14ème législature

Question N° 1484
de M. Arnaud Richard (Union des démocrates et indépendants - Yvelines )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transports, mer et pêche
Ministère attributaire > Transports, mer et pêche

Rubrique > transports ferroviaires

Tête d'analyse > transport de marchandises

Analyse > ligne Serqueux-Gisors. perspectives.

Question publiée au JO le : 17/05/2016
Réponse publiée au JO le : 25/05/2016 page : 3562

Texte de la question

M. Arnaud Richard appelle l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur le projet de fret ferroviaire « Modernisation de la ligne Serqueux-Gisors ». En effet, il est estimé que la desserte ferroviaire Le Havre - Rouen - Paris sera saturée d'ici 2018. Dans la perspective d'accompagner la croissance des activités du port du Havre et de faire face à la concurrence des autres grands ports d'Europe du Nord, une nouvelle ligne Le Havre - Serqueux - Gisors - Paris devrait être modernisée. Celle-ci permettrait ainsi de soutenir un flux de fret ferroviaire de plus en plus considérable. Pour cela, des trains de marchandises seraient obligés de passer sur les rails de la ligne du Transilien J6 (Paris - Mantes-la-Jolie par Conflans-Sainte-Honorine). Bien que la nécessité d'un tel projet soit compréhensible, aucune analyse des externalités négatives ne semble avoir été entreprise, notamment dans la section francilienne où de nombreuses communes n'ont pas été incluses dans le périmètre de l'enquête publique (publiée le 26 avril 2016). De fait, deux questions de fond se posent, relatives aux nuisances sonores et à la régularité des Transiliens de la ligne J6. Il est en effet établi que les trains continueront leur traversée pendant la nuit, créant des nuisances sonores considérables pour les franciliens habitant à côté des voies. En outre, un passage plus fréquent de trains de marchandises peut se faire au détriment des Transiliens, qui sont un outil vital pour l'économie du Val de Seine. Il souhaite donc avoir ses clarifications sur ces deux problématiques et les actions mises en œuvre pour y pallier.

Texte de la réponse

PROJET DE FRET FERROVIAIRE SERQUEUX-GISORS


Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour exposer sa question, n°  1484, relative au projet de fret ferroviaire Serqueux-Gisors.

M. Arnaud Richard. Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, il ne vous surprendra pas que, comme député de la vallée de la Seine, je vous interpelle sur le projet dit « Serqueux-Gisors », dont le nom est à l'image de la situation.

Lancé en 2009 par l’État, la SNCF et la région Haute-Normandie, le projet s'est bizarrement fait très discret jusqu'en mars 2013. Mais reprenons les faits depuis le début.

Il est estimé que la desserte ferroviaire Le Havre-Rouen-Paris sera saturée d'ici à 2018, ce dont chacun peut convenir.

Dans la perspective d'accompagner la croissance des activités du port du Havre et de faire face à la concurrence des grands ports d'Europe du Nord, une solution reste à trouver pour établir une connexion ferroviaire robuste et sécurisée entre le grand port maritime du Havre et l'Île-de France.

Nous en sommes à la phase de concertation. L'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique vient de se terminer et elle a été vécue, monsieur le secrétaire d’État, comme un passage en force.

Au premier abord, la nécessité d'un tel projet est compréhensible et la concertation – importante dans notre pays – aurait dû faire son œuvre, pour que tout le monde prenne en compte la situation des populations.

Néanmoins – et c'est là que le bât blesse, monsieur le secrétaire d’État –, le projet a fait l'objet d'un véritable saucissonnage, en violation des textes et de la jurisprudence constante du Conseil d’État. Des territoires concernés par le projet n'ont pas été inclus dans l'étude d'impact, alors qu'ils le sont dans l'enquête publique.

Enfin, l'étude d'impact relève de graves insuffisances, s'agissant des nuisances sonores, et reste muette sur les conséquences de ce projet pour l'Île-de-France alors qu'il affecte potentiellement des dizaines de milliers de Franciliens.

Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, je suis élu d'un territoire où les règles de droit de l'enquête publique, comme la jurisprudence du Conseil d’État, sont bien connues. Et, croyez-moi, je crains que ce projet soit très mal « emmanché ». C'est un exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, je crains – et je vous prédis – une véritable guerre procédurale dont on ne sortira pas.

Tout cela n'est pas très sérieux. Un collectif d'élus locaux – qui est interdépartemental et même interrégional, vous voyez que ce n'est pas le syndrome NIMBY, not in my backyard –, incluant la ville de Conflans-Sainte-Honorine, est mobilisé pour dénoncer un projet qui, en plus de briller par son opacité, ne prend pas en compte les externalités négatives qui lui sont liées. Je pense aux nuisances sonores, aux vibrations, à la fragilité des sous-sols, au transport de matières dangereuses, à la cohabitation du fret et du trafic de voyageurs, ainsi évidemment qu'à la dépréciation corrélative de la valeur du bâti.

Je n'entrerai pas dans le détail, mais la situation est inquiétante, monsieur le secrétaire d’État : inquiétante pour le projet, mais aussi pour le port du Havre – et je comprends nos amis normands qui veulent qu'une solution soit trouvée.

Monsieur le secrétaire d’État, dans les conditions présentes, compte tenu de l'enquête publique présentée aux acteurs concernés, il serait temps de trouver une solution alternative à ce projet ou peut-être de réfléchir à un meilleur usage de la voie d'eau dans notre pays. Vous savez que deux convois fluviaux représentent 5 000 tonnes de marchandises. Peut-être faudrait-il réfléchir d'une autre manière sur ce projet.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, vous l'avez rappelé, l'opération que l'on appelle communément « Serqueux-Gisors » vise à créer pour le fret un itinéraire alternatif à l'axe historique empruntant la vallée de la Seine, ce dernier approchant de la saturation. C'est donc un projet tout à fait vital pour l'économie de la France et le lien entre Paris et sa porte d'entrée maritime.

C'est aussi une exigence particulière pour les pouvoirs publics de répondre aux préoccupations dont vous vous faites le relais. J'ai pris la mesure des inquiétudes qui se sont exprimées au sujet des conséquences d'une augmentation des trafics ferroviaires en Île-de-France, notamment dans le Parisis. Il s'agit essentiellement de préoccupations liées au bruit et à la régularité des trains Transiliens de la ligne J6. Je les entends et je les comprends.

La situation du Parisis est prise en considération par le Gouvernement. Aussi, je vous annonce que je viens de demander au préfet du Val-d'Oise et à SNCF Réseau de me remettre impérativement avant le 30 juin un rapport sur des mesures d'accompagnement du projet pour les communes situées en dehors du périmètre de l'enquête publique. Je partagerai le résultat de ce travail avec les collectivités concernées, la région Île-de-France et le STIF, et je le rendrai public. Il devra préciser, avec le rapport de la commission d'enquête et les observations en réponse de SNCF Réseau, les éléments permettant de déclarer l'opération d'utilité publique à l'automne.

Au vu des enjeux de cette opération, nous nous devons d'assurer une insertion exemplaire du projet tout au long de l'itinéraire. C'est une condition indispensable à sa réussite.

Je crois aussi, si vous me le permettez, qu'il peut être un catalyseur pour les projets de modernisation des lignes du quotidien empruntées par des centaines de milliers de Franciliens.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. J'entends la réponse de M. le secrétaire d’État, je partage son avis quant au caractère vital d'un tel projet, mais puisqu'il a sollicité le préfet du Val-d'Oise et qu'il veut faire correctement les choses – ce dont je le remercie –, il faudrait qu'il sollicite aussi celui des Yvelines : le territoire de ce département est également concerné par le projet tel qu'il existe aujourd'hui.