petit commerce
Question de :
Mme Lucette Lousteau
Lot-et-Garonne (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Lucette Lousteau attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire sur la disparition progressive des tabacs-presse en zones rurales, notamment dans le département du Lot-et-Garonne. Or l'avenir de la presse passe par celui des points de vente qui la distribuent. En outre, ces petits commerces sont souvent le dernier rempart contre la désertification rurale et constituent un vecteur important de lien social. Ils font face à de nombreuses et importantes contraintes (approvisionnement, assortiment, rémunération etc.), qui provoquent leur disparition progressive des petites communes, où ils sont rarement repris en raison de l'investissement conséquent qu'un tel point de vente représente. Il est donc essentiel pour les tabacs-presse de se diversifier autour de plusieurs activités (presse, tabac, jeux, téléphonie, services etc.). Pour faciliter la reprise de ces points de vente, le décret du 28 juin 2010 permet de déroger, dans les communes rurales, à la condition de pleine et entière propriété du fonds de commerce (obligatoire dans le cas de distribution de tabac), mais dans des conditions trop restrictives. En effet, dans ces communes, l'installation d'un tabac-presse n'est possible, dans le cadre d'un contrat de location-gérance, que lorsqu'il est conclu avec une personne publique, sauf en zone de revitalisation rurale où ce contrat peut aussi être conclu avec une personne privée. Afin de favoriser la reprise des tabacs-presse qui ferment en zones rurales, elle demande ce qu'est la position du Gouvernement à l'égard de la suggestion des distributeurs de presse spécialistes, qui proposent d'étendre la possibilité de location-gérance, avec une personne publique ou privée, à l'ensemble des communes rurales (au sens des dispositions du code général des collectivités territoriales). Si une telle solution était retenue, dans les communes rurales, un tabac-presse pourrait donc être exploité sous le régime de la franchise ou sous celui de la location-gérance, avec une personne publique ou privée.
Réponse en séance, et publiée le 1er avril 2016
EXPLOITATION DES TABACS-PRESSE EN ZONE RURALE
M. le président. La parole est à Mme Lucette Lousteau, pour exposer sa question, n° 1378, relative à l'exploitation des tabacs-presse en zone rurale.
Mme Lucette Lousteau. Depuis plusieurs années, la presse écrite subit un fort recul de la vente au numéro, qui a pour conséquence directe la baisse importante du nombre de points de vente des magasins de presse : 1 000 d'entre eux ont ainsi disparu l'an dernier.
Les diffuseurs de presse spécialiste jouent un grand rôle dans les services de proximité. Implantés dans les petites communes, ces commerces sont le dernier rempart contre la désertification rurale et constituent un vecteur important de lien social : ils contribuent ainsi à lutter contre l'isolement, voire à combler certaines fractures territoriales grâce aux services diversifiés qu'ils apportent.
Ces petits commerces font face à de nombreuses et importantes contraintes, qui les fragilisent et compromettent leur reprise, compte tenu de l'investissement important que celle-ci représente.
Pour faciliter leur reprise, le décret du 28 juin 2010 permet déjà de déroger, dans les communes rurales, à la condition de pleine et entière propriété du fonds de commerce, mais dans des conditions restrictives. En effet, dans ces communes, l'installation d'un tabac-presse n'est possible, dans le cadre d'un contrat de location-gérance, que lorsqu'il est conclu avec une personne publique, sauf en zone de revitalisation rurale où ce contrat peut aussi être conclu avec une personne privée.
En raison des difficultés de maintien de ces petits commerces, des distributeurs de presse suggèrent d'étendre cette possibilité de location-gérance auprès d'une personne publique ou privée à l'ensemble des communes rurales, au sens des dispositions du code général des collectivités territoriales.
Que pensez-vous, madame la secrétaire d’État, de cette proposition ? Pouvez-vous nous confirmer la volonté du Gouvernement de favoriser la reprise de ces commerces de proximité en zone rurale et nous préciser comment il envisage de procéder ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Madame la députée, comme vous le savez, le Gouvernement est très sensible aux difficultés économiques et sociales rencontrées par les diffuseurs de presse, profession indispensable à la liberté d'expression, à la circulation des idées et à la vitalité du débat démocratique de notre pays. Sans marchands, pas de presse.
L'État soutient donc résolument les quelque 25 000 marchands de presse – notamment les quelque 7 700 tabacs-presse et 5 700 bars-tabacs-presse – qui œuvrent quotidiennement sur notre territoire national. Nous avons conscience des défis majeurs qui se présentent à eux alors que les habitudes de consommation évoluent et que l'offre numérique d'information de développe.
L'ensemble du secteur doit faire face à une forte tendance baissière qui le fragilise : -11 % par an pour la vente au numéro des quotidiens, -7,5 % par an pour les magazines sur la période 2012-2018 selon les prévisions du Conseil supérieur des messageries de presse.
Les diffuseurs de presse sont particulièrement fragilisés par cette évolution des modes d'information. Cela aboutit à une diminution régulière du nombre de points de vente – de l'ordre de 1 000 par an actuellement, notamment dans les zones rurales, vous avez raison.
Une aide publique à la modernisation des diffuseurs de presse existe depuis 2004 afin de les soutenir. Cette subvention directe à l'investissement est accordée sous certaines conditions aux diffuseurs qui souhaitent informatiser leur point de vente ou moderniser leur mobilier. Avec une aide moyenne par projet de 2 800 euros, environ 1 400 subventions ont été versées en 2015 pour un montant total d'aides de 3,76 millions d'euros.
Les projets informatiques représentent trois quarts des projets subventionnés ; un quart sont des projets de modernisation du mobilier. L'aide pour l'informatisation des kiosques a été majorée depuis 2013.
En outre, les collectivités locales peuvent appuyer l'implantation des marchands de presse indépendants et spécialistes en les exonérant de contribution économique territoriale. Cette aide est importante pour chaque diffuseur – de l'ordre de 650 euros en moyenne – mais le nombre de communes ou intercommunalités qui se sont saisies de cette faculté reste malheureusement faible, la mesure ne bénéficiant qu'à 3 000 marchands sur 11 500 spécialistes environ.
Dans ce contexte difficile, un ensemble de mesures destiné au réseau de marchands de journaux sera prochainement annoncé. Devraient y figurer, entre autres, la capacité pour les marchands de presse indépendants et spécialistes de se tourner vers l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles afin d'obtenir un prêt et une garantie bancaire pour créer ou reprendre une activité de vente de presse.
Concernant votre question sur la réglementation propre à l'installation des tabacs, les textes réglementaires fixant les conditions d'accession à la fonction de débitant de tabac exigent que le débitant ait la pleine et entière propriété du fonds de commerce associé au débit.
Comme vous l'avez rappelé, il peut être dérogé à cette condition dans les communes rurales en cas de contrat de location-gérance conclu avec une commune ou un groupement de communes. Si la commune est située en zone de revitalisation rurale, le contrat de location-gérance peut, par dérogation supplémentaire, être conclu avec une personne privée.
La proposition des distributeurs de presse spécialistes d'étendre la location-gérance d'un débit de tabac avec une personne publique ou privée à l'ensemble des communes rurales conduirait, d'une part, à élargir géographiquement le champ d'application de cette dérogation – le contrat de location-gérance pourrait désormais être conclu avec une personne privée même en dehors des zones de revitalisation rurale – et, d'autre part, à l'étendre au regard de la qualité du propriétaire du fonds de commerce, qui pourrait désormais être toute personne publique, et non plus uniquement une commune ou un groupement de communes.
Cette proposition emporterait une extension significative des dérogations à la condition de pleine et entière propriété de nature à vider de son contenu cette exigence supplémentaire sur une large portion du territoire. Or il s'agit là d'un élément substantiel du régime de monopole de la distribution de tabac confié par l'État au réseau de préposés de l'administration que sont les débitants. C'est la raison pour laquelle l'État, ainsi d'ailleurs que la Confédération nationale des buralistes, sont opposés à une extension non maîtrisée du modèle de location-gérance.
Auteur : Mme Lucette Lousteau
Type de question : Question orale
Rubrique : Commerce et artisanat
Ministère interrogé : Commerce, artisanat, consommation et économie sociale et solidaire
Ministère répondant : Budget
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2016