Question orale n° 1300 :
établissements

14e Législature

Question de : M. Charles de La Verpillière
Ain (2e circonscription) - Les Républicains

M. Charles de La Verpillière appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le programme de déradicalisation en milieu carcéral mis en place depuis le 25 janvier 2016. Si cette mesure, proposée dans le rapport parlementaire fait au nom de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, est nécessaire, les moyens mis en œuvre à ce jour sont très insuffisants. En effet les seuls établissements pénitentiaires concernés à ce jour par ce dispositif sont les prisons d'Osny (Val-d'Oise), de Lille-Annoeullin (Nord), et de Fresnes (Val-de-Marne), les autres établissements étant écartés du dispositif. Il est aujourd'hui urgent d'agir, de prévenir le djihadisme, plutôt que de devoir le guérir. Un enrôlement, au détriment des plus faibles, se fait manifestement en milieu carcéral, où gangrène une haine de notre société, et où des individus sont connus et signalés par fiche S. Le programme de déradicalisation en milieu carcéral étant à ce jour insuffisant, il apparaît absolument nécessaire que des moyens supplémentaires soient immédiatement déployés sur ce volet de la lutte contre le terrorisme et le djihadisme, et ce sans attendre de nouveaux évènements. Il n'est, par ailleurs, prévu que des mesures de déradicalisation temporaires, et non un suivi continu tout le long de l'incarcération. Cette limite de temps sera déjouée par des personnes faussement repenties. Aussi il lui demande ce qu'attend le Gouvernement pour généraliser le dispositif à tous les établissements pénitenciers de France d'une part et pour en assurer un fonctionnement viable et pérenne.

Réponse en séance, et publiée le 19 février 2016

GÉNÉRALISATION DU PROGRAMME DE DÉRADICALISATION EN MILIEU CARCÉRAL
M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour exposer sa question, n°  1300, relative à la généralisation du programme de déradicalisation en milieu carcéral.

M. Charles de La Verpillière. Madame la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage, nous sommes malheureusement obligés de faire un terrible constat : le système pénitentiaire, c'est-à-dire les prisons françaises, fabrique des terroristes ! Lors d'un colloque interministériel qui s'est tenu la veille des attentats de Paris et Saint-Denis, Christiane Taubira a donné un chiffre : « Nous savons […] que 15 % des personnes impliquées dans des activités terroristes ont eu un antécédent carcéral. » En réalité, presque tous les auteurs français des attentats les plus violents sont passés par la « case prison » et y ont amorcé leur dérive terroriste : Mohamed Merah, Chérif Kouachi, Amedy Coulibaly, et tant d'autres.

D'où ma première série de questions, madame la secrétaire d'État. Des mesures concrètes sont-elles prises pour endiguer ce phénomène de radicalisation carcérale : surveillance renforcée, contrôle des parloirs, multiplication des fouilles, interdiction ou interception des communications téléphoniques et électroniques, mise à l'isolement ? Les moyens affectés aux actions de renseignement en prison ont-ils été augmentés ? La coordination entre le renseignement pénitentiaire et les services de sécurité est-elle suffisante ? Est-il prévu d'agir dans tous les établissements, et pas seulement à Osny, Lille et Fresnes ? Les budgets sont-ils suffisants ? Y a-t-il, enfin, des dispositions législatives à prendre pour améliorer le dispositif ?

En second lieu, il faut aussi pouvoir contrer efficacement le discours islamiste radical. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, faire le point sur la mission des aumôniers musulmans agréés par l'État ? Pouvez-vous également nous dire si une formation spécifique est dispensée aux personnels pénitentiaires qui se sentent démunis face à la radicalisation ?

J'ai bien conscience que la question de la radicalisation en prison appellerait de très longs développements, qui excèdent le temps d'une question orale sans débat. Mais la gravité de la situation et l'urgence d'agir sont telles qu'il m'a semblé indispensable d'interpeller le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le député, je vous prie à nouveau d'excuser le garde des sceaux, auquel votre question était adressée, et qui n'a pu être présent aujourd'hui. Je constate que la question que vous m'avez posée est un peu différente de celle pour laquelle il m'a donné des éléments de réponse, puisque vous avez apporté des compléments extrêmement importants.

M. Charles de La Verpillière. Je l'ai transmise au cabinet du ministre hier.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Cela n'est pas très grave. Je vais répondre à votre question initiale et je demanderai au garde des sceaux de vous répondre par écrit sur les points supplémentaires que vous avez soulevés. Je tenais à préciser les choses d'emblée et à vous présenter mes excuses. Vous comprendrez que je ne souhaite pas répondre à la place du garde des sceaux, dont je ne suis pas plus que la porte-parole dans cet hémicycle. Vous pouvez en revanche compter sur moi, je le répète, pour lui demander de vous répondre par écrit.

Vous avez interrogé le garde des sceaux sur les programmes de déradicalisation, et plus spécifiquement sur le dispositif des unités dédiées mis en place depuis le 25 janvier.

La création de quatre unités dédiées constitue l'une des principales mesures de la partie pénitentiaire du plan de lutte contre le terrorisme annoncé par le Premier ministre le 21 janvier 2015. Cette création n'est à ce jour prévue qu'au sein de maisons d'arrêt ou de quartiers maison d'arrêt dans des centres pénitentiaires, eu égard à la faible proportion de personnes détenues condamnées pour des faits de terrorisme.

Parmi ces quatre unités dédiées, celle de la maison d'arrêt d'Osny est déjà opérationnelle. La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis accueillera, dès le mois de mars, deux unités dédiées, l'une consacrée à l'évaluation, et l'autre à la prise en charge des détenus radicalisés. Enfin, d'ici la fin du premier semestre, le centre pénitentiaire de Lille-Annœullin mettra en place la quatrième unité. En plus de ce dispositif, depuis octobre 2014, la maison d'arrêt des hommes de Fresnes a déjà mis en place une unité de regroupement et il existe un centre national d'évaluation pour tout type de profil, notamment pour les personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation. Néanmoins, le souhait d'une spécialisation en matière d'évaluation des radicalisés, ainsi que la gestion des interdictions de communiquer, nombreuses dans les dossiers d'association de malfaiteurs, ont conduit à la création d'une seconde unité d'évaluation à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.

Il faut préciser qu'une affectation implique automatiquement un encellulement individuel et que le principe de séparation des personnes prévenues et des personnes condamnées s'applique. En outre, toute personne hébergée en unité dédiée est prise en charge dans le respect du régime ordinaire de détention, avec les droits et obligations afférents. Dans les faits, à la suite de l'évaluation, les personnes détenues seront orientées en fonction de leur profil et de leur degré d'adhésion au programme mis en place. Si elles ne peuvent s'y intégrer et qu'elles justifient des mesures de sécurité particulières, elles seront placées à l'isolement. Dans le premier cas, les personnes détenues seront affectées à la maison d'arrêt d'Osny ou à celle de Fleury-Mérogis et, pour les personnes les plus radicalisées, au centre pénitentiaire de Lille-Annœullin.

Chaque unité dédiée pourra proposer des modes de prise en charge différents, liés au profil des personnes. En outre, le personnel y sera exclusivement consacré – ce qui est rendu possible par les renforcements permis par le plan de lutte contre le terrorisme – et éligible à des formations spécifiques.

La prise en charge des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation ne saurait néanmoins être assurée exclusivement en unités dédiées. Celles-ci restent, à ce jour, un dispositif expérimental. C'est pourquoi la direction de l'administration pénitentiaire s'attache à formaliser un cadre commun d'organisation de gestion de ces détenus dans tous les établissements pénitentiaires.

M. le président. Merci de conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Monsieur le président, j'ai encore quelques éléments de réponse précis à donner.

M. le président. Mais il y a quand même des règles à respecter, madame la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Seront privilégiées les mesures suivantes : prise en charge individuelle, placement au quartier d'isolement, affectation en maisons centrales, affectation en secteurs brouillés, propositions d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés.

M. le président. Madame la secrétaire d'État, il faudra préciser au rédacteur des notes que vous lisez que tout doit être fait en six minutes.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Je suis désolée et confuse de ne pouvoir faire une réponse complète à M. le député.

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière.

M. Charles de La Verpillière. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d'État. J'ai bien conscience que ma question embrassait un sujet très vaste et je vous serais effectivement très reconnaissant de demander à M. le garde des sceaux de me transmettre par écrit une réponse à cet ensemble de questions.

Données clés

Auteur : M. Charles de La Verpillière

Type de question : Question orale

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2016

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