aménagement du littoral
Question de :
M. Jean-Luc Bleunven
Finistère (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jean-Luc Bleunven attire l'attention de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité au sujet des effets combinés d'une jurisprudence récente issue de la loi littoral et de la loi ALUR sur l'urbanisation des espaces non construits entourés de parcelles bâties dans les hameaux. La loi littoral fête cette année ses 30 ans. Pour le pays en général et la Bretagne en particulier, ce texte est depuis trois décennies au cœur des débats, dès lors que l'on évoque l'aménagement du territoire. Souvent décriée pour sa propension à créer une jurisprudence foisonnante et source de contentieux, on oublie trop souvent qu'elle a été originellement adoptée pour mettre un coup d'arrêt salvateur à la bétonisation de nos côtes, au cœur des années 80. Cette loi est un texte de protection, alors qu'elle pourrait également être un outil d'aménagement d'activités valorisantes pour les territoires. La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a quant à elle intégré de nouvelles dispositions relatives à la constructibilité en zones agricoles, naturelles et forestières. Désormais, en zones agricoles, et naturelles des plans locaux d'urbanisme, ne sont plus autorisées que les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, aux équipements collectifs ou aux services publics. Concrètement, la combinaison de ces deux textes a pour effet de rendre impossible la construction de bâtiments à usage d'habitation dans ce que l'on appelle les « dents creuses » des hameaux, situés dans nos campagnes. De nombreux propriétaires se trouvent ainsi aujourd'hui confrontés au déclassement de leurs parcelles, hier urbanisables, aujourd'hui, inconstructibles, et donc sans valeur. Beaucoup, en circonscription, sont confrontés à de véritables drames humains, suite à l'application stricte de cette nouvelle donne juridique. Par ailleurs les collectivités territoriales, compétentes en matière d'urbanisme, se trouvent aujourd'hui, pour les mêmes raisons, exposées à des risques de contentieux de l'urbanisme particulièrement coûteux et fréquents. La loi ALUR pose comme principe d'éviter l'étalement urbain, et donc de limiter la consommation de terres agricoles. C'est un objectif auquel il souscrit. Cependant, l'impossibilité de construire au sein de ces « dents creuses » dans les hameaux est de nature à intensifier le phénomène de désertification des campagnes, alors même que l'urbanisation des espaces non construits entourés de parcelles bâties entrerait dans la logique de densification recherchée par la loi ALUR. Aussi, il lui demande dans quelle mesure le Gouvernement entend traiter ce dossier stratégique pour garantir le développement équilibré de notre territoire.
Réponse en séance, et publiée le 17 février 2016
URBANISATION DES ESPACES NON CONSTRUITS ENTOURÉS DE PARCELLES BÂTIES
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Bleunven, pour exposer sa question, n° 1288, relative à l'urbanisation des espaces non construits entourés de parcelles bâties.
M. Jean-Luc Bleunven. Madame la ministre du logement et de l'habitat durable, je vous souhaite la bienvenue dans notre hémicycle.
Je souhaite vous interroger sur les effets combinés d'une jurisprudence récente issue de la loi littoral et de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, sur l'urbanisation des espaces non construits entourés de parcelles bâties dans les hameaux.
La loi littoral fête cette année ses trente ans. Pour le pays en général et la Bretagne en particulier, ce texte est depuis trois décennies au cœur des débats, dès lors que l'on évoque l'aménagement du territoire.
On oublie généralement que, souvent décrié pour sa propension à créer une jurisprudence foisonnante et source de contentieux, il a été originellement adopté pour porter un coup d'arrêt salvateur à la bétonisation de nos côtes, au cœur des années quatre-vingt. Ce texte de protection pourrait également être un outil d'aménagement d'activités valorisantes pour les territoires.
La loi ALUR a, quant à elle, intégré de nouvelles dispositions relatives à la constructibilité en zones agricoles, naturelles et forestières.
Désormais, ne sont plus autorisées en zones agricoles et naturelles des plans locaux d'urbanisme que les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, aux équipements collectifs ou aux services publics.
Concrètement, la combinaison de ces deux textes a pour effet de rendre impossible la construction de bâtiments à usage d'habitation dans ce que l'on appelle les « dents creuses » des hameaux, situés dans nos campagnes.
De nombreux propriétaires se trouvent ainsi confrontés au déclassement de leurs parcelles, hier urbanisables, aujourd'hui inconstructibles, donc sans valeur. Beaucoup, en circonscription, sont confrontés à de véritables drames humains, du fait de l'application stricte de cette nouvelle donne juridique.
Par ailleurs, les collectivités territoriales, compétentes en matière d'urbanisme, se trouvent aujourd'hui, pour les mêmes raisons, exposées à des risques de contentieux de l'urbanisme particulièrement coûteux et fréquents.
La loi ALUR pose comme principe d'éviter l'étalement urbain, et donc de limiter la consommation de terres agricoles. C'est évidemment un objectif auquel je souscris. Cependant, l'impossibilité de construire au sein de ces dents creuses, dans les hameaux, est de nature à intensifier le phénomène de désertification de nos campagnes, alors même que l'urbanisation des espaces non construits entourés de parcelles bâties entrerait dans la logique de densification recherchée par la loi ALUR.
Pouvez-vous me dire dans quelle mesure le Gouvernement entend traiter ce dossier stratégique pour garantir le développement équilibré de notre territoire ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable, à qui je souhaite la bienvenue et adresse tous mes vœux de succès pour ses nouvelles responsabilités.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le député, vous m'interrogez sur les effets cumulés de la loi littoral et de la loi ALUR, notamment à l'égard de propriétaires qui ne savent comment agir en présence de dents creuses. L'objectif du législateur est de maîtriser la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers. Cela se traduit, vous l'avez dit, par deux principes directeurs : l'urbanisation en continuité du bâti existant sur les territoires littoraux et l'inconstructibilité des zones naturelles et agricoles, à l'exception, évidemment, des constructions et des installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs ou à des services publics.
Concernant plus particulièrement la situation des communes littorales, plusieurs outils permettent actuellement de répondre à la question du comblement des dents creuses dans les hameaux. Tout d'abord, s'il s'agit d'un hameau dense, structuré et dont la commune souhaite assurer le développement dans le cadre de son projet d'aménagement, le plan local d'urbanisme – PLU – peut le classer en zone urbaine. Ce classement peut permettre l'implantation de constructions nouvelles par comblement de dents creuses, voire la réalisation de constructions nouvelles aux franges du hameau existant. Les auteurs du PLU peuvent justifier leur choix.
S'il s'agit d'un hameau de moindre importance, constitué de quelques constructions éparses implantées sur de vastes parcelles entourées d'espaces naturels ou agricoles, le classement en zone A – agricole – ou N – naturelle – est le plus approprié. Si l'implantation des constructions nouvelles et des annexes non accolées y est interdite, l'extension des constructions existantes à usage d'habitation et le changement de destination du bâti agricole restent possibles, dans les conditions prévues par des dispositions du règlement du PLU.
Enfin, pour les espaces dits « intermédiaires », le « hameau nouveau intégré à l'environnement » – je suis désolée d'employer ce jargon – permet d'assouplir l'inconstructibilité des zones situées en discontinuité de l'urbanisation ; il peut se traduire, dans le PLU, par des secteurs dits « de taille et de capacité d'accueil limitées » – les STECAL. L'objectif est de permettre de reconfigurer le secteur pour lui conférer les caractéristiques d'un espace structuré.
Pour conclure, au regard des nombreuses évolutions législatives intervenues récemment, notamment s'agissant des zones agricoles et naturelles, il convient d'amplifier le travail de pédagogie des services déconcentrés de l'État pour accompagner les collectivités dans l'appropriation des possibilités qui leur sont offertes. Vous pouvez compter sur le ministère du logement pour mener ce travail à vos côtés, dans vos territoires.
Auteur : M. Jean-Luc Bleunven
Type de question : Question orale
Rubrique : Mer et littoral
Ministère interrogé : Logement, égalité des territoires et ruralité
Ministère répondant : Logement et habitat durable
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2016