Question de : M. Jean-Luc Reitzer
Haut-Rhin (3e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Luc Reitzer attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation de la recherche privée en France. Alors que la France compte 210 000 chercheurs publics et privés, et près de 800 000 ingénieurs et scientifiques, notre pays perd du terrain sur le plan de l'innovation. En effet, la proportion de recherche publique est importante mais les entreprises, malgré le succès du crédit d'impôt recherche, innovent de moins en moins. La France souffre d'un manque d'entreprises de taille moyenne innovantes. En outre, en termes de brevet, notre pays se situe en position intermédiaire au sein de l'Union européenne mais est toutefois nettement distancé par l'Allemagne et les pays nordiques. Si le rapport Gallois insiste légitimement sur les « grands programmes au service de l'innovation et de l'ambition européennes », il demande comment le Gouvernement compte concrètement encourager la recherche et l'innovation pour les PME.

Réponse publiée le 16 avril 2013

Les comparaisons portant sur la recherche privée et l'innovation entre pays européens, notamment entre la France et l'Allemagne, doivent tenir compte d'une part des différences de structure économique entre ces pays, d'autre part des caractéristiques de chaque secteur au regard de l'innovation. C'est dans l'industrie que se fait l'essentiel de la R&D et de l'innovation. Or en dix ans la part de l'industrie dans la valeur ajoutée a baissé de 5 points environ en France, tandis qu'elle est restée à peu près constante en Allemagne où l'industrie a un poids bien plus significatif dans l'économie (25 % de la valeur ajoutée brute marchande en 2009, contre 13 % en France[1]). De manière plus fine, on observe que la répartition sectorielle des activités industrielles de chaque pays est également différente, ce qui accentue les écarts constatés en faveur de l'Allemagne. En effet, selon les études du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR), l'industrie allemande est plus orientée vers les secteurs de forte intensité technologique que l'industrie française, puisque les industries de moyenne-haute technologie (industrie automobile, fabrication de machines et équipements, fabrication d'équipements électriques, industrie chimique) et de haute technologie (industrie pharmaceutique, fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques, construction aéronautique et spatiale) représentent 12,9 % de la valeur ajoutée brute marchande en Allemagne, contre 4,5 % en France. Toutefois les écarts d'intensité en recherche et développement (R&D) constatés au sein de chaque secteur industriel entre nos deux pays jouent parfois en faveur de la France. Si en France l'intensité en R&D est plus faible au sein des entreprises de l'industrie de moyenne-haute technologie (les entreprises de ce secteur consacrant 3,9 % de leur chiffre d'affaires à la R&D en France, contre 4,6 % en Allemagne), elle est plus élevée au sein des entreprises de l'industrie de haute technologie (10,9 % en France contre 8,4 % en Allemagne). L'intensité en R&D dans le secteur privé a augmenté en France sur la période récente, notamment depuis la mise en place du crédit d'impôt recherche (CIR) en volume en 2008, passant de 1,30 % du PIB en 2007 à 1,39 % en 2009[2]. D'autre part, selon une étude de l'institut national de la statistique et des études (INSEE) [3] le taux d'innovation des entreprises a augmenté en France de 2006-2008 à 2008-2010 (passant de 46 % à 49 % des entreprises) si l'on considère à la fois les innovations technologiques (de produit ou de procédé) et les innovations non technologiques (d'organisation ou de commercialisation). Si la part d'entreprises ayant effectué des innovations technologiques a bien baissé durant la même période (de 31 % à 28%), elle se maintient ou augmente dans les secteurs clés de l'industrie et des technologies de l'information et de la communication (TIC). Cette baisse provient en partie d'un effet de structure selon l'INSEE), la crise économique ayant touché plus lourdement l'industrie que les autres secteurs. Cependant cette tendance négative a été en partie compensée par la hausse de l'intensité en R&D dans chaque secteur économique - industrie et services -, fortement encouragée par le CIR : sans cette hausse, en 2009 l'intensité totale en R&D du secteur privé aurait été inférieure de 0,4 point selon le MESR. Cette hausse de l'intensité en R&D devrait se traduire dans les prochaines années par l'introduction de produits et procédés nouveaux par les entreprises. Toujours selon l'INSEE, la part d'entreprises ayant effectué des innovations non technologiques est en hausse dans tous les secteurs entre 2006-2008 et 2008-2010. Moins coûteuses que les innovations technologiques, celles-ci ont permis aux entreprises de s'adapter à un contexte économique plus difficile et également de préparer l'avenir. La France compte beaucoup moins d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) que l'Allemagne (4 195 en 2009 selon la Banque de France[4], contre plus de 10 000 ETI en Allemagne selon Ernst & Young[5]). Là encore, cette différence avec l'Allemagne s'explique en grande partie par le poids supérieur de l'industrie allemande dans son PIB, puisque les ETI sont à dominante industrielle. Les ETI sont plus intensives en R&D que les petites et moyennes entreprises (PME), ce qui leur permet d'être innovantes, de créer des emplois et de pouvoir exporter. La croissance du nombre d'ETI en France est donc un objectif majeur. En matière de dépôts de brevets, la France avec 40,0 familles de brevets triadiques[6] par habitant selon l'OCDE sur la période 2005-2007 est effectivement distancée par l'Allemagne (76,0) et les pays du nord de l'Europe, mais elle distance le Royaume-Uni (27,9), les pays du sud de l'Europe, l'Union européenne à 27 (30,3), le Canada (22,7) ou l'Australie (17,3). Encore une fois, une partie de l'écart entre la France et l'Allemagne s'explique par la différence de structure économique des deux pays, l'industrie plus forte en Allemagne déposant plus de brevets que les autres secteurs. On observe également que la Suisse, qui a une structure industrielle proche de celle de l'Allemagne mais avec une industrie pharmaceutique plus développée, obtient de meilleurs résultats que l'Allemagne en termes de poids des dépenses de R&D dans la valeur ajoutée brute et de dépôts de brevets, avec 119,7 familles de brevets triadiques déposées par habitant, contre 76,0 pour l'Allemagne. Afin d'encourager les PME à développer leurs activités de recherche et d'innovation, le Gouvernement a pris plusieurs décisions. En addition du crédit d'impôt recherche (CIR) qui incite les entreprises à investir dans la R&D, la loi de finances pour 2013 prévoit pour les PME l'extension du CIR à certaines dépenses d'innovation situées en aval de la R&D, relatives à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits (biens ou services). Cette baisse du coût de l'innovation de produit pour les PME permettra de mieux les soutenir dans leur développement, avec à terme une augmentation du nombre d'ETI en France. La banque publique d'investissement (BPI), mise en place en janvier 2013, pourra soutenir financièrement les PME durant les périodes clés de leurs projets d'investissement et notamment durant les périodes les plus risquées du processus d'innovation. La BPI mettra en place un préfinancement du CIR afin de soulager la trésorerie des entreprises qui innovent. La mise en place prochaine du brevet unique européen permettra aux PME françaises de bénéficier d'un coût de dépôt de brevets très inférieur (passant de 30 000 euros en moyenne à 5 000 euros), ce qui augmentera significativement leur incitation à effectuer des innovations. Dans le cadre de l'initiative CEA Tech, la direction de la recherche technologique du CEA (commissariat à l'énergie atomique) déploie ses plateformes à Toulouse, Bordeaux et Nantes dans un premier temps afin d'accompagner les industriels locaux dans la montée en gamme de leurs produits par l'innovation. Enfin, les 15 mesures sur le transfert technologique de la recherche publique[7] annoncées au conseil des ministres du 7 novembre 2012 et les travaux de la commission pilotée par Pierre Tambourin et Jean-Luc Beylat sur l'optimisation du système national et régional de transfert et d'innovation permettront de faciliter et d'améliorer le transfert technologique entre la recherche publique et les entreprises en France. [1] Le Ru, N. (2012), « Un déficit d'effort de recherche des entreprises françaises ? Comparaison France-Allemagne », note d'information 12.09, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. [2] Le Ru, N. (2012), « Dans une économie tournée vers les services, la recherche industrielle française reste dynamique », note d'information 12.01, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche [3] Bouvier, A. (2012), « Innover pour résister à la crise ou se développer à l'export », INSEE n° 1420 [4] Selon l'INSEE, une entreprise de taille intermédiaire est une entreprise qui a entre 250 et 4999 salariés, et soit un chiffre d'affaires n'excédant pas 1,5 milliards d'euros soit un total de bilan n'excédant pas 2 milliards d'euros. [5] Ernst & Young (2009), « Grandir en Europe Etude ETI », 16 décembre 2009. [6] Les familles triadiques de brevets regroupent les brevets déposés à la fois auprès de l'office européen des brevets (OEB), de l'US Patent and Trademark Office (USPTO) et du Japan Patent Office (JPO). [7] « 15 mesures pour une nouvelle dynamique de transfert de la recherche publique, levier de croissance et de compétitivité », Geneviève Fioraso, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Données clés

Auteur : M. Jean-Luc Reitzer

Type de question : Question écrite

Rubrique : Recherche

Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche

Dates :
Question publiée le 8 janvier 2013
Réponse publiée le 16 avril 2013

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