14ème législature

Question N° 1227
de M. François Rochebloine (Union des démocrates et indépendants - Loire )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Économie, industrie et numérique

Rubrique > commerce et artisanat

Tête d'analyse > coiffure

Analyse > revendications. perspectives.

Question publiée au JO le : 29/12/2015
Réponse publiée au JO le : 13/01/2016 page : 62

Texte de la question

M. François Rochebloine attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur les vives inquiétudes des coiffeurs, après l'annonce par le Gouvernement de la suppression de l'obligation d'obtention du brevet professionnel pour l'exercice de l'activité de coiffeur. Cette mesure entre dans le cadre d'un mouvement de dérégularisation destiné à permettre de nouvelles créations d'emplois dans un secteur qui ne souffre pourtant pas de réelles tensions. Avec environ 80 000 entreprises de coiffure, la France dispose d'un secteur développé et bien présent sur l'ensemble du territoire. La réglementation en vigueur ne semble donc pas avoir constitué un frein excessif au développement des entreprises, dont le nombre est en constante progression. Par contre, une telle mesure comporte de vraies menaces pour tout un secteur professionnel déjà fragilisé. Ainsi, la suppression de l'obligation d'obtention du brevet professionnel pour des jeunes qui souhaitent s'installer va conduire à désorganiser l'ensemble de la profession et à remettre en cause tout l'édifice de la formation. La gestion d'un salon de coiffure exige des compétences tout comme l'exercice du métier, ce dernier nécessitant de manier au quotidien un certain nombre de produits dangereux. Face à ces enjeux, il s'interroge sur l'intérêt d'une telle réforme qui ne manquerait pas d'altérer, si elle devait être mise en œuvre, la garantie qu'offre l'exigence de qualifications professionnelles pour la protection des consommateurs. Aussi, il souhaiterait connaître l'état des arbitrages du Gouvernement sur le sujet.

Texte de la réponse

CONDITIONS D'EXERCICE DE LA PROFESSION DE COIFFEUR


Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question, n°  1227, relative aux conditions d'exercice de la profession de coiffeur.

M. François Rochebloine. Le 1er décembre dernier, l'Union nationale des entreprises de coiffure lançait l'opération « J'aime con coiffeur » pour souligner combien, au sens propre, « Coiffeur, c'est un métier » – j'ajouterai, pour ma part, que c'est un beau métier. Cette opération a mobilisé des professionnels inquiets après des annonces surprenantes concernant l'éventuelle suppression de l'obligation d'obtention du brevet professionnel pour exercer l'activité de coiffeur.

Déréguler, libéraliser notre économie, ne nous pose pas de problème de principe ; nous pourrions même nous réjouir de cette conversion du Gouvernement à l'esprit d'entreprise. Mais le secteur de la coiffure ne manque pas de dynamisme : rappelons qu'il est le premier secteur de l'artisanat en France, avec 6,2 milliards d'euros de chiffre d’affaires généré en 2013, pour 82 700 établissements regroupant pas moins de 168 000 actifs, dont 96 000 salariés. En cinq ans, on estime que le nombre d'entreprises du secteur a progressé de 25 %.

La coiffure est loin d'être un secteur en déclin et s'il souffre, comme d'autres, du poids de contraintes excessives et de charges trop nombreuses, comme le RSI – le régime social des indépendants –, le Gouvernement lui-même a d'ores et déjà pris des mesures visant à diminuer certaines charges sociales, notamment dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité.

Dans ce contexte, pourquoi remettre en cause ce qui fonctionne bien ? Pourquoi déstabiliser un secteur qui s'est fortement professionnalisé par la formation et l'apprentissage ? La coiffure est ainsi le deuxième secteur artisanal, après le bâtiment, à former des jeunes par la voie de l'apprentissage.

Dès lors, le Gouvernement ne se trompe-t-il pas de cible, en s'attaquant à la coiffure, alors que la réglementation en vigueur n'a pas été un frein au développement des entreprises et de l'emploi ?

En revanche, la suppression de l'obligation d'obtention du brevet professionnel pour l'installation est une vraie menace pour ce secteur déjà fragilisé par la concurrence des auto-entrepreneurs, lesquels représentent près de 20 % des coiffeurs.

La gestion d'un salon exige des compétences, le métier réclame des savoir-faire et de la technique – sans parler du respect des règles d'hygiène ou de la bonne utilisation de produits complexes.

En libéralisant à outrance, de quelle garantie les consommateurs disposeront-ils ? Les pouvoirs publics ne devraient-ils pas au contraire veiller à renforcer les contrôles et conditionner l'installation – dans les secteurs d'activité qui le nécessitent – à l'obtention de certificats de capacité et de diplômes professionnels, ce qui devrait être d'ailleurs notamment le cas dans la restauration ?

Or, lorsque je lis les déclarations de M. le ministre de l'économie concernant le diplôme qui n'aurait pas – je le cite – « le monopole de la compétence », les bras m'en tombent ! Vous-même, madame la secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat – mais la question pourrait être posée à Mme Macron –, seriez-vous prête à vous faire coiffer chez un professionnel non diplômé ? Je ne le pense pas et, comme je vous vois sourire, je constate que vous partagez mon sentiment – ce en quoi vous avez raison.

S'il s'agit de revoir les règles de valorisation de l'expérience, je pense que les professionnels qui assurent les formations sont les mieux placés pour formuler des propositions.

Aussi, madame la secrétaire d'État, face à toutes ces objections de bon sens et sachant que plusieurs exigences se mêlent – qualité du service et des prestations, hygiène et sécurité du consommateur, formation des jeunes, ou encore pérennité des activités –, je souhaiterais savoir si le Gouvernement est prêt à revoir sa position et à abandonner cette réforme qui ne peut que dévaloriser le beau métier de la coiffure.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le député, vous m'interrogez sur les qualifications obligatoires pour l'exercice du métier de coiffeur et pour l'installation d'un salon de coiffure.

M. François Rochebloine. Absolument !

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Ces obligations sont régies par la loi du 23 mai 1946 et le décret du 29 mai 1997 relatif aux conditions d'accès à la profession de coiffeur.

Aujourd'hui, un coiffeur à domicile – c'est-à-dire exerçant sur le lieu de résidence de la personne coiffée – doit détenir un CAP. Si l'apprentissage, principalement pour les jeunes, est une modalité d'obtention courante du CAP, il n'existe pas de reconnaissance de l'expérience professionnelle, contrairement aux autres métiers de l'artisanat régis par le décret du 2 avril 1998, pris en application de la loi du 5 juillet 1996.

Par ailleurs, toute entreprise de coiffure et chacun des établissements concernés – chaque salon de coiffure, donc – doit être placé sous le contrôle effectif d'une personne détenant un brevet professionnel ou un diplôme de niveau égal ou supérieur dans le domaine de la coiffure.

Le brevet professionnel est un diplôme de niveau IV – soit le niveau du baccalauréat – qui s'acquiert le plus souvent par une formation de deux ans en alternance, après le CAP. Il n'est pas non plus ouvert de possibilité de reconnaissance de l'expérience professionnelle pour cette obligation de qualification.

Le brevet professionnel forme à la gestion d'entreprise et à une plus grande technicité dans le domaine de la coiffure, c'est-à-dire à des problématiques importantes mais éloignées des considérations de santé et de sécurité du consommateur.

Il convient de noter toutefois que, dans les communes de moins de 2 000 habitants, les coiffeurs pour homme sont exonérés de cette obligation.

Par ailleurs, dans le secteur de la coiffure, une distinction est opérée entre la coiffure à domicile et la coiffure en salon, alors que les mêmes produits et les mêmes risques y sont potentiellement présents.

Le ministère de l'économie reçoit de très nombreuses demandes de salariés qui, après de nombreuses années d'exercice, souhaiteraient pouvoir s'installer en tant qu'indépendants.

La réflexion sur les « nouvelles opportunités économiques » vise – spécifiquement dans ce secteur – à réévaluer la proportionnalité entre ces obligations de qualification et les risques encourus par les consommateurs. L'exception du secteur de la coiffure par rapport au niveau requis pour l'ensemble de l'artisanat paraît à cet égard fragile.

Le Gouvernement entend néanmoins conduire ces travaux de manière fine, en concertation avec les acteurs, en vue d'une réforme législative et de la rédaction de futurs décrets établissant les modalités d'obtention de la qualification professionnelle obligatoire.

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine, même si nous avons largement dépassé le temps imparti – il est vrai que la coiffure est un sujet très important. (Sourires.)

M. François Rochebloine. D'autant plus, madame la présidente, que nous avons pris de l'avance !

Mme la présidente. Chaque député dispose de six minutes en tout par question, et vous n'avez pas de crédits supplémentaires ! (Sourires.) Ne perdez pas votre temps !

M. François Rochebloine. Je suis tout à fait d'accord !

Je remercie Mme la secrétaire d'État des renseignements qu'elle a bien voulu apporter à la profession.

Néanmoins, en l'état, suffisamment d'auto-entrepreneurs se sont installés et ils ne sont pas assez contrôlés – je sais ce qu'il en est dans mon département. Je souhaite donc que les professionnels de la coiffure soient vraiment associés aux réformes en cours. Ce secteur est dynamique et je trouve que les annonces qui ont été faites sont un peu regrettables.

Si j'apprécie certaines déclarations de M. Macron – je n'ai pas peur de le dire –, ce n'est pas en l'occurrence le cas : ce secteur nécessite des compétences particulières. Oui, l'exercice de cette profession, comme d'autres d'ailleurs, implique des compétences spécifiques.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. Certes.

Mme la présidente. Nous sommes toutes convaincues de la compétence de nos coiffeurs respectifs. (Sourires.)

M. François Rochebloine. Nous le sommes tous aussi !