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Question de :
M. Éric Ciotti
Alpes-Maritimes (1re circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 23 octobre 2013
AFFAIRE LEONARDA
M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Éric Ciotti. Monsieur le Premier ministre, depuis quelques jours, nos concitoyens assistent, médusés, au psychodrame que leur offrent la majorité et le Gouvernement dans l'affaire Leonarda. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Les ministres s'insultent, des anathèmes sont lancés, la majorité se déchire, et la compagne du Président de la République se croit autorisée à se mêler de ce débat. Pourtant, cette affaire est très simple : il s'agit de l'exécution d'une décision de justice, après que quatre juridictions ont été saisies de la situation d'une famille qui a délibérément menti pour obtenir le statut de réfugié politique.
Ce qui est plus grave, c'est que le Président de la République lui-même, en dépit du principe de respect des décisions de justice, a cru bon d'intervenir. C'est grave sur la forme – est-il normal que le Président de la République ouvre un dialogue avec Leonarda ? – et sur le fond : est-il normal qu'il ouvre un débat, remettant en question l'autorité de la chose jugée et, tout simplement, le principe de l'autorité républicaine ?
En fait, ce qui est en cause, dans ce dossier, c'est la capacité de votre gouvernement à décider. Pierre Mendès France disait : « Gouverner, c'est choisir ». Pour le Président de la République, gouverner, c'est transiger, c'est concéder, c'est renoncer. Il confond en permanence la loi de la République avec une motion de synthèse du parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous cesser d'abaisser notre pays et de donner une image pitoyable de la France sur la scène internationale ? (« Bravo !» et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations et huées sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Un peu de calme, je vous en prie !
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député Ciotti, il serait bon – le conseil vaut pour vous comme pour tout le monde – de passer de l'émotionnel au rationnel (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
M. Christian Jacob. On ne vous le fait pas dire !
M. le président. Allons, chers collègues, écoutons le Premier ministre !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …des calculs politiciens aux principes de la République. Je vous le dis à vous, monsieur Ciotti, mais aussi à M. Copé, qui est en train de préparer l'abandon du droit du sol au profit du droit du sang : ça, ce n'est pas la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
S'agissant du cas de cette famille, que vous venez d'évoquer, j'ai, ici même, la semaine dernière, exprimé le point de vue du Gouvernement.
M. Philippe Cochet. Quel succès !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J'ai indiqué qu'un rapport serait demandé (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) et qu'au-delà de l'émotion, que je pouvais comprendre, le Gouvernement en tirerait toutes les conséquences. C'est ce qu'a fait le Président de la République. Le rapport a été remis au ministre de l'intérieur, Manuel Valls, qui l'a présenté au Président et à moi-même, et le Président de la République a annoncé très clairement les choses. (Sourires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Tout d'abord, s'agissant de l'éloignement du territoire national de cette famille, tout a été fait, après l'épuisement de tous les recours, dans le strict respect de notre droit. Le Président de la République a rappelé à juste titre que, dans un État de droit, dans une République, la base de la cohésion, de la confiance, c'est le respect de notre loi et de notre droit.
Il a également indiqué que l'émotion a été suscitée par une erreur de discernement, l'un des membres de la famille, une jeune fille, ayant été interpellée à l'occasion d'un déplacement scolaire. Depuis, une circulaire, préparée samedi après-midi en interministériel à Matignon, a été signée par le ministre de l'intérieur et adressée à tous les préfets de France. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Meunier. Ça n'a rien à voir !
M. le président. Ecoutez la réponse du Premier ministre !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L'école sera protégée. Elle doit l'être, car elle protège et doit protéger les enfants, quels qu'ils soient ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Rien d'autre n'a été rappelé ; vous pourriez donc parfaitement adhérer à ce que je viens de dire.
Ensuite, en raison de ces circonstances, le Président de la République a rappelé que la République, c'était le droit, mais aussi l'attention, la sensibilité, la fraternité et l'humanité. Un geste a donc été fait.
M. Philippe Meunier. Ayrault, prends ton combi et pars en vacances !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il est proposé à cette jeune fille, si ses parents en décident ainsi, de poursuivre sa scolarité en France où des membres de sa famille vivent en situation régulière. Après, ce sera à la famille, aux parents, de décider.
Voilà la règle qui a été rappelée.
M. Michel Sordi. Ce n'est pas la règle !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il est important de rappeler en permanence la règle commune, car c'est la base du pacte républicain. Mais le pacte républicain, c'est aussi l'attention et la fraternité – je n'ai pas dit autre chose, la semaine dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Votre président de groupe, M. Jacob, emporté une fois de plus par son élan, m'a demandé de poser à l'Assemblée nationale la question de confiance. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Eh bien, mesdames, messieurs les députés, je n'ai aucun doute sur le fait que je recevrai, dans quelques instants, à l'occasion du vote de la première partie du projet de loi de finances, la confiance d'une large majorité de l'Assemblée nationale pour mettre en œuvre le projet du Président de la République : le redressement de la France, la bataille pour la croissance, pour l'emploi, la solidarité et la justice. Voilà notre politique ! Vous pouvez continuer ; nous, nous gardons notre cap, et c'est celui de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – De nombreux députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent. – Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Auteur : M. Éric Ciotti
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 octobre 2013