Question orale n° 1002 :
bruits

14e Législature

Question de : Mme Cécile Duflot
Paris (6e circonscription) - Écologiste

Mme Cécile Duflot interroge M. le ministre de l'intérieur sur les nuisances sonores, causées par la forte concentration de débits de boissons dans certaines rues du 11e arrondissement de Paris (rue Oberkampf, rue Saint Maur, Rue Jean-Pierre Timbaud). Pour l'attractivité du quartier, mais également pour garantir le droit des riverains à la tranquillité, il apparaît nécessaire d'apporter une réponse équilibrée à un problème qui s'apparente à un serpent de mer. Pour cette raison et voulant promouvoir la cohabitation la plus harmonieuse possible entre riverains et commerçants, elle souhaiterait connaître les mesures spécifiques prises par les autorités publiques pour encadrer ce phénomène et les solutions prévues pour répondre aux difficultés rencontrées par les établissements. Elle souhaiterait en outre savoir ce qui est envisagé en terme de contrôle par la préfecture de police, en ce qui concerne la domiciliation des licences de quatrième catégorie. Quelle politique est envisagée pour limiter la trop forte concentration des débits de boissons et encourager la diversité de l'offre de commerces de proximité ? Cette question s'inscrit dans une volonté de sortir des conflits multiples pour faire avancer une situation préjudiciable à tous. L' objectif poursuivi est de relancer le processus de médiation entre les autorités publiques, la municipalité de Paris, les riverains et les commerçants.

Réponse en séance, et publiée le 6 mai 2015

NUISANCES SONORES CAUSÉES PAR LES DÉBITS DE BOISSONS À PARIS
M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour exposer sa question, n°  1002, relative aux nuisances sonores causées par les débits de boissons à Paris.

Mme Cécile Duflot. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, à la vérité la question que je vais poser aurait pu être adressée à de multiples ministres tant elle charrie des enjeux variés. J'aurais ainsi pu l'adresser à Mme Marisol Touraine, car elle soulève un problème de santé publique ; ou à Emmanuel Macron, tant il est vrai que les enjeux économiques en termes de dynamisme de la capitale sont importants. Mais je souhaite interroger le ministre de l'intérieur car le problème que je soulève est bien celui du vivre-ensemble, à mes yeux comme à celui de milliers de personnes.

J'appelle l'attention du ministre sur le délicat problème, toujours non résolu, de la concentration des débits de boissons alcoolisées dans le IXe arrondissement de Paris, et plus particulièrement dans les rues Oberkampf, Saint-Maur et Jean-Pierre Timbaud. Cette hyperconcentration des établissements, qui a le mérite de rendre le quartier très festif, très vivant et très attractif aux yeux notamment des jeunes, a aussi de nombreux effets collatéraux.

Je pense, par exemple, aux nuisances occasionnées par la mauvaise insonorisation des commerces, ou par les excès des consommateurs qui, se trouvant parfois dans un état d'ébriété, font un bruit considérable. Je sais que cette question fait parfois sourire, parce qu'elle apparaît vieille comme la nuit, et aussi insoluble que des rivalités clochemerlesques. C'est pourtant une question très sérieuse : j'espère que M. le ministre partage notre souci d'y répondre de manière tangible et efficace.

Nous savons que les usages sociaux de la ville varient selon les individus, et nous souhaitons tous que la liberté des uns n'entrave pas celle des autres. Je souhaite donc promouvoir des solutions permettant de créer du lien entre les citoyens, d'encourager la mixité et de faire de la ville – notamment Paris – un lieu de vie agréable pour chacun, pour ses habitants comme pour ses visiteurs. Je ne peux donc me résoudre à une situation qui voit s'affronter des riverains réclamant la tranquillité et le respect de leur droit au sommeil, des commerçants fatigués de ce qu'ils vivent comme une entrave à la liberté d'entreprendre et comme du harcèlement administratif, et des usagers vivant les fermetures éventuelles des établissements comme autant de punitions visant à faire de Paris une ville-dortoir.

Il n'est pas donc question pour moi de prendre de façon univoque la défense des uns ou des autres. La ville appartient en effet à tous ceux et toutes celles qui y vivent et qui en font la diversité. L'objectif que je poursuis, en posant cette question, est de relancer le processus de médiation – aujourd'hui un peu atone – entre les différentes parties, à savoir les autorités publiques, la municipalité de Paris, les riverains et les commerçants.

Je souhaiterais connaître les mesures spécifiques prises par les autorités publiques pour encadrer ce phénomène, et les solutions prévues pour répondre aux difficultés rencontrées par les établissements. Le rôle de la préfecture de police est décisif en ce qui concerne la domiciliation des licences de quatrième catégorie. Je pose la question suivante à M. le ministre de l'intérieur : quelle politique encourager pour limiter la trop forte concentration des débits de boissons, et stimuler la diversité de l'offre de commerces de proximité ?

J'ai bien conscience de la complexité de la mission du ministre de l'intérieur, mais je tiens aujourd'hui, au nom des différentes parties qui m'ont sollicitée, et dont les points de vue sont respectables, à faire valoir l'urgence de trouver sur ce dossier des solutions innovantes et rapides.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, je suis chargée de vous présenter les excuses de M. le ministre de l'intérieur. Son absence me donne le plaisir de vous répondre. C'est évidemment sa réponse, ses précisions, que je vais vous donner.

Le ministre de l'intérieur, par le biais de la préfecture de police, est un partenaire actif de la ville de Paris sur la thématique des débits de boissons. Il est essentiel en effet, pour l'attractivité de la capitale, de trouver les moyens d'une vie nocturne culturelle, active et attrayante sans perdre de vue les nécessités liées à la protection, la sécurité, la santé et la tranquillité des Parisiens. C'est de cette préoccupation constante que résulte la participation de la préfecture de police aux États généraux de la nuit des 12 et 13 novembre 2010, et son partenariat au Conseil de la nuit, installé le 9 décembre 2014 par la maire de Paris.

Les services de la préfecture de police sanctionnent essentiellement les troubles à l'ordre public qui peuvent être directement rattachés à un établissement, comme les tapages nocturnes ; ils peuvent également sanctionner le travail dissimulé. Pour agir, le préfet de police doit disposer d'éléments objectifs, notamment de plaintes déposées auprès d'un commissariat. En 2014, quinze décisions de fermeture administrative et quinze avertissements ont été prononcés sur le secteur Oberkampf - Saint-Maur - Timbaud. Ces mesures de police administrative ont une vertu pédagogique et un effet régulateur très important, puisqu'il est assez rare qu'un établissement sanctionné réitère des infractions.

Par ailleurs, afin de garantir l'ordre public, le préfet de police dispose d'outils juridiques dissuasifs, tels les arrêtés d'interdiction de consommation et de vente à emporter d'alcool. Vingt-cinq arrêtés d'interdiction sont actuellement en vigueur à Paris ; ils sont répartis sur dix-sept arrondissements. Parmi eux, un arrêté d'interdiction de consommation et de vente à emporter d'alcool est actuellement en vigueur sur le XIe arrondissement, incluant le secteur Oberkampf - Saint-Maur - Timbaud.

Au-delà de la répression, la préfecture de police agit pour prévenir les nuisances. Tout d'abord, la préfecture de police est régulièrement disponible pour participer avec la Ville et les maires d'arrondissement aux actions de médiation dans les quelques quartiers les plus sensibles de la capitale, y compris le secteur dont je viens de parler. En matière de prévention, la préfecture de police agit également en partenariat avec des acteurs associatifs ; elle participe notamment à des campagnes de sensibilisation. Par exemple, depuis mai 2013, la préfecture de police est à l'initiative d'une campagne de sensibilisation contre l'alcoolisation excessive des jeunes – le binge drinking – aux côtés d'autres acteurs.

En conclusion, la préfecture de police, dans un esprit de partenariat, reste totalement disponible pour participer aux actions décidées dans le cadre du Conseil de la nuit afin de mieux concilier la vie nocturne avec les impératifs de respect de la tranquillité.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Madame la garde des sceaux, je partage votre plaisir d'échanger sur ce sujet très important. J'ai noté avec attention que la préfecture de police est disponible pour participer à de nouvelles actions. Comme je l'ai indiqué, en dépit de l'utile travail du Conseil de la nuit, les riverains aussi bien que les établissements ont le sentiment que nous sommes revenus à un mode de fonctionnement reposant sur le dépôt de plainte et les procédures judiciaires plutôt que sur la médiation et l'anticipation. Je pense donc qu'il faut relancer, en permanence, ce travail d'anticipation, afin que les différents usages de la ville coexistent le plus harmonieusement possible. C'est pourquoi je note avec plaisir, par la voix du ministre de l'Intérieur, que la préfecture de police est disponible.

Données clés

Auteur : Mme Cécile Duflot

Type de question : Question orale

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 avril 2015

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