14ème législature

Question N° 1220
de M. Jean-Louis Destans (Socialiste, républicain et citoyen - Eure )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Numérique

Rubrique > télécommunications

Tête d'analyse > Internet

Analyse > droit à l'oubli. perspectives.

Question publiée au JO le : 29/12/2015
Réponse publiée au JO le : 13/01/2016 page : 63
Date de changement d'attribution: 29/12/2015

Texte de la question

M. Jean-Louis Destans interroge M. le ministre de l'intérieur sur le contrôle et les moyens d'intervention concernant l'utilisation d'internet dans un contexte de menace terroriste, dans le cadre du nécessaire équilibre entre liberté d'expression, protection de la vie privée et sécurité publique. Les attentats de Paris soulèvent à nouveau la question de la lutte contre la propagande terroriste sur internet. Sur cette question, l'Union européenne est parvenue récemment à un accord en vue d'imposer un contrôle parental sur les réseaux sociaux aux moins de 16 ans. Il souhaiterait avoir l'avis du Gouvernement sur ce sujet. Par ailleurs, le projet de loi pour une République numérique crée un régime juridique de la « mort numérique », qui permettra à chaque personne de décider du sort de ses données en cas de décès, ce qui constitue une indéniable avancée. Cependant, cette avancée ne résout pas le problème rencontré par les familles de personnes décédées brutalement, notamment par les familles des victimes d'attentats, qui éprouvent les plus grandes difficultés pour sécuriser ou clôturer, selon leur souhait, les comptes (notamment Facebook) de leur proche décédé. En outre, le règlement de cette question est en cohérence avec le principe du droit à l'oubli, posé par le projet de loi.

Texte de la réponse

GESTION DES DONNÉES NUMÉRIQUES DES PERSONNES DÉCÉDÉES


Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Destans, pour exposer sa question, n°  1220, relative à la gestion des données numériques des personnes décédées.

M. Jean-Louis Destans. La France est menacée sur son sol par le terrorisme djihadiste. L'organisation terroriste État islamique utilise des outils d'un nouveau genre pour sa propagande et son recrutement : les réseaux sociaux. Elle en maîtrise parfaitement les codes, la plupart de ses recrues ayant grandi dans un environnement numérique. La lutte que nous devons mener contre le terrorisme se joue donc aussi sur ce terrain.

Des actions sont conduites en ce sens au niveau européen. L'Union est parvenue récemment à un accord en vue d'imposer un contrôle parental sur les réseaux sociaux aux moins de 16 ans.

En juin, Europol – l'Office européen de sécurité –, a annoncé la création d'une unité dont la mission est de repérer les comptes Facebook, Twitter ou autres diffusant un message djihadiste et d'en demander la fermeture. C'est un travail colossal, la vingtaine de policiers de cette unité devant surveiller des dizaines de milliers de comptes.

La lutte contre le terrorisme sur le terrain numérique doit donc se mener aussi sur le plan national, en collaboration avec les entreprises du secteur qui, seules, ont le pouvoir de clôturer les comptes. Cette collaboration des gouvernements avec ces entreprises que sont Facebook, Twitter – et les autres – est indispensable à la lutte contre la propagande terroriste sur internet, mais elle est également nécessaire pour honorer les vœux des familles des victimes du terrorisme concernant la gestion des comptes des personnes décédées.

Le projet de loi pour une République numérique, qui sera débattu ici dans quelques jours, crée un régime juridique de la « mort numérique » permettant à chaque personne de décider du sort de ses données en cas de décès, ce qui constitue une indéniable avancée.

Cependant, cela ne résout pas le problème rencontré par les familles de personnes décédées brutalement, notamment à la suite d'un attentat, qui éprouvent les plus grandes difficultés pour sécuriser ou clôturer, selon leur souhait, les comptes de leur proche décédé, notamment sur Facebook.

Le règlement de cette question est par ailleurs cohérent avec le principe du droit à l'oubli posé par le projet de loi.

Les Français nous interrogent sur toutes ces questions et se demandent notamment quels sont les moyens de contrôle et d'intervention concernant l'utilisation d'internet dans un contexte de menace terroriste.

Cette surveillance doit également se faire dans le cadre du nécessaire équilibre entre liberté d'expression, protection de la vie privée et sécurité publique auquel nos concitoyens sont attachés et que nous avons la mission de défendre.

Par ailleurs, les obstacles rencontrés par les familles endeuillées concernant la gestion des comptes de leur proche disparu soulèvent des questions quant à la politique menée par ces grands groupes et à l'action que peuvent entreprendre les gouvernements pour soutenir les familles des victimes.

Les nouveaux défis lancés aux gouvernements nationaux par l'avènement des réseaux sociaux sont nombreux.

Quelles réponses pouvons-nous apporter à nos concitoyens ? Ne pourrions-nous pas imaginer un texte de loi traitant spécifiquement des questions posées par les réseaux sociaux et de la collaboration nécessaire entre la France et les entreprises du secteur ?

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le député, votre question fait référence au projet de règlement européen relatif à la protection des données à caractère personnel, dont la version anglaise a été adoptée par les États membres en décembre de l'année dernière et qui est actuellement en cours de traduction.

Il s'agit de l'article 8 du projet prévoyant que les mineurs de moins de 16 ans ne pourront pas donner seuls leur consentement à un traitement de données personnelles auprès des sociétés de services en ligne sans une autorisation parentale.

La France a soutenu ce texte afin de renforcer la protection des mineurs en matière de protection des données à caractère personnel.

Le projet de loi pour une république numérique – qui sera donc discuté dans l'hémicycle la semaine prochaine – prévoit par ailleurs une autre mesure de protection pour les mineurs en instaurant une procédure accélérée pour l'exercice du droit à l'oubli.

S'agissant de la question de la mort numérique, vous évoquez la difficulté que rencontrent les familles lorsqu'un proche décède brutalement et qu'elles souhaitent faire clôturer un compte lié à un réseau social.

Le projet de loi pour une république numérique prévoit que les personnes puissent organiser de leur vivant les conditions de conservation et de communication des données à caractère personnel après leur décès.

Ainsi, toute personne pourra définir des directives générales ou particulières. Les premières concernent l'ensemble des données de la personne et pourront être enregistrées auprès d'un tiers de confiance numérique certifié par la CNIL ; les secondes concernent des traitements de données particuliers et pourront être enregistrées auprès du responsable de traitement concerné.

En l'absence de directives données du vivant de la personne décédée, les héritiers pourront exercer les droits de cette personne en matière d'informatique et de libertés et il n'y aura plus d'obstacle pour obtenir la clôture des comptes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Destans.

M. Jean-Louis Destans. Je remercie Mme la secrétaire d'État pour sa réponse. J'ai été moi-même confronté à des demandes concrètes relatives au droit à l'oubli et je sais qu'il est extraordinairement difficile d'y répondre.

Quant à nos rapports avec les grandes plates-formes numériques, je ne suis pas certain que les gouvernements concernés mettent tout leur poids politique dans la balance, ces rapports étant un peu asymétriques compte tenu également des enjeux économiques.