réforme
Question de :
M. Patrice Carvalho
Oise (6e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Patrice Carvalho attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales sur la situation des collectivités territoriales et notamment des intercommunalités. Le plan d'économies de 50 milliards d'euros décidé par l'État sur la période 2014-2017 ravage les finances locales. Après 19 milliards d'euros en 2015, 16 milliards d'euros d'économies seront mis en œuvre en 2016 et 15 milliards s'y ajouteront en 2017. Et ce n'est pas le fonds de soutien à l'investissement des communes et de leur regroupement inscrit dans le PLF 2016, qui inversera la tendance. Les résultats sont connus : en 2014, les investissements intercommunaux ont diminué de 7,3 % et de 6,8 % en 2015, soit une baisse de près de 14 % en 2 ans. Compte tenu de la baisse de l'autofinancement, les EPCI ont un recours plus soutenu à l'endettement. Selon l'AMF, 1 500 à 2 000 communes rurales et EPCI pourraient être en situation de déséquilibre budgétaire dès 2016. Il préside une communauté de communes rurales et semi-urbaines de 16 communes dans l'Oise entre Compiègne et Noyon. Sur la période 2015-2017, la DGF aura été divisée par deux. Elle était déjà passée de 26,47 euros par habitant en 2013 à 14,13 euros en 2015. La même démonstration pourrait être faite pour sa ville de Thourotte, dont il est maire, avec une DGF à 246 euros par habitant en 2013 puis à 155,83 euros en 2016. Dans le même temps, il est réclamé au titre du fonds de péréquation (FPIC) 160 000 euros en 2016 contre 56 000 en 2013, pour une ville populaire et industrielle qui compte 37 % de logements sociaux. Cela implique le renoncement à des services pourtant utiles à la population et à des projets d'équipements, avec, pour ces derniers, un impact sur l'activité du secteur du BTP et sur l'emploi. À cela s'ajoutent des dispositions de la loi NOTRe, correspondant à de nouveaux transferts de charges. Il en est ainsi des zones d'activités économiques (ZAE) transférées aux EPCI au 1er janvier 2017 et de la compétence « eau et assainissement » aujourd'hui assumée par les communes ou des syndicats intercommunaux. Ces perspectives sont un sujet majeur de préoccupation chez tous les élus car on ne voit pas comment, ajoutées à l'asphyxie budgétaire déjà réelle des collectivités, ils seront en mesure de faire face à ces nouvelles compétences, qui, en outre, continuent de dessaisir les communes et travaillent à leur disparition.
Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2016
SITUATION FINANCIÈRE DES INTERCOMMUNALITÉS
M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour exposer sa question, n° 1486, relative à la situation financière des intercommunalités.
M. Patrice Carvalho. Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, le Congrès des maires s'est tenu il y a quelques jours. Il a témoigné de la colère des élus locaux devant le désengagement de l'État. Le Président de la République, en réponse, a annoncé une réduction de moitié de la baisse des dotations aux collectivités en 2017, mais le mal est fait et la réplique n'est pas à la hauteur des dégâts.
Je préside une communauté de communes. Entre 2013 et 2016, la DGF – dotation globale de fonctionnement – a été divisée par deux, passant de 26,47 euros par habitant à 13,83 euros. À Thourotte, la ville dont je suis maire, elle est passée sur la même période de 246 à 155 euros par habitant.
Vous nous dites qu'il revient aux collectivités de faire le même effort que l'État en matière de déficit et de dette. Mais 80 % de la dette proviennent de l'État, comme vous l'avez vous-même dit avant d'être ministre ! Seulement 9,5 % de la dette proviennent des collectivités territoriales et 4,5 % des communes et des intercommunalités. Vous nous faites payer cher, pour 4,5 % de la dette !
Les investissements des collectivités représentent 70 % de la dépense publique, avec 25 % de baisse en deux ans. Non seulement les recettes de l'État fondent mais nous perdons entre 0,6 et 0,7 % de croissance.
À cela s'ajoutent les périls à venir contenus dans la loi NOTRe. Ainsi, au 1er janvier 2017 s'opérera le transfert aux intercommunalités des zones d'activités économiques. Cela vaudra pour les zones d'activités économiques communales existantes, ce qui implique des transferts d'emprunt et des rachats de terrains à la charge des EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – sans compensation. C'est une sanction à l'égard des territoires qui ont misé sur le développement économique.
De même, le transfert de la compétence eau et assainissement sera obligatoire à partir du 1er janvier 2020. Dans ma communauté de communes, il existe six syndicats d'eau avec des niveaux d'équipement et de tarif totalement différents. Leur fusion va nécessiter une mise à niveau qui aura un coût et entraînera des hausses de prix et d'impôt considérables pour les consommateurs. Je devrai personnellement signer quatre contrats avec des intercommunalités situées hors de mon territoire.
De tels choix sont néfastes et anti-économiques.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. D'abord, je vous rassure, monsieur le député : je ne renie jamais rien ni de ce que j'ai dit ni de ce que j'ai fait, y compris avant d'entrer au gouvernement.
Ensuite, si le Congrès des maires a démarré sur fond d'inquiétudes, j'ai vu des élus repartir plutôt rassurés. Il n'était qu'à voir les applaudissements à la fin du discours du Président de la République !
M. Marc-Philippe Daubresse. Nous n'avons pas vu les mêmes !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Il est vrai que la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 prévoit 50 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017. Vous ne contesterez tout de même pas la nécessité de redresser les finances publiques ! Les collectivités territoriales devaient initialement y concourir pour 11 milliards, proportionnellement à leur poids dans la dépense publique, soit 21 %. Cette contribution s'est élevée à 3,6 milliards d'euros en 2015 ainsi qu'en 2016, et un peu plus de 2 milliards ont été apportés par le bloc communal, soit 56 % du total, correspondant à sa part dans les recettes totales des collectivités. La contribution demandée aux communes et aux EPCI a ensuite été répartie au prorata des recettes réelles de fonctionnement de chaque collectivité.
Il ne vous a pas échappé que le Président de la République a non seulement écouté mais aussi entendu les maires et qu'il les a remerciés pour les efforts réalisés pour modérer les dépenses de fonctionnement des collectivités. Il a décidé de limiter la baisse des dotations de l'État au bloc communal à 1 milliard d'euros pour 2017, soit 50 % de moins que prévu.
La progression de la péréquation horizontale a été souhaitée par le Gouvernement pour atténuer les écarts de richesse entre collectivités. Du reste, cela fait des années que, sur tous les bancs, dans les deux assemblées et même dans tous les congrès des maires, j'entends dire que la situation est inéquitable et qu'il faut de la péréquation, de la solidarité entre les communes les plus riches et les plus pauvres ! Je pense que, vu les bancs sur lesquels vous siégez, vous ne pouvez qu'être d'accord avec cette manière de voir les choses.
En 2016, les ressources du FPIC – Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – ont donc augmenté de 220 millions d'euros pour atteindre le milliard : 1 milliard en direction des moins fortunés, pris, c'est vrai, dans la caisse de celles et ceux qui ont les meilleures situations fiscales. C'est la première fois que l'on fait enfin de la péréquation. Une telle évolution pèse sur les territoires dont le potentiel financier agrégé est le plus élevé, mais elle bénéficie aux territoires dont ce potentiel et les revenus des habitants sont relativement faibles, conformément à l'objectif constitutionnel d'égalité entre les territoires.
Le Gouvernement a assoupli, dans la loi de finances de 2016, les modalités de répartition dérogatoire des prélèvements et des reversements au titre du FPIC pour permettre aux intercommunalités d'organiser leur contribution en l'adaptant aux réalités du territoire.
Le Président de la République a également annoncé le maintien et même l'augmentation du FSIL – Fonds de soutien à l'investissement public local – géré par mon ministère, qui passera de 1 à 1,2 milliard en 2017. Cette évolution permettra de porter la dotation d'équipement des territoires ruraux à 1 milliard, ce qui fait 60 % d'augmentation en trois ans.
Reconnaissez tout de même que les efforts de l'État pour accompagner les collectivités dans leurs projets d'investissements sont bel et bien une réalité, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
M. Patrice Carvalho. C'est de la langue de bois ! Vous n'avez pas répondu aux deux dernières questions.
Auteur : M. Patrice Carvalho
Type de question : Question orale
Rubrique : Coopération intercommunale
Ministère interrogé : Aménagement du territoire, ruralité et collectivités territoriales
Ministère répondant : Aménagement du territoire, ruralité et collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juin 2016