14ème législature

Question N° 1100
de M. Patrice Carvalho (Gauche démocrate et républicaine - Oise )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transports, mer et pêche
Ministère attributaire > Transports, mer et pêche

Rubrique > transports routiers

Tête d'analyse > transport de marchandises

Analyse > emploi et activité. concurrence. perspectives.

Question publiée au JO le : 09/06/2015 page : 4160
Réponse publiée au JO le : 17/06/2015 page : 5751

Texte de la question

M. Patrice Carvalho attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur la situation dans le secteur de la logistique et du transport. Le mois d'avril s'achève avec la liquidation de l'entreprise Mory Global et le licenciement de ses 2 150 salariés, au terme d'un feuilleton à rebondissements, qui s'était déjà soldé, en 2014, par la suppression de 2 800 emplois et demeure marquée par la gestion douteuse du repreneur Arcole Industries censé redresser l'activité avec l'aide de fonds publics mais qui n'en a rien fait. Par ailleurs, le groupe Gefco, ancienne filiale de PSA Peugeot Citroën, passé en 2012 sous le pavillon des chemins de fer russes (RZD) et qui emploie 4 000 salariés, annonce la suppression de 500 postes. Norbert Dentressangle, le numéro deux national du transport, est également cédé à la société américaine XPO Logistics. Le groupe français compte 42 350 salariés dans une vingtaine de pays et a réalisé un chiffre d'affaires de 4,7 milliards d'euros en 2014. Le transporteur américain (10 000 salariés et 2,4 milliards de dollars de chiffre d'affaires) réalise une juteuse opération en prenant le contrôle du géant français, bien plus important que lui, et s'ouvre ainsi les portes du marché européen, dont il était totalement absent. Il certifie qu'il ne procédera à aucun licenciement au cours des dix-huit prochains mois, ce qui laisse à penser qu'à l'issue de ce laps de temps, un plan social interviendra. La disparition de ces entreprises françaises et l'hécatombe sociale qui l'accompagne interpellent. Ce secteur d'activité est sans doute l'un de ceux qui est le plus exposé à la concurrence et au dumping social, comme en a d'ailleurs témoigné la mobilisation massive des salariés du transport routier, en début d'année, soumis à de bas salaires et qui se sont heurtés au refus catégorique du patronat de la branche de les revaloriser. Il souhaite savoir quelles initiatives il compte prendre afin de préserver ce secteur et ses emplois, ce qui suppose des dispositions relatives aux conditions d'accès des transporteurs étrangers à notre réseau routier et des mesures de lutte, à l'échelle européenne, contre le dumping social.

Texte de la réponse

DIFFICULTÉS DU SECTEUR DE LA LOGISTIQUE ET DES TRANSPORTS


Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour exposer sa question, n°  1100, relative aux difficultés du secteur de la logistique et des transports.

M. Patrice Carvalho. Le 31 mars, j'avais signalé au secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche la situation alarmante du transport logistique en France. J'évoquais alors la liquidation judiciaire de l'entreprise MoryGlobal et le licenciement de ses 2 150 salariés, dernier épisode d'un feuilleton à rebondissements de cinq ans déjà, caractérisé en 2014 par la suppression de 2 800 emplois. En tout, 5 000 emplois ont disparu. Ce bilan porte la marque de la gestion douteuse du repreneur Arcole Industries, qui était censé redresser l'activité avec l'aide de fonds publics mais n'en a rien fait.

Malheureusement, depuis deux mois, des cas similaires sont apparus. Le secteur de la logistique est la cible de nombreux prédateurs. Le groupe Gefco, ancienne filiale de PSA, passé en 2012 sous pavillon russe et employant 4 000 salariés, annonce la suppression de 500 postes.

L'exemple de Norbert Dentressangle, numéro deux national du transport, est encore plus singulier. L'entreprise a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 4,7 milliards d'euros et emploie 42 350 salariés dans une vingtaine de pays. Elle a pourtant annoncé en avril son rachat par la société américaine XPO Logistics, pourtant bien plus petite car son chiffre d'affaires est moitié moins important et qu'elle n'emploie que 10 000 salariés. Cette opération juteuse ouvre à l'entreprise américaine les portes d'un marché dont elle était absente auparavant, l'Europe, sans doute dans l'espoir de voir un jour le TAFTA conclu, ce qui aggraverait encore les difficultés du secteur logistique. XPO Logistics s'est engagée à ne pas supprimer d'emplois au cours des dix-huit prochains mois. Mais, compte tenu du dumping social pratiqué dans cette branche, ne risque-t-elle pas de le faire une fois passée l'échéance ?

La disparition des entreprises de logistique française et l'hécatombe sociale qui en résulte ne peuvent laisser indifférent. Le secteur est à bout, car il fait partie de ceux qui sont le plus fortement exposés à la concurrence et au dumping social, comme en témoigne la mobilisation des salariés du transport routier en début d'année pour la revalorisation des salaires, où ils dénonçaient déjà la situation. Ce pan d'activité est en péril et il est nécessaire d'intervenir pour éviter de nouveaux drames sociaux. Le Gouvernement compte-t-il enfin prendre des dispositions relatives aux conditions d'accès des transporteurs étrangers sur le réseau routier français et plus globalement engager des mesures visant à lutter contre le dumping social à l'échelle de l’Union européenne ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique. Monsieur le député, je vous prie d'excuser l'absence d'Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui est, sans surprise, au Salon du Bourget.

Le secteur du transport et de la logistique connaît une période difficile. Affecté par la conjoncture économique, il est soumis à une concurrence européenne très vive et souvent déloyale qui tire les prix vers le bas et incite les entreprises à réduire leurs coûts, en particulier leurs coûts sociaux. Tout cela dégrade la situation de l'emploi dans le secteur.

La lutte contre la concurrence déloyale est une priorité du Gouvernement. Par la loi du 10 juillet 2014, la France a intégré dans son droit national des mesures importantes visant à faire respecter les droits des travailleurs en situation de détachement. En matière de transport routier, les organisations du travail amenant le conducteur à prendre son repos hebdomadaire normal dans la cabine de son véhicule sont dorénavant considérées comme un délit et réprimées comme telles afin de lutter contre les pratiques consistant à mobiliser au cours de cycles de travail de plusieurs semaines des conducteurs issus d'États où le coût du travail est inférieur. La loi pénalise aussi la rémunération des conducteurs au kilomètre parcouru ou au volume de marchandises transporté. Elle soumet enfin les véhicules de moins de 3,5 tonnes aux règles encadrant le cabotage routier.

Par ailleurs, le projet de loi relatif à la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, en cours de discussion, vise à rendre encore plus efficace l'application des règles du détachement au secteur des transports terrestres en adaptant les modalités d'application du droit du détachement à la spécificité des salariés de ce secteur. Le Premier ministre a annoncé mardi dernier que les contrôles et les sanctions seront encore accrus. En outre, les donneurs d'ordre seront solidairement, directement et pécuniairement responsables de leurs sous-traitants. Si une entreprise ne présente pas les documents utiles au contrôle, elle sera sanctionnée aussi durement que si elle n'avait pas déclaré les travailleurs détachés.

Par ailleurs, la France agit au niveau européen. Paris a accueilli au printemps 2014 la première conférence européenne dédiée au transport routier de marchandises. À cette occasion, les ministres européens, les parlementaires, les représentants de la Commission européenne et les partenaires sociaux ont abordé très concrètement les enjeux du secteur selon deux axes : le contrôle et les conditions de travail des conducteurs. À la suite de cette conférence européenne et sous l'influence des autorités françaises, un courrier signé par onze ministres européens des transports a été remis à la Commission européenne au mois de juin 2014. Il réaffirme le caractère prématuré de toute ouverture accrue du marché et de toute libéralisation supplémentaire du cabotage tant que la concurrence déloyale en matière sociale et l'application hétérogène de la réglementation européenne par les autorités nationales n'auront pas fait l'objet d'améliorations substantielles qui sont attendues par le gouvernement français.

Nous souhaitons que la nouvelle Commission se dote d'un agenda social ambitieux. La France est fermement résolue à peser sur les futurs débats européens afin de renforcer l'efficacité des contrôles et améliorer l'articulation entre les réglementations relatives au droit social et celles relevant du droit des transports.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. J'espère que les textes que vous annoncez, madame la secrétaire d’État, seront de nature à modifier les choses. Pour autant, je ne suis pas sûr que votre réponse traite tout le problème, qui dépasse largement les frontières de l'Europe. En effet, les grosses entreprises de transport font venir des gens de très loin, qui relèvent en outre de statuts différents. Un chauffeur routier dont le permis de conduire est étranger n'est pas soumis aux mêmes règles qu'un chauffeur au permis de conduire français en cas d'arrestation à la suite d'une infraction ! Rien que cela permet aux employeurs de faire faire à leurs salariés des choses qui ne sont pas admissibles.