Question orale n° 10 :
travail temporaire

14e Législature

Question de : Mme Sabine Buis
Ardèche (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Sabine Buis alerte M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les propositions de services de mise à disposition de personnels par une agence de travail polonaise pour les secteurs du bâtiment mais aussi de l'hôtellerie, de la restauration, de l'agriculture. Les entreprises du secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) de sa circonscription sont actuellement « démarchées » par une agence de travail, domiciliée en Pologne, qui leur propose un service de mise à disposition de personnels intérimaires ou salariés. Le BTP représente une part importante du tissu économique de l'Ardèche méridionale et de la montagne ardéchoise avec près de 1 000 entreprises, employant environ 2 000 salariés. Dans ce territoire rural, touché par les délocalisations successives de l'industrie textile et la perte de milliers d'emplois au profit de pays exerçant un « dumping social et environnemental », cette nouvelle forme de concurrence déloyale inquiète au plus haut point. Jusque-là épargné par la mondialisation, le BTP s'est caractérisé par une montée en compétence de ses entreprises et l'amélioration des conditions de travail de ses salariés. Grâce aux clauses sociales dans les marchés publics et aux dispositifs d'appui à la gestion des ressources humaines mis en place par l'État, la région Rhône-Alpes, le conseil général de l'Ardèche, les OPCA et les syndicats professionnels, ce secteur a également permis localement d'insérer des jeunes demandeurs d'emploi, ainsi que des publics en situation de handicap social, mental ou physique. Il est un fait que le BTP, tout comme les secteurs du tourisme et de l'agriculture également visés par le « démarchage » de ces agences de travail étrangères, revêtent un caractère stratégique pour la France et tout particulièrement sa frange rurale. L'orientation politique du Gouvernement en faveur de la construction de nouveaux logements sociaux, mais aussi de la rénovation thermique et énergétique, plus de 1 000 logements par an concernés sur le seul territoire de l'Ardèche méridionale, offre un réel espoir de créations d'emplois. Sur sa circonscription, le nombre de personnes à la recherche d'un emploi dans le BTP est estimé à près de 900 personnes. Alors que l'industrie a été sacrifiée ces dix dernières années par manque de volonté politique, il ne souhaiterait pas que ces emplois soient, à leur tour, fragilisées par des pratiques consistant à proposer une main-d'œuvre étrangère à bas coût et flexible à l'excès. Aussi, il demande s'il peut l'informer des mesures envisagées afin de lutter contre ces agences de travail étrangères qui s'exonèrent des règles sociales, fiscales et environnementales en vigueur dans notre pays et qui menacent ainsi les emplois et savoir-faire locaux.

Réponse en séance, et publiée le 28 novembre 2012

PRATIQUES COMMERCIALES D'AGENCES DE TRAVAIL ÉTRANGÈRES

M. le président. La parole est à Mme Sabine Buis, pour exposer sa question, n° 10, relative aux pratiques commerciales d'agences de travail étrangères.
Mme Sabine Buis. Madame la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, j'ai souhaité attirer l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les propositions de services de mise à disposition de personnels par une agence de travail polonaise pour les secteurs du bâtiment mais aussi de l'hôtellerie, de la restauration et de l'agriculture.
Le secteur des bâtiments et travaux publics représente une part importante du tissu économique de l'Ardèche méridionale et de la montagne ardéchoise avec près de 1 000 entreprises, employant environ 2 000 salariés. Dans ce territoire rural, touché par les délocalisations successives de l'industrie textile et par la perte de milliers d'emplois au profit de pays exerçant un dumping social et environnemental, cette nouvelle forme de concurrence déloyale inquiète au plus haut point.
Jusque-là épargné par la mondialisation, le BTP s'est caractérisé par une montée en compétence de ses entreprises et l'amélioration des conditions de travail de ses salariés. Grâce aux clauses sociales incluses dans les marchés publics et aux dispositifs d'appui à la gestion des ressources humaines mis en place par l'État, la région Rhône-Alpes, le conseil général de l'Ardèche, les organismes paritaires collecteurs agréés - les OPCA - et les syndicats professionnels, ce secteur a également permis localement d'insérer des jeunes demandeurs d'emploi, ainsi que des publics en situation de handicap social, mental ou physique.
Il est un fait que le BTP, tout comme les secteurs du tourisme et de l'agriculture également visés par le démarchage de ces agences, revêt un caractère stratégique pour la France, tout particulièrement pour sa frange rurale.
L'orientation politique du Gouvernement en faveur de la construction de nouveaux logements sociaux, mais aussi de la réhabilitation et de la rénovation thermique et énergétique, qui concernent chaque année plus de 1 000 logements sur le seul territoire de l'Ardèche méridionale, offre un réel espoir de création d'emplois.
Dans ma circonscription, on estime à 900 le nombre de personnes à la recherche d'un emploi dans le BTP. Alors que l'industrie a été sacrifiée ces dix dernières années par un manque de volonté politique, je ne souhaite pas que ces emplois soient, à leur tour, fragilisés par des pratiques consistant à proposer une main-d'oeuvre étrangère à bas coût et flexible.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous m'informer des mesures envisagées afin de lutter contre ces agences de travail qui s'exonèrent des règles sociales, fiscales et environnementales en vigueur dans notre pays et qui menacent ainsi les emplois et les savoir-faire locaux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique.
Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame la députée, vous avez attiré l'attention du Gouvernement sur les conditions d'intervention dans votre circonscription d'une entreprise de travail temporaire établie en Pologne. Celle-ci démarche des entreprises françaises pour leur proposer un service de mise à disposition de personnel dans les secteurs du BTP, de l'hôtellerie, de la restauration et de l'agriculture.
Cette entreprise polonaise ne respecterait en effet pas les règles inhérentes au détachement de travailleurs, en " proposant une main-d'oeuvre étrangère à bas coût et flexible à l'excès ".
Dans ce contexte, vous avez souhaité connaître les initiatives envisagées ou déjà prises afin d'apporter les solutions attendues et de mettre fin à ce type de pratiques, sources de dumping social et de concurrence déloyale.
Tout d'abord, le code du travail encadre strictement les conditions d'intervention en France des entreprises établies hors de France, conformément aux dispositions de la directive européenne du 16 décembre 1996, qui concerne le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.
En effet, la mise à disposition de salariés intérimaires par une entreprise de travail temporaire établie hors de France auprès d'une entreprise utilisatrice en France est un des quatre cas de détachement définis par le code du travail. À ce titre, le code du travail prévoit l'obligation pour les entreprises établies hors de France d'être régulièrement immatriculées en tant que telles dans leur pays d'établissement et d'y exercer une activité significative. Elles doivent en outre justifier d'une garantie financière, afin d'assurer le paiement aux salariés détachés de l'intégralité des salaires dus pendant leur période de détachement.
Les entreprises de travail temporaire établies hors de France sont également tenues de respecter à l'égard des salariés détachés en France l'ensemble des règles du code du travail applicables relatives au travail temporaire. Ainsi s'appliquent notamment les règles françaises relatives à la durée des missions, aux cas de recours à l'intérim, à l'élaboration du contrat de mise à disposition et du contrat de mission, ainsi qu'aux droits individuels des salariés, notamment en matière de conditions de travail et de rémunération.
Plusieurs affaires, dont certaines ont eu un fort retentissement médiatique, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics - je pense, par exemple, à l'EPR de Flamanville - et celui des transports - dans le transport aérien, les conditions d'intervention en France de certaines compagnies à bas coût -, ont mis en lumière des pratiques abusives de contournement des règles par certaines entreprises, aboutissant à des situations de concurrence déloyale, sources de précarité pour les salariés détachés.
Ces constats appellent l'ensemble des États de l'Union européenne à une grande vigilance sur la question de l'effectivité des règles du détachement. Pleinement conscient des enjeux liés au détournement des règles communautaires en matière de détachement, le Gouvernement français a déjà engagé un certain nombre d'actions. Dans le plan national de coordination de la lutte contre la fraude au titre de 2012, il a de nouveau retenu la lutte contre les détournements de la réglementation relative au détachement de salariés dans le cadre de prestations de services internationales comme l'un des axes prioritaires du volet relatif au plan national de lutte contre le travail illégal, tandis que le secteur du BTP figure dans la liste des cinq secteurs d'activité prioritaires.
Les services de contrôle interviennent donc activement pour s'assurer du respect des règles, notamment dans le secteur du BTP, qui reste en 2011 le secteur le plus contrôlé, avec 41 % des contrôles, et le plus verbalisé, avec un taux d'infraction voisin de 15 %.
Par ailleurs, plusieurs initiatives ont été engagées avec les partenaires sociaux, dans le cadre du protocole sur la prévention du travail illégal et les bonnes pratiques de la sous-traitance dans le BTP, qui a été conclu le 25 octobre 2005 entre les ministères du travail et de l'équipement, et plusieurs organisations professionnelles.
Le Gouvernement reste attentif à ce que la mobilisation des services soit encore renforcée dans les mois à venir, tant dans ses aspects préventifs que répressifs. À cet égard, la commission nationale de lutte contre le travail illégal se réunit ce 27 novembre à dix-sept heures, sous la présidence du Premier ministre, pour dresser le bilan des actions déjà engagées par les services de l'État et les organismes de recouvrement des cotisations sociales.
Elle fixera aussi les axes prioritaires du plan national d'action pour les années 2013-2015, à savoir : la nécessité d'être présent sur tous les fronts, le travail dissimulé classique comme l'absence de déclaration d'activité ou d'emploi, mais aussi les fraudes organisées ; le renforcement, dans la continuité de la Grande Conférence sociale, de la coordination avec les partenaires sociaux, qui ont d'ailleurs été associés à la préparation du plan pluriannuel. L'accent sera également mis sur la coopération entre les différents services de contrôle, indispensable pour améliorer l'efficacité de la lutte contre les fraudes organisées.
Lutter contre le travail illégal, c'est aussi défendre les salariés, leur statut immédiat de salarié mais aussi leur protection sociale, car, nous le savons bien, les précarités les plus extrêmes découlent de situations de travail illégal. Sur les étrangers sans papiers, une circulaire du ministère de l'intérieur est en cours de préparation, en association avec les partenaires sociaux. Enfin, dans le cadre des négociations de la proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la mise en oeuvre de la directive de 1996, le Gouvernement est extrêmement attentif à sensibiliser l'ensemble de nos partenaires européens à la nécessité de coopérer loyalement pour y parvenir et de mettre en place des mécanismes permettant de lutter plus efficacement contre les fraudes et les abus.
M. le président. Merci, madame la ministre. Je rappelle que le temps imparti à la question et à la réponse est de six minutes au total.

Données clés

Auteur : Mme Sabine Buis

Type de question : Question orale

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 novembre 2012

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