• Il est primordial de développer en France une culture socio-médicale adaptée aux enjeux si particuliers de la vulnérabilité et de la fin de vie car « seule l’incapacité à accueillir et accompagner d’une façon respectueuse de la personne vulnérable relève d’une faiblesse regrettable. » (CCNE, avis n°139). Le pacte social français est fondé sur une promesse forte de solidarité qui est au cœur des soins palliatifs et qui nous oblige.

    Il est avant tout primordial de dresser un constat lucide de l’état des soins palliatifs car, chaque jour, 500 personnes meurent sans avoir pu y accéder, rupture d’égalité inacceptable. Premièrement, la mise en œuvre de la loi Clayes-Leonetti reste largement « à faire », faute de moyens humains et financiers. Elle est une loi dont les principes et l’équilibre éthique ont pourtant largement été plébiscités lors de sa promulgation. Or, à ce jour, selon un sondage du CNSPFV, huit Français sur dix ne connaissent toujours pas leurs droits en termes de fin de vie. Secondement, l’absence de stratégie claire et de pilotage lisible a largement amoindri la portée de l’arsenal législatif déployé depuis 1999. Désormais, les soins palliatifs « doivent s’intégrer pleinement dans une vision de santé publique » (Giovanna Marsico, CNSPFV).

    Si ce texte est une véritable profession de foi envers les soins palliatifs et répond à un besoin urgent d’imaginer une politique de soins palliatifs ambitieuse pour répondre au mal mourir français, elle n’est cependant qu’une première pierre. Elle doit être complétée d’une loi de programmation, ou, a minima, d’engagements budgétaires pluriannuels documentés dans les prochaines lois de financement de la sécurité sociale par sous-objectif. Parce que le levier financier est crucial, il est important de développer un nouveau modèle de financement des soins palliatifs fondé sur des revenus propres issus de l’activité des structures et une dotation forfaitaire.

    D’après le ministre Yannick Neuder, « ce qui conditionnera l’existence de soins palliatifs sur le territoire, c’est la présence de professionnels ». Or, actuellement, les médecins reçoivent à peine quelques heures de formation sur les soins palliatifs au cours de leur carrière, constat alarmant considérant le vieillissement démographique et la croissance des polypathologies. Il faut former mieux, i.e. former à une approche non plus centrée sur le curatif mais sur l’accompagnement global. Il faut former plus, en incluant l’approche palliative à la formation initiale et continue de tous les professionnels de santé. Il faut enfin former spécifiquement, par la création d’une filière et d’un diplôme dédiés.

    Parce que la clarté de la politique de soins palliatifs est un enjeu crucial, une sémantique lisible et cohérente doit être privilégiée. Par ailleurs, la précision « ils ne visent ni à hâter, ni à différer la survenue de la mort » (issue de l’OMS), rappelle la différence ontologique entre soins palliatifs et mort médicalement administrée. Il est prouvé empiriquement que la demande de mort se réduit drastiquement chez ceux qui bénéficient de cet accompagnement (de 3% à 0,3%). Aussi était-il primordial que la proposition de loi sur les soins palliatifs soit indépendante.

    La loi de 2016, largement méconnue du plus grand nombre, y compris des professionnels de santé, consacrait l’interdiction de « l’obstination déraisonnable », le devoir d’apaiser la souffrance « coûte que coûte » et de la possibilité de mettre en place une sédation profonde et continue. Ainsi, la mort n’est jamais que l’effet non recherché qui peut résulter d’un soin.

    L’accès à des soins palliatifs de qualité constitue un préalable nécessaire à toute réflexion éthique aboutie sur la question de la fin de vie : « si un terme est davantage possible que l’autre, voire que l’autre terme n’est pas possible du tout, ce n’est plus un choix. » (Annabel Desgrées du Loû, CCNE). Autrement, les personnes vulnérables ne risquent-elles pas de ressentir la nouvelle loi comme une remise en cause de leur légitimité à vivre ? En outre, un « en même temps bioéthique » entraverait le développement des soins palliatifs, comme c’est le cas dans d’autres pays, qui plus est dans un contexte grave de crise multifactorielle. Je me réjouis que ma proposition de rendre opposable le droit aux soins palliatifs ait été inclue au texte, non pour judiciariser, mais pour que les agences régionales de santé s’y obligent.

    Le développement des soins palliatifs est avant tout une question de volonté politique. Je veux le réaffirmer : ils sont la meilleure réponse à la souffrance, ils sont le choix de la fraternité, du respect de l’inviolabilité de la vie humaine et de l’accompagnement sans acharnement mais sans abandon.

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