Question orale n° 1494 :
allocations et ressources

14e Législature

Question de : M. Marc-Philippe Daubresse
Nord (4e circonscription) - Les Républicains

M. Marc-Philippe Daubresse attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la question de l'allocation unique ou revenu universel minimal. Un exercice de clarification du modèle social français, à bout de souffle, est plus que nécessaire. Le système actuellement poursuivi n'est plus maîtrisé, il est complexe et aussi injuste. Si un récent rapport souligne, à juste titre, la multitude des minima sociaux, celui-ci ne va pas assez loin dans la refonte du modèle social et se base sur une logique d'assistanat. Cependant, dans la démarche de clarification, il est important de rappeler que toute allocation versée doit s'établir sur la base de droits et de devoirs. Sa proposition, quant à elle, s'appuie sur une valeur de fraternité avec une logique de responsabilité. L'idée étant de fusionner les allocations et les services pour arriver à un revenu d'activité unique ou revenu social unique, sous l'égide d'un guichet unique, avec un système de contrepartie. La contrepartie pourrait s'établir sur la base d'un nombre minimum d'heures de travail auquel devrait se souscrire le bénéficiaire de l'allocation. Il souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur la question.

Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2016

MISE EN PLACE D'UN REVENU UNIVERSEL MINIMAL
M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour exposer sa question, n°  1494, relative à la mise en place d'un revenu universel minimal.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et concerne la réforme des minima sociaux.

Chacun sur ces bancs, madame la secrétaire d'État chargée des personnes âgées, soutient les valeurs qui ont fondé le modèle social français après la Libération, dans un contexte où les problèmes de chômage et d'immigration se posaient de manière fort différente par rapport à aujourd'hui.

Le système social actuel est l'un des plus coûteux au monde, il n'est plus maîtrisé financièrement et, surtout, il est complexe et injuste.

Le récent rapport de M. Sirugue, qui fait suite à celui que j'avais moi-même remis au Président de la République sous le précédent quinquennat, préconise une refonte en profondeur de l'architecture des minima sociaux avec une couverture socle commune démarrant dès l'âge de 18 ans et remplaçant les dix minima sociaux existants, qui touchent plus de 4 millions d'allocataires.

Le scénario de ce rapport permettrait de traiter tout usager selon les mêmes règles quand ses ressources viennent à manquer, tout en bénéficiant d'un dispositif complémentaire correspondant à ses propres spécificités. Ce scénario de création d'une sorte de revenu universel coûterait extrêmement cher, puisque la seule extension du RSA aux 18-25 ans est estimée par Bercy à 6,6 milliards d'euros, sans être financée, évidemment. Cela risquerait, qui plus est, de faire peser de nouvelles charges sur les départements.

De notre point de vue, cette proposition ne va pas assez loin dans la refonte de notre modèle social et se fonde une fois de plus, sur une logique d'assistanat. Dans la nécessaire démarche de refondation de ce modèle, il est important de rappeler que toute allocation versée doit s'établir sur la base de droits et de devoirs.

C'est pourquoi nous avons proposé de créer une allocation sociale unique – ASU – qui s'appuie sur une valeur de fraternité avec une logique de responsabilité, l'idée étant de fusionner les allocations et les services pour arriver à un revenu social unique, distribué par un guichet unique, avec un système de contrepartie – celle-ci pouvant s'établir sur la base d'un nombre minimum d'heures de travail auquel devrait se soumettre le bénéficiaire de l'allocation, s'il était en état de le faire.

Cette ASU serait calculée en fonction de la composition du foyer et de ses revenus. Pour les foyers sans aucune ressource déclarée, elle dépasserait le RSA, mais serait inférieure à la somme des aides cumulables aujourd'hui. L'objectif de l'allocation sociale unique serait aussi d'ancrer dans la société la conviction qu'il est plus intéressant de travailler, quand on le peut, que de vivre des minima sociaux. Surtout, à chaque fois qu'un bénéficiaire de l'aide unique travaillerait un peu plus, l'aide serait moins dégressive que ne le sont les aides actuelles.

À la suite de ce rapport, le Premier ministre a demandé au ministère des affaires sociales d'engager un travail approfondi « qui permettra d'engager cette réforme d'ampleur dans les prochains mois ». On peut donc supposer que cela sera le cas avant l'élection présidentielle. Pouvez-vous nous dire où vous en êtes dans ce chantier fondamental et comment vous comptez y associer la représentation nationale ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le député, la question des minima sociaux rappelle, s'il le fallait, la différence entre la droite et la gauche : au sujet du RSA et des minima sociaux, vous parlez d'assistanat quand nous parlons de solidarité.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ce sera bientôt sanctionné par le peuple !

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Votre proposition de contraindre les bénéficiaires du RSA à des heures de travail est choquante et impraticable : choquante, car tout travail mérite salaire ; impraticable, car cette proposition donne à penser qu'il existerait des activités que l'on pourrait confier à des bénéficiaires du RSA. C'est faux. Il n'y a pas des centaines de milliers d'emplois dormants qui pourraient être occupés. D'ailleurs, les associations d'insertion vous disent qu'elles ne pourront assurer la mise en œuvre d'un tel dispositif.

Sur le fond, notre système de minima sociaux est complexe et le reflet de l'histoire. Les gouvernements successifs ont essayé, sans succès, de le rendre plus simple et plus lisible. Nous avons relevé ce défi, en remplaçant le RSA activité et la prime pour l'emploi par la prime d'activité destinée aux Français qui travaillent dur et qui touchent des revenus modestes. Le succès est au rendez-vous : au bout de trois mois, la prime a bénéficié à plus de 2,3 millions de foyers, représentant plus de 3,8 millions de personnes. Elle est un droit nouveau pour 400 000 jeunes.

S'agissant des propositions formulées par le député Christophe Sirugue, le Gouvernement est en train de les analyser. Elles sont profondes et devront être mises en œuvre dans la durée, comme le Premier ministre l'a annoncé. Naturellement, nous veillerons à définir un équilibre entre les droits et les devoirs des bénéficiaires, mais sans jamais considérer qu'un citoyen qui rencontre des difficultés est un assisté.

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. Si Mme la secrétaire d'État avait lu le rapport que j'ai publié il y a quelques années, lequel a d'ailleurs bien inspiré M. Sirugue, puisque j'y recommandais déjà, en 2010, la création de la prime d'activité, elle aurait pu voir que je préconisais un complément de ressources pour les personnes accomplissant un travail d'intérêt général ou auprès de chantiers d'insertion. Mais, comme elle l'a dit, cette question illustre la différence entre la droite et la gauche, débat qui sera tranché l'année prochaine lors des élections présidentielles et législatives.

Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. le président. Je ne doute pas que nous reviendrons sur ce sujet, monsieur le député…

Données clés

Auteur : M. Marc-Philippe Daubresse

Type de question : Question orale

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : Affaires sociales et santé

Ministère répondant : Affaires sociales et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juin 2016

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