14ème législature

Question N° 1205
de M. Alain Gest (Les Républicains - Somme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > risques professionnels

Tête d'analyse > accidents du travail

Analyse > Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail. suppression. conséquences.

Question publiée au JO le : 29/12/2015
Réponse publiée au JO le : 13/01/2016 page : 46

Texte de la question

M. Alain Gest attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la suppression de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) prévue dans le projet de loi de justice du XXIème siècle et sur les conséquences qui en résultent. Le contentieux pour lequel est compétent cette cour, dont le siège est à Amiens depuis 1994 et qui compte environ 70 employés, va être dispersé dans toute la France. Qui plus est, la suppression de cette cour et plus largement le projet de loi en lui-même, aurait d'importantes répercussions sur la pérennité des emplois y afférant et l'avenir même de la cour d'appel d'Amiens. Il souhaiterait donc connaître ses intentions pour pallier ces conséquences néfastes.

Texte de la réponse

AVENIR DE LA COUR NATIONALE DE L'INCAPACITÉ ET DE LA TARIFICATION DE L'ASSURANCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL


Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gest, pour exposer sa question, n°  1205, relative à l'avenir de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail.

M. Alain Gest. Monsieur le secrétaire d'État, dans son projet de loi sur la justice du XXIe siècle, la garde des sceaux a annoncé la suppression de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, la CNITAAT, dont le siège est à Amiens depuis 1994, et qui compte 70 employés.

Dès cette annonce, et à plusieurs reprises, j'ai été interpellé par une profession qui s'inquiète et souhaite savoir de quoi son avenir sera fait. En effet, avec cette mesure, c'est le contentieux traité à ce jour exclusivement à Amiens qui sera dispersé dans toute la France.

Avec de telles suppressions et modifications, la carte judiciaire est remise en cause, ce qui pourrait entraîner des répercussions importantes sur la pérennité des emplois et sur l'avenir même de la cour d'appel d'Amiens. En l'état actuel du texte, je me demande ce que deviendront les soixante-dix agents de cette cour, hautement qualifiés et rompus à ce contentieux particulièrement technique et méconnu.

J'ai écrit au Premier ministre le 6 août 2015, lui demandant de bien vouloir surseoir à cette mesure. Ce courrier est resté sans réponse. Le 20 octobre 2015, j'ai déposé une question écrite à ce sujet auprès de la garde des sceaux, qui ne m'a pas davantage répondu. Ce silence peut s'interpréter, au mieux, comme un désintérêt de l'ensemble du Gouvernement à l'égard des employés de cette cour, ou comme une mauvaise manière faite, une nouvelle fois, à Amiens et au département de la Somme, que la réforme régionale vide progressivement de l'ensemble de ses services publics.

Car depuis la nomination de Lille comme capitale régionale, l'agence régionale de la santé, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, la direction régionale des affaires culturelle, la direction régionale des finances publiques, sans parler des directions régionales de la SNCF, de l'AFPA, de Pôle Emploi, de l'INSEE, désertent Amiens pour Lille.

Au-delà de l'inquiétude légitime manifestée par les soixante-dix agents de la CNITAAT, la décision du Gouvernement, si elle était maintenue, porterait un nouveau coup à l'attractivité de la ville d'Amiens et au département de la Somme.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de bien vouloir revenir sur cette proposition qui désorganiserait la gestion des dossiers concernés par la CNITAAT et pénaliserait une nouvelle fois la capitale de la Picardie.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le député Gest, la CNITAAT compte quatre magistrats, dont les emplois sont localisés à la cour d'appel d'Amiens, et soixante-dix agents, mis à disposition du ministère de la justice par la CPAM et la mutualité sociale agricole de la Somme.

Comme vous le savez, la justice sociale en France est d'une grande complexité. Dispersée entre plusieurs juridictions, judiciaires ou administratives, gérée concomitamment par le ministère des affaires sociales et le ministère de la justice, elle compte, outre la CNITAAT, les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les tribunaux du contentieux de l'incapacité, les commissions départementales de l'aide sociale et la commission centrale de l'aide sociale. Cela entraîne un manque de lisibilité pour les justiciables.

De plus, cette organisation complexe a été source de retard dans le traitement des dossiers : les procédures ne sont jugées en moyenne qu'au terme d'un délai de vingt mois, certaines après trois ans. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité réformer cette justice, conformément à un engagement qu'avait pris le candidat Hollande, pour en améliorer l'efficacité et en faciliter l'accès.

Le projet de loi sur la justice du XXIe siècle, voté en première lecture au Sénat, prévoyait, dans sa rédaction initiale, de confier aux tribunaux de grande instance et aux cours d'appel de droit commun le traitement de l'ensemble du contentieux de la Sécurité sociale, à l'exception du contentieux de la tarification, appelé à demeurer de la compétence de la CNITAAT. Le texte, tel que modifié par le Sénat, prévoit la suppression totale de la CNITAAT ainsi que des commissions départementales d'aide sociale.

Les inspections générales des affaires sociales et des services judiciaires ont été missionnées afin de préciser les modalités d'une réforme d'aussi grande envergure, dans le cadre d'un groupe de travail interministériel réunissant l'ensemble des services compétents des ministères de la justice et des affaires sociales. Les conclusions de cette mission seront remises à la garde des sceaux très prochainement. En tout état de cause, elles permettront d'éclairer l'examen du projet de loi par votre assemblée. Il sera tenu compte des travaux engagés, qui ont parfaitement pris la mesure des légitimes préoccupations dont vous vous faites l'écho.

Soyez assuré, monsieur le député, que nous serons particulièrement attentifs à la situation des agents de cette juridiction, de même qu'à la pérennité de la présence judiciaire dans la ville d'Amiens.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que les propos que vous venez de tenir soient suivis d'effets. Je ne suis pas convaincu, en effet, que la suppression de la CNITAAT permette d'accélérer les procédures. Vous l'avez bien compris, deux problèmes coexistent : la gestion des personnels et la place d'Amiens, qui avait bénéficié il y a vingt ans de la « délocalisation » de cet organisme, auquel elle tient.