politique agricole
Question de :
M. Bertrand Pancher
Meuse (1re circonscription) - Union des démocrates et indépendants
M. Bertrand Pancher appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur la crise agricole. Le salon de l'agriculture vient juste de refermer ses portes. Près de dix jours durant lesquels la presse nationale a vanté une agriculture qui innove et investit. On en oublierait presque l'autre face de l'agriculture, celle des éleveurs surendettés, victimes de l'effondrement du prix du lait, de la viande, des céréales qui ont crié leur désespoir pendant ce salon. La crise profonde et durable de l'agriculture est celle de notre modèle agricole. La qualité des produits ne cesse de s'améliorer alors que les revenus de nos agriculteurs sont de plus en plus incertains. D'ailleurs, nombre d'entre eux vont même jusqu'à perdre de l'argent en travaillant. Les aides conjoncturelles ne sont qu'un pansement sur une jambe de bois et ne répondent pas aux problématiques de nos agriculteurs qui veulent vivre de leur travail et non pas d'aides. Les annonces ne suffisent plus. A quand le versement du solde de la PAC 2015, à quand le décret relatif à la baisse des cotisations ? Notre modèle agricole doit se réinventer au travers de mesures structurelles afin de donner de la visibilité à nos éleveurs et producteurs, c'est une question de survie pour nos agriculteurs et pour tout un secteur qui fait la fierté de la France à l'étranger. Aussi, il souhaiterait connaître sa position sur la nécessité de mesures structurelles et fortes indispensables sur le plan national et européen - notamment en direction de mécanismes de régulation des prix permettant à nos agriculteurs de vivre avec un revenu décent - et sur la nécessité d'une nouvelle PAC permettant d'allier compétitivité et performance technique.
Réponse en séance, et publiée le 30 mars 2016
NOUVELLES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour exposer sa question, n° 1355, relative aux nouvelles orientations de la politique agricole commune.
M. Bertrand Pancher. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, je vous remercie tout d'abord pour votre présence.
On a sans doute trop longtemps cru que l'agriculture était un mode de production comme un autre. Exposée de plus en plus à l'internationalisation des échanges, elle subit, comme les autres modes de production, de grands aléas économiques, auxquels s'ajoutent les aléas climatiques et politiques. Il devient dès lors nécessaire d'encadrer cette production par des mesures structurelles, qui ont peut-être été trop oubliées au niveau européen.
En réponse à la crise qu'elle connaît, la profession agricole attendait des engagements nationaux, dont certains ont été salués. Il s'agit en particulier du différé de paiement des charges, de la diminution des cotisations pour que notre modèle soutienne la comparaison sur le plan européen, ou encore de la concertation, notamment avec la grande distribution. Des réflexions et des évolutions sont également en cours à l'échelon européen.
Cependant, comment se matérialiseront les mesures conjoncturelles qui ont été décidées ? La profession agricole attend tout particulièrement le décret relatif à la baisse des cotisations, le versement du solde des aides pour l'année 2015 au titre de la politique agricole commune et, surtout, la vision de la France et de l'Europe s'agissant de l'évolution de cette dernière.
En 2017, nous serons en effet à mi-chemin de la PAC. La crise que nous venons de subir a montré que la régulation avait eu peu d'incidence sur les prix. Aussi, monsieur le ministre, quelles mesures structurelles, fortes et indispensables, envisagez-vous, sur le plan tant national qu'européen, visant notamment les mécanismes de régulation des prix, pour permettre à nos agriculteurs de vivre avec un revenu décent ? À quand une nouvelle PAC qui allierait compétitivité et performances techniques ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, l'agriculture évolue aujourd'hui dans un contexte européen et mondialisé. J'en veux pour preuve le fait que la France exporte 8 milliards de litres de lait sur le marché européen et international, alors qu'elle en produit 24 à 25 milliards. L'agriculture est ainsi soumise à des fluctuations, à une volatilité des prix extrêmement forte, liée au monde dans lequel nous vivons.
S'y ajoutent, comme vous l'avez rappelé, des aléas climatiques qui, d'une année sur l'autre, peuvent bouleverser l'offre agricole. Je pense évidemment aux précipitations, mais aussi à des événements les inondations – de plus en plus fréquentes –, dont le Gouvernement doit gérer les conséquences, avec la profession agricole.
Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de continuer à faire évoluer la politique agricole commune. Je présenterai des propositions à cet égard lors du conseil informel qui doit se tenir en avril, à Amsterdam. Nous poursuivons deux objectifs : d'une part, celui de mutualiser les moyens, afin de faire face aux aléas ; d'autre part, celui de renforcer les règles environnementales, en essayant le plus possible d'exonérer de certaines normes actuelles les modèles de production positifs et performants en termes environnementaux. Ces propositions seront donc incitatives, afin qu'un plus grand nombre d'agriculteurs s'engagent dans cette voie. Les débats auxquels j'ai pu participer ici ou là ont montré combien cette évolution était nécessaire.
À cette architecture générale viendront s'ajouter des mécanismes pour renforcer les filets de sécurité. Heureusement, la France a retrouvé des moyens pour essayer de réguler la production. Comme je l'ai rappelé, nous connaissons aujourd'hui une période de surproduction, notamment en ce qui concerne le lait : alors que 40 000 tonnes de poudre de lait avaient été stockées en 2015, 52 000 tonnes l'ont été, en deux mois et demi, en 2016. Des mécanismes d'alerte et de correction de la trajectoire à l'échelle européenne sont donc nécessaires.
En ce qui concerne l'action du Gouvernement, j'ai signé le décret relatif à la baisse des cotisations pour les agriculteurs, le 23 mars. Quatre autres ministres doivent bientôt faire de même. Ce décret prévoit dix points de baisse de cotisations, pour que ce taux rejoigne la moyenne européenne : trois points résultent du pacte de responsabilité, et les sept points supplémentaires ont été décidés par Premier ministre. Nous avançons donc : au total, la baisse de cotisations représentera 1,8 milliard d'euros, sur les quatre années passées. Cette mesure, qui est sans précédent par rapport aux autres années, emportera de fortes conséquences en termes de compétitivité.
S'agissant de la politique agricole commune, sa mise en œuvre a pris du retard, en raison d'un apurement, lié à une correction demandée par l'Europe sur les versements des aides précédents, de 2006 à 2010 et de 2010 à 2012. Cet apurement nous a obligés à revoir le registre parcellaire graphique, donc à photographier à nouveau l'ensemble des exploitations françaises. En 2015, le versement des aides, notamment l'apport de trésorerie remboursable – ATR – a également pris du retard. Cette année, nous faisons tout pour que le processus normal s'enclenche et que les aides soient versées en temps et en heure. Les agriculteurs devront donc recevoir des avances à l'automne et le solde des aides, en décembre 2016.
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse concernant le décret sur la diminution des charges, mais également d'insister sur la nécessité d'éviter toute surtransposition des directives européennes. Nous devons être très vigilants sur ce point très important.
Tous les acteurs considèrent qu'un nouveau mécanisme de rééquilibrage de notre politique agricole commune est nécessaire. Il faut rappeler, notamment aux Français, que le fonctionnement de la PAC connaît une dérive : de ce fait, elle ne satisfait personne actuellement.
Auteur : M. Bertrand Pancher
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2016