14ème législature

Question N° 12152
de M. Sergio Coronado (Écologiste - Français établis hors de France )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > placements extérieurs. suivi. bilan.

Question publiée au JO le : 27/11/2012 page : 6928
Réponse publiée au JO le : 25/11/2014 page : 9880
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Sergio Coronado appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, quant aux dispositifs d'aménagement de peine. La France compte, aujourd'hui, 67 373 détenus au 1er juillet 2012, pour un taux d'occupation pour les maisons d'arrêt de 137 % et avec une progression annuelle de 4 %. Nous avons tous porté une politique volontariste en matière d'aménagement de peine. Or, à ce jour, 12 609 personnes bénéficient d'un aménagement de peine, régime de semi-liberté ou bracelet électronique, chiffre qui a grandi de 21 % en un an et de 44,5 % en deux ans. Cette augmentation n'a pas entraîné de baisse de la population carcérale. Il lui demande quelle est l'efficacité réelle des dispositifs d'aménagements de peine au regard de l'augmentation conjointe des peines de prison. Pourquoi la libération conditionnelle, plus efficace, stagne-t-elle ? Quelle est l'évolution des chiffres sur les dix dernières années ? Il souhaiterait savoir si elle dispose d'éléments de comparaison européens et quelle est par ailleurs son approche de la question de la récidive.

Texte de la réponse

Le ministère de la justice entend lutter contre la surpopulation carcérale, héritage d'une politique pénale fondée sur le tout carcéral. Loin d'être une fatalité, la surpopulation carcérale est l'objet de l'attention de la garde des sceaux qui a décidé d'intégrer cette réalité dans sa politique pénitentiaire, en cohérence avec sa politique. Gage d'efficacité, les actions mises en oeuvre sont fondées notamment sur les conclusions des analyses françaises et étrangères, mises en lumière en particulier à l'occasion de la conférence de consensus. Quelle que soit la méthodologie retenue, force est en effet de constater que la prison aggrave le risque de récidive. Or, d'une part, le nombre de condamnations à l'emprisonnement ferme a crû de 20 % en dix ans sans correspondre à une augmentation corrélative des crimes et délits les plus graves qui est en grande partie l'héritage de la politique menée pendant les 10 dernières années : ainsi 4 000 années d'emprisonnement supplémentaires par an ont été générées par les peines plancher depuis 2007, essentiellement pour les petits délits, sans discernement puisque 96 % des peines délictuelles sont inférieures à 3 ans. D'autre part, les mesures d'aménagement de peine (libération conditionnelle, placement sous surveillance électronique, semi-liberté, placement extérieur) demeurent sous-utilisées, particulièrement pour les courtes peines, alors même qu'elles visent la réinsertion des personnes détenues et diminuent le risque de récidive. Ainsi, 81 % des condamnés sous écrou ne bénéficient d'aucun aménagement de peine (ce chiffre étant porté à 98 % pour les personnes condamnées à des peines inférieurs à 5 mois). Récemment, le 29 avril 2014, les statistiques du Conseil de l'Europe ont permis de mettre en lumière la nécessité d'accroître les chances de réinsertion des personnes détenues et de développer les aménagements de peines, en réservant la prison en dernier recours. Or, 63 % des personnes détenues ayant achevé leur peine sans aménagement sont à nouveau condamnées dans un délai de 5 ans, contre 55 % pour les personnes bénéficiaires d'un aménagement de peine au cours de leur détention du type placement à l'extérieur, semi-liberté ou encore placement sous surveillance électronique. Enfin, les taux les plus faibles concernent les sortants de détention ayant bénéficié d'une libération conditionnelle : seuls 39 % d'entre eux ont à nouveau été condamnés (Cahiers d'études pénitentiaires et criminologique, mai 2011 n° 36, Annie Kensey et Abdelmalik Benaouda1). Afin de développer les aménagements de peines, d'accroître leur efficacité pour prévenir la récidive, et de favoriser la réinsertion des personnes condamnées a été adoptée la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. Bien que ce texte vise avant tout la mise en oeuvre de solutions plus efficaces dans la prise en charge des personnes condamnées et non la réduction de la population carcérale, la réforme pénale engagée aura des effets sur cette dernière. Ainsi, ce texte supprime les dispositions prévoyant des peines minimales en cas de récidive ainsi que le caractère automatique de la révocation du sursis simple, afin de permettre aux juridictions d'apprécier en raison des circonstances, de la personnalité du prévenu et de la gravité des faits, si les sursis doivent être révoqués. Il prévoit en outre la création d'une nouvelle peine de contrainte pénale, composée d'obligations exécutables en milieu ouvert, et favorise le prononcé de libération sous contrainte pour les détenus condamnés à des peines inférieures à 5 ans et qui sont en fin de peine. De surcroit, grâce à l'augmentation des effectifs des SPIP notamment qui verront d'ici à 2016 augmenter leurs personnels de 25 % avec la création de 1.000 emplois (dont 360 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation entrés en formation le 8/9/2014), à la réforme des méthodes de prises en charge des personnes en milieu ouvert et à la construction de nouveaux outils d'évaluation, un meilleur suivi des personnes placées sous main de justice permettra d'assurer une efficacité plus grande dans la prévention de la récidive. Au-delà des textes, dans le cadre d'une réforme pénale résolument tournée vers l'efficacité, ont été mis en place, le 18 octobre 2013, des groupes de travail au sein de l'administration pénitentiaire afin, notamment, d'améliorer les méthodes et les outils à disposition des conseillers d'insertion et de probation qui sont au coeur de la lutte contre la récidive.

Répartition des aménagements de peine accordés selon le type au cours de l'année
(Champ : France entière.)
ANNÉE MESURES
de semi-liberté
accordées
PLACEMENTS
à l'extérieur
accordés
PLACEMENTS
sous surveillance
électronique accordés
LIBÉRATIONS
conditionnelles
accordées
ENSEMBLE
2000 (1) 6 757 3 339 13 5 567 15 676
2001 6 481 2 682 130 5 847 15 140
2002 6 527 2 550 359 5 056 14 492
2003 6 261 2 733 948 5 509 15 451
2004 6 842 2 230 2 915 6 067 18 054
2005 (2) 6 619 2 478 4 128 5 916 19 141
2006 6 751 2 528 6 288 5 679 21 246
2007 5 283 2 289 7 900 6 436 21 908
2008 5 928 2 608 11 259 7 494 27 289
2009 5 578 2 890 13 994 7 871 30 333
2010 5 331 2 651 16 797 8 167 32 946
2011 4 889 2 258 20 082 7 481 34 710
2012 4 866 2 258 23 215 7 980 38 319
2013 4 651 2 176 23 147 7 999 37 973
(1) Placement sous surveillance électronique : à partir du 10 octobre 2000.
(2) Nouvelle série des aménagements de peine accordés à partir de 2005.
Source : statistique mensuelle des aménagements de peine, extractions GIDE pour la nouvelle série (DAP/PMJ5).