services bancaires
Question de :
M. Philippe Gomes
Nouvelle-Calédonie (2e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
M. Philippe Gomes alerte Mme la ministre des outre-mer sur le contrôle des tarifications des frais bancaires dans les collectivités d'outre-mer et plus particulièrement en Nouvelle-Calédonie. Les frais bancaires au sein des collectivités françaises du Pacifique et notamment en Nouvelle-Calédonie, continuent en effet d'être au cœur des sujets de préoccupation de nos concitoyens ultramarins. Alors que la conjoncture économique reste atone, les banques calédoniennes vont réaliser en 2015 leur deuxième meilleur exercice historique. C'est le caractère exorbitant des frais que ces banques facturent aux Calédoniens qui rend cette situation possible. Le rapport publié en octobre 2015 par l'Observatoire des tarifs bancaires aux particuliers dans les COM du Pacifique fait apparaître qu'en Nouvelle-Calédonie, la situation reste inacceptable : les frais de tenue de compte sont en moyenne le double de ce qui est constaté en métropole, la mise en place d'un prélèvement automatique est facturée en moyenne 11 fois plus cher qu'en métropole et il en est de même en ce qui concerne les frais mensuels d'un service permettant de gérer un compte par internet. C'est pourquoi, conformément à l'article 16 de la loi n° 2013-1029 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, un nouveau round de négociations s'ouvre entre le haut-commissaire et les établissements bancaires pour fixer par arrêté les tarifs bancaires maximaux et le déroulé des négociations s'avèrera crucial pour les calédoniens. Cette négociation imposée poursuit l'objectif de tendre progressivement vers un alignement des tarifs pratiqués localement avec ceux constatés en métropole. Malheureusement le Gouvernement de la République a reformulé cet objectif en demandant qu'en 2017, les écarts moyens de tarifs entre chaque collectivité du Pacifique et la France métropolitaine soient réduits de moitié par rapport à 2013. C'est un objectif peu ambitieux lorsqu'on constate que les frais seraient simplement réduits du triple au double. Il est nécessaire de rappeler que l'accord signé l'an dernier par le haut-commissaire et les banques, le 15 décembre 2014, ne portait que sur 4 tarifs seulement, alors que le code monétaire et financier en retient 16. De plus certaines banques se sont livrées à quelques dérives, pour reprendre d'une main ce qu'elles avaient rendu de l'autre avec l'accord du 15 décembre 2014. Les exemples sont nombreux (multiplication par deux des frais bancaires, doublement des frais de lettre d'information pour compte débiteur non autorisé, il peut encore être cité la progression de 51 % des frais de clôture de carte). Dans ce contexte, le haut-commissaire a été interpellé, afin que les nouvelles négociations annuelles aillent dans le sens de la protection du consommateur calédonien et non dans celui des intérêts des établissements bancaires. Il est impératif que des dispositions soient prises sur les 16 tarifs de base qui dépassent la moyenne métropolitaine, afin que l'écart de prix soit réduit, dès 2016, d'au moins 35 %, afin que l'on puisse atteindre en 2017 les 50 % annoncés. Les banques doivent s'engager à n'augmenter aucun autre tarif ni à en créer de nouveaux et reviennent sur les hausses et créations de tarifs intervenues récemment dans le dos de l'État et des calédoniens. Le 18 décembre 2015, lors du conseil d'administration de l'institut d'émission d'outre-mer, l'attention des administrateurs et notamment des représentants de l'État a été attirée sur l'obligation d'une grande vigilance sur cette question. Enfin, si les négociations ne devaient pas aboutir ou se conclure sur un accord a minima, il appartiendra au haut-commissaire de fixer d'autorité les tarifs, comme l'amendement à la loi l'autorise à le faire. Aussi, il lui demande ce qu'il entend faire pour que l'État pèse de tout son poids afin de protéger réellement les citoyens calédoniens.
Réponse en séance, et publiée le 3 février 2016
TARIFICATION DES FRAIS BANCAIRES EN NOUVELLE-CALÉDONIE
M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes, pour exposer sa question, n° 1260, relative à la tarification des frais bancaires en Nouvelle-Calédonie.
M. Philippe Gomes. Madame la ministre des outre-mer, les frais bancaires au sein des collectivités françaises du Pacifique, notamment en Nouvelle-Calédonie, continuent d'être au cœur des préoccupations de nos concitoyens ultramarins. Alors que, chez nous, la conjoncture économique reste atone, avec moins de 1 % de croissance, les banques calédoniennes vont réaliser en 2015 leur deuxième meilleur exercice.
Cela s’explique par deux causes : le caractère exorbitant des frais de banque – de deux à dix fois supérieurs, en fonction des opérations, à la moyenne métropolitaine –, et des taux d’intérêt plus élevés d’un ou deux points que ceux qui sont, en moyenne, pratiqués en métropole. Je suis intervenu à plusieurs reprises sur ce sujet.
À la suite de la mise en place d’un Observatoire des tarifs bancaires aux particuliers dans les collectivités du Pacifique, il a été établi que la situation en Nouvelle-Calédonie reste inacceptable : les frais de tenue de compte y sont en moyenne le double de ce qu’ils sont en métropole, la mise en place d'un prélèvement automatique pour les factures d’eau ou d’électricité est facturée en moyenne dix fois plus cher qu'en métropole et il en est de même pour les frais mensuels d'un service permettant la gestion d’un compte par internet. Il s'agit là d'une situation particulièrement discriminante.
C'est la raison pour laquelle, conformément à l'article 16 de la loi n° 2013-1029 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, des négociations doivent désormais s’ouvrir chaque année entre les banques calédoniennes et le haut-commissaire, représentant de l’État au niveau local, en vue d'un rapprochement des tarifs bancaires applicables en Nouvelle-Calédonie et en France métropolitaine. Le rapport Constans fixe un objectif de rattrapage, de manière à ce que, en 2017, les tarifs bancaires calédoniens ne soient plus que de 50 % supérieurs aux tarifs métropolitains. C'est là un objectif très modeste.
Enfin, les banques calédoniennes ont récemment tenté de récupérer d’une main ce qu’elles avaient donné de l’autre, en majorant ou en créant, au-delà des tarifs standards concernés par l’accord, d'autres tarifs. Les frais de copie et de lettre d’information ont ainsi été multipliés par deux et les frais de clôture de carte ont augmenté de 50 %.
Madame la ministre, alors que les Calédoniens sont doublement pénalisés par des frais bancaires et des taux d'intérêt significativement plus élevés qu'en métropole, ils sont aussi les meilleurs payeurs de la République, avec un taux de créanciers recouvrables dans les établissements financiers de moins de 3 %, chiffre inférieur à la moyenne métropolitaine et largement au-dessous celle de l'ensemble de l'outre-mer.
L'accord négocié par le haut-commissaire et rendu public récemment témoigne certes que des efforts sont faits, mais ils sont microscopiques. Je demande donc, madame la ministre, que des efforts significatifs soient engagés par l'État pour permettre aux Calédoniens d'être traités, pour ce qui concerne les tarifs bancaires, comme les Français de l'Hexagone.
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le député, je sais qu’il s’agit là d’un sujet auquel vous êtes particulièrement attentif. Je tiens à rappeler que, depuis 2013, les négociations menées par le haut-commissaire avec les banques en Nouvelle-Calédonie ont permis d'obtenir des résultats à la baisse sur le prix de plusieurs tarifs bancaires, notamment sur les services de base aux particuliers.
Deux accords faisant suite à des concertations ont été signés en Nouvelle-Calédonie entre l'État et les banques de la place, en 2013 et en 2014. Le prochain accord, qui portera sur de nouvelles baisses tarifaires en 2016, vient d'être signé cette nuit à Nouméa. Ces accords s'inscrivent dans un objectif général de réduction de 50 % d'ici à 2017 de l'écart tarifaire moyen entre les moyennes de la Nouvelle-Calédonie et de la France entière sur les tarifs présentant les écarts les plus significatifs. Cette orientation préconisée par le Gouvernement a abouti à l'avis rendu le 30 septembre 2014 par le Comité consultatif du secteur financier. Cela aurait certes pu être mieux, mais c’est déjà un pas.
Selon les données de l'Institut d’émission d’outre-mer – IEOM –, à la date du 1eroctobre 2015, sur une liste de quatorze tarifs, huit tarifs pratiqués en Nouvelle-Calédonie se situent désormais à un niveau inférieur ou égal à ceux constatés dans l'Hexagone. Plus particulièrement, pour ce qui concerne les quatre tarifs du panier représentatif défini par l'accord de concertation du 15 décembre 2014, s’il reste encore des progrès à faire, le citoyen calédonien peut déjà bénéficier d'une réduction de 41 % sur les frais de tenue de compte et de 50 % sur l'abonnement permettant de gérer ses comptes par internet, ainsi que d'un tarif moins élevé qu'en métropole sur la carte bleue à débit différé.
Quant aux tarifs des commissions d'intervention, les Calédoniens ressentiront en 2016 la baisse imposée par l'extension à la Nouvelle-Calédonie au 1erdécembre 2015 de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires : les commissions d'intervention seront plafonnées, comme en métropole, à 1 000 francs Pacifique, contre 1 601 francs Pacifique auparavant.
L'accord 2016 signé aujourd'hui même à Nouméa prévoit la poursuite de la réduction de l'écart pour les frais de tenue de compte, avec une nouvelle baisse de 2 %, et pour l'abonnement internet, avec une nouvelle baisse de 17 %. Enfin, les différents accords signés avec les banques ont permis le gel ou le maintien de la gratuité pour une quinzaine de tarifs. L'accord de 2016 ne revient pas sur ces acquis.
Comme vous le voyez, le Gouvernement, en lien avec le haut-commissaire, est pleinement mobilisé. Je souhaite donc que nous poursuivions nos efforts au bénéfice des Calédoniens.
M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.
M. Philippe Gomes. La ministre vient d'indiquer que les frais de tenue de compte viennent de baisser de 2 % au titre de cette négociation. Or ces frais sont aujourd'hui, en Nouvelle-Calédonie, le double de ce qu'ils sont en métropole. Cette baisse de 2 % passera donc tout à fait inaperçue dans la facture calédonienne. Un effort a été fait, mais il est si microscopique qu'il n'est pas mesurable.
Auteur : M. Philippe Gomes
Type de question : Question orale
Rubrique : Banques et établissements financiers
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 janvier 2016