Question orale n° 1011 :
emploi et activité

14e Législature

Question de : Mme Laurence Dumont
Calvados (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Laurence Dumont appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la situation de l'entreprise Jeannette à CAEN. Pendant plus d'un an, les salarié(e)s de cette entreprise se sont relayé(e)s jour et nuit en occupant leur usine pour la défense de leur outil de production. Face au refus des banques de soutenir un projet permettant la reprise de l'activité et le maintien de l'emploi, un repreneur a dû recourir à d'autres modes de financements. Dans ce cadre, et au regard des annonces faites très récemment, elle souhaiterait savoir comment l'État entend soutenir ce projet.

Réponse en séance, et publiée le 6 mai 2015

AVENIR DE LA BISCUITERIE JEANNETTE À CAEN
M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour exposer sa question, n°  1011, relative à l’avenir de la biscuiterie Jeannette à Caen.

Mme Laurence Dumont. Madame la secrétaire d’État, après la place du même nom, nous allons parler d’autres madeleines : mise en liquidation judiciaire fin 2013, la biscuiterie Jeannette, entreprise normande âgée de 165 ans, ne fermera finalement pas ses portes. La nouvelle entité, baptisée « SAS Jeannette 1850 », pourra, dès septembre prochain, redémarrer sa production de madeleines et conserver ainsi 16 salariés sur les 37 qu'elle comptait lors de sa mise en liquidation.

Cette issue heureuse, il convient de l'attribuer en premier lieu aux salariés, qui se sont battus pour conserver leur outil industriel. Il faut également saluer Georges Viana, seul candidat, parmi ceux ayant déposé des offres, qui proposait de relancer l'activité de Jeannette et de maintenir des emplois.

Pourtant, la garantie de la Banque publique d’investissement – la BPI – à hauteur de 70 %, l'action de l'État et l'aide exceptionnelle du Conseil régional de Basse-Normandie n'auront pas suffi pour convaincre les banques de financer un tel projet.

M. Viana, avec le soutien des « Jeannette », a alors pris le pari du financement participatif. Au total, 2 000 contributeurs ont versé 100 000 euros, soit le double du montant initialement attendu. Ces 100 000 euros ont suffi pour convaincre le tribunal de commerce – à défaut, une nouvelle fois, des banques. Un deuxième financement participatif, par actionnariat cette fois, a donc été lancé et se terminera après-demain. Aujourd'hui, 127 actionnaires ont déjà versé plus de 220 000 euros.

Madame la secrétaire d’État, ce succès démontre d’abord la qualité industrielle du projet de M. Viana et l'attachement d'actionnaires potentiels, mais aussi de tous les Bas-normands, à cette entreprise. Tous sont aujourd'hui convaincus… tous, sauf les banques.

Ma question est dons simple : faute de soutien des banques malgré les très bons résultats de la BPI et le succès du financement participatif, quelles mesures le Gouvernement pourrait-il prendre pour s'assurer que des projets tels que celui de la reprise de la biscuiterie Jeannette soient, à l’avenir, davantage soutenus par l'État ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Madame la députée, je vous prie d'excuser M. Emmanuel Macron, qui n’a pu être présent aujourd'hui.

Comme vous le soulignez, l'entreprise Biscuiterie Jeannette, a connu, depuis sa création en 1850, plusieurs dépôts de bilan avant d’être rachetée, en 2012, par le groupe LGC. Ce groupe s’était engagé dans un projet ambitieux de fabrication de madeleines et de biscuits haut de gamme, afin de réduire la part d’activité consacrée à la grande distribution et de viser des marchés à meilleure rentabilité. Les pertes continuant à s’accumuler, l’arrêt de l’activité a été prononcé au 3 janvier 2014.

Les salariés se sont mobilisés et ont souhaité s’engager dans la relance d’une production. Le Gouvernement a alors demandé au commissaire au redressement productif, en lien avec la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE –, de s’attacher à maintenir le meilleur niveau de dialogue possible avec les ex-salariés et leurs représentants, tout en engageant des recherches actives dans le but de faire émerger des propositions de reprise.

Quinze prospects ont été identifiés et reçus par le commissaire au redressement productif. Quatre entrepreneurs se distinguaient par une meilleure approche stratégique du dossier. L’accompagnement technique et financier a été réservé à la proposition de M. Georges Viana, afin que son projet puisse répondre au mieux aux critères et aux contraintes de la procédure judiciaire.

M. Viana a obtenu le soutien des ex-salariés, car son projet ne laissait personne au bord de la route. Une mise en relation a été également engagée, sous l’égide du ministère de l’économie, avec la Biscuiterie de l’Abbaye, afin de renforcer le volet commercial du dossier.

Faute de soutien des banques – ce que je déplore –, M. Viana a engagé une démarche de financement participatif, afin de financer la nouvelle ligne artisanale. Comme vous l’avez rappelé, la récolte de fonds à ce titre a atteint plus du double de l’objectif, avec plus de 100 000 euros. La collecte a été clôturée et, en tant que secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire, je me félicite du succès de cette opération et du fait que les modalités de l’encadrement réglementaire et législatif du financement participatif soient opérationnelles et permettent de lever des fonds.

Le 24 novembre 2014, le juge-commissaire a statué en faveur de la reprise des actifs incorporels – marque et modèle – par M. Viana, confortant ainsi son initiative. Le dernier projet présenté par M. Viana prévoit le recrutement d’une quinzaine de salariés pour la relance d’une production en septembre, et nous pouvons tous nous en réjouir.

Une fois que ces salariés auront été embauchés, le crédit d’impôt compétitivité emploi pourra être mobilisé, y compris dans son préfinancement, et l’ensemble des dispositifs du pacte de responsabilité, tels que les allégements de charges, permettront également à ces nouvelles activités de bénéficier d’un coût du travail moins élevé.

Je tiens à vous assurer que l’État, depuis la décision du juge-commissaire, poursuit et poursuivra l’accompagnement technique et administratif du porteur de projet, afin que la production puisse redémarrer dès le mois de septembre dans des nouveaux locaux mieux adaptés, et que nous continuons à travailler auprès des banques à une prise en compte des réalités territoriales et économiques.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Madame la secrétaire d’État, je vous invite à être présente lors de la relance de la production, en septembre prochain, à Démouville. Ce sera un grand moment, à la suite de la mobilisation des salariés de Jeannette.

Données clés

Auteur : Mme Laurence Dumont

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique

Ministère répondant : Économie, industrie et numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 avril 2015

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