14ème législature

Question N° 1538
de Mme Laurence Dumont (Socialiste, écologiste et républicain - Calvados )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > élections et référendums

Tête d'analyse > élections municipales

Analyse > fraude. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 22/11/2016
Réponse publiée au JO le : 30/11/2016 page : 8022

Texte de la question

Mme Laurence Dumont rappelle à M. le ministre de l'intérieur qu'au lendemain des élections municipales de 2014, dans sa circonscription, le tribunal administratif de Caen annulait l'élection des deux conseillers municipaux Front national et prononçait l'inégibilité d'un an pour la tête de liste, compte tenu « de la gravité de la manœuvre commise ». Le tribunal a en effet estimé que le consentement de sept personnes à figurer sur la liste « Giberville Bleu Marine » avait été obtenu par l'effet d'une manœuvre dissimulant, sur le document qui leur a été présenté, le fait qu'il leur était en réalité demandé, par leur signature, de se porter candidats. Si l'élection des deux fraudeurs a été annulée, les deux candidats de la liste adverse qui auraient pu siéger en sont empêchés et le conseil municipal fonctionne avec 24 conseillers au lieu de 26. La députée a déposé une proposition de loi pour que ces agissements ne puissent pas se reproduire. Elle a bon espoir qu'elle soit examinée avant la fin de la législature. Néanmoins, il lui semble nécessaire de prévoir un mécanisme, en cas de fraude avérée et d'annulation de l'élection des fraudeurs, permettant aux candidats des autres listes de compléter le conseil municipal, dans les cas où une nouvelle élection n'est pas envisagée. En effet, si les candidats fraudeurs ont perdu leur siège, les non élus et les élus de la liste ayant remporté l'élection se sentent doublement pénalisés. Ils ne sont pas élus et les sièges ne sont pas pourvus. Aussi, elle lui serait reconnaissante de bien vouloir faire part aux élus de Giberville mais aussi des autres communes concernées par ces abus, de ce que l'État met en œuvre afin, à l'avenir, d'éviter ces situations.

Texte de la réponse

ANNULATION DE L'ÉLECTION DE CONSEILLERS MUNICIPAUX


Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour exposer sa question, n°  1538, relative à l'annulation de l'élection de conseillers municipaux.

Mme Laurence Dumont. Madame la ministre, au lendemain des élections municipales de 2014, dans ma circonscription, le tribunal administratif de Caen annulait l'élection des deux conseillers municipaux Front national et prononçait l'inéligibilité d'un an pour la tête de liste, compte tenu « de la gravité de la manœuvre commise ». Le tribunal a en effet estimé que le consentement de sept personnes à figurer sur la liste « Giberville Bleu Marine » avait été obtenu par l'effet d'une manœuvre dissimulant, sur le document qui leur a été présenté, le fait qu'il leur était en réalité demandé, par leur signature, de se porter candidats.

Si l'élection des deux fraudeurs a été annulée, les deux candidats de la liste adverse qui auraient pu, et dû, siéger en sont empêchés et le conseil municipal fonctionne avec vingt-quatre conseillers au lieu de vingt-six. J'ai déposé une proposition de loi pour que ces agissements ne puissent pas se reproduire. J'ai bon espoir qu'elle soit examinée avant la fin de la législature et j'attends avec intérêt et impatience l'avis du Gouvernement à ce sujet. Par ailleurs, en cas de fraude avérée et d'annulation de l'élection des fraudeurs, il me semble nécessaire de prévoir un mécanisme permettant aux candidats des autres listes de compléter le conseil municipal, dans les cas où une nouvelle élection n'est pas envisagée. En effet, si les candidats fraudeurs ont perdu leur siège, les non-élus et les élus de la liste ayant remporté l'élection se sentent doublement pénalisés. Ils ne sont pas élus et les sièges ne sont pas pourvus. Aussi, je vous serais reconnaissante de bien vouloir dire aux élus de Giberville, mais aussi des autres communes touchées par de tels abus, de ce que l'État peut faire afin d'éviter, à l'avenir, ces situations plus que regrettables pour le fonctionnement de notre démocratie.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Madame la députée, je suis en mesure de préciser, au nom du ministère de l'intérieur, une série d'éléments, et de répondre à votre proposition. Dans le cadre d'un contentieux électoral, il appartient au juge de l'élection, lorsqu'il constate que seules des manœuvres frauduleuses ont permis la constitution et le dépôt d'une liste, de rechercher si, eu égard aux résultats des opérations électorales, ces manœuvres ont altéré la sincérité du scrutin dans son ensemble. Dans l'affirmative, le juge annulera ces opérations dans leur intégralité ; dans la négative, il lui appartiendra d'annuler uniquement l'élection des candidats figurant sur la liste irrégulièrement constituée. C'est dans cette situation que se trouve la commune citée. Le juge a suivi ce raisonnement pour n'annuler que l'élection des deux conseillers municipaux figurant sur la liste considérée comme irrégulière.

Le vice affectant la présentation de la liste dans son ensemble, il n'a pas été possible de faire application des dispositions relatives au remplacement des conseillers municipaux dans les communes de mille habitants et plus, et de faire appel aux suivants de liste, comme vous l'avez indiqué. Les sièges concernés sont donc vacants depuis cette annulation car les conditions nécessaires à l'organisation d'une élection partielle intégrale n'étaient pas non plus réunies. Le juge de l'élection ne saurait décider de façon discrétionnaire de l'attribution de ces sièges à la liste arrivée en tête ou aux autres listes. Et modifier l'article L. 270 du code électoral serait contraire à l'expression démocratique dans la mesure où les élus des autres listes devraient se présenter à nouveau alors qu'ils ont été régulièrement élus.

Une solution éventuelle à ces difficultés se situerait en réalité en amont de l'élection, au moment du dépôt des candidatures. Il s'agit précisément de la proposition, dont vous avez fait part au ministre de l'intérieur, consistant à modifier les dispositions du code électoral relatives aux modalités de dépôt de candidature pour les élections municipales, départementales, régionales et européennes, pour ajouter une mention manuscrite à la suite de la signature de la déclaration de candidature, précisant : « La présente signature marque mon consentement à me porter candidat à l'élection [..] sur la liste menée par […] » – nom et prénoms du candidat tête de liste. Cette solution paraît au ministre de l'intérieur plus solide juridiquement. Si une telle proposition de loi venait à être débattue au sein de cette assemblée, elle recueillerait le soutien du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Madame la ministre, je vous remercie car il faut faire avancer ce sujet. Je comprends les difficultés que vous évoquez. En l'occurrence, à Giberville, il n'y avait qu'une seule autre liste, donc les deux candidats pénalisés, qui sont en fin de liste, ont du mal à admettre la situation. Mais je prends note, avec intérêt, de l'accord du Gouvernement sur ma proposition de loi ; j'ai déjà celui du président du groupe pour inscrire ce texte à l'ordre du jour avant la fin de la session. Nous aurons alors fait œuvre utile contre ces manœuvres frauduleuses.