roms
Question de :
M. Julien Aubert
Vaucluse (5e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 2 octobre 2013
ROMS
M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Julien Aubert. Monsieur le ministre de l'intérieur (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), refuser l'exploitation de la misère, c'est d'abord et avant tout être républicain. C'est pour cette raison que le 16 juillet dernier je vous ai interrogé dans cet hémicycle sur l'ouverture de l'espace Schengen à la Roumanie et sur la situation de près de 20 000 Roms vivant dans notre pays.
Alors que je vous demandais si votre gouvernement niait l'existence de bidonvilles qui n'ont rien à envier aux banlieues de Calcutta ou de Rio, où des enfants sont volontairement instrumentalisés pour mendier, vous vous êtes borné à me répondre, avec suffisance et mépris, qu'« en tenant ce type de langage », je ne faisais « que faciliter la montée de l'extrême droite et des populismes ». Quelle n'a pas été ma surprise de vous entendre la semaine dernière tenir un discours radicalement différent !
Vous avez dit qu'il serait « illusoire de penser qu'on réglera le problème des populations roms à travers uniquement l'insertion » et que « les occupants de campements ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ».
Vous avez dit que « notre responsabilité, c'est de ne pas permettre que s'installent au cœur de nos villes, mais aussi au cœur de la capitale, (…) des bidonvilles », et qu'il n'y a « pas d'autre solution que de démanteler ces campements progressivement et de reconduire à la frontière ».
Vous avez dit qu'il « ne faut ni discriminer, ni se voiler la face, ni faire preuve d'angélisme. Les Roms ont vocation à rester dans leurs pays et à s'y intégrer ».
Alors, monsieur le ministre, tel saint Paul, auriez-vous été illuminé par la grâce, cet été, sur le chemin de Damas ?
M. Pascal Popelin. Vous, il n'y a pas de risque que cela vous arrive !
M. Julien Aubert. Pourquoi aviez-vous été choqué par mes propos, si c'est pour dire la même chose aujourd'hui ?
Vous avez dit, après la polémique de la semaine dernière, que vos propos « ne choquent que ceux qui ne connaissent pas le dossier ». Faut-il comprendre qu'en juillet 2013 vous ne connaissiez pas l'état du dossier Rom ?
Je suis venu vous demander, monsieur le ministre, un double éclaircissement : quelle ligne politique défendez-vous au juste ? Et quelle ligne politique le Gouvernement défend-il ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, je crois que c'est vous qui ne connaissez pas le dossier. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous venez de faire un amalgame ridicule (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) entre la libre circulation au sein de l’Union européenne – laquelle concerne notamment les citoyens roumains et bulgares, dont une partie appartient à une minorité respectée à laquelle s'applique le droit européen, les Roms – et la question de Schengen.
Les Roms ne sont pas concernés par Schengen, comme vient de le dire très précisément M. Fabius ! Ils bénéficient de la libre circulation en Europe, comme vous et moi, laquelle suppose d'ailleurs un certain nombre de règles sur lesquelles je reviendrai.
En revanche, les accords de Schengen concernent les frontières de l’Union européenne, non ses ressortissants. Il n'est donc pas question de votre circulation, de la mienne ou d'autres Européens, mais de celle de personnes qui pourraient rentrer par des frontières extérieures de l'Europe. En la matière, Schengen a établi des règles claires.
Les États membres de l'espace Schengen doivent assurer aux autres États membres que les frontières extérieures de l'Union seront bien contrôlées, que l'on empêchera l'immigration clandestine et que l'on fera en sorte, aux frontières de l’Union européenne, de lutter fermement contre la criminalité et le trafic d'êtres humains. Lorsque les conditions ne sont pas entièrement réunies, comme j'en ai d'ailleurs discuté à deux reprises avec mon homologue Victor Ponta, Premier ministre roumain, il n'est pas possible de répondre favorablement à une demande d'intégration. La Roumanie et la Bulgarie ont encore des progrès à réaliser en matière de police, de justice, de contrôle des frontières.
M. Sylvain Berrios. Quels sont les résultats ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous êtes en train de mélanger volontairement les problèmes. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
S'agissant des Roms, il y a en effet dans plusieurs pays, dont la France, des situations très difficiles. Dans certains départements, dans certaines villes ou certains quartiers, des campements sont installés en dépit de toute règle de droit.
M. Daniel Fasquelle. Incroyable !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le 26 août 2012, le Gouvernement a arrêté une circulaire très explicite signée par tous les ministres concernés.
M. Yves Censi. Même Mme Duflot ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Les décisions de justice demandant que les habitants de campements illicites soient expulsés sont exécutées par le ministre de l'intérieur, la police nationale ou la Gendarmerie. Nous sommes dans un État de droit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Claude Bartolone, Président. Allez ! Allez ! Écoutez la réponse !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il en va également ainsi en situation d'urgence, lorsque la sécurité, les conditions d'hygiène ou l'éventuelle mise en danger des familles et, plus particulièrement, des enfants, l'imposent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La position du Gouvernement est claire et cohérente. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette circulaire témoigne également d'une approche d'accompagnement des familles et des enfants en particulier, dont beaucoup sont dans une très grande précarité, en faisant en sorte que les conditions d'hygiène, de sécurité et d'éducation soient respectées.
En collaboration avec les maires, dont beaucoup font un travail extraordinaire que je tiens ici à saluer, nous parvenons à trouver des solutions…
M. Philippe Meunier. Les maires en ont assez !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … à condition bien sûr que les personnes concernées respectent les lois de la République. L'intégration, lorsque tel est le cas, est possible.
Au-delà de cela, je n'ignore pas qu'il existe des réseaux mafieux qui exploitent la misère humaine, qui organisent des allers-retours entre la Roumanie et la France.
M. Christian Estrosi. Vous en êtes les complices !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous combattons de manière résolue l'exploitation des êtres humains. Nous combattons les réseaux et nous continuerons à le faire, y compris en collaborant avec les polices bulgare et roumaine dont le nombre d'agents, en France, augmente.
S'agissant des responsabilités de chaque État, nous assumons quant à nous les nôtres…
M. Philippe Cochet. Quelles sont vos réponses ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … à l'égard des Roms qui vivent dans notre pays, qui en respectent les règles et qui veulent s'intégrer. Chaque État de l'Union européenne a ses propres responsabilités.
J'ai également abordé cette question avec le Premier ministre Ponta lors de ma visite à Bucarest au mois de juin dernier. Lors de notre conférence de presse commune, il a dit clairement que la Roumanie avait ses propres responsabilités, notamment s'agissant de l'intégration de la minorité rom. Il a également reconnu que, depuis plusieurs années, les aides européennes avaient été sous-utilisées. Il s'est engagé à ce que cela change.
Il n'y a pas de raison d'exacerber toutes ces difficiles questions. Le devoir des hommes d’État, c'est d'avancer des solutions concrètes, d'améliorer la situation, de ne pas monter les uns contre les autres et de régler les problèmes ! J'appelle donc tout le monde à faire preuve de sang-froid ! Le sang froid dont on fait preuve témoigne de la dignité de la fonction que l'on exerce et manifeste le respect que nous devons aux citoyennes et aux citoyens. (Mmes et MM les membres du groupe SRC se lèvent et applaudissent ; applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)
Auteur : M. Julien Aubert
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 2013