accès aux soins
Question de :
M. Damien Abad
Ain (5e circonscription) - Les Républicains
M. Damien Abad attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur l'inquiétante raréfaction de nombreux médicaments ou vaccins au sein des pharmacies et plus généralement sur la désertification médicale sur les territoires les plus reculés. En effet, il est particulièrement préoccupant de constater que de nombreuses officines accusent des ruptures de stock pour le traitement de graves pathologies (certains cancers notamment) parfois pendant plusieurs mois ou sur des vaccins de première nécessité, comme celui de la grippe, alors que l'épidémie n'est pas encore déclarée. Cette situation met en danger de nombreux patients. De plus, les zones de montagne souffrent de plus en plus de l'absence de médecins, ce qui pose de graves difficultés aux personnes ne pouvant plus se déplacer pour consulter. Aussi il souhaiterait connaître les dispositions qu'elle compte prendre afin de garantir, quelle que soit la zone géographique, l'accès aux soins comme aux traitements associés.
Réponse en séance, et publiée le 3 février 2016
PÉNURIE PHARMACEUTIQUE ET MÉDICALE DANS CERTAINS TERRITOIRES
M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour exposer sa question, n° 1236, relative à la pénurie pharmaceutique et médicale dans certains territoires.
M. Damien Abad. Je souhaitais attirer l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur deux importants problèmes de santé publique que sont l'inquiétante raréfaction de nombreux médicaments et vaccins dans les pharmacies et la désertification médicale dans les territoires les plus reculés.
Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament, en sept ans, les ruptures d'approvisionnement des médicaments ont été multipliées par dix, et le phénomène s'aggrave de plus en plus rapidement.
Parmi les produits manquants, on trouve des médicaments rares contre certaines maladies graves, des vaccins de première nécessité comme celui contre la grippe et de nombreux vaccins pour les bébés. Plus de 300 médicaments sont aujourd'hui affichés en rupture de stock.
La loi de santé vise à mieux encadrer la disponibilité des médicaments en France, en tout cas pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, mais même les médicaments anticancéreux font l'objet d'une rupture de stock. Cette situation met en danger de nombreux patients.
La santé publique est également mise en péril par le problème de la désertification médicale. Comme vous le savez, les zones de montagne et les zones rurales souffrent de plus en plus de l'absence de médecins, tant généralistes que spécialistes, ce qui cause de graves difficultés pour les personnes ne pouvant plus se déplacer pour consulter.
Dans le département de l'Ain, que j'ai l'honneur de présider, nous sommes confrontés à la fois à un vieillissement de la population, à une croissance démographique forte – la cinquième de France – et à un recul du nombre de médecins généralistes et de médecins spécialistes.
Je prendrai pour exemple le taux d'orthophonistes, qui est de 29 pour 100 000 habitants dans le département de l'Ain, contre une moyenne régionale de 42 et une moyenne nationale de 35.
Dans les zones du Haut-Bugey et du Bugey Sud, zones montagneuses considérées comme très sous-dotées en orthophonistes, ainsi que dans les bassins d'Oyonnax et de Nantua, les délais sont de deux ans, voire plus pour un premier rendez-vous.
Ce déséquilibre pose un véritable problème d'accès aux soins. La télémédecine et la téléconsultation, qui sont des réponses complémentaires, ne sont pas suffisantes. C'est pourquoi j'aimerais connaître les dispositions que vous comptez prendre pour résoudre enfin le problème crucial de la désertification médicale.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Monsieur le député, améliorer l'accès aux soins, réduire les inégalités entre les territoires sont des objectifs prioritaires du Gouvernement. Le Pacte territoire-santé, lancé fin 2012, est une illustration concrète de cet engagement. Aujourd'hui, après trois ans de recul, on sait que ce pacte largement reconnu a impulsé une dynamique nouvelle dans les territoires en difficulté. Marisol Touraine a annoncé fin 2015 un Pacte territoire-santé 2 confortant les premières avancées et intégrant de nouvelles initiatives.
Sans revenir en détail sur ce programme ambitieux et pragmatique, en voici quelques résultats concrets.
Grâce au contrat de praticien territorial de médecine générale, qui sécurise l'installation des jeunes médecins au cours de leurs deux premières années d'exercice, 500 professionnels se sont installés dans des territoires manquant de médecins. Devant le succès de cette mesure a été créé le contrat de praticien de médecine ambulatoire, le PTMA, qui ouvre une partie des avantages du contrat PTMG aux médecins spécialistes.
L'exercice coordonné est lui aussi en plein essor : de 174 maisons de santé pluri-professionnelles en 2012, nous en sommes à près de 800 fin 2015.
Votre département de l'Ain n'échappe pas à cette dynamique. En effet, les contrats PTMG ont déjà permis l'installation de onze nouveaux praticiens et, sur ce seul département, 22 maisons de santé pluri-professionnelles ont été créées avec le soutien de l'ARS, offrant un contexte attractif pour l'installation de nouveaux professionnels.
L'accès aux soins urgents en tout point du département a aussi été amélioré ces deux dernières années avec six médecins correspondants du SAMU formés et équipés pour intervenir en avant-coureurs du SMUR.
En ce qui concerne les pharmacies, la loi de modernisation de notre système de santé contient les garanties d'une bonne répartition de l'offre officinale. Elle permettra au Gouvernement de réviser les contraintes pesant sur les transferts et regroupements de pharmacies et d'ouvrir la possibilité aux agences régionales de santé d'implanter une offre pharmaceutique dans des territoires identifiés comme fragiles.
Concernant la problématique des ruptures de stock de certains médicaments ou de vaccins, la loi de modernisation de notre système de santé apporte là aussi des garanties puisqu'elle prévoit l'obligation pour les titulaires d'une autorisation de mise sur le marché et les exploitants de médicaments de mettre en place des plans de gestion des pénuries contribuant à prévenir les ruptures, notamment pour les vaccins concernés par le calendrier vaccinal.
Enfin, en ce qui concerne les vaccins, Mme la ministre a obtenu des engagements très concrets des industriels du médicament pour lutter contre les ruptures d'approvisionnement lors de la réunion qu'elle a convoquée le 29 janvier dernier.
Monsieur le député, la ministre tient donc à réaffirmer sa confiance dans la dynamique impulsée. Il nous faut rester mobilisés, mais l'implication de tous – agences régionales de santé, collectivités territoriales, professionnels de santé – est un autre élément clef du succès de la politique que nous menons.
M. le président. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien Abad. J'appelle votre attention sur le fait qu'il y a urgence face aux ruptures d'approvisionnement de certains médicaments, en particulier ceux qui traitent des maladies comme le cancer.
S'agissant de la désertification médicale, vous m'indiquez que le département de l'Ain est pris en compte dans le Pacte santé-territoire. Mais je précise que ce département est touché par les deux phénomènes métropolitains que sont Lyon et Genève. On a construit beaucoup de maisons de santé et le département devait engager 200 000 euros pour aider les étudiants en médecine et les internes, mais cela ne suffit pas car les professionnels ne sont pas toujours disposés à exercer dans les maisons de santé. Il convient donc de renforcer leur attractivité, de lever un certain nombre de verrous au niveau national et de nous poser les vraies questions, comme celle du plafonnement des dépassements d'honoraires qui amène certains médecins à cesser de travailler le vendredi : ils n'ont plus la culture du médecin de campagne qui avait cours à une autre époque.
La question du numerus clausus devra elle aussi être posée. Si nous voulons apporter une réponse globale, il faut redonner à la profession de médecin son statut de profession libérale et engager des réformes importantes, en lien avec les ARS et les collectivités territoriales.
Auteur : M. Damien Abad
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 janvier 2016