14ème législature

Question N° 1390
de M. Alain Bocquet (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Économie, industrie et numérique

Rubrique > industrie

Tête d'analyse > matériel de transports

Analyse > industrie ferroviaire. perspectives.

Question publiée au JO le : 19/04/2016
Réponse publiée au JO le : 27/04/2016 page : 2794

Texte de la question

M. Alain Bocquet interroge M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la situation et le risque d'abandon de la filière ferroviaire française, et sur la stratégie industrielle à mettre en œuvre pour développer ce secteur de haute technologie de notre économie et les 30 000 emplois qui en dépendent.

Texte de la réponse

FILIÈRE FERROVIAIRE FRANÇAISE


Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet, pour exposer sa question, n°  1390, relative à la filière ferroviaire française.

M. Alain Bocquet. Cette question s'adresse à M. Macron, qui n'est pas là. L'industrie française de matériel ferroviaire est en panne. Lors d'une réunion du comité stratégique de cette filière, le 11 janvier 2013, dans le Valenciennois, un espoir était né. On ne pouvait que se féliciter d’entendre, de la bouche des trois ministres présents, des expressions telles que : « bichonner les PME de l'industrie ferroviaire », « mettre les bouchées doubles sur l'innovation technologique », « défendre le patriotisme économique », « reconquérir les marchés délocalisés », « le TGV du futur », « 5 à 6 milliards d'euros de commandes potentielles ».

Depuis, c'est l'immobilisme, pour une industrie que l'austérité frappe de plein fouet. Le président de la Fédération des industries ferroviaires – la FIF –, Louis Nègre, vient de lancer un cri d'alarme sur « le risque d'une perte de 10 000 à 15 000 emplois » dans ce secteur. Selon lui, « si rien ne se passe, […] le chiffre d'affaires sur le matériel roulant devrait être divisé par trois à l'horizon 2020 ». Quant aux plans de charge d'Alstom, Bombardier et de leurs fournisseurs, ils donnent une visibilité jusqu'à la mi-2017. Après, c'est le vide.

La décision gouvernementale, dénoncée par les syndicats, de ne pas inscrire dans le cadre du contrat porteur existant le renouvellement des trains d'équilibre – 270 commandés sur 1 000 – et d'ouvrir la porte, par la relance d'un appel d'offres, à des concurrents allemands ou espagnols, en dit long sur le renoncement national.

Il est temps aussi de débloquer la politique d'achat des régions en leur en donnant les moyens, de diversifier l'activité en travaillant sur de nouveaux matériaux et sur l'intermodalité.

Troisième industrie ferroviaire mondiale, la France peine à garder son rang, faute d'une stratégie industrielle et d'une impulsion politique à la hauteur des enjeux. Innovation et production doivent en être les maîtres mots.

Quelles mesures urgentes le Gouvernement va-t-il prendre pour arrêter cette mort lente que constitue l'abandon de notre industrie ferroviaire, une industrie d'avenir, pourtant, et un atout pour l'Europe ?

M. Christian Hutin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique. Monsieur le député, non, M. Macron n'est pas là, j'en suis comme vous désolée ; il est, paraît-il, occupé à marcher !

Notre industrie ferroviaire se classe au troisième rang mondial, derrière la Chine et l'Allemagne, 21 000 emplois directs et 84 000 emplois induits sont concernés. Elle réalise 70 % de son chiffre d'affaires sur son marché intérieur pour 2,8 milliards d'euros, et exporte pour 1,2 milliard d'euros.

La filière bénéficie d'une croissance du marché mondial de 2,8 %, attendue sur les six prochaines années. Cependant, le marché européen est devenu mature : la filière française va rencontrer, nous le savons, un creux très important dans la période allant de 2017 à 2019, qui menace 10 000 emplois.

M. Alain Bocquet. Eh oui !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Alain Vidalies et Emmanuel Macron ont réuni le comité stratégique de la filière ferroviaire le 20 juillet 2015 pour faire le point sur cette situation difficile avec l'ensemble des acteurs de la filière ferroviaire, à commencer par la FIF, les industriels, les acteurs de l'ingénierie mais aussi les grands opérateurs tels que SNCF Mobilités ou la RATP. Les cabinets ont tenu plus récemment, fin mars, une réunion de travail avec ces mêmes acteurs.

Face à ce constat, le Gouvernement s'est mis en ordre de bataille pour soutenir la filière française. Tout d'abord, il existe à moyen et long termes des perspectives de commandes significatives, notamment dans le cadre du Grand Paris, que la puissance publique s'attache à concrétiser le plus rapidement possible : un marché de 2 milliards d'euros a été attribué récemment à Alstom pour la livraison de rames de métro sur pneumatiques.

Les appels d'offres lancés du RER NG et des métros du Grand Paris représentent eux aussi un montant à attendre et un volume d'emplois très conséquent pendant une dizaine d'années. Le Gouvernement prévoit également le remplacement d'ici à 2025 des trains Corail des lignes TET structurantes, pour un montant de 1,5 milliard d'euros.

Sans attendre, ce sont déjà trente-quatre rames Régiolis qui ont été commandées en septembre 2013 à Alstom pour un montant de 510 millions d'euros et dont les premières ont été livrées fin 2015.

Le Gouvernement s'emploie aussi à accompagner le déploiement des acteurs de la filière française sur les marchés d'exportation : des prêts RPE – Réserve pays émergents – ont été accordés par l'État au cours des deux dernières années pour les projets ferroviaires français à l'étranger. La filière ferroviaire a représenté à elle seule le tiers de l'ensemble des dossiers soutenus.

À titre d'exemple, la vente de quatorze rames à grande vitesse au Maroc, soutenue par l'État par un prêt de 350 millions d'euros dans le cadre de la RPE fin 2012, a permis de donner 120 000 heures de travail au site d'Alstom de Belfort.

Ensuite, le Gouvernement soutient l'innovation et investit pour l'avenir. L'institut de recherche technologique Railenium, outil structurant de la recherche et développement de la filière ferroviaire, bénéficie d'un soutien actif et conséquent du programme des investissements d'avenir – les PIA – à hauteur de 80 millions d'euros. Le Gouvernement a également lancé l'an dernier l'appel à projets « Transports ferroviaires » de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – l'ADEME –, doté de 50 millions d'euros au titre des investissements d'avenir.

En complément de ce guichet, nous avons également ouvert le concours « Initiatives PME transport » pour soutenir les PME innovantes dans le domaine du ferroviaire, à hauteur de 200 000 euros de subvention chacune. Je rappellerai enfin l'investissement avisé de l'État, à hauteur de 127 millions d'euros, dans le développement des technologies du TGV du futur pour son marché national aussi bien que pour l'export.

Enfin, en parallèle de ces solutions d'ordre offensif, nous avons mobilisé l'ensemble des préfets de région, par une circulaire de juillet 2015, pour qu'ils mettent en place dans chaque région une task force, autrement dit une force de travail réunissant les acteurs des territoires – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, conseil régional, clusters, ou encore chambres de commerce et d'industrie – pour visiter les principaux sites industriels de la filière ferroviaire, qu'il s'agisse de grands constructeurs, des équipementiers ou des sous-traitants, pour leur proposer des accompagnements adaptés.

À ce jour, ces équipes-projets ont visité plus de soixante sites industriels ; nous construisons ainsi actuellement une connaissance plus fine des difficultés de la filière et les DIRECCTE ont déjà pu accompagner les acteurs les plus vulnérables, par exemple en proposant des diagnostics, des solutions de gestion de la trésorerie ou encore le recours à la médiation inter-entreprises.

Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est actif, sur le mode tant défensif qu'offensif.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Vous venez de faire beaucoup d'annonces, madame la secrétaire d'État, mais sur le terrain, les constructeurs, les fournisseurs et les sous-traitants attendent des concrétisations. Or il y a loin de la coupe aux lèvres.

En juin 2011, un rapport résultant d'une commission d'enquête parlementaire, unanime sur le sujet, a montré que l'industrie ferroviaire était à la croisée des chemins et qu'il fallait prendre des mesures rapides. Nous en sommes loin.