Question orale n° 1112 :
déductions de charges

14e Législature

Question de : M. Thierry Mariani
Français établis hors de France (11e circonscription) - Les Républicains

M. Thierry Mariani attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget sur la situation fiscale de non-résidents. En effet, l'article 164 A du code général des impôts pose le principe suivant lequel les personnes ayant leur domicile fiscal hors de France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global imposable ce qui pénalise nos compatriotes établis hors de France notamment pour le versement de pension alimentaire ou de dons. Or l'instruction 5 B-1-12 du 13 janvier 2012, publiée le 24 janvier 2012, a tiré les conséquences de l'arrêt « Schumacker » de la CJCE du 14 février 1995 en permettant aux non-résidents « Schumacker », de faire état pour la détermination de leur impôt sur le revenu des charges admises en déduction de leur revenu global et des réductions et crédits d'impôts comme les contribuables fiscalement domiciliés en France. Cependant, le bénéfice de ce dispositif semble réservé aux non-résidents domiciliés fiscalement sur le territoire d'un autre État membre de l'UE ou dans un État partie à l'Espace économique européen (EEE). Dans ce cadre, il demande pourquoi le Gouvernement persiste dans une telle injustice vis-à-vis des ressortissants qui sont installés en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen.

Réponse en séance, et publiée le 17 juin 2015

SITUATION FISCALE DE CERTAINS CONTRIBUABLES NON-RÉSIDENTS
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n°  1112, relative à la situation fiscale de certains contribuables non-résidents.

M. Thierry Mariani. Madame la secrétaire d'État chargée du numérique, je souhaite appeler votre attention sur la situation fiscale de non-résidents. C'est un problème que vous connaissez bien puisque, dans une autre vie, vous avez vous aussi été députée des Français établis à l'étranger.

L'article 164 A du code général des impôts dispose que les personnes ayant leur domicile fiscal hors de France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global imposable. Cela pénalise nos compatriotes établis hors de France notamment en cas de pensions alimentaires ou de dons.

Or une instruction publiée le 24 janvier 2012 et tirant les conséquences de l'arrêt Schumacker permet aux non-résidents assimilés aux contribuables domiciliés en France, dits non-résidents Schumacker, de déduire certaines charges de leur revenu imposable en France, au même titre que les contribuables fiscalement domiciliés en France. Cependant ce dispositif semble réservé aux non-résidents domiciliés fiscalement dans un autre État membre de l'Union européenne ou appartenant à l'Espace économique européen. Il y a là une injustice vis-à-vis des ressortissants qui sont installés en dehors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen. Comment comptez-vous y remédier ?

Par ailleurs, j'en profite pour revenir sur une autre imposition injuste qu'est l'assujettissement aux prélèvements sociaux – CSG, CRDS – des revenus immobiliers de source française des non-résidents, point sur lequel vous devrez revenir suite à l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015 et à la décision du Conseil d'État du 17 avril 2015. J'espère que la suppression de cet assujettissement concernera l'ensemble des Français résidant à l'étranger. Je souhaite que vous me le confirmiez.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique. Monsieur le député, le Gouvernement a déjà eu l'occasion de répondre à cette question, notamment à l'automne 2014, lors de l'examen des dernières lois de finances.

Notre législation fiscale est construite en cohérence avec les règles internationales en matière de territorialité. Ainsi, les personnes domiciliées en France sont soumises à une obligation dite illimitée. Cela signifie concrètement qu'elles sont imposables sur l'ensemble de leurs revenus, qu'ils soient français ou non, et peuvent en contrepartie déduire des charges ou obtenir des réductions d'impôts. En revanche, les personnes domiciliées hors de notre pays sont soumises à une obligation fiscale limitée en France, à savoir sur leurs seuls revenus de source française, et ne peuvent déduire aucun avantage de leur revenu global – c'est logique.

Une exception existe pour les non-résidents domiciliés dans l'Union européenne, lorsqu'une part très substantielle de leurs revenus – plus de 75 % – est de source française. Issue de la jurisprudence dite Schumacker, cette décision de la Cour de justice de l'Union européenne ne s'impose pas pour les non-résidents établis hors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen – c'est-à-dire aux administrés de votre circonscription, monsieur le député. En revanche, elle oblige tous les États membres entre eux. Une telle réciprocité ne serait pas possible entre la France et des États situés hors Union européenne.

Certes, vos propos nuancent ce que nous avons parfois entendu dans cet hémicycle sur le caractère supposément désavantageux de notre impôt. Mais faire droit à votre demande reviendrait à accorder à des non-résidents, qu'ils soient Français ou non, puisqu'il est interdit de les discriminer, un avantage qui doit être lié à la condition de résidence en France, et ceci de façon unilatérale. En fait, c'est tout simplement à leur État de résidence de permettre la déduction des pensions alimentaires versées à un bénéficiaire demeurant en France. C'est, là encore, une question de bon sens et de justice. Voilà pourquoi une telle extension ne serait ni juste, ni justifiée.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous, madame la secrétaire d'État. Contrairement à ce que vous avez indiqué, il ne s'agit pas de déduire des avantages.

Le problème principal concerne les pensions alimentaires. Une pension alimentaire n'est pas un avantage mais un devoir, qui fait suite à une décision de justice : le devoir d'assumer la charge d'un enfant qui en l'occurrence est resté en France. J'ai donc beaucoup de mal à percevoir la logique : un Français résidant en Grande-Bretagne ou en Allemagne peut déduire la pension alimentaire de son revenu imposable, mais pas s'il se trouve en Chine, en Thaïlande ou en Australie…

Je pense qu'il y a là une injustice fragrante. Je me félicite que l'actuel gouvernement applique enfin l'arrêt Schumacker, mais je pense que la justice voudrait qu'il soit valable pour tous les Français résidant à l'étranger, dont je vous rappelle qu'une moitié réside en Europe et l'autre en dehors. Une pension alimentaire doit être déduite du revenu imposable, quel que soit le pays de résidence.

Données clés

Auteur : M. Thierry Mariani

Type de question : Question orale

Rubrique : Impôt sur le revenu

Ministère interrogé : Budget

Ministère répondant : Budget

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2015

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