14ème législature

Question N° 1504
de M. Joël Giraud (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Hautes-Alpes )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > collectivités territoriales

Tête d'analyse > finances

Analyse > emprunts à taux variables. conséquences.

Question publiée au JO le : 09/01/2014
Réponse publiée au JO le : 09/01/2014 page : 100

Texte de la question

Texte de la réponse

EMPRUNTS TOXIQUES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES


M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Ma question s'adresse au ministre de l'économie et des finances et concerne les emprunts dits toxiques contractés par de trop nombreuses collectivités territoriales.

Il y a quelques mois, dans l'hiver d'une année révolue, nous nous félicitions de l'adoption d'un texte attendu et nécessaire qui visait à mieux séparer les activités bancaires et à moraliser la finance.

Il y a quelques semaines, le Gouvernement inscrivait, à l'article 60 du projet de loi de finances pour 2014, des dispositions qui faisaient de l'État le protecteur des banques contre certaines actions judiciaires engagées par des collectivités ayant contracté à leur insu des emprunts toxiques. Étaient ainsi validés les contrats d'emprunts bancaires ne faisant pas mention du taux effectif global ou TEG, et étaient aussi diminuées les sanctions encourues en cas de TEG erroné, alors même que le tribunal de grande instance de Nanterre, dans une récente décision particulièrement équilibrée dans sa rédaction, avait considéré que l'absence d'un TEG dans le contrat de crédit invalidait en partie l'accord passé entre une collectivité et un établissement de crédit.

Cette concession de l'État aux banques n'avait alors pas échappé au groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, qui avait déposé deux amendements de suppression des paragraphes II et III de l'article. Je les avais défendus en répétant qu'il me paraissait tout à fait surprenant de vouloir changer les règles alors que les contrats avaient déjà été signés. J'ai également déploré que ces mesures soient généralisées à l'ensemble des personnes morales, c'est-à-dire applicables non plus seulement aux collectivités mais aussi aux entreprises et aux banques étrangères, qui avaient inondé d'emprunts toxiques le marché français.

Il y a quelques jours, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision relative à la loi de finances pour 2014. Le 29 décembre 2013, les deux dispositions que j'ai rappelées ont ainsi été censurées, sur la base des mêmes motifs que ceux qu'avait défendus le groupe RRDP.

Mes questions seront donc les suivantes, monsieur le ministre. Premièrement, pouvez-vous assurer à la représentation nationale que vous ne reviendrez pas sur la décision du Conseil constitutionnel ? Deuxièmement, travaillez-vous à une solution qui préserve et mette en œuvre rapidement le fonds de soutien aux collectivités, afin de diminuer le risque de contentieux sans exonérer les banques du coût de l'aléa moral ? Troisièmement, poursuivez-vous la nécessaire concertation entre l'État et les collectivités, notamment au sujet du taux qui sera appliqué pour doter ce fonds et qui doit être proportionné à la réalité de la situation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député Joël Giraud, comme vous le savez, le Gouvernement a trouvé à son arrivée aux affaires le lourd dossier des prêts dits toxiques. Il s'est très vite attelé à la recherche de solutions, non seulement pour la situation liée aux emprunts, mais aussi pour répondre au problème plus général du financement des collectivités territoriales.

Concernant le financement, le Gouvernement a mis en place des outils pérennes pour pallier les défaillances qui avaient pu être observées. Je pense notamment à la Société de financement local, la SFIL, et au travail mené avec la Banque postale. Toutes les collectivités peuvent aujourd'hui trouver un financement à des taux raisonnables.

Sur les prêts dits toxiques, après un premier fonds de soutien créé en 2012, un fonds bien plus large, qui sera doté de 100 millions d'euros par an pendant quinze ans, a été mis en place par la loi de finances pour 2014 et validé par le Conseil constitutionnel. Je m'en félicite, et je pense que vous aussi. C'est en effet une des pierres angulaires du dispositif. Comme vous le soulignez, cela permettra d'aider les collectivités territoriales à gérer au mieux les contentieux, leur permettant de préserver leurs intérêts.

Notre dispositif reposait également sur des dispositions visant à sécuriser les prêts, dans le but, non pas d'aider les banques, comme vous l'avez dit, car ce n'est pas mon intention – et d'ailleurs, dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, les prêts toxiques ont été interdits –, mais de préserver les finances publiques, notamment la SFIL, la Banque postale et ce qui a pris la suite de DEXIA.

Ce dispositif faisait l'objet d'un accord avec les collectivités territoriales dans le cadre d'un pacte de confiance, ce qui est essentiel. Il était encadré et ne revenait pas sur la faculté des collectivités de mener des contentieux. Le Conseil constitutionnel a, pour des raisons assez formelles, annulé ces dispositions. Le Gouvernement proposera les dispositions législatives les plus adaptées pour tenir pleinement compte de cette décision. Une fois encore, il n'est dans mon intention ni de protéger les banques ni de revenir sur cette décision, mais d'agir dans le sens de l'intérêt des collectivités territoriales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)