14ème législature

Question N° 1264
de M. Lionel Tardy (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > bois et forêts

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > indemnité d'occupation. perspectives.

Question publiée au JO le : 09/02/2016
Réponse publiée au JO le : 17/02/2016 page : 1279

Texte de la question

M. Lionel Tardy alerte M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur l'article D. 125-1 du code forestier, pris pour application de l'article L. 125-1 du même code. Cet article prévoit une indemnité d'occupation de 20 euros par mètre carré ou linéaire pour les réseaux implantés sous terre sans accord écrit des propriétaires ou hors de toute servitude publique régulièrement déclarée. Or, au-delà de la seule malveillance, cette situation peut concerner des réseaux publics communaux, issus d'implantations très anciennes pour lesquelles les documents correspondants sont difficiles à retrouver. Les communes concernées héritent alors, depuis février 2015, d'une situation dont elles ne sont pas responsables et qui peut être difficilement soutenable étant donné le montant de l'indemnité. Il souhaite savoir s'il compte, en connaissance de cause, modifier l'article précité pour adapter l'indemnité à ce genre de cas. Concernant le deuxième alinéa de l'article L. 125-1 (« si la date de début de l'occupation n'est pas déterminée, et sauf preuve contraire, l'indemnité est calculée sur une durée d'occupation de trois ans avant la découverte de celle-ci »), il souhaite savoir s'il compte également le modifier, cet alinéa semblant contraire au principe de non-rétroactivité.

Texte de la réponse

INDEMNITÉ D'OCCUPATION DES RÉSEAUX IMPLANTÉS SOUS TERRE


M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour exposer sa question, n°  1264, relative à l'indemnité d'occupation des réseaux implantés sous terre.

M. Lionel Tardy. Trop souvent, l'impact de certaines dispositions votées au Parlement est mal mesuré, et l'on réalise, au moment de les appliquer, qu'elles pèsent injustement sur les acteurs concernés. C'est le cas de l'article D. 125-1 du code forestier, issu de la loi dite d'« avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ». Il prévoit une indemnisation, au titre de l'occupation, de 20 euros par mètre carré ou linéaire pour les réseaux implantés sous terre, sans accord écrit du propriétaire ou hors de toute servitude d'utilité publique régulièrement déclarée.

Le but, bien sûr, était de lutter contre les occupations malveillantes ; mais la situation peut aussi concerner des réseaux publics communaux, issus d'implantations très anciennes, pour lesquels les documents correspondants sont difficiles, voire impossibles à retrouver.

C'est la situation à laquelle est confrontée une commune de ma circonscription, qui se voit aujourd'hui réclamer une indemnité importante. De nombreuses communes vont sans doute se retrouver dans la même situation, et découvrir à leurs dépens cette disposition entrée en application il y a à peine un an.

Ces communes héritent pourtant d'une situation dont elles ne sont pas responsables et qui peut vite devenir difficilement soutenable sur le plan financier, étant donné le montant de l'indemnité qui peut atteindre, par exemple, 20 000 euros par an pour un terrain de 1 000 mètres carrés.

Compte tenu de ces éléments et de la situation financière de nos communes rurales, que compte faire le Gouvernement pour adapter rapidement l'indemnité d'occupation à ce type de situation, qui n'a visiblement pas été envisagé à en croire l'exposé des motifs de l'amendement adopté par votre majorité en janvier 2014 ?

Une modification de ce décret est indispensable, d'autant plus que cet article paraît contraire au principe de non-rétroactivité. En effet, lorsque la date de début de cette occupation n'a pas pu être déterminée, le montant de l'indemnité peut être calculé sur les trois ans précédant la découverte de l'occupation.

Dans le cas de la commune de ma circonscription que je viens d'évoquer, cela représente une somme supplémentaire de 49 000 euros. Il est donc plus que temps d'agir, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous évoquez un sujet éminemment technique, qui a été débattu lors de l'examen de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. L'intention du législateur était justement de protéger les propriétés forestières, qu'elles soient publiques ou privées, contre les atteintes susceptibles de leur être portées. Il s'agit, je crois, d'une préoccupation que nous partageons.

M. Lionel Tardy. En effet.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans le cadre de cet article, le législateur a prévu que toute implantation abusive d'ouvrages sous terre, sans accord écrit du propriétaire ou hors de toute servitude d'utilité publique régulièrement déclarée, dans le but d'assurer le transport de l'énergie, des télécommunications, le captage ou la distribution d'eau, donne lieu à une indemnité annuelle. Celle-ci est fixée dans la limite de 20 euros par mètre carré ou par mètre linéaire. Tel était l'objectif, et tel est le sujet dont nous débattons aujourd'hui.

Si la date de début de l'occupation n'est pas déterminée, et sauf preuve contraire, l'indemnité est calculée sur une durée d'occupation de trois ans avant la découverte de celle-ci.

Le législateur – et c'est ce que nous avons fait ensemble lors de l'examen de la loi d'avenir – a ainsi souhaité renforcer les garanties de respect des propriétés forestières publiques et privées. Il a prévu un dispositif unique et raisonnable, sans méconnaître le principe de non-rétroactivité, s'agissant d'implantations anciennes dont l'auteur ne peut apporter de justification quant à leur régularité.

D'ailleurs, le principe de non-rétroactivité, consacré en droit civil, a des limites et peut notamment être écarté par la loi quand l'intérêt général le justifie. Sur le plan réglementaire, l'article D.125-1 auquel vous faites référence n'a fait que compléter l'intention du législateur en fixant le montant de l'indemnité dans la limite autorisée. C'est bien ce qui s'est passé : la législation n'a pas été modifiée, mais simplement précisée en détaillant les montants indemnitaires.

Il n'est pas prévu de dérogations spécifiques relatives aux forêts domaniales. Celles-ci, propriété privée de l'État, doivent, comme les autres, être protégées et respectées. Tous les actes d'usage et de jouissance dans les forêts de l'État sont strictement réglementés.

Sur cette question spécifique, il faut que nous ayons une discussion.

M. Lionel Tardy. Je suis d'accord.

M. Stéphane Le Foll, ministre. En effet, l'intention légitime du législateur de protéger les propriétés forestières, qu'elles soient privées ou publiques, ne doit pas nous conduire à ignorer les conséquences de la disposition concernée. Je me tiens donc à votre disposition afin d'examiner comment nous pourrions – dans le cadre de cet article et de l'intention du législateur – résoudre des problèmes qui peuvent également survenir dans des propriétés publiques.

M. Lionel Tardy. Oui.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ils peuvent s'y poser alors même que des années ont passé depuis la décision initiale.

Il nous faut donc être capables, tout en restant fidèles à l'esprit de la loi, car le législateur s'est engagé en faveur de la protection des propriétés privées et publiques, de faire preuve d'un peu de souplesse et d'intelligence sur ces sujets.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le ministre, je vous le redis : il est urgent de réformer cette indemnité d'occupation. Dans le cas des réseaux publics communaux, je rappelle que les communes héritent, depuis février 2015, d'une situation dont elles ne sont pas responsables et qui est difficilement soutenable étant donné le montant de l'indemnité d'occupation à verser.

Je crois effectivement qu'il nous faut trouver une solution avec vos services.