Question orale n° 1303 :
lignes à haute tension

14e Législature

Question de : M. Thierry Lazaro
Nord (6e circonscription) - Les Républicains

M. Thierry Lazaro attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le projet de construction de la ligne de très haute tension Avelin-Gavrelle entrepris par RTE, filiale d'EDF, qui défigurera à tout jamais la région de la Pévèle, poumon vert de la métropole lilloise qui accueille quantité de promeneurs, cyclistes et cavaliers, dans la forêt de Phalempin, dans la réserve ornithologique des Cinq-Tailles, dans les haras et dans le site minier historique, classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Alors que le Gouvernement se donne comme objectif de réduire de 50 % la consommation d'énergie à l'horizon 2050, celle de l'électricité de 25 % et incite aux énergies alternatives, cette véritable autoroute électrique imaginée en 2003, l'une des plus puissantes et des plus hautes d'Europe, n'a plus lieu d'être alors que cette région est déjà parfaitement desservie et sécurisée par des lignes existantes. Négligeant les multiples risques sanitaires et environnementaux démontrés, RTE refuse en outre l'enfouissement de 10 km de cette ligne en zone ouverte rurale. Au nom du principe constitutionnel de précaution, il lui demande l'abandon de ce projet, au moins dans sa forme aérienne, et de lui préciser sa position quant à l'enfouissement des lignes THT en général et de celle-ci en particulier.

Réponse en séance, et publiée le 19 février 2016

LIGNE DE TRÈS HAUTE TENSION AVELIN-GAVRELLE
M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour exposer sa question, n°  1303, relative à la ligne de très haute tension Avelin-Gavrelle.

M. Thierry Lazaro. Madame la secrétaire d'État chargée de la biodiversité, je veux alerter votre ministère sur le projet de construction de la ligne très haute tension Avelin-Gavrelle entrepris par RTE – Réseau de transport d'électricité – qui défigurera à tout jamais la région de la Pévèle, poumon vert de la métropole lilloise et du bassin minier, qui accueille quantité de promeneurs, cyclistes et cavaliers dans la forêt de Phalempin, sur le site historique de la bataille de Mons-en-Pévèle, dans la réserve ornithologique des Cinq-Tailles à Thumeries et dans les nombreux clubs hippiques de la région dont le rôle économique et social n'est plus à démontrer. Ce projet impactera durablement également les riverains de cette future infrastructure industrielle.

Alors que le Gouvernement se donne comme objectif de réduire de 50 % la consommation d'énergie d'ici 2050 – celle de l'électricité de 25 % – et incite aux énergies alternatives, cette véritable autoroute électrique imaginée en 2003, l'une des plus puissantes et des plus hautes d'Europe, n'a plus lieu d'être alors que l'ensemble de la région est déjà parfaitement desservi et sécurisée par les lignes existantes. Néanmoins, RTE projette la construction de cette ligne de deux fois 400 kilovolts sur pas moins de vingt-huit kilomètres, avec vingt-quatre câbles, cinquante-sept pylônes de soixante-dix mètres de haut, dont vingt-neuf pylônes espacés de seulement trois cents mètres sur les neuf kilomètres de la Pévèle. Négligeant a priori les multiples risques sanitaires et environnementaux pourtant démontrés, RTE refuse l'enfouissement de dix kilomètres de cette ligne en zone ouverte rurale, enfouissement dont nous avons l'amère impression qu'il n'a pas été sérieusement étudié.

En ce qui concerne les risques sanitaires, le Centre international de recherche sur le cancer a classé en catégorie 2B possiblement cancérigène les champs magnétiques domestiques de très basse fréquence et en catégorie 3 les champs électriques et les champs magnétiques statiques. Or RTE n'en a pas fait état lors de la concertation. Au nombre de ces risques sanitaires figurent non limitativement : l'augmentation du risque de leucémie aiguë de l'enfant, de cancers cérébraux et du sein. À titre d'exemple, une équipe de l'INSERM a mis en évidence une augmentation du risque leucémique chez les enfants de moins de cinq ans, jusqu'à 2,6 fois s'ils résident à moins de cinquante mètres d'une ligne très haute tension et 1,6 fois s'ils résident à cent mètres. Il y a aussi les troubles de l'humeur dans le cadre du syndrome d'hypersensibilité électromagnétique ; les dysfonctionnements d'appareils médicaux, dont les pacemakers ; les atteintes du système immunitaire.

Au nombre des risques environnementaux ont été observées des modifications du comportement du bétail et de sa productivité, ainsi que des atteintes aux cultures maraîchères et fruitières. Or je vous rappelle que la Pévèle est riche en exploitations agricoles et en élevages de bovins ou de chevaux. Les oiseaux et abeilles en perdent également le nord… c'est tout dire.

Madame la secrétaire d'État, il n'est pas possible au ministère de l'environnement et de l'énergie d'ignorer les effets néfastes sur la santé et l'environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension. En conséquence et au nom du principe constitutionnel de précaution, je demande l'abandon de ce projet, au moins dans sa forme aérienne, et de me préciser la position du ministère quant à l'enfouissement des lignes THT en général et de la ligne Avelin-Gavrelle en particulier.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Excellente question !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Monsieur le député, vous avez interrogé Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Ne pouvant être présente pour la raison que j'ai indiquée, elle m'a chargé de vous répondre.

Vous attirez son attention sur la reconstruction de la ligne THT Avelin-Gavrelle actuelle. Cette ligne ne comporte aujourd'hui qu'un circuit alors qu'elle transporte des flux croissants d'électricité résultant de l'essor des énergies renouvelables et des échanges interrégionaux et européens. Au-delà de son rôle d'alimentation, elle participe donc à la transition énergétique par son rôle d'insertion et de mutualisation de ces renouvelables en Europe. De plus, seule ligne du réseau de transport d'électricité dans cette zone à ne comporter qu'un seul circuit, elle constitue donc un point de fragilité, surtout en hiver. Cette fragilité est d'autant plus inacceptable que la ligne permet d'alimenter un nombre important d'usagers. C'est pourquoi il est indispensable de la reconstruire à double circuit. Cette reconstruction sera suivie de la suppression de la ligne actuelle. Le paysage ne sera donc pas profondément modifié par l'ajout du double circuit.

Vous souhaitez que la ligne soit mise en souterrain au niveau de la Pévèle. Ségolène Royal a été très attentive à votre demande. Toutefois, à ce niveau de tension – 400 000 volts –, la mise en souterrain n'est malheureusement pas possible car un tel tronçon dans la Pévèle aurait la largeur d'une autoroute et un impact hydrogéologique majeur du fait de la modification des écoulements souterrains dans cette zone. Par ailleurs, la mise en souterrain occasionnerait un coût important, qui se répercuterait sur l'ensemble des consommateurs d'électricité. En outre, le souterrain n'offre pas la même qualité d'alimentation, indispensable sur le réseau de grand transport européen mais aussi pour les consommateurs d'électricité du Nord et du Pas-de-Calais. Ce n'est donc pas une solution électrique satisfaisante. Une étude spécifique commandée au Centre italien d'expertise technologique et électrique l'a confirmé. Elle a été présentée aux acteurs de la Pévèle le 14 octobre 2014.

Attaché à la préservation des paysages, je vous rappelle que le Gouvernement est très attentif à la question du transport d'électricité en souterrain.

La France est un des pays qui enfouit le plus d'ouvrages de transport d'électricité : en 2014, 90 % des nouvelles lignes à haute tension – à 63 000 volts et 90 000 volts – ont été construites en souterrain. En revanche, la mise en souterrain de lignes à 400 000 volts est une solution technique et financière qui ne peut être privilégiée. à A titre de compensation, RTE propose donc d'enfouir d'autres ouvrages de tension inférieure, telles que les lignes à 90 000 volts situées au nord de Gavrelle et une ligne à 225 000 volts en zone urbanisée, qui croise la ligne Avelin-Gavrelle.

Par ailleurs, pour ce qui concerne la reconstruction de 30 kilomètres de lignes aériennes, RTE déposera près de 80 kilomètres d'ouvrages existant en haute tension. D'autres mises en souterrain pourraient être envisagées, en partenariat avec les propriétaires des réseaux de distribution.

M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro.

M. Thierry Lazaro. Comme vous pouvez l'imaginer, madame la secrétaire d'État, je ne peux pas me satisfaire de votre réponse, pour deux raisons. Premièrement, RTE a toujours nié le fait qu'il existe un transit européen, ce que le député européen Dominique Riquet et moi-même, qui travaillons sur le sujet, ne cessons de répéter. Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir souligné cet argument, que RTE réfute. Il faudra que l'entreprise s'explique enfin sur l'impact de cette ligne. Vous qui connaissez bien la région, madame la secrétaire d'État, autorisez-moi à préciser qu'une ligne qui passe de 6 à 24 fils aura un profond impact sur le territoire de la Pévèle.

Deuxièmement, l'enfouissement de la ligne est présenté comme impossible par certains et comme faisable par d'autres. Ce point mérite réflexion. RTE doit du moins donner le sentiment aux acteurs d'avoir véritablement, sereinement et efficacement étudié la question, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Données clés

Auteur : M. Thierry Lazaro

Type de question : Question orale

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Environnement, énergie et mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2016

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