14ème législature

Question N° 1137
de M. Daniel Gibbes (Les Républicains - Saint-Barthélemy et Saint-Martin )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Outre-mer
Ministère attributaire > Outre-mer

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > sécurité sociale

Analyse > Saint-Martin. cotisations patronales. exonérations. réglementation.

Question publiée au JO le : 17/11/2015 page : 8255
Réponse publiée au JO le : 25/11/2015 page : 9713

Texte de la question

M. Daniel Gibbes appelle l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, qui se retrouvera au 1er janvier 2016, à l'instar des DOM, impactée par la rationalisation du dispositif d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale spécifique à l'outre-mer. Un coup de rabot de 75 millions d'euros, compensé par l'augmentation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dans les DOM, dont le taux passera de 7,5 % à 9 % en 2016. La collectivité de Saint-Martin étant dotée de l'autonomie fiscale, elle ne bénéficiera pas de cette augmentation puisqu'elle est non éligible au CICE. Il s'agit donc d'une « triple peine » pour le territoire, entre le rabotage des exonérations de charges, l'absence de CICE et le décalage de trois mois des baisses de cotisations « famille ». Pourtant, des solutions existent : ainsi, la prise en compte du PIB de la seule COM de Saint-Martin dans le PIB de la France générerait une marge de manœuvre budgétaire d'une vingtaine de millions d'euros à ratio déficit/PIB constant. Cette intégration peut être immédiate, dans la mesure où cette collectivité est une région ultrapériphérique. Il l'interroge donc sur l'intention du Gouvernement de prendre en compte le PIB de cette COM dans le PIB national, pour générer des marges de manœuvre budgétaires au service de l'investissement et de l'emploi.

Texte de la réponse

DISPOSITIF D'EXONÉRATION DES COTISATIONS PATRONALES DE SÉCURITÉ SOCIALE SPÉCIFIQUES À L'OUTRE-MER ET SON IMPACT À SAINT-MARTIN


Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour exposer sa question, n°  1137, relative au dispositif d'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques à l'outre-mer et son impact à Saint-Martin.

M. Daniel Gibbes. Je veux évoquer, madame la ministre des outre-mer, le « coup de rabot » de 75 millions d'euros sur les exonérations de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, élégamment rebaptisé « rationalisation du dispositif d'exonération de cotisations patronales de Sécurité sociale spécifique à l'outre-mer ». La collectivité d'outre-mer – COM – de Saint-Martin sera en effet, comme les départements d'outre-mer – DOM –, touchée par cette mesure dès le 1er janvier prochain : c'est la conséquence des dispositions de l'article 9 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale – PLFSS –, adopté par notre assemblée en première lecture le 21 octobre dernier, puis en nouvelle lecture hier soir.

Comme vous l'avez souligné, cette mesure d'économies est censée être compensée – et même au-delà, d'après les services de votre ministère – par l'augmentation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – dans les DOM, où son taux passera fort opportunément de 7,5 % à 9 % l'an prochain.

Or, comme vous le savez, depuis 2007, la collectivité de Saint-Martin, certes régie par le droit social national, dispose de l'autonomie fiscale en vertu de l'article 74 de la Constitution : puisqu'elle est privée de CICE, elle ne bénéficiera pas de cette augmentation.

Pour Saint-Martin, c'est donc la double peine, à savoir le rabotage des exonérations de charges sans le CICE, voire la triple peine avec le décalage de trois mois des baisses de cotisations famille décidées au niveau national dans le cadre du pacte de responsabilité.

Il nous est répondu qu'il appartient à la collectivité de financer son propre CICE. Mais comment le pourrait-elle avec des finances exsangues ? Et l'État, obsédé par le ratio « déficit/PIB », renâcle à s'engager dans les domaines qui relèvent pourtant de sa compétence.

Or des solutions existent. La prise en compte du PIB de la seule COM de Saint-Martin dans le PIB de la France générerait ainsi une marge de manœuvre budgétaire d'une vingtaine de millions d'euros, à ratio déficit/PIB constant. Une telle intégration peut être immédiate dans la mesure où cette collectivité est une région ultrapériphérique ; elle augmenterait le PIB de notre pays de près de 600 millions d'euros : pourquoi, dans ces conditions, Bercy dédaignerait-il la prise en compte de collectivités d'outre-mer dans la richesse nationale ?

Quand la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin cessera-t-elle d'être un angle mort des politiques publiques ? Avez-vous l'intention de prendre en compte le PIB de cette COM dans le PIB national, pour générer des marges de manœuvre budgétaires au service de l'investissement et de l'emploi ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Il est vrai, monsieur le député, que la collectivité de Saint-Martin, compte tendu de l'autonomie fiscale pour laquelle elle a opté, ne peut bénéficier, comme les DOM, du CICE renforcé. Plusieurs points doivent néanmoins être précisés dans ce débat que nous avons depuis longtemps.

En premier lieu, cette mesure n'affecte qu'à la marge le dispositif – 70 millions d'euros sur plus de 1 milliard.

Deuxièmement, ces exonérations, recentrées sur les bas salaires, là où elles sont le plus efficaces, demeurent bien plus généreuses que les exonérations dites « nationales ».

Troisièmement, n'oublions pas qu'elles sont renforcées pour les entreprises exposées à la concurrence, en particulier dans les secteurs du tourisme et de l'hôtellerie, dont on connaît l'importance pour Saint-Martin : dès le 1er janvier prochain, les salaires y seront exonérés au taux de 100 % jusqu'à 1,7 SMIC ; de nouvelles exonérations s'appliquent ensuite, de façon que le point de sortie des dispositifs d'exonération est porté à 4,5 SMIC puisque les entreprises visées sont « hors CICE ». Le Gouvernement a donc compensé l'absence du CICE pour Saint-Martin.

Quatrièmement, plutôt que de viser les exonérations, le Gouvernement aurait pu supprimer le service militaire adapté – SMA –, le fonds exceptionnel d'investissement – FEI –, les contrats ou la formation en mobilité : autant de dispositifs que nous avons préservés et même renforcés, et qui serviront au développement de Saint-Martin, avec un impact direct sur le carnet de commandes des entreprises.

S'agissant de votre proposition d'intégrer le PIB de Saint-Martin dans les agrégats qui servent à calculer le déficit, j'en comprends le sens. L'idée est intéressante et ne me semble pas a priori incompatible avec la règle européenne fixant le calcul de ce déficit. Nous pouvons donc y travailler.

Gardons-nous cependant d'un raisonnement hâtif qui mettrait en relation la part des dépenses publiques avec la contribution des territoires au PIB de la nation, car il ne servirait pas forcément l'intérêt de tous les territoires, notamment dans les outre-mer.

Nous avons beaucoup de chantiers structurants à mener ensemble pour le développement de Saint-Martin et l'accompagnement de la collectivité. Je suis évidemment déterminée à y œuvrer, et prête à dialoguer avec vous sur ce sujet aussi.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Je connais les efforts consentis par Mme la ministre pour faire avancer les dossiers épineux de Saint-Martin, petit territoire qui, récemment devenu collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution, subit une double, voire une triple sanction. Vous connaissez, madame la ministre, les inconvénients particuliers liés à cette situation dont nous discutons souvent, et qui d'ailleurs concerne aussi Saint-Barthélemy. Il faut la regarder de près, notamment en incluant le PIB de notre collectivité dans les agrégats nationaux.