14ème législature

Question N° 1238
de Mme Virginie Duby-Muller (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère attributaire > Affaires sociales, santé et droits des femmes

Rubrique > frontaliers

Tête d'analyse > travailleurs frontaliers

Analyse > Suisse. réglementation.

Question publiée au JO le : 26/01/2016
Réponse publiée au JO le : 03/02/2016 page : 742

Texte de la question

Mme Virginie Duby-Muller interroge Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la pluriactivité en zone frontalière, notamment franco-suisse, qui représente une situation de flou juridique pour plusieurs milliers de travailleurs français. La pluriactivité concerne les personnes exerçant simultanément ou en alternance, pour un ou plusieurs employeurs, une ou plusieurs activités différentes, dans deux États membres ou plus. Pour ces salariés français résidant en France, la règle obéit au principe qu'un seul État, la France, est responsable de la couverture sociale pour une période donnée. Il incombe donc à l'employeur suisse d'effectuer les démarches administratives pour s'affilier aux assurances sociales françaises et cotiser à ces dernières pour les personnes employées : il est ainsi soumis au paiement des charges sociales en France (45 à 47 % en France contre 18 à 20 % en Suisse). Avec cet effet dissuasif et discriminatoire, plusieurs associations suisses d'employeurs invitent dès à présent les entreprises à stopper l'embauche de travailleurs frontaliers devant l'ampleur des risques et des coûts. Face à cette grande complexité administrative et juridique, à l'heure où le nombre de demandeurs d'emploi ne cesse d'augmenter en France, elle souhaite connaître les solutions concrètes que le Gouvernement compte mettre en place pour les frontaliers.

Texte de la réponse

PLURIACTIVITÉ DES TRAVAILLEURS FRONTALIERS


M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour exposer sa question, n°  1238, relative à la pluriactivité des travailleurs frontaliers.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la question de la pluriactivité des travailleurs frontaliers voulant travailler simultanément ou en alternance, pour un ou plusieurs employeurs, entre la France et la Suisse.

Un accord bilatéral du 7 septembre 2006 désigne comme étant compétente pour le paiement des cotisations sociales la législation de l'État qui verse le chômage, en l'occurrence la France. Il incombe donc à l'employeur suisse d'effectuer les démarches administratives pour s'affilier aux assurances sociales françaises, y cotiser, et être soumis au paiement des charges sociales, alors que celles-ci, d'un pays à l'autre, varient, vous le savez, du simple au double.

Bien que cet accord n'ait jamais été appliqué jusqu'à présent, les entreprises suisses reçoivent depuis quelques mois des demandes d'affiliation et des arriérés. En effet, la fin de l'assurance privée suivie du passage à la CMU a permis aux caisses primaires d'assurance maladie de recouper les fichiers et de détecter les cas de double activité. Celles-ci ont réclamé aux employeurs suisses le remboursement des cotisations sociales dues. Or ces derniers ne souhaitent pas faire face aux difficultés de procédure ni subir le différentiel de coût des cotisations sociales entre la France et la Suisse.

Par conséquent, en Haute-Savoie et dans le Pays de Gex, de nombreux citoyens se sont vu signifier, pour ces motifs, la cessation brutale et définitive de leur activité. Par ailleurs, certaines entreprises font signer à leur futur salarié frontalier un document précisant qu'il s'engage à rembourser l'entreprise au cas où elle serait affiliée à l'Urssaf. Plusieurs associations suisses d'employeurs invitent même les entreprises à cesser d'embaucher des travailleurs frontaliers, ce qui crée une discrimination.

Le problème que je soulève aujourd'hui est connu. Il a déjà été relayé par mes collègues parlementaires Étienne Blanc, Martial Saddier, Claudine Schmid et Cyril Pellevat, qui se joignent à moi pour poser cette question, ainsi que par les associations représentant les bailleurs frontaliers.

Il s'agit d'un exemple classique de distorsion entre un accord binational qui peut paraître juste et une application sur le terrain, qui crée des effets pervers et des conséquences concrètes dramatiques. L'imprécision du cadre juridique qui régit ces situations de pluriactivité fait planer de nombreux risques sur les frontaliers, sur les employeurs suisses et sur le marché de l'emploi transfrontalier.

Aussi, à l'heure où le chômage est un enjeu majeur pour notre pays, il paraîtrait légitime de renoncer à percevoir les arriérés de cotisations auprès des entreprises suisses et d'assouplir les règles pour les frontaliers bénéficiant d'une partie de leur chômage en France.

Je vous remercie de me répondre sur ces deux points.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Madame la députée, le règlement européen de 2004 détermine les règles de coordination des systèmes de sécurité sociale entre les différents États membres de l’Union européenne et la Suisse. Il s'attache notamment à déterminer la législation applicable en la matière. Il repose sur un principe simple : une personne ne peut être affiliée simultanément à deux systèmes de sécurité sociale.

Dans les situations de pluriactivité, c'est-à-dire d'exercice de l'activité dans plusieurs États membres en même temps, le règlement est clair : la personne est affiliée dans son État de résidence, que l'activité y soit ou non substantielle. Dès lors, dans les exemples que vous soulevez, tous ses employeurs, y compris ceux implantés en Suisse, doivent déclarer et verser les contributions et cotisations sociales auprès de l'Urssaf en France.

Il est vrai que le différentiel de taux de cotisations entre la France et la Suisse renchérit le coût du travail des frontaliers résidant en France et exerçant une activité en Suisse.

Bien que la situation ne soit pas nouvelle, nous ne pouvons accepter les appels de certaines entreprises suisses à renoncer à employer des salariés résidant en France. Marisol Touraine, qui souhaite préserver l'employabilité de ceux-ci, recherche actuellement avec les autorités suisses des modalités visant à mieux informer les entreprises et à simplifier les procédures de déclaration et de versement de cotisations.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Merci, madame la secrétaire d'État, pour ces éléments de réponse. Nous comptons sur vous pour relayer nos inquiétudes, d'autant que, vous le savez, la Haute-Savoie et le Pays de Gex sont particulièrement dépendants de cet emploi frontalier. Nous comptons vraiment sur vous pour assouplir ces modalités. Il existe des enjeux extrêmement importants en termes d'emploi, en particulier pour les agences de travail temporaire. Or, vous le savez, dans certains secteurs d'activité, tels l'hôtellerie, la restauration ou le bâtiment, ce sont majoritairement des travailleurs frontaliers qui sont sollicités.