14ème législature

Question N° 1304
de Mme Sophie Dion (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > emploi

Tête d'analyse > chômage

Analyse > plan pour l'emploi. PME. aides à l'embauche. perspectives.

Question publiée au JO le : 09/02/2016
Réponse publiée au JO le : 19/02/2016 page : 1418
Date de changement d'attribution: 09/02/2016

Texte de la question

Mme Sophie Dion attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la mise en œuvre du plan pour l'emploi dans les entreprises créatrices d'emplois dans nos vallées en Haute-Savoie, notamment celles du secteur de l'industrie du décolletage, des travaux publics, de l'artisanat et du tourisme. Ce plan dont l'objectif affiché par le Gouvernement est d'inverser la courbe abyssale du chômage comprend, en particulier, l'augmentation des formations pour les chômeurs, des mesures pour l'apprentissage et des aides à l'embauche pour les PME. Les chefs d'entreprise qui composent le tissu économique de la Vallée de l'Arve, de la vallée du Giffre et du Pays du Mont-Blanc ne sont pourtant pas convaincus par les mesures proposées. Plutôt qu'une prime à l'embauche, ils auraient préféré une exonération des cotisations sociales patronales pour tout nouveau recrutement. En matière d'apprentissage toute la filière du décolletage et de la mécatronique est déjà fortement mobilisée pour attirer les talents et transmettre les savoir-faire. Mais elle doit faire face à de nombreux blocages, véritables freins au développement de l'apprentissage, comme, par exemple, le départ des jeunes formés dans l'entreprise chez les concurrents, en Suisse. Les chefs d'entreprise de l'industrie, ceux des secteurs du bâtiment, de l'artisanat et du tourisme s'interrogent aussi sur la formation des demandeurs d'emplois, notamment sur son impact sur le financement de la formation professionnelle et ses conséquences pour les entreprises. Elle lui demande donc quelles réponses le Gouvernement entend apporter à ces nombreuses interrogations et comment ce plan, dont le coût est estimé à 2 milliards d'euros, va concrètement relancer la compétitivité des entreprises.

Texte de la réponse

PLAN POUR L'EMPLOI EN HAUTE-SAVOIE


M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion, pour exposer sa question, n°  1304, relative au plan pour l'emploi en Haute-Savoie.

Mme Sophie Dion. Madame la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le chômage n'épargne malheureusement aucun territoire. La vallée de l'Arve, la vallée du Giffre et le pays du Mont-Blanc, en Haute-Savoie, ne font pas exception. Dans le bassin de Cluses, le taux de chômage atteint 9,7 %, affichant une hausse de 2,5 points en 2015. Quant au bassin de Sallanches, la progression du chômage y est encore plus forte, avec une augmentation de 6,8 % l'an passé. Tous les secteurs économiques sont touchés.

Pour inverser la courbe du chômage, le Gouvernement propose un plan d'urgence pour l'emploi, avec une augmentation des formations pour les chômeurs, des mesures pour l'apprentissage et des aides à l'embauche pour les petites et moyennes entreprises – PME. Cependant, les chefs des entreprises qui composent le tissu économique de ces vallées haut-savoyardes ne sont pas convaincus par ces mesures, pour la simple raison qu'en réalité, ils n'en bénéficieront pas. Ils auraient préféré, comme beaucoup d'autres chefs d'entreprise, une exonération des cotisations sociales patronales pour tout nouveau recrutement.

En ce qui concerne la prime à l'embauche, valable uniquement jusqu'au 31 décembre 2016, une entreprise s'est trouvée dans l'impossibilité d'en bénéficier, car elle avait embauché un salarié le 1er janvier, alors que le dispositif n'était applicable qu'à partir du 18 janvier. C’est regrettable. Au surplus, et de manière générale, les entreprises de ces vallées n'en bénéficieront pas, car cette prime est limitée à certains postes.

Deuxième exemple : en matière de formation pour les chômeurs, quel sera l'impact du dispositif du plan emploi sur le financement des formations existantes ? J'en donnerai une illustration concrète : un groupement d'employeurs créé par l'ensemble des acteurs du décolletage propose déjà aux demandeurs d'emploi des formations longues – de 300 à 400 heures – et diplômantes, avec un emploi pérenne à la clé, aujourd'hui financées par les entreprises et les organismes paritaires collecteurs agréés – OPCA. Ces formations longues seront-elles toujours financées ou votre plan pour l'emploi ne financera-t-il que des formations courtes, dans le seul but de faire baisser les statistiques du chômage ?

Troisième exemple : alors que chacun sait que l'apprentissage est une voie d'excellence pour permettre aux jeunes d'accéder à un premier emploi et au marché de l'emploi, la filière du décolletage est très fortement mobilisée pour attirer les talents et transmettre les savoir-faire. Plus de 80 % des apprentis trouvent un emploi à l'issue de leur formation. Encore faut-il qu’ils restent, à l'issue de cette formation, dans l'entreprise qui les a formés et ne soient pas attirés par des salaires trop élevés, notamment dans les pays frontaliers.

Vous proposez d'augmenter le nombre des contrats de professionnalisation, le portant à 50 000, contre 8 000 actuellement, et d'apporter un soutien financier, sur le modèle des emplois aidés. Encore des contrats aidés ? À quand une vraie politique de valorisation de l'apprentissage ?

Voilà, madame la ministre, les questions auxquelles les entreprises qui portent la compétitivité attendent des réponses précises et concrètes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, le territoire que vous évoquez, l'arrondissement de Bonneville, est exemplaire à bien des égards et la vallée de l'Arve est un fleuron industriel.

Selon vous, les entreprises auraient préféré des baisses de cotisation. Cependant, comme vous le savez, les effets cumulés de la baisse de cotisation sur les bas salaires, du pacte de responsabilité, du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – et de l'aide Embauche PME reviennent à rembourser l'intégralité des cotisations patronales pour un recrutement au SMIC.

Vous dites que les entreprises ne sont pas favorables à l’aide Embauche PME. Or, celle-ci a, au contraire, reçu un écho favorable chez les chefs d’entreprise qui, en un peu plus de deux semaines, ont formulé un peu plus de 16 000 demandes.

Bien sûr, comme vous le dites vous-même, certaines villes présentent un taux de chômage plus important que d’autres, le nombre de demandeurs d’emploi, notamment de longue durée, est croissant, même s’il reste inférieur à la moyenne nationale, et la population présente également un niveau de qualification relativement faible par rapport à l’ensemble du département. Ce sont cependant toujours ces mêmes demandeurs d’emploi qui restent éloignés de l’emploi.

C’est la raison pour laquelle nous mobilisons tous les outils de l’emploi. Les contrats aidés, que vous citez, sont destinés aux personnes en situation de handicap, aux seniors ou aux jeunes habitant certains quartiers relevant de la politique de la ville, à qui, sans ces contrats, nous ne permettrons pas d’avoir accès à une première expérience professionnelle. Il en va de même pour la garantie jeune. J’ai du reste demandé à l’ensemble des missions locales de réorienter de nombreux jeunes en direction des centres de formation d’apprentis – CFA –, car il manque bien souvent un tel tuilage entre les dispositifs. La mission locale doit donc être aussi un outil nous permettant de développer l’apprentissage.

Les départs vers la Suisse, que vous évoquez, ne doivent pas nous empêcher de faire le pari du développement des compétences pour les jeunes les moins qualifiés et nous devons donc être capables, dans le cadre de la semaine de l’industrie, mais aussi de la campagne d’orientation scolaire qui se tiendra au printemps, d’informer systématiquement sur les taux d’insertion des différentes formes de formation. Il s’agira également d’une mesure qui figurera dans la loi que je présenterai d’ici quelques semaines.

Toutes ces raisons nous ont conduits à élaborer le plan 500 000 formations prioritaires. Prévoir, dans ce cadre de ce dernier, que 50 000 personnes soient en contrat de professionnalisation – il ne s’agit pas d’un contrat aidé –, c’est répondre à de vrais besoins des entreprises en formant ces personnes au sein de l’entreprise, entre formation et qualification. Il s’agit également de développer les préparations opérationnelles à l’emploi, en lien avec les entreprises. Je ne vois là aucune contradiction avec les demandes que vous venez de formuler.

Il s’agit, en effet, d’investir dans leur parcours et de nous efforcer de proposer des formations qualifiantes. Il s'agit aussi, bien sûr, de partir d’un diagnostic des besoins des entreprises. C’est ce que j’ai fait dans le cadre des demandes que j’ai adressées à l’ensemble des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE. Tous ces besoins des entreprises, décrits par les directions régionales de Pôle emploi, sont remontés et nous travaillons sur la liste des métiers non pourvus, afin d’améliorer la notion de parcours entre la formation et l’insertion.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Dion.

Mme Sophie Dion. Madame la ministre, j’ai également cité la vallée de l’Arve, le pays du Mont-Blanc et la vallée du Giffre, soit un périmètre plus large que le territoire que vous venez d’évoquer.

Au-delà de cette remarque géographique, mes autres observations sont d’ordre technique et portent sur les mesures que vous avez prévues pour l’emploi. Selon vous, en effet, la prime pour l’emploi bénéficiera aux salariés payés au SMIC. Or, dans ces vallées où la technicité est forte et la main-d’œuvre est réputée et de grande qualité, possédant un savoir-faire exceptionnel, les salariés ne pourront malheureusement pas bénéficier de cette prime.

Par ailleurs, les contrats que vous évoquez sont tout de même des contrats aidés. Je vous renvoie à cet égard au rapport de la Cour des comptes, qui a souligné le peu d’intérêt de ces contrats, simple sparadrap sur la plaie béante du chômage.