14ème législature

Question N° 1243
de M. Laurent Furst (Les Républicains - Bas-Rhin )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > eau

Tête d'analyse > distribution

Analyse > réseaux. renouvellement. investissements.

Question publiée au JO le : 26/01/2016
Réponse publiée au JO le : 03/02/2016 page : 733

Texte de la question

M. Laurent Furst appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le renouvellement des réseaux d'eau et d'assainissement. La longueur de ces réseaux est estimée à quelque 900 000 kilomètres. Le renouvellement des réseaux d'eau potable est d'environ 0,61 % par an, et de 0,71 % pour les réseaux d'assainissement. À ce rythme, plus d'un siècle est nécessaire pour renouveler la totalité des conduites. Malgré l'imprécision de ces chiffres, un sous-investissement structurel, ancien et persistant peut clairement être mis en exergue. Selon la nature du réseau et les caractéristiques du territoire, les réseaux d'eau et d'assainissement doivent pourtant être renouvelés en moyenne tous les cinquante ans. Le vieillissement des réseaux est une bombe à retardement pour les générations futures. Aussi souhaite-t-il savoir si le Gouvernement envisage d'aider les collectivités pour sauvegarder le patrimoine commun, ce qui aurait par ailleurs un effet très positif pour le secteur très éprouvé des travaux publics.

Texte de la réponse

RENOUVELLEMENT DES RÉSEAUX D'EAU ET D'ASSAINISSEMENT


M. le président. La parole est à M. Laurent Furst, pour exposer sa question, n°  1243, relative au renouvellement des réseaux d'eau et d'assainissement.

M. Laurent Furst. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. J'aimerais lui parler de ce qui ne se voit pas et qui n'intéresse les Français que lorsque cela ne fonctionne pas : les réseaux d'eau et les réseaux d'assainissement.

Il y a encore dans cette assemblée quelques maires préoccupés par ces questions, ce qui ne sera bientôt plus le cas et c'est bien regrettable.

Ma question est simple. On estime la longueur des réseaux d'eau et d'assainissement à quelque 900 000 kilomètres. En moyenne, les réseaux sont renouvelés à hauteur de 0,61 % par an pour les services d'eau et 0,71 % pour les services d'assainissement collectif. Cela signifie que, quoi qu'il en soit, il faudrait largement plus d'un siècle pour renouveler la totalité de nos conduites.

Même si les chiffres me semblent parfois imprécis, nous sommes très clairement dans une situation de sous-investissement structurel, ancienne et persistante. Pourtant, nous savons tous qu'il faudrait renouveler nos réseaux à peu près tous les 50 ans, selon la qualité et la nature de l'investissement initial, et selon la nature du terrain.

Aujourd'hui, la réalité est simple, ces réseaux qui représentent un patrimoine commun considérable de plusieurs centaines de milliards d'euros vieillissent inexorablement, ce qui conduira beaucoup de territoires à atteindre un point de non-retour. Cette situation représente aussi une bombe à retardement pour la génération qui suivra et qui aura à payer au prix fort l'insuffisance des politiques publiques.

En matière d'eau et d'assainissement, les pouvoirs publics n'ont cessé d'ajouter des normes aux normes et des taxes aux taxes, mais la situation est là.

Ma question n'a aucune connotation politique, elle exprime simplement mon inquiétude pour la vie des collectivités territoriales et la génération qui nous suivra, car celle-ci devra gérer à la fois la montagne de dettes que nous lui laissons et des besoins d'investissements considérables. Le Gouvernement envisage-t-il de réagir et de soutenir les collectivités afin qu'elles puissent sauvegarder ce patrimoine commun, ce qui aurait d'ailleurs un effet très positif pour le secteur fort éprouvé des travaux publics ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Monsieur le député Laurent Furst, la gestion durable des infrastructures d'eau potable et d'assainissement est l'une des priorités de la politique de l'eau menée par le Gouvernement. Aujourd'hui, les pertes par fuites sur les réseaux d'eau potable s'élèvent à près d'un milliard de mètres cubes par an, ce qui représente en moyenne 20 % de l'eau mise en distribution. Dans le domaine de l'assainissement, les collectivités doivent par ailleurs engager dans les prochaines années d'importants travaux pour limiter les rejets directs d'eaux usées en cas de forte pluie par débordement des réseaux de collecte des eaux usées.

La loi fixe à ce titre des obligations pour les services publics d'eau et d'assainissement. En application de la loi 2010 n°  788 du 12 juillet 2010, dite loi « Grenelle II », et du décret d'application no 2012-97 du 27 janvier 2012, les collectivités devaient en effet établir un diagnostic détaillé des réseaux d'eau potable et d'assainissement avant la fin 2013.

Lorsque le rendement du réseau d'eau potable se révèle inférieur à 85 %, dans le cas général, les services publics de distribution d'eau doivent établir un plan d'action comprenant, s'il y a lieu, un projet de programme pluriannuel de travaux d'amélioration du réseau.

La carence de la collectivité à établir le diagnostic du réseau d'eau ou à mettre en place le plan d'action, lorsqu'il est requis, est sanctionnée par le doublement de la redevance levée par les agences de l'eau pour les prélèvements d'eau potable. Les collectivités sont par ailleurs tenues à une obligation de transparence quant aux performances de leurs réseaux d'eau potable et d'assainissement – rapport annuel sur le prix et la qualité des services publics d'eau et d'assainissement, saisie sur le système d'information des services publics d'eau et d'assainissement.

Pour accompagner les collectivités, Mme Ségolène Royal a lancé un plan d'action en juillet 2015, avec l'appui des agences de l'eau et de la Caisse des dépôts. D'une part, près de 100 millions d'euros seront consacrés par les agences de l'eau, entre 2015 et 2018, à la lutte contre les fuites dans les réseaux d'eau potable dont, pour certaines d'entre elles, près de 50 millions sous la forme d'appel à projets. D'autre part, les travaux de renouvellement des réseaux sont désormais éligibles aux prêts de l'enveloppe « Croissance verte » de la Caisse des dépôts, d'un montant de 5 milliards d'euros.

De plus, j'attire votre attention sur le fait qu'un appel à projets, lancé par l'ADEME, est en cours dans le cadre des programmes d'investissement d'avenir en faveur de la politique de l'eau, qui prévoient notamment des aides et prêts pour les réseaux d'eau potable et d'assainissement innovants.

L'enjeu est environnemental mais également économique. L'entretien et le renouvellement des réseaux représentent des emplois locaux non délocalisables et sont un levier de relance de l'économie pour nos territoires.

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Je remercie Mme la secrétaire d'État pour la courtoisie de sa réponse. Néanmoins, je veux insister sur le fait que la situation est très préoccupante. Certes, personne n'ira manifester contre le vieillissement des réseaux d'eau et d'assainissement, mais leur dégradation constitue une bombe à retardement pour notre pays. L'enveloppe de 5 milliards d'euros que vous avez évoquée dans votre réponse ne représente pas même une goutte d'eau dans un immense tuyau, quand les réseaux vieillissants valent des centaines de milliards d'euros.

Ce n'est pas un reproche que j'adresse spécifiquement à ce gouvernement, mais à l'ensemble de la sphère publique et des gouvernements qui se sont succédé. Comme ce sujet ne préoccupe que peu de monde, et surtout des techniciens – alors que la vie quotidienne des Français est concernée – ces questions ne font pas l'objet d'une appréciation globale.

Que l'eau et l'assainissement soient désormais de la compétence des intercommunalités est une évolution favorable, puisque la gestion se fera à un niveau supérieur, avec une plus grande mutualisation. Il n'en reste pas moins que des investissements considérables sont nécessaires afin, comme vous l'avez dit, d'éviter les fuites, de limiter la pollution et d'empêcher la dégradation des réseaux. Je regrette que cette impulsion ne soit pas encore donnée.