Question orale n° 1404 :
médecins

14e Législature

Question de : M. Xavier Breton (Auvergne-Rhône-Alpes - Les Républicains)

M. Xavier Breton appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la démographie médicale en France. Face à la prolifération de véritables déserts médicaux, le « Pacte territoire santé » de 2012, volet 1 et 2, a tenté d'apporter des réponses, notamment sur le numerus clausus ou sur le développement des maisons de santé pluri-professionnelles. Pour autant, de nombreux territoires restent en fragilité et l'accès au soin est encore compliqué, voire de plus en plus difficile selon la discipline. Ces premières mesures, issues du pacte, resteront insuffisantes et ne porteront pas leurs fruits si elles ne sont pas suivies d'autres pour venir à bout du retard considérable de la France en la matière. Il faut en effet tenir compte de l'évolution démographique importante dans certaines régions, comme dans le département de l'Ain, ainsi que de la durée d'études très longue pour former un médecin (9 ans). Par ailleurs, il apparaît aussi clairement que pour renforcer encore l'attractivité des territoires ruraux il faudra favoriser les regroupements et aller beaucoup plus loin dans l'accompagnement (animation dans les territoires pour créer une vraie dynamique de projet, questions juridiques selon les structures, etc.). Il faudra également moderniser considérablement les systèmes d'information et l'organisation du travail. Ainsi, sans renforcement sérieux des dispositifs et sans une approche globale de ces questions, de plus en plus de territoires vont se trouver véritablement en fragilité. Ce sera le cas de certains territoires ruraux s'agissant des soins primaires, mais ce sera aussi le cas en zone urbaine ou péri-urbaine où la question se pose également. Elle devient même préoccupante pour les spécialistes en ville, alors même que ces disciplines ne sont pas forcément assurées à l'hôpital. Ces difficultés ne concernent malheureusement pas exclusivement les médecins généralistes ou spécialistes. De nombreuses professions paramédicales commencent à faire défaut, entraînant des délais d'attente considérables rendant l'accès aux soins compliqué, voire parfois impossible. C'est le cas des masseurs kinésithérapeutes (suites opératoires compliquées, maintien à domicile de personnes âgées compromis) ou encore des orthophonistes (6 à 18 mois de délai pour un seul bilan). Dans ce contexte, il est grand temps de définir un plan d'envergure d'accès aux soins sur tous les territoires et comprenant l'ensemble des professions médicales et paramédicales. Aussi il lui demande quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il pour régler les carences ainsi évoquées, selon quel calendrier et selon quelles modalités (évolutions réglementaires et législatives, moyens financiers, identification des partenaires).

Réponse en séance, et publiée le 27 avril 2016

DÉSERTS MÉDICAUX
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour exposer sa question, n°  1404, relative aux déserts médicaux.

M. Xavier Breton. Je souhaite appeler l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la situation dramatique de la démographie médicale dans notre pays. Dans de nombreux territoires, comme le département de l'Ain, l'accès aux soins devient de plus en plus difficile. C'est le cas dans des territoires ruraux, comme la Bresse ou le Revermont, pour les soins dits « primaires », mais aussi en zone urbaine et périurbaine. La situation devient très préoccupante également – pour ne pas dire critique – en ville quand il s'agit de consulter un spécialiste.

Les difficultés concernent aussi de nombreuses autres professions de santé – je pense notamment aux masseurs kinésithérapeutes ou encore aux orthophonistes –, ce qui entraîne des délais d'attente considérables.

Face à cette situation inadmissible, l'analyse des enjeux est largement partagée.

Premièrement, l'exercice des activités de soins des médecins libéraux n'est pas assez moderne en ce qui concerne notamment l'organisation du travail ou l'utilisation des systèmes d'information.

Deuxièmement, l'activité des professionnels de soins primaires est sous-utilisée, notamment celle des médecins généralistes et des infirmiers.

La formation médicale ne prépare pas assez à l'organisation des soins ni à une approche territoriale de la santé.

Enfin, la rémunération à l'acte des médecins ne les incite sans doute pas assez à s'intéresser à de nouveaux modes d'organisation.

Le pacte territoire santé de 2012 a tenté d'apporter des réponses à l'extension des déserts médicaux, par exemple en incitant au regroupement des personnels de santé. Malheureusement, ces mesures demeurent insuffisantes. Il est grand temps de définir un plan d'envergure d'accès aux soins dans tous les territoires, pour l'ensemble des professionnels de santé.

Quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il de prendre ? Selon quel calendrier, quelles modalités réglementaires et avec quel moyens financiers seront-elles appliquées ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, comme je viens de le dire à votre collègue M. Taugourdeau, améliorer l'accès aux soins et réduire les inégalités entre les territoires sont des préoccupations majeures pour le Gouvernement, en particulier pour Marisol Touraine.

Je tiens à citer les résultats concrets du pacte territoire santé que celle-ci a lancé en 2012, et qui se montre très efficace.

Où en est-on aujourd'hui ? Plus de 1 750 étudiants ont signé un contrat d'engagement de service public. L'objectif fixé pour 2017 est donc d'ores et déjà dépassé. Je le rappelle : ce contrat s'adresse aux jeunes en formation, futurs médecins ou futurs dentistes. Il leur permet de bénéficier d'une bourse, en contrepartie d'une installation dans un territoire manquant de professionnels, pour une durée équivalente à celle de l'aide.

Voilà des années qu'on évoquait l'instauration de telles bourses. C'est chose faite. Nombre de régions ou de collectivités locales avaient déjà agi en ce sens, mais il existe désormais une mesure nationale, qui concerne presque 2 000 jeunes. Celle-ci jouera un rôle essentiel pour combler les manques constatés dans certaines régions.

Par ailleurs, près de 600 professionnels se sont installés dans des territoires déficitaires, grâce au contrat de praticien territorial de médecine générale, qui sécurise l'installation des jeunes médecins au cours de leurs deux premières années d'exercice.

Enfin, près de 800 maisons de santé pluriprofessionnelles maillent désormais le territoire. Leur nombre, qui a plus que triplé depuis 2012, atteindra le millier fin 2016 ou début 2017.

Que se passe-t-il exactement dans votre département de l'Ain ? Voici les chiffres.

Vingt-deux maisons de santé pluriprofessionnelles sont présentes dans le département, ce qui exerce indéniablement un effet attractif sur les jeunes professionnels, lesquels préfèrent travailler en groupe. Douze nouveaux médecins se sont installés dans des territoires en tension, grâce aux contrats de praticiens territoriaux de médecine générale.

Plusieurs contrats locaux de santé ont été signés, ce qui témoigne là encore de la mobilisation de l'agence régionale de santé et de ses partenaires.

Ces contrats ont des traductions concrètes en matière d'accès aux soins : dans le territoire du pays bellegardien, l'ouverture prochaine d'une structure préfiguratrice d'un centre de santé va renforcer la ressource médicale et répondre à des besoins en termes de prévention et d'accès aux soins pour les populations précaires.

Nous favorisons la diversité des modes d'exercice, puisque nous prévoyons à la fois des maisons de santé pluriprofessionelles, où l'on exerce la médecine libérale, et une structure préfiguratrice d'un centre de santé destiné à des populations plus précaires.

Il nous faut désormais conforter cette dynamique sur le court et moyen termes. C'est l'engagement qu'a pris Marisol Touraine à travers le pacte territoire santé 2, qu'elle a lancé au mois de novembre dernier.

Depuis 2012, grâce à ces mesures, de nombreux médecins ont pu se réinstaller dans les régions qui constituaient des déserts médicaux. Je ne doute pas que, dans quelques années, l'installation en territoire rural des 1 750 boursiers actuels se ressentira dans les départements, notamment dans l'Ain.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. En effet, les communes se mobilisent, en lien avec les professionnels, pour construire des maisons de santé pluriprofessionelles. Reste que je ne partage pas votre optimisme : la tendance n'est pas à l'amélioration de la situation, loin de là, ce qui prouve que les efforts sont largement insuffisants.

Données clés

Auteur : M. Xavier Breton (Auvergne-Rhône-Alpes - Les Républicains)

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 avril 2016

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