conseils de prud'hommes
Publication de la réponse au Journal Officiel du 11 juin 2013, page 6176
Question de :
Mme Cécile Untermaier
Saône-et-Loire (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Cécile Untermaier alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation inquiétante des conseils de prud'hommes. Plus précisément, elle souhaite l'interroger sur les délais de procédure extraordinaires auxquels les justiciables sont confrontés lorsqu'ils saisissent les juridictions prud'homales. Pour exemple, aujourd'hui, à Bobigny, il faut attendre deux à trois ans pour qu'une audience de départage ne soit tenue. À Nanterre, un salarié sollicitant la requalification de son CDD en CDI ne voit sa demande examinée qu'un an après la saisine du conseil des prud'hommes. Si, humainement, cette situation n'est pas tenable, elle ne l'est pas plus d'un point de vue juridique. Elle ne saurait ignorer ce dysfonctionnement. C'est à ce titre que l'État a été condamné par tribunal de grande instance de Paris dans un jugement du 18 janvier 2012 à indemniser 71 salariés pour le préjudice causé par la lenteur de la justice. En ce sens, le tribunal de grande instance constate d'abord que le délai de procédure subi par les demandeurs « résulte manifestement du manque de moyens alloués à la juridiction prud'homale » avant de condamner l'État pour avoir manqué à « son devoir de protection juridique de l'individu et notamment du justiciable en droit de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable » découlant des stipulations de l'article 6 de la convention européennes des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Elle ne saurait donc ignorer ce dysfonctionnement. Elle n'a pas interjeté appel contre le jugement du tribunal : c'est là faire l'aveu d'un constat de grave dysfonctionnement de l'institution judiciaire confinant à la non-effectivité du droit du travail. Il est urgent de prendre les mesures nécessaires pour que les moyens budgétaires des conseils de prud'hommes leur permettent de fonctionner normalement. C'est pourquoi elle souhaiterait savoir quelle mesure seront prises pour remédier à cette situation préoccupante pour les salariés et dans quels délais.
Réponse publiée le 11 juin 2013
La garde des sceaux, ministre de la justice, est parfaitement consciente des difficultés qui entrave le jugement dans un délai raisonnable des affaires portées devant les conseils de prud'hommes, en dépit des efforts engagés par ces derniers pour améliorer cette situation. Après un fort afflux d'affaires en 2009 (228 901) atteignant le niveau le plus haut de la décennie, le nombre d'affaires dont les conseils de prud'hommes ont été saisis a sensiblement baissé en 2011 (- 5,7 %), les chiffres pour 2012 n'étant pas encore disponibles. Par ailleurs, les conseils de prud'hommes sont parvenus à maintenir en 2011 la forte augmentation du nombre d'affaires terminées (205 321) par rapport à l'année 2009 (192 411). Cette évolution a impacté les affaires au fond, qui sont passées sur la même période de 160 569 à 164 510, soit une augmentation de 2,5 %. En 2011, les affaires terminées ont été en nombre quasi équivalent à celui des affaires nouvelles. Aux conseils de prud'hommes de Bobigny et de Nanterre, le nombre d'affaires terminées a même légèrement augmenté passant respectivement de 6 135 en 2010 à 6 255 en 2011, et de 4 460 en 2010 à 4 582 en 2011. Le stock d'affaires en cours (hors référés) a légèrement diminué ce qui le porte à 214 717 affaires âgées en moyenne de 11,7 mois. Contrairement aux deux années précédentes, le stock de l'année 2011 au sein des conseils de prud'hommes a diminué. Ceci est dû la forte volonté des juridictions de traiter les affaires anciennes en stock et participe de l'allongement apparent des délais de traitement. Notamment, au conseil de prud'hommes de Bobigny, le stock est passé de 8 882 affaires en 2010 à 8 766 affaires en 2011, et au conseil de prud'hommes de Nanterre, de 7 986 affaires en 2010 à 7 932 affaires en 2011. La durée moyenne des affaires terminées en 2011 s'est établie à 11,9 mois. Elle inclut celle des affaires au fond (14,4 mois) et celle des référés (2 mois). Elle est en légère hausse par rapport à 2010. Il convient d'ajouter que 25 % des affaires terminées (fond plus référés) en 2011 l'ont été en moins de 3 mois, 50 % l'ont été en moins de 10 mois et 25 % l'ont été en plus de 17 mois. Le nombre d'affaires terminées par une départition a légèrement augmenté en 2011 et s'élève à 18 344 affaires. La part des affaires terminées en départition s'établit à 20 % des affaires ayant fait l'objet d'un délibéré en 2011. Rapportées à l'ensemble des affaires terminées, les affaires avec départition en représentent 11,2 %. A cet égard, il convient de souligner que si la procédure de départage garantit l'équilibre des intérêts des demandeurs et des défendeurs, le renvoi en départage induit automatiquement un allongement substantiel de la procédure. A partir de cet état de fait, la garde des sceaux a exprimé son souci, notamment devant la représentation nationale, de garantir aux conseils de prud'hommes de meilleures conditions de travail, tant en termes de moyens humains que matériels. A cet égard, elle a souhaité, dès son arrivée au ministère de la justice, renforcer les recrutements de greffiers dans le cadre du budget triennal. D'ores et déjà, 485 emplois nouveaux ont été créés dont 315 dès 2012 et 170 en 2013. En outre, il est prévu que 763 greffiers stagiaires arrivent en juridiction entre mai 2012 et juin 2013, compte tenu de la durée de leur formation initiale à l'école nationale des greffes qui est de dix-huit mois. Par ailleurs, un recrutement sans concours d'adjoints administratifs a permis de recruter 195 agents de catégorie C, qui ont été affectés en décembre 2011 dans les juridictions les plus déficitaires. Par ailleurs, des réflexions sont actuellement menées avec le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social afin d'améliorer le fonctionnement des conseils de prud'hommes. D'ores et déjà, des échanges réguliers avec les organisations syndicales et patronales lors des assemblées plénières du Conseil supérieur de la prud'homie, que la ministre de la justice a souhaité réunir de nouveau, ont conduit la direction des services judiciaires à piloter des groupes de travail destinés à faire émerger des solutions aux difficultés liées à l'indemnisation des conseillers de prud'hommes et à optimiser les moyens matériels et financiers mis à leur disposition au sein de ces juridictions. Le gouvernement sera également particulièrement attentif à toute réforme procédurale qui apparaîtrait nécessaire pour améliorer les délais de traitement des affaires. Plus globalement la garde des sceaux a souhaité engager une réflexion sur l'ensemble des juridictions sociales.
Auteur : Mme Cécile Untermaier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 9 avril 2013
Dates :
Question publiée le 11 décembre 2012
Réponse publiée le 11 juin 2013