agrobiologie
Question de :
Mme Isabelle Bruneau
Indre (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Isabelle Bruneau interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur l'avenir et le développement des filières de production agricole raisonnée et biologiques en matière d'élevage en particulier. Le développement des circuits courts, le soutien à l'installation, l'accompagnement financier, la reconnaissance des spécificités du secteur, la traçabilité : la liste des réformes engagées favorisant développement de ces filières est longue. Elles permettent d'assurer au consommateur une qualité de production et aux exploitants un revenu décent à défaut d'être confortable. Cela en protégeant la spécificité agricole française. Elle aimerait connaître les orientations futures du ministère qui permettraient de valoriser cette exception qualitative, tant sur le plan d'une fiscalité spécifique que sur la mise en place effective des circuits courts et la valorisation des producteurs dans le cadre des appels d'offres publics.
Réponse en séance, et publiée le 1er avril 2016
MESURES EN FAVEUR DES FILIÈRES DE PRODUCTION AGRICOLE RAISONNÉES ET BIOLOGIQUES
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Bruneau, pour exposer sa question, n° 1385, relative aux mesures en faveur des filières de production agricole raisonnées et biologiques.
Mme Isabelle Bruneau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Les exploitants agricoles de mon département participent, à leur échelle et malgré leurs contraintes, à la défense et à la promotion d'un modèle agricole soucieux de la sécurité environnementale, alimentaire et sociale. La plupart des exploitations y sont de taille réduite et humaines, et la production, l'élevage notamment, de qualité.
Cependant, ces exploitations, les plus fragiles, en termes de taille de production ou de trésorerie, sont également les plus vulnérables. Ce monde agricole, celui des exploitants propriétaires, a subi les conséquences d'une orientation politique choisie entre 2002 et 2012. Celle-ci a conforté la concentration des acheteurs, le renchérissement du foncier et la recherche à tout prix de marges bénéficiaires de plus en plus importantes, sans que celles-ci ne soient réinvesties. Surtout, elle a conduit à abandonner progressivement tout mécanisme de régulation.
Face à ces crises, et au-delà des mesures d'urgence indispensables, nous avons choisi depuis 2012 de protéger et de promouvoir un modèle agricole d'exception. Il est incarné, notamment dans le cadre des négociations commerciales, par la diplomatie des terroirs que M. le ministre de l'agriculture et M. Matthias Fekl défendent. Il est soutenu, également, par l'action déployée par les services de l'État.
Vous avez – nous avons – hérité d'une situation qui n'interdit pas de développer les bases d'un autre modèle agricole. L'une des pierres angulaires en est le développement des circuits courts qui peut permettre, entre autres, d'assurer un prix d'achat stable et un revenu décent à défaut d'être confortable.
Ce modèle de développement, voire de société, nous l'assumons notamment en soutenant les initiatives des exploitants et des territoires par de nouvelles aides financières ; en renforçant la capacité de la puissance publique de s'approvisionner en produits locaux ; ou, plus récemment, en adoptant en première lecture dans cet hémicycle la proposition de loi de notre collègue Brigitte Allain.
Il reste cependant beaucoup à faire. Je vous remercie donc d'exposer les orientations futures du ministère qui permettraient de valoriser cette exception qualitative. Quelle fiscalité spécifique peut-on aménager à cette fin ? Peut-on envisager que les industriels paient aux producteurs un prix différencié selon que le lait ou la viande d'origine française est destiné au marché intérieur ou mondial ? Comment valoriser les petits producteurs dans le cadre des appels d'offres publics ? Pouvez-vous apporter des précisions sur la « boîte à outils » pour les acheteurs publics en restauration collective ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la députée, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser le ministre de l'agriculture, qui m'a chargée de vous répondre. Cela étant, votre question porte sur un sujet qui concerne tous les ministères, tant ce Gouvernement est impliqué dans la défense des productions agricoles françaises et locales.
Commençons par les appels d'offres publics, au sein du service des achats de l'État comme au sein de la restauration collective dont les collectivités ont la charge. Je me dois d'abord de rappeler que le ministre de l'agriculture avait, dès décembre 2014, élaboré un guide juridique à destination de tous les donneurs d'ordres de restauration collective publique, afin de les aider à promouvoir nos productions locales dans leurs achats alimentaires. En effet, le code des marchés publics, modifié à plusieurs reprises, offre de nombreuses possibilités en la matière : élaborer des lots de taille adaptée aux filières d'approvisionnement locales afin de ne pas exclure des appels d'offres les petites et moyennes entreprises agricoles et agroalimentaires des territoires ; favoriser les approvisionnements en produits frais plutôt qu'en surgelés ; ou encore cibler dans les cahiers des charges les spécifications techniques et les signes de qualité spécifiques à nos productions, qui peuvent légitimement être recherchés lors de la commande.
L'ancrage territorial de l'alimentation – de la production agricole jusqu'à la consommation, en passant par la transformation et la distribution – est l'un des quatre axes stratégiques de la politique nationale de l'alimentation conduite par le Gouvernement. La restauration publique représente un levier particulièrement important à travers les 3 milliards de repas qui y sont servis chaque année. C'est pourquoi, dans le cadre des réponses que nous avons pu apporter à la crise agricole que traverse notre pays, le Gouvernement encourage tous les services de l'État, ainsi que les collectivités à développer les approvisionnements alimentaires locaux dans les cantines.
Le 7 octobre 2015, le cabinet du Premier ministre a envoyé à tous les directeurs d'administration de l'État et aux préfets une circulaire leur demandant de bien vouloir revoir leur politique d'achats alimentaires à l'aune de cette nouvelle exigence, en s'appuyant notamment sur les opportunités offertes par le guide juridique publié fin 2014. Ce courrier a été complété fin 2015 par le lancement d'un grand recensement des marchés publics relevant de la responsabilité de l'État et de ses opérateurs, afin de piloter au plus près le renouvellement des contrats en cours. Le repérage des appels d'offres publiés par l'État est par ailleurs favorisé par leur centralisation progressive sur le site www.marches-publics.gouv.fr.
Plus récemment, le ministre chargé de l'agriculture a annoncé la mise en place, d'ici l'été, d'une « boîte à outils » complète et très concrète qui aidera toutes les collectivités à prendre des décisions susceptibles de favoriser les produits locaux dans les cantines. Cette « boîte à outils », élaborée en concertation avec les filières professionnelles et les responsables de restauration collective, comprendra en particulier des rédactions de clauses types que peuvent comprendre les appels d'offres, spécifiques à chaque filière, qui permettront de renforcer la présence des produits locaux dans les plats préparés en restauration collective.
Enfin, parce que le développement des approvisionnements locaux dans la restauration collective dépend avant tout de la mobilisation des acteurs des territoires, vingt et un projets ont bénéficié d'un appui dans le cadre de l'appel à projets 2015 du programme national de l'alimentation, pour un soutien cumulé de l'État de plus de 700 000 euros. Les agglomérations de Nantes et de Rennes, et le département de la Gironde ont notamment été aidés dans leurs démarches, ainsi que des associations et des établissements publics.
Vous le voyez, le Gouvernement met tout en œuvre pour permettre le développement de nos filières de qualité dans la restauration hors foyer. C'est un enjeu important pour recréer des liens entre producteurs et consommateurs et pour améliorer la qualité des produits servis dans les cantines, mais également une vraie opportunité pour structurer davantage les capacités de production dans nos territoires.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Bruneau.
Mme Isabelle Bruneau. Merci pour ces précisions, madame la secrétaire d'État. Je voudrais remercier M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt pour la force d'action dont il fait preuve dans la promotion d'un modèle de développement agricole tenable et soutenable, qui montre qu'on peut produire, consommer et acheter autrement, et que la grande dimension a ses limites.
Auteur : Mme Isabelle Bruneau
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2016