14ème législature

Question N° 126
de Mme Huguette Bello (Gauche démocrate et républicaine - Réunion )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Éducation nationale
Ministère attributaire > Éducation nationale

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > DOM-ROM : La Réunion

Analyse > politique sociale. lutte contre l'exclusion. illettrisme. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 19/02/2013 page : 1650
Réponse publiée au JO le : 27/02/2013 page : 2275

Texte de la question

Mme Huguette Bello alerte M. le ministre de l'éducation nationale sur l'illettrisme à La Réunion. Il concerne plus de 100 000 personnes et représente 20 % de la population des 16-65 ans. Ce taux est deux fois supérieur à la moyenne nationale. Il n'a pas connu de variation significative depuis vingt ans. Ce pourcentage est élevé. Il est aussi inquiétant car il révèle qu'en dépit des diverses mesures mises en oeuvre, pour prévenir et lutter contre ce phénomène, l'illettrisme reste un fait majeur de la société réunionnaise. Les jeunes ne sont pas épargnés puisque les tests organisés dans le cadre de la journée défense et citoyenneté ont mis en évidence qu'en 2011 15 % d'entre eux n'avaient pas conservé une maîtrise suffisante de la lecture, de l'écriture et du calcul pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante. Au moment où l'illettrisme pourrait être reconnu comme grande cause nationale pour 2013, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer la politique qu'il compte adopter pour qu'une action globale et adaptée à la réalité réunionnaise soit mise en oeuvre rapidement pour lutter contre ce fléau dont chacun connaît les conséquences sur l'insertion professionnelle et plus généralement sur toutes les dimensions de la vie quotidienne.

Texte de la réponse

lign='center'>LUTTE CONTRE L'ILLETTRISME À LA RÉUNION

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello, pour exposer sa question, n° 126, relative à la lutte contre l'illettrisme à La Réunion.
Mme Huguette Bello. L'illettrisme concerne 100 000 personnes à La Réunion, soit plus de 20 % de la population âgée de seize à soixante-cinq ans. Ce taux élevé, deux fois supérieur à la moyenne nationale, n'a de surcroît pas connu de variations significatives ces vingt dernières années. Il est inquiétant car il révèle qu'en dépit des diverses mesures mises en oeuvre, notamment au travers des plans de lutte et des chartes de partenariat, l'illettrisme reste un fait majeur de la société réunionnaise.
Plus grave encore, les jeunes ne sont pas épargnés puisque les tests organisés dans le cadre de la journée défense et citoyenneté ont mis en évidence qu'en 2011 plus de 2 000 d'entre eux n'avaient pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l'écriture et du calcul pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante.
Les causes mises en avant sont multiples mais s'il est évident qu'au fil du temps l'argument tiré d'une implantation récente du système éducatif à La Réunion ne peut être que plus difficilement invoqué, il est certain que l'absence de prise en compte de la réalité linguistique des élèves demeure un facteur explicatif. Le créole réunionnais est la langue régionale la plus utilisée.
Les résultats de l'enquête Information et vie quotidienne devraient être disponibles en avril prochain mais il est à craindre que l'amélioration enregistrée au niveau national ne se retrouve pas à l'échelle de La Réunion. En effet, aux 1 000 personnes qui, selon l'antenne locale de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme, parviennent chaque année à se former, il faut opposer les 2 500 jeunes repérés en difficulté lors des tests d'évaluation. C'est dire le risque d'une aggravation de ce phénomène à La Réunion. C'est dire aussi l'urgence de la prévention, seule susceptible de contrarier ce scénario catastrophe.
Chez nous, la refondation de l'école passe nécessairement par une initiative forte contre l'illettrisme grâce à des moyens adaptés, des objectifs partagés et une stratégie claire qui s'inscrive dans la durée. Ce dispositif pourrait être placé sous la responsabilité d'un recteur chargé de la lutte contre l'illettrisme.
Au moment où la lutte contre l'illettrisme pourrait être reconnue comme grande cause nationale pour 2013, La Réunion sera-t-elle en mesure de s'engager avec efficacité contre ce fléau dont chacun connaît les conséquences sur toutes les dimensions de la vie quotidienne ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame Bello, vous parlez d'un fléau de l'illettrisme qui touche le département de La Réunion et vous avez hélas raison. Vous l'avez rappelé, plus de 100 000 personnes entre seize et vingt-cinq ans rencontrent aujourd'hui des difficultés dans la maîtrise et la pratique de la langue française dans votre département. Cela représente 20 % de la tranche d'âge évoquée contre 9 % en France métropolitaine.
Face à cette situation préoccupante, nous devons agir, parce que la maîtrise de la langue joue un rôle déterminant dans la réussite scolaire de chaque enfant et qu'elle représente un enjeu majeur pour l'insertion professionnelle et sociale.
Lutter contre l'illettrisme impose tout d'abord d'accorder la priorité au primaire en lui accordant des moyens supplémentaires et en repensant l'approche pédagogique.
Dans le cadre du plan d'urgence, quinze postes supplémentaires de professeurs des écoles ont été alloués à La Réunion. À ces emplois se sont ajoutés six postes de conseillers principaux d'éducation, cent onze d'assistants d'éducation, dix d'assistants de prévention et de sécurité et quatre-vingt deux d'auxiliaires de vie scolaire.
Pour la rentrée 2013, le département de La Réunion a été doté de cent quarante-neuf postes de professeurs des écoles et de quatre-vingt dix huit postes d'enseignants du second degré.
Ces moyens supplémentaires nous permettent aujourd'hui de déployer une politique de lutte contre les inégalités au profit des élèves les plus fragiles.
Le dispositif " plus de maîtres que de classes " et la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les secteurs socialement défavorisés se veulent ainsi deux réponses structurelles pour lutter contre l'illettrisme et le faire reculer.
D'une manière plus générale, toutes les dispositions du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République s'inscrivent dans une démarche cohérente qui vise à donner la priorité à l'école primaire afin d'assurer l'apprentissage des fondamentaux et de réduire les inégalités, tout en garantissant la progressivité des apprentissages de la maternelle au collège.
Lutter contre l'illettrisme, c'est encore agir pour mieux soutenir et accompagner des familles vulnérables et souvent désorientées.
À ce sujet, je tiens à saluer les actions éducatives et familiales mises en place par l'agence de lutte contre l'illettrisme, laquelle répond à une double problématique : favoriser la réussite scolaire des enfants et améliorer l'insertion sociale et professionnelle des parents qui maîtrisent mal les compétences de base.
Les services académiques de La Réunion sont par ailleurs pleinement mobilisés et déploient une stratégie ambitieuse de lutte contre l'illettrisme.
Profitant des outils qu'offre l'éducation prioritaire, les services académiques ont très largement développé les aides sur temps scolaire comme hors du temps scolaire. Les stages de remise à niveau pendant les vacances ont par exemple des taux de bénéficiaires plus importants que sur le territoire métropolitain.
Des expérimentations et des initiatives pédagogiques sont également en cours.
Les classes passerelles, qui mettent en synergie l'éducation nationale, la caisse d'allocations familiales et les municipalités se développent. Elles permettent d'accroître la scolarisation des moins de trois ans et d'accentuer l'aide à la parentalité.
Les centres académiques de lecture accueillent des classes pour la journée ou de courts séjours. Ce sont de véritables centres de ressources au service de la maîtrise de la langue à l'oral, à l'écrit et à la lecture.
Les classes bilingues en français et créole prennent en compte le contexte linguistique, si important dans l'acquisition des apprentissages fondamentaux.
Par ailleurs, l'académie va renforcer sa collaboration avec le régiment du service militaire adapté en renforçant son partenariat afin de développer des actions de lutte contre l'illettrisme.
Vous le voyez, madame la députée, la lutte contre l'illettrisme mobilise l'ensemble des acteurs publics locaux comme nationaux et s'inscrit dans une approche globale, seule capable d'apporter les réponses adéquates pour agir efficacement et espérer venir à bout de ce fléau.