centres hospitaliers
Question de :
M. Philippe Gosselin
Manche (1re circonscription) - Les Républicains
M. Philippe Gosselin attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur l'organisation de l'offre de soins hospitalière dans le département de la Manche. Alors que ce département est particulièrement dépourvu en termes d'accès aux soins et de densité médicale, les dernières décisions de l'Agence régionale de santé de Basse-Normandie n'embellissent nullement la perspective des équipes médicales et des patients manchois. La mise en place des futurs groupements hospitaliers de territoire inquiète tant la patientèle que les professionnels de santé et les élus locaux. Alors que le site hospitalier de Granville, deuxième aire urbaine du territoire, est progressivement démantelé, la dernière ligne de SMUR secondaire active 24 heures sur 24 toute la semaine a été fermée au début du mois de janvier 2016. Ces décisions interviennent après la fermeture des urgences de Valognes, déjà responsable de l'engorgement de celles de Cherbourg. C'est ainsi l'ensemble des services d'urgence du département qui s'en trouve désorganisé. L'inquiétude est d'autant plus forte qu'un projet alternatif vise à créer non plus trois, mais deux groupements hospitaliers, l'un au Nord, l'autre au centre et au Sud. Un tel projet s'avèrerait particulièrement contraignant en termes de déplacement des praticiens hospitaliers, détériorant encore davantage l'attractivité du territoire, et ne permettrait pas d'assurer qualité, sécurité et proximité des soins sur un territoire aussi vaste. Il lui demande donc de bien vouloir indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour renforcer l'attractivité médicale du territoire de la Manche, assurer une organisation des secours efficace et remédier à la désorganisation qui touche les services d'urgence dans le département.
Réponse en séance, et publiée le 17 février 2016
OFFRE DE SOINS HOSPITALIERS DANS LA MANCHE
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, n° 1274, relative à l’offre de soins hospitaliers dans la Manche.
M. Philippe Gosselin. Madame la secrétaire d'État, le 17 décembre dernier, l'Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Le grand public en aura sans doute retenu les paquets de cigarettes neutres ou la généralisation du tiers-payant ; aujourd'hui, je tiens à vous alerter au sujet de l'article 107 de cette loi, qui prévoit la Constitution des groupements hospitaliers de territoire, les GHT. Cette formule suscite des inquiétudes dans de nombreux territoires.
M. Demilly a évoqué la Picardie il y a quelques instants ; pour ma part, je prendrai l'exemple du département de la Manche. Comme beaucoup de départements ruraux, la Manche est confrontée à une désertification médicale. Les dernières décisions ou réflexions de l'agence régionale de santé de Normandie ne font qu'accentuer l'inquiétude de la population. Malgré l'encombrement des services d'urgence de Cherbourg et de Saint-Lô, deux sites hospitaliers sont progressivement démantelés : celui de Valognes, dans le nord du département, semble en sursis, comme on l'a vu l'été dernier ; celui de Granville, deuxième unité urbaine manchoise, voit ses services peu à peu fermés et transférés vers d'autres sites, plus éloignés.
Heureusement, la mobilisation des élus locaux et des équipes médicales a été payante – au moins pour le moment. La fermeture du service médical d'urgence et de réanimation secondaire de Granville a été suspendue par un référé du tribunal administratif de Caen ; nous ne savons pas ce qu'il en sera au fond. Le site de Valognes semble se réorganiser : pour combien de temps ? La semaine dernière, l'annonce de la fermeture de la maternité de Coutances tombait sans prévenir – dans ce dernier cas, il est vrai, l'ARS n'est pas en cause. Bref, la désorganisation semble s'installer, cautionnée – voire suscitée – par les services de l'État. Les patients en sont, évidemment, les premières victimes.
Une mauvaise nouvelle n'arrivant jamais seule, l'application de l'article 107 de la loi de modernisation de notre système de santé cause de nouvelles inquiétudes. Les propositions de groupements hospitaliers de territoire aboutiraient en effet à chambouler l'organisation des services de santé dans le département ! Au départ, trois groupements étaient envisagés : l'un au nord, autour du site de Cherbourg, l'autre, au centre, autour du site de Saint-Lô, et le dernier, au sud, autour du site d'Avranches. Le territoire départemental serait ainsi raisonnablement couvert. Or un projet alternatif ne prévoit que deux GHT. Une autre proposition a même été formulée, qui consisterait à créer un seul GHT, couvrant la totalité du département, sur 220 kilomètres du nord au sud !
Bref, nous sommes d'accord pour concilier les impératifs de qualité, de sécurité et de proximité des soins avec la nécessité, tout aussi impérieuse, de moderniser et de rationaliser l'organisation hospitalière – nécessité mise en avant par la loi de modernisation de notre système de santé. Mais la solution ne peut consister à saucissonner les services dans un GHT unique sur le département ! Nous avons besoin de trois groupements ; des mutualisations sont tout à fait envisageables dans le domaine des systèmes d'information et des achats, sans qu'il soit besoin pour cela de constituer un GHT unique. Celui-ci causerait une dispersion excessive, qui nuirait à l'offre de soins et à l'attractivité médicale.
Madame la secrétaire d'État, je vous poserai deux questions. Premièrement, quels sont les projets du ministère et quelles directives ont été données à l'ARS en ce qui concerne les urgences et les services médicaux d'urgence et de réanimation dans la Manche ? Deuxièmement, comment entendez-vous prendre en compte la spécificité du département de la Manche dans la constitution des GHT pour assurer une répartition efficace et harmonieuse des services hospitaliers ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, pour répondre de façon durable aux questions que vous soulevez, il faut en effet prendre en compte les spécificités du beau département de la Manche. La situation des soins hospitaliers dans ce département se caractérise par la dispersion de l'offre de soins, et par la fragilité de la démographie médicale. Les groupements hospitaliers de territoire prévus par la loi de modernisation de notre système de santé doivent contribuer à résoudre ces problèmes.
Il y a donc deux objectifs : premièrement, mettre en place une prise en charge commune des patients sur un territoire ; deuxièmement, renforcer les coopérations entre les établissements et améliorer les modes de gestion. Les GHT sont un levier pour maintenir l'égalité d'accès aux services de soins de l'ensemble de la population : c'est ainsi qu'il faut les considérer.
Le périmètre des GHT en Normandie fait actuellement l'objet d'une concertation lancée par l'agence régionale de santé. Je serai très claire sur ce point : pour l'heure, aucun scénario n'a été arrêté, ni sur le nombre, ni sur le périmètre des groupements hospitaliers de territoire qui pourraient être créés. La concertation associe étroitement les établissements de santé, les communautés médicales et – bien entendu – les élus, pour que ce soit une réussite.
Dans un département comme la Manche, où la démographie médicale est un enjeu important, il importe de renforcer la coopération entre les établissements de soins. C'est pourquoi un service de consultations sans rendez-vous ouvrira à Valognes au mois de mars, pour maintenir un accès aux soins primaires, en lien avec le site de Cherbourg. À Granville, l'accès aux soins urgents reste garanti par un service d'urgences et une ligne de SMUR.
Par ailleurs, un dispositif départemental de transport médicalisé va également être mis en place par coopération entre les trois établissements de référence du département. Enfin, dans les prochaines semaines, une mission conduite par le professeur Carli, président du Conseil national de l'urgence hospitalière, examinera l'organisation des soins urgents et formulera des propositions pour mieux répondre aux besoins de la population.
M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Je vous remercie pour ces précisions, madame la secrétaire d'État. J'attends avec impatience que l'égalité des soins soit assurée sur le territoire de la Manche. Pour cela, il faut que l'offre de soins soit adaptée aux spécificités de ce département. Vous semblez l'appeler de vos vœux : nous sommes sur la même longueur d'onde.
Auteur : M. Philippe Gosselin
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère répondant : Affaires sociales et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2016