établissements
Question de :
M. Hervé Pellois
Morbihan (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Pellois interroge Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le coût de la prise en charge des personnes handicapées françaises qui sont placées dans des établissements pour adultes en Belgique. Relevant l'absence de cadre réglementaire, il souhaiterait connaître les possibilités d'encadrer la prise en charge de ces personnes et de revoir les modalités de financement des établissements belges non-conventionnés. Il souhaiterait également connaître l'avancement des annonces faites par le Gouvernement en octobre 2015, concernant l'attribution d'une aide de 15 millions d'euros afin d'éviter les départs de personnes handicapées françaises et les mesures supplémentaires qui pourraient être débloquées.
Réponse en séance, et publiée le 3 février 2016
PRISE EN CHARGE DU PLACEMENT EN BELGIQUE DES PERSONNES HANDICAPÉES
M. le président. La parole est à M. Hervé Pellois, pour exposer sa question, n° 1249, relative à la Prise en charge du placement des personnes handicapées en Belgique.
M. Hervé Pellois. Ma question porte sur la prise en charge des personnes handicapées françaises qui sont placées dans des établissements pour adultes en Belgique. Le remboursement des soins à l'étranger des assurés du régime général fait partie des missions du Centre national des soins à l'étranger, le CNSE, centre géré depuis 2007 par la Caisse primaire d'assurance maladie de Vannes, dans ma circonscription.
Les établissements pour adultes en Belgique accueillent un nombre croissant de personnes handicapées françaises, sans être pour autant conventionnés avec l'Assurance maladie. Au total, ce sont plus de 6 500 Français qui bénéficient actuellement d'un placement dans une structure belge, que ce soit en foyer d'hébergement ou dans des structures médicalisées ; 2 300 adultes handicapés sont concernés par ces structures, en raison du suivi médical dont ils ont besoin. Au titre de leur placement dans des établissements belges non conventionnés, le CNSE a remboursé 103 millions d'euros en 2015, ce qui représente une augmentation de l'ordre de 25 % par an sur les deux dernières années. Les dépenses occasionnées sont donc de plus en plus importantes pour l'Assurance maladie, alors que la réduction du déficit de la Sécurité sociale est considérée comme une priorité.
En outre, il n'existe aucun cadre réglementaire pour sécuriser la prise en charge de ces personnes. Quid de la qualité des soins dispensés et de la sécurité sanitaire de ces établissements ? Ne serait-il pas pertinent d'encadrer cette prise en charge afin de s'assurer du bon traitement de nos concitoyens à l'étranger ?
Par ailleurs, les modalités de financement de ces établissements doivent être revues et clarifiées. Elles sont actuellement fondées sur des tarifs de 2006, qui ne sont plus en adéquation avec la réalité d'aujourd'hui.
Enfin, ce véritable exode des personnes handicapées doit nous conduire à nous interroger sur le système d'organisation des soins en France, où les possibilités de placement en établissement sont encore trop peu nombreuses.
Lors des débats autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, la ministre des affaires sociales a annoncé une aide de 15 millions d'euros afin de créer des nouvelles places en France et d'éviter ainsi les départs pour la Belgique. Bien que cette annonce aille dans le bon sens, cette aide sera insuffisante pour couvrir l'ensemble de nos besoins. Les 15 millions d'euros mobilisés sont très en deçà du coût actuel de l'accueil en Belgique, estimé à 250 millions d'euros pour l'assurance maladie et les départements.
Où en est-on dans l'attribution de cette aide ? Le Gouvernement entend-il aller plus loin, afin de développer les structures de prise en charge de proximité et d'accueillir dignement toutes les personnes handicapées françaises ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des droits des femmes.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes. Monsieur le député, comme vous le savez, la Belgique a toujours été un territoire d'accueil pour les personnes handicapées françaises : un peu plus de 1 500 enfants et de 4 500 adultes handicapés sont accueillis aujourd'hui dans un établissement médico-social belge. Ces départs s'expliquent, en partie, par le manque de solutions suffisamment adaptées en France, notamment pour les situations complexes de handicap.
Le coût pour l'Assurance maladie est de 70 millions d'euros au titre des établissements belges conventionnés accueillant des enfants handicapés venant de France. Les montants remboursés pour l'accueil des adultes handicapés en structures médico-sociales non conventionnées s'élèvent à 82,9 millions d'euros.
La ministre des affaires sociales tient tout d'abord à rappeler qu'un accord-cadre franco-wallon concernant l'accueil des personnes handicapées en Belgique a été ratifié par la France et est appliqué depuis mars 2014. Concrètement, cela signifie que nous contrôlons de très près les conditions d'accueil et la qualité de l'accompagnement dans les établissements belges. Plus d'une quinzaine d'inspections conjointes franco-wallonnes ont déjà eu lieu au sein des établissements belges.
Cependant, cet accord-cadre ne dédouane pas la France de proposer des solutions au sein de ses établissements et services. C'est une priorité afin que, à terme, plus aucune personne en situation de handicap ne soit forcée ou contrainte, faute de solution en France, de se diriger vers un établissement wallon. C'est le cas de la plus grande majorité, même s'il existe des situations, notamment dans les départements frontaliers, où l'accueil en Belgique est souhaité et adapté. Le libre choix des familles sera bien entendu respecté.
Comme vous l'avez indiqué, Marisol Touraine et Ségolène Neuville ont décidé de mettre en place un fonds d'amorçage à la création de réponses nouvelles en France, doté pour 2016 de 15 millions d'euros, pour offrir à chacun une solution adaptée à ses besoins et à ses attentes, près de chez lui. L'objectif est clair : plus aucune personne ne doit être contrainte de partir en Belgique faute de solution en France.
Il s'agit bien d'un fonds d'amorçage, ce qui signifie concrètement que, s'il faut faire plus, nous ferons plus ! Ce fonds d'amorçage de 15 millions d'euros servira à financer des interventions directes de professionnels spécialisés au domicile, des renforts de personnels dans les établissements médico-sociaux de proximité, des créations de places sur mesure dans les établissements et services médico-sociaux.
Une instruction sera adressée dans les tout prochains jours aux agences régionales de santé – ARS – leur précisant les modalités concrètes de mise en œuvre de ce fonds d'amorçage. Il y sera notamment indiqué que l'utilisation de ces crédits doit se faire en cohérence avec la mise en œuvre des dispositions prévues à l'article 89 de la loi de modernisation de notre système de santé.
Dix millions d'euros seront attribués dans un premier temps, conjointement à la publication de l'instruction, selon des critères prenant en compte les besoins régionaux, l'offre existante et le nombre de personnes orientées vers la Belgique pour chaque région française. Les 5 millions restants seront attribués au cours de l'année, sur la base de ce qui aura été réellement mis en œuvre et des besoins affinés. Si des besoins supplémentaires se font sentir en 2016, le fonds d'amorçage sera abondé.
Enfin, il a été demandé à l'IGAS d'assurer le suivi de mise en œuvre de l'instruction et de dresser un bilan objectif et détaillé fin 2016.
M. le président. La parole est à M. Hervé Pellois.
M. Hervé Pellois. Je remercie Mme la secrétaire d'État pour cette réponse précise, qui va dans le bon sens. Il est urgent de remédier à cette situation, dans la mesure où la France subventionne 4 000 emplois en Belgique, et de mettre un terme à cet exil.
Auteur : M. Hervé Pellois
Type de question : Question orale
Rubrique : Handicapés
Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 janvier 2016