d’action 2024-2026 du PGO est de permettre aux élus des démocraties représentatives, ainsi qu’à leurs citoyens, d’accéder à la documentation, sur le modèle de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA).
    Je m’engage à ce qu’il soit possible de mettre à disposition un certain nombre de documents, en veillant à respecter une analogie avec le droit de l’Union européenne, sans qu’il soit nécessaire d’en passer par une proposition de loi constitutionnelle. Je vous communiquerai prochainement les différents éléments de ce plan d’action et j’entends bien saisir le Parlement sur les objectifs du PGO. D’autres initiatives existent en matière de démocratie participative et de redevabilité –⁠ autrement dit la question du suivi, par les citoyens, de la bonne application des lois.

    M. le président

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    La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.

    M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS)

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    Les électeurs de Mantes-la-Jolie ont été très nombreux à se mobiliser pour les législatives –⁠ certains pour la première fois. Qu’allez-vous répondre à Fatima, Marcel, Jean-Claude, Lucie, Louise ou Micheline qui, au premier tour, m’ont apporté leurs suffrages pour vous battre –⁠ battre la Macronie, dans le sillage de la réforme des retraites décidée par Élisabeth Borne – et à qui le premier ministre explique désormais qu’on ne touchera pas au départ à 64 ans, alors que vous avez perdu les élections et que vous êtes, dans cet hémicycle, en minorité absolue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Pierre Henriet s’exclame.)
    Qu’allez-vous répondre à ces électrices et à ces électeurs qui, au second tour, m’ont également apporté leurs suffrages, comme à une majorité d’entre nous ici, pour faire barrage à l’extrême droite et pour empêcher que ne prenne corps dans ce pays le projet rance et raciste de Mme Le Pen et de M. Bardella, et qui se retrouvent avec M. Retailleau au banc des ministres (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP), lui qui reprend les thèmes et les termes de l’extrême droite ? Qui se retrouvent avec M. Valls, lui qui explique que le monde arabo-musulman serait, en France, responsable de l’antisémitisme et de sa montée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Mathilde Panot

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    Exactement !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    J’aimerais que vous leur répondiez quand ils essayent d’apprendre à leurs enfants à respecter les règles à l’école et que ces derniers voient, au journal télévisé, le président du Sénat –⁠ ce n’est pas rien dans notre démocratie – expliquer que le président de la République ne l’a pas consulté, ainsi que la Constitution l’exige, avant de dissoudre l’Assemblée nationale.
    J’aimerais savoir comment vous vous y prendriez, dans ce moment où, partout, la démocratie vacille –⁠ regardons ce qui se passe dans ces pays qui sont, ou qui furent, de grandes démocraties –, pour leur expliquer que la démocratie est encore ce qui nous protège ; pour leur expliquer qu’il faudra aller voter demain et changer ainsi notre destin collectif et individuel –⁠ quand vous avez justement trahi cette promesse démocratique et républicaine.
    Ici, on ne joue pas. Ici, on ne fait pas du théâtre. Nous sommes là pour honorer un mandat qui nous a été confié par les électrices et les électeurs. Comment leur faire comprendre cela alors que vous siégez au banc des ministres, vous qui avez été battu aux élections législatives ? À quel moment arrête-t-on de mépriser nos concitoyens avec des gouvernements de minoritaires, dirigés par des représentants de groupes marginaux –⁠ M. Barnier et après lui M. Bayrou ? Quand respectera-t-on la démocratie et nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)

    Mme Mathilde Panot

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    Bravo ! Excellent, monsieur Lucas-Lundy !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Ce que je pourrais répondre à vos électeurs du premier tour qui vous ont permis de faire barrage, au second tour, au candidat qu’ils souhaitaient éliminer ? Exactement ce j’ai dit aux électeurs de la circonscription de Chambéry, qui m’ont élu à neuf reprises avant que je ne sois battu à la dixième par votre collègue Jean-François Coulomme : il fallait voter pour lui, afin de faire barrage à l’extrême droite. Il n’est pas pour autant celui qui cherche le plus le compromis avec le gouvernement.
    Dans un monde politique multipolaire, on ne gagne jamais seul. Dès lors qu’il est nécessaire d’additionner un certain nombre de voix pour éliminer ceux dont on ne veut pas au second tour, chaque député élu par une coalition d’électeurs a vocation à travailler avec les autres, dans un esprit d’ouverture, pour faire avancer le pays dans le bon sens.

    Mme Mathilde Panot

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    Et sur la présence de M. Retailleau au gouvernement ?

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Nous ne sommes pas obligés de nous retrouver sur ce constat, mais c’est celui qui m’anime.

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Et M. Retailleau ?

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    L’un des chantiers que nous ne pourrons pas contourner est celui du développement durable –⁠ je le disais tout à l’heure à la tribune. Nous devons diminuer l’empreinte de nos activités sur les milieux naturels. On pourrait évoquer à ce sujet les interminables débats autour de l’objectif ZAN. Chaque année, en France, l’artificialisation fait disparaître, en moyenne, 25 000 hectares d’espaces naturels. S’ils comprennent l’intérêt de protéger ce patrimoine, les élus locaux sont nombreux à déplorer le caractère mécanique du dispositif. La commission des affaires économiques du Sénat a ainsi adopté, le 19 février dernier, une proposition de loi visant à assouplir son application, estimant hors d’atteinte l’objectif d’une réduction de moitié du rythme de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici à 2031.
    Ces restrictions sont regrettables si l’on considère l’importance de la protection des milieux naturels. Ne faudrait-il pas, à tout le moins, mieux adapter les lois aux réalités locales, qui sont en France si diverses et inégales ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    J’ai cru déceler, dans ce plaidoyer pour une meilleure différentiation de la norme, l’idée qu’une adaptation des lois au territoire corse en serait une excellente illustration. Le gouvernement a repris à son compte le calendrier établi lors de l’initiative dite processus de Beauvau. L’Assemblée nationale a déjà travaillé il y a quelques années sur cette notion de différentiation, si bien que nous pouvons avancer par des voies constitutionnelles, sous le contrôle du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, vers de possibles adaptations de la norme ou de la disposition législative aux particularités locales –⁠ s’agissant d’une île-montagne à caractère méditerranéen, cette particularité me semble suffisamment caractérisée.

    M. le président

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    La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha (GDR)

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    Le dernier baromètre de la confiance politique du Cevipof est sans appel : 31 % des Français considèrent que le gouvernement est légitime. Ce chiffre, à lui seul, dit la défiance profonde dans laquelle notre pays est plongé. En recherchant les chiffres des années précédentes, je me suis aperçu qu’ils n’existaient pas : la question ne se posait même pas, elle qui pourtant aujourd’hui s’impose.
    Elle s’impose, parce que la dissolution précipitée de l’Assemblée nationale par le président de la République, suivie du refus de respecter le verdict des urnes, a plongé nos institutions dans une crise d’une gravité inédite sous la Ve République. Nous sommes entrés dans une aire de chaos institutionnel, dans laquelle le pouvoir exécutif tente de gouverner sans majorité, sans cap et sans légitimité politique. Le pays, lui, se divise en trois blocs, tandis que l’extrême droite prospère sur les ruines de notre démocratie.
    Doit-on attendre une nouvelle dissolution ? Doit-on subir une nouvelle élection présidentielle réduisant la vie politique à un duel étouffant ? Aucune de ces deux perspectives ne répond à la crise démocratique actuelle.
    Ne pensez-vous pas que le moment est venu de rendre la parole aux Français –⁠ non pour choisir de nouveau entre deux figures présidentielles ou secouer encore le panier de la dissolution, mais pour redéfinir ensemble les règles du jeu ? Ne pensez-vous pas qu’il est temps d’ouvrir un travail constituant pour fonder une VIe République démocratique, parlementaire, écologique et sociale adaptée aux besoins de notre époque ? N’est-ce pas la voie que nous devons suivre si nous voulons sortir durablement de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Notre culture politique nous permet de savoir, même sans les baromètres de confiance qui n’ont pas toujours existé, que les cotes de popularité des présidents de la République et des gouvernements, ces trente dernières années, ont régulièrement connu des niveaux extrêmement bas : souvenons-nous du président Sarkozy et du président Hollande, ou des gouvernements Raffarin en 2004 et 2005, sous la présidence de Jacques Chirac.
    L’impopularité est consubstantielle à l’exercice gouvernemental. C’est encore plus vrai dans un pays qui, au milieu des inquiétudes que le monde fait peser sur lui, peut être traversé de très grandes fragilités. Si, à chaque fois qu’il devait s’y confronter, on en venait à chercher la solution dans une dissolution ou une démission –⁠ je sais que ce n’est pas le sens de votre propos –, un président élu et une assemblée ayant reçu l’onction du suffrage universel seraient systématiquement conduits à remettre en cause leur mandat –⁠ à chaque crise sociale, à chaque élection intermédiaire défavorable, à chaque période d’impopularité.
    Je comprends la logique qui vous amène à envisager une Assemblée constituante. Toutefois, dans le moment de bascule que nous vivons, dans ce tournant historique pour le monde, les Européens, et les Français en particulier, doivent prendre conscience qu’ils doivent déclarer leur indépendance. À l’instabilité internationale, la France ne gagnerait donc pas à ajouter l’instabilité nationale…

    Mme Mathilde Panot

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    Ça s’appelle la démocratie, ce n’est pas de l’instabilité !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    …vers laquelle nous entraînerait probablement pour plusieurs mois la création d’une nouvelle Constitution, au détriment des décisions importantes que nous avons à prendre.

    M. Jérémie Iordanoff

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    La démocratie est là, maintenant !

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Limongi.

    M. Julien Limongi (RN)

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    La France insoumise nous invite aujourd’hui à débattre du non-respect du résultat des élections législatives et de la dissolution –⁠ mais de qui se moque-t-on ? Vous osez dénoncer un prétendu mépris du suffrage universel quand vous avez été les premiers, rappelons-le, à pactiser avec la Macronie pour sauver vos sièges.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Pour faire barrage au RN, ce n’est pas pareil !

    M. Julien Limongi

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    Les conséquences de cette dissolution sont claires : les Français ont enfin vu votre vrai visage, celui de stratèges du reniement toujours prêts à toutes les compromissions pour préserver leurs intérêts. De La France insoumise aux Républicains en passant par les socialistes et les macronistes, vous vous êtes ligués pour empêcher l’alternance.
    Un exemple parmi tant d’autres, dans ma circonscription : dès le lendemain du premier tour, le candidat LFI s’est empressé de tendre la main à la candidate macroniste-LR. Ceux qui se prétendent adversaires se retrouvent soudainement alliés dès qu’il s’agit de faire barrage aux choix des électeurs. Pour quel résultat ? (M. Jérémie Iordanoff s’exclame.) Ceux que vous prétendez combattre ont été réélus et sont même redevenus ministres !

    Mme Mathilde Panot

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    Vous êtes des hypocrites, des tartuffes !

    M. Julien Limongi

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    Et ils vous en remercient chaleureusement, madame Panot ! Vous osez, avec ça, parler de blocage ? Vous êtes pourtant les véritables artisans de l’impasse institutionnelle dans laquelle nous nous trouvons. Avec vos petits arrangements entre partis, vous paralysez la France, tandis qu’au Rassemblement national nous défendons avec constance la volonté du peuple français et les intérêts de notre pays. Pire encore, vous refusez de voter des textes par pur sectarisme, même lorsqu’ils servent l’intérêt des Français, simplement parce que vous n’en êtes pas à l’origine.
    En juin dernier, une vague d’espoir s’est levée : 11 millions d’électeurs ont voté pour les candidats de l’Union nationale. Ils sont aujourd’hui plus nombreux encore à attendre l’arrivée de Marine Le Pen à l’Élysée.
    Après tant de renoncements et de compromissions, êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à rompre avec ces alliances de circonstance et à laisser enfin les Français décider librement de leur avenir, sans manœuvre partisane ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Dans un scrutin majoritaire, au premier tour, on choisit, au second, on élimine lorsque le candidat de son choix n’a pas été qualifié ou lorsqu’il a décidé de se retirer : ce n’est en rien une manœuvre partisane, mais un choix de liberté et de conviction. C’est la démocratie même.
    Je préférerais que la démocratie s’exprime dans des conditions plus saines, et surtout plus représentatives, grâce à un scrutin proportionnel départemental à un seul tour. Chacun pourrait alors déposer le bulletin de son choix dans l’urne.

    M. Julien Limongi

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    Mais quand arrive-t-il à l’Assemblée nationale ce texte ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-France Lorho.

    Mme Marie-France Lorho (RN)

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    Comme en 1997, la dissolution prononcée par le président de la République en 2024 n’a pas eu les effets escomptés. La recomposition de la chambre basse n’a pas conforté la majorité déjà relative du président de la République, et elle a mené le gouvernement à composer avec des forces disparates. En réalité, elle n’a fait que souligner l’ampleur de la crise institutionnelle que nous traversons.
    Pourtant, il existe des remèdes. La mise en œuvre du scrutin proportionnel, qui n’exige pas de révision constitutionnelle, en est un. Si ce n’est pas un remède parfait, il serait malgré tout indiqué et permettrait une représentation plus juste du paysage politique français. Nos compatriotes sont d’ailleurs largement favorables à ce mode de scrutin plus équitable –⁠ d’après une enquête publiée en décembre dernier, ils le sont à 74 %.
    À l’occasion de son discours de politique générale, M. le premier ministre a proposé que « nous avancions concernant la réforme du mode de scrutin législatif ». Il estime que ce mode de scrutin permet de mieux reconnaître le pluralisme. Où en est la révision du mode de scrutin législatif que le premier ministre appelait de ses vœux il y a quelques mois ?

    M. le président

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    La parole est à M. Patrick Mignola, ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    L’engagement pris par le premier ministre à cette tribune sera tenu. Comment faire et surtout comment concrétiser cet engagement ?

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Surtout quand ?

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Le premier ministre a consulté les présidents de groupe parlementaire et de parti. Je poursuis actuellement ce travail dans l’objectif d’une meilleure proportionnalité du scrutin, même si certains contestent ce principe pour une série de raisons qu’il serait trop long d’exposer ici. S’il se dégage une majorité pour aller vers plus de proportionnalité, nous nous poserons alors la question du comment.
    Je suis l’auteur de deux propositions de loi sur ce sujet, mais d’autres en ont aussi déposées. Les miennes reviennent à la proportionnelle départementale à un tour de 1986, celle de François Mitterrand. Nous pourrions imaginer des variantes et nous aligner par exemple sur le mode de désignation des sénateurs : dans les plus petits départements, le scrutin majoritaire continuerait à être utilisé, la proportionnelle étant réservée aux départements plus grands.
    Quand nous aurons terminé les consultations –⁠ c’est une affaire de semaines –, nous reviendrons vers le Parlement. Il sera alors souverain pour déterminer dans quelles conditions et selon quelles modalités ce type de scrutin pourrait être adopté.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Mazars.

    M. Stéphane Mazars (EPR)

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    Monsieur le ministre, je vous rejoins totalement :…

    Mme Mathilde Panot

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    Voilà une question impertinente !

    M. Stéphane Mazars

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    …nous allons devoir changer notre façon de faire, nous parler, chercher des compromis, voire, après les élections, former des coalitions majoritaires capables de faire adopter leur programme. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais il me semble important de ne pas dramatiser les périodes de gestion des affaires courantes, qui vont peut-être se multiplier ou durer plus longtemps. Il s’agit d’un temps utile pour que les groupes politiques puissent discuter et former des coalitions.
    Avec ma collègue écologiste Léa Balage El Mariky, nous avons déposé une proposition de loi, adoptée à l’unanimité hier en commission des lois, visant à renforcer le contrôle du Parlement en période d’expédition des affaires courantes. Elle sera examinée la semaine prochaine dans cet hémicycle. Il s’agit notamment de créer un intérêt à agir devant la juridiction administrative pour les présidents des assemblées parlementaires, les présidents des commissions permanentes et les présidents de groupe –⁠ un amendement a été adopté hier s’agissant de ces derniers. Le texte prévoit en outre la transmission au Parlement de toutes les décisions prises par les ministres démissionnaires au cours de la période.
    Je profite de l’occasion pour solliciter votre avis sur ce texte, ainsi que celui du gouvernement, monsieur le ministre, puisque je crois que vous serez au banc la semaine prochaine.

    M. le président

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    Deux débats en un ! La parole est à M. Patrick Mignola, ministre délégué.

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Je vais donc pouvoir prendre un engagement que je n’aurai pas oublié la semaine prochaine ! (Sourires)

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Il est vrai que vous les oubliez vite !

    M. Patrick Mignola, ministre délégué

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    Je vous remercie, ainsi que Mme Léa Balage El Mariky, pour ce travail en profondeur. Je sais que vous avez réalisé de nombreuses auditions, très fouillées.
    Ce nouveau droit de contrôle du Parlement est fondamental. Les périodes d’expédition des affaires courantes sont particulières et souvent coûteuses sur le plan économique. Le Parlement a donc le droit de vérifier à intervalles réguliers et a posteriori ce qu’a fait le gouvernement. Je ne prête aucune mauvaise intention ni à ce gouvernement, ni à ceux qui l’ont précédé, ni à ceux qui le suivront, mais un pouvoir qui se sait contrôlé sera forcément mieux inspiré.

    M. le président

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    Je remercie le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, représenté par sa présidente, d’avoir mis ce débat à l’ordre du jour.

    Mme Mathilde Panot

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    Merci, monsieur le président !

    M. le président

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    Je remercie les députés pour leurs questions et leur contribution à la discussion. Enfin, je remercie le ministre pour l’exhaustivité de ses réponses. Je vous félicite tous : nous finissons dix minutes en avance ! (Sourires.)
    Le débat est clos.

    5. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Débat sur le thème : « La politique du logement ».
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra