14ème législature

Question N° 1365
de M. Bernard Gérard (Les Républicains - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Finances et comptes publics
Ministère attributaire > Finances et comptes publics

Rubrique > consommation

Tête d'analyse > sécurité

Analyse > contrefaçon. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 22/03/2016
Réponse publiée au JO le : 01/04/2016 page : 2622

Texte de la question

M. Bernard Gérard interroge M. le ministre des finances et des comptes publics sur la lutte contre la contrefaçon qui participe au financement du terrorisme. Le mois dernier, il a visité avec son collègue député du Maine-et-Loire, dans le cadre du groupe d'études textile et industrie de main-d’œuvre dont il est président, le site d'Aubervilliers qui est le plus grand hub européen de commerce de textile et par conséquent un haut lieu de la contrefaçon internationale. Un rapport de l'Unifab, association française de lutte anti-contrefaçon, sur la « contrefaçon et le terrorisme » a été remis au ministre il y a peu. Cette publication démontre que la contrefaçon constitue aujourd'hui un mode de financement privilégié des groupes terroristes. Aujourd'hui, chacun doit comprendre que les conséquences de la contrefaçon vont au-delà de la seule atteinte aux intérêts particuliers des titulaires de droits : c'est l'intérêt général tout entier qui est mis en péril. Le décalage entre la réalité de la contrefaçon et son traitement par les institutions françaises, européennes et internationales est incompréhensible. Il lui demande donc quelles sont les actions que le Gouvernement entend prendre afin de lutter efficacement contre la contrefaçon.

Texte de la réponse

CONTREFAÇON ET FINANCEMENT DU TERRORISME


M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour exposer sa question, n°  1365, relative à la contrefaçon et au financement du terrorisme.

M. Bernard Gérard. En février dernier, j'ai visité avec mon collègue Serge Bardy, dans le cadre du groupe d'études « Textile et industries de main-d'œuvre », que je préside, le site d'Aubervilliers, qui est le plus grand hub de commerce de textile d'Europe, mais aussi un haut lieu de la contrefaçon internationale. Il faut y aller pour mesurer l'ampleur du phénomène.

La contrefaçon porte atteinte aux entreprises, à l'innovation, aux consommateurs, mais aussi aux États, qui enregistrent des pertes de recettes fiscales. Plus spécifiquement, la contrefaçon est largement organisée par de grands réseaux criminels et contribue au financement direct de groupes terroristes tels que l'IRA, l'ETA, Al-Qaïda et Daech.

C'est ce que détaille un rapport édifiant de l'Unifab, association française de lutte anti-contrefaçon, sur la contrefaçon et le terrorisme, qui vous a été remis il y a peu.

C'est pourquoi je souhaite vous interroger aujourd'hui sur le lien entre la contrefaçon et le terrorisme, et sur la manière dont nous devons lutter simultanément contre ces deux fléaux.

Aujourd'hui, chacun comprendra que les conséquences de la contrefaçon vont au-delà de la seule atteinte aux intérêts particuliers des titulaires de droits : c'est l'intérêt général tout entier qui est mis en péril. Le décalage entre la réalité de la contrefaçon et son traitement par les institutions françaises, européennes et internationales est incompréhensible. Il est donc urgent d'adopter des mesures efficaces pour lutter contre la contrefaçon.

Plusieurs propositions sont à étudier : harmoniser les législations en alignant les sanctions pénales au niveau européen ; condamner la contrefaçon comme financement du terrorisme ; spécialiser les juridictions, en confiant par exemple des compétences à un nombre réduit de tribunaux correctionnels, mais aussi en formant les magistrats de manière spécialisée ; sensibiliser les acteurs de l'internet ; améliorer la réponse opérationnelle en intégrant la lutte anti-contrefaçon dans les indicateurs de performance des policiers afin d'en faire un réflexe institutionnel, mais aussi éviter toute disposition qui faciliterait le travail des contrefacteurs et rendrait la copie plus facile, comme les emballages neutres.

Quelles actions comptez-vous mener pour lutter efficacement contre la contrefaçon ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le député, je vous prie d'excuser Christian Eckert, qui m'a chargée de vous répondre.

L'arsenal réglementaire en matière de lutte contre la contrefaçon s'est considérablement étoffé ces dernières années, avec l'entrée en vigueur au 1er janvier 2014 du règlement qui autorise la douane à agir sur l'ensemble des droits de propriété intellectuelle et qui instaure une procédure de destruction simplifiée.

La loi du 11 mars 2014 a, quant à elle, complété les dispositions du code de la propriété intellectuelle afin de renforcer les moyens d'action de cette administration et d'aligner la retenue des marchandises de statut communautaire sur celle des marchandises en frontière extracommunautaire. Elle étend également la procédure dite « du coup d'achat » à tous les droits de la propriété intellectuelle.

Enfin, l'adoption du règlement et de la directive dits « Paquet marque » à la fin de l'année 2015 permet la mise en œuvre de contrôles sur les marchandises tierces en transit ou en transbordement soupçonnées de porter atteinte à une marque enregistrée à l'échelle nationale ou communautaire. Ces contrôles avaient été interrompus depuis fin 2011 suite à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne.

L'aboutissement de ces textes constitue donc une avancée importante dans la lutte contre la contrefaçon et témoigne d'une juste prise de conscience des enjeux de la lutte contre les contrefaçons aux niveaux communautaire et national.

Nous sommes donc mobilisés contre ces trafics, qui constituent souvent un vecteur de financement de la criminalité organisée dont fait partie le terrorisme : vous l'avez évoqué.

Dans le cadre des enquêtes menées par les douanes, il a pu être mis en évidence la présence d'individus radicalisés et l'existence de liens entre les bénéfices tirés d'une activité illégale et l'acquisition d'armes, ou encore le financement de départs de ces individus vers des zones de conflit. Le trafic de contrefaçons s'inscrit donc dans une logique de diversification des activités et des revenus dont le produit, nous le savons, sert à alimenter une économie souterraine parfois liée à des opérations ou à des groupes terroristes.

C'est pourquoi le Gouvernement reste très vigilant concernant la lutte contre le trafic de contrefaçons, comme le démontrent les saisies réalisées par les services douaniers tout au long de l'année 2015 : ce sont 7,7 millions d'articles qui ont été saisis.

La création de la structure interministérielle appelée de ses vœux par la Cour des comptes et dont le principe a été acté par le Premier ministre permettra de coordonner encore davantage l'action publique sur la lutte contre la contrefaçon, autour d'orientations stratégiques communes, en accroissant également l'efficacité des différents services de l’État qui interviennent dans la lutte contre le trafic de contrefaçons.