médecine du travail
Question de :
M. Michel Heinrich
Vosges (1re circonscription) - Les Républicains
M. Michel Heinrich interroge Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la formation des collaborateurs médecins au sein des services de santé au travail interentreprises (SSTI). Une pénurie de médecins du travail est constatée. Le statut de collaborateur médecin permet de recruter de nouveaux médecins, mais la formation actuelle est inadaptée pour les praticiens qui ont déjà une expérience comme les généralistes. Cette formation dure quatre années comme celle des étudiants qui ont choisi la spécialité médecine du travail et n'ont aucune expérience et elle implique le tutorat d'un médecin du travail, peu disponible du fait du sous-effectif chronique. Il conviendrait de raccourcir la durée de ce tutorat. Il souhaite également souligner un problème d'application réglementaire de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Contrairement aux décrets antérieurs concernant le statut de collaborateur médecin, la loi du 26 janvier 2016 stipule que le futur collaborateur médecin peut exercer les fonctions dévolues à un médecin du travail qualifié si son tuteur l'accepte formellement et si le praticien concerné s'engage à suivre la formation adéquate. Cette contradiction aggrave aussi la situation de pénurie et il lui demande une clarification règlementaire urgente.
Réponse en séance, et publiée le 25 mai 2016
FORMATION DES COLLABORATEURS MÉDECINS EN SERVICE DE SANTÉ AU TRAVAIL
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Heinrich, pour exposer sa question, n° 1461, relative à la formation des collaborateurs médecins en service de santé au travail.
M. Michel Heinrich. Je souhaite interroger Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la formation des collaborateurs médecins au sein des services de santé au travail interentreprises, les SSTI.
Les SSTI dysfonctionnent du fait de la pénurie de médecins du travail, et cela nuit aux salariés comme aux entreprises. Outre que ces entreprises peuvent se trouver en infraction faute de disponibilité des médecins, cette situation est particulièrement préjudiciable à la santé et à la sécurité des salariés, que les SSTI sont censés protéger.
Si le statut de collaborateur médecin permet de recruter de nouveaux médecins, il semble que la formation actuelle soit inadaptée pour les praticiens disposant déjà d'une expérience, comme les généralistes. En effet, cette formation dure quatre années, comme celle des étudiants qui ont choisi la spécialité médecine du travail et qui, eux, n'ont aucune expérience. Elle implique, de plus, le tutorat d'un médecin du travail, peu disponible du fait du sous-effectif chronique. Dans un tel contexte, il me paraît indispensable de raccourcir la durée de ce tutorat.
Je souhaite également souligner un problème d'application réglementaire de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Contrairement aux décrets antérieurs concernant le statut de collaborateur médecin, toujours applicables, la loi de 2016 dispose que le futur collaborateur médecin peut exercer les fonctions dévolues à un médecin du travail qualifié si son tuteur l'accepte formellement et si le praticien concerné s'engage à suivre la formation adéquate. Ce flou juridique entrave le bon fonctionnement du système. Un nouveau décret permettant une bonne application de la loi du 26 janvier est-il prévu ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des collectivités territoriales.
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État chargée des collectivités territoriales. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, actuellement en déplacement à Nice.
Comme vous l'avez rappelé dans votre question, le statut de collaborateur médecin a été créé par la loi du 20 juillet 2011 et précisé par deux décrets d'application en date du 30 janvier 2012. Ce statut a vocation à faciliter les passerelles pérennes vers la spécialité de médecine du travail et ainsi à apporter ainsi des éléments de réponse aux difficultés objectives de fonctionnement des services de santé au travail, dans le contexte de démographie médicale contrainte que vous avez rappelé. Il s'agit d'un statut novateur : le collaborateur médecin est un praticien qualifié dans une autre spécialité qui s'engage à suivre une formation en vue d'obtenir la qualification en médecine du travail auprès de l'Ordre des médecins ; au sein du service de santé au travail, il est encadré par un médecin qualifié en médecine du travail.
Selon les remontées d'informations recueillies dans le cadre du bilan de la mise en œuvre de cette réforme, au 31 décembre 2013, 154 collaborateurs médecins étaient embauchés dans un service de santé au travail, correspondant à 144 équivalents temps plein. Ces collaborateurs médecins ont un âge moyen de 50 ans et 59 % d'entre eux sont qualifiés en médecine générale.
Néanmoins, ce dispositif a rapidement montré ses faiblesses, notamment parce que le cadre juridique prévu par la loi du 20 juillet 2011 et ses décrets d'application restreignaient considérablement le champ des actes pouvant être accomplis par les médecins collaborateurs. Ces derniers ne peuvent notamment pas exercer, avant le terme de leur formation, l'ensemble des missions dévolues aux médecins du travail, en particulier celles relatives à la vérification de l'aptitude.
C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité rendre ce dispositif beaucoup plus effectif et lever, avec toutes les garanties nécessaires, les limites auxquelles il se heurtait.
Une mesure législative a ainsi été adoptée, à l'initiative du Gouvernement, dans le cadre de l'article 36 de la loi de modernisation de notre système de santé, codifié à l'article L. 4623-1 du code du travail. Cette mesure législative permet au collaborateur médecin, médecin non spécialiste en médecine du travail et engagé dans une formation en vue de l'obtention de cette qualification auprès de l'Ordre des médecins, d'exercer, sous l'autorité d'un médecin du travail d'un service de santé au travail et dans le cadre d'un protocole écrit et validé par ce dernier, les fonctions dévolues aux médecins du travail.
Le décret en Conseil d'État d'application de cette loi, fixant les conditions d'exercice des collaborateurs médecins dans les services de santé au travail, est en cours d'adoption. Il a fait l'objet d'un avis du Conseil d'orientation des conditions de travail le 18 mai dernier et va être transmis au Conseil d'État. Il permettra de lever les derniers obstacles réglementaires au recrutement des collaborateurs médecins par les services de santé au travail ainsi qu'au plein exercice de leurs missions. Ainsi, le collaborateur médecin pourra, sans attendre le terme de sa formation, exercer l'ensemble des missions dévolues aux médecins du travail, dans le cadre du protocole conclu avec le médecin du travail l'encadrant.
Vous m'avez également interrogée, monsieur le député, à propos de la durée et le contenu de la formation dans laquelle le collaborateur médecin doit s'engager parallèlement à son embauche par le service de santé au travail. Cette formation a été élaborée par le collège des enseignants hospitalo-universitaires de médecine du travail, dans un souci de garantie de qualité et de compétence.
Au-delà de cette réforme du collaborateur médecin, la ministre du travail a proposé, à l'article 44 du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, des mesures visant aussi à répondre aux enjeux de la démographie de la médecine du travail, en rendant plus effective et plus efficace la mission des professionnels des services de santé au travail, s'agissant notamment du suivi de l'état de santé des travailleurs.
La réforme conduite par le Gouvernement contribuera à conforter l'exercice de la médecine du travail en tant que spécialité à part entière et le rôle des médecins du travail au sein des équipes pluridisciplinaires de santé au travail. Cela ne pourra qu'accroître l'attractivité de cette discipline, tant pour les jeunes étudiants en médecine – c'est un enjeu essentiel qui figure dans les priorités du troisième plan Santé au travail – que pour les médecins d'autres spécialités souhaitant se reconvertir par le biais du dispositif du collaborateur médecin.
Auteur : M. Michel Heinrich
Type de question : Question orale
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Affaires sociales et santé
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mai 2016