14ème législature

Question N° 1228
de M. Eduardo Rihan Cypel (Socialiste, républicain et citoyen - Seine-et-Marne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > télécommunications

Tête d'analyse > Internet

Analyse > données personnelles. protection.

Question publiée au JO le : 23/10/2013
Réponse publiée au JO le : 23/10/2013 page : 10348

Texte de la question

Texte de la réponse

CYBERSÉCURITÉ


M. le président. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Eduardo Rihan Cypel. Monsieur le Premier ministre, le journal Le Monde a révélé, hier, que l'Agence nationale de sécurité des États-Unis avait intercepté des données personnelles de citoyens français. Ces interceptions concernent de simples courriels et des conversations téléphoniques. La NSA a opéré une véritable opération massive de collecte de données personnelles. Cette pratique est inacceptable de la part d'un pays allié et ami.

Le gouvernement de la France a eu raison de convoquer l'ambassadeur des États-Unis pour lui demander des explications précises et, surtout, l'arrêt immédiat de ce qui constitue une violation de la protection des données personnelles des Français. La lutte contre le terrorisme est légitime, mais elle ne doit pas se faire au détriment des libertés individuelles. Il faut donc s'assurer qu'à l'avenir cette situation ne se reproduise pas. Ces interceptions ont aussi pour but le cyberespionnage. Elles menacent à la fois nos intérêts stratégiques, économiques ou industriels.

Le cyberespionnage représente une menace réelle pour la souveraineté nationale : pas un jour ne se passe sans qu'une entreprise ne fasse l'objet de cyberattaques. Peu de textes internationaux et européens encadrent ces activités. C'est pourquoi de nouvelles règles doivent être fixées face à une avancée technologique inédite dans l'histoire de l'humanité.

La cybersécurité doit être une priorité pour la France comme pour toute l'Europe, laquelle doit être en première ligne pour nous protéger des cybermenaces, assurer la protection des données personnelles et imposer des normes là où règne un vide juridique.

Le Conseil européen, qui se réunira en décembre avec la politique de sécurité et de défense commune à l'ordre du jour, pourrait être le bon cadre pour poser le sujet.

Monsieur le Premier ministre, quelles réponses avez-vous d'ores et déjà reçues du gouvernement des États-Unis ? Que compte proposer le Gouvernement en la matière lors du conseil européen de décembre ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député Eduardo Rihan Cypel, nous devons être conscients de la gravité des derniers événements : ce n'est pas rien. Cette pratique est préoccupante, voire choquante ! Choquante parce que rien ne justifie de tels agissements entre deux pays amis et alliés (« C'est certain ! » sur les bancs du groupe UMP) et parce qu'elle porte atteinte à la vie privée de nos compatriotes.

La France a immédiatement réagi.

M. Éric Ciotti. Par téléphone !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je suis intervenu hier. L'ambassadeur des États-Unis a été immédiatement convoqué au ministère des affaires étrangères.

M. Dominique Dord. Oh là là !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre . Le Président François Hollande s'est entretenu hier soir avec le Président Obama pour lui demander des explications (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et surtout exiger que ces pratiques cessent au plus vite et qu'une coopération s'organise entre nos deux pays pour lutter contre tous les dangers et les risques du terrorisme, puisqu'il s'agirait là des raisons qui motivent de telles pratiques.

M. Éric Ciotti. Attention, sinon on va se fâcher…

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Cela ne justifie pas que l'on porte atteinte à un certain nombre de règles de droit et de principes, en particulier à la vie privée de nos compatriotes. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a rencontré son homologue John Kerry. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Ah !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Livre blanc pour la défense, vous le savez… (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.) Cela ne vous intéresse-t-il pas, mesdames et messieurs les députés de l'opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pensez-vous vous en être occupés avant ? Alors, un peu d'attention s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Un peu de calme, s'il vous plaît.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Livre blanc pour la défense n'est pas à mettre à votre actif mais au nôtre ! Le Président de la République en a approuvé le contenu ; il comporte un volet particulier consacré à la cyberdéfense, qu'il faut d'autant plus renforcer en France qu'il est l'un de nos points faibles. Le Sénat vient d'ailleurs d'adopter la loi de programmation militaire qui reviendra bientôt devant l'Assemblée nationale. Chacun sera alors placé face à ses responsabilités.

Ne négligeons pas pour autant la dimension européenne de cette question. D'ici la fin de la semaine, le Conseil européen se réunira. Le Président de la République a demandé que cette question, qui est à la fois nationale et européenne, soit inscrite à l'ordre du jour. Nous devons nous protéger, exiger que de nouvelles règles soient posées. Cela implique que la France et l'Europe, dans un dialogue serein mais ferme et clair, travaillent avec les États-Unis. La sécurité est une exigence, mais elle ne doit pas être garantie à n'importe quel prix ; elle ne doit porter atteinte ni aux libertés ni à la vie privée. Telle est la position de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)